" L GENOCIDE ARMéNIEN EN 3E" DANS L'ACADéMIE DE DIJON
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69107
Publié le : 21-11-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le site collaboratif
et disciplinaire Â" Hist/Geo et Education Civique Â" présente des
informations professionnelles a destination des enseignants et des
activités proposées par des collègues de l'Académie de Dijon. Parmi
les articles les plus récents, on note Â" Le génocide arménien,
programme de 3e Â", posté le dimanche 18 novembre 2012 par J-F Boyer.
Cet article propose une séance d'une heure pour le programme de
3e a propos du génocide arménien. Bonne initiative mais il est
regrettable que la Revue L'Histoire, n° 341, avril 2009, ait été
relayée dans ce cours. Avec, en particulier, l'interview - très
controversée parmi les spécialistes du génocide arménien - de
l'historien Fuat Dundar (p.
8-21). Ce dernier y minimise le génocide arménien, qu'il ne qualifie
d'ailleurs pas en ces termes. Ce n'est pas un hasard si les étonnantes
positions de Fuat Dundar (que l'on avait connu dans un tout autre
registre) sont encensées ou reprises par les sites négationnistes
pro-turcs tels que Â" Turquie News Â" ou Â" Arménologie - Le peuple
arménien, son histoire, ses mÅ"urs, ses mentalités Â". Avec le nom
de ce site, tous les commentaires sont superflus...
Légende photo: Armenie 1915, Armin Wegner
L'Académie de Dijon
Le génocide arménien, programme de 3e
dimanche 18 novembre 2012 par J-F Boyer
Cet article propose une séance d'une heure pour le programme de 3e
a propos du génocide arménien.
Le génocide arménien
Le peuple arménien a subi un massacre de masse (1915-1916), une
extermination sous la forme d'une déportation (marche de la mort),
en particulier des femmes, des enfants et des vieillards dans des
conditions atroces ayant abouti a la destruction d'une grande partie
de la population. Cette destruction s'est aussi accompagnée de
l'extermination des hommes de moins de 50 ans (exécutions) et la Â"
transformation Â" (terme de Daniel Goldhagen) puisqu'un certain nombre
d'enfants arméniens ont été placés dans des familles turques pour
être islamisés.
Ce massacre de masse est un acte politique réfléchi et planifié
par les responsables Â" jeunes turcs Â" au pouvoir (Mehmet Talat et
Ismail Enver). Â" Le cahier de Talat Pacha montre l'enregistrement des
Arméniens : Â" l'Etat de Talat Pacha est une grande machine a compter
[...] il a, au-dela de son pouvoir politique, les moyens techniques
d'observer, de coordonner et de maîtriser tous les détails de la
déportation Â" écrit l'historien turc Fuat Dundan. Il ajoute qu'Â"
en consultant les documents administratifs qui se trouvent dans les
archives ottomanes, on comprend que Talat Pacha et le gouvernement
savaient parfaitement ce qu'il advenait des Arméniens. On sait que
Talat a ordonné aux gouverneurs de Diyarbakir, le 12 juillet, d'Ankara
le 27 juillet et enfin de toutes les provinces le 29 aoÃ"t d'arrêter
les massacres. C'est a cette date qu'on trouve pour la première fois
pour en nier l'existence l'expression Â" politique d'extermination Â"
imha siyaseti Â". Le massacre est bien une décision politique dont les
nombreuses lettres et documents d'archives confirment le caractère
réfléchi. Â" Talat explique : Â" on a proposé et examiné des
projets et des hypothèses destinés a régler définitivement, de
manière exhaustive et absolue, cette question, qui figure en bonne
place par les sujets vitaux pour l'Etat Â" cite D. Goldhagen (page 92).
L'historien turc Taner Akcam rapporte : Morgenthau prit note d'un
autre entretien sur le sujet avec Talât a la date du 3 aoÃ"t
1915 : Â" Talât...m'a affirmé que le comité Union et Progrès
avait soigneusement étudié l'affaire jusque dans le monde
détail et que la politique menée était celle qu'ils avaient
officiellement adoptée. Il ajouté que je ne devais pas imaginer
que les déportations avaient été décidées a la va-vite ; en
réalité, elles étaient le fruit de délibérations prolongées
et minutieuses.. .Ce dont il question...c'est l'élimination des
Arméniens Â" (Taner Akcam, Un acte honteux, Folio histoire 2006,
2012, pp. 230-231). Cet historien écrit que Â" de nombreux membres
du gouvernement ignoraient la décision génocidaire qui fut,
nous semble-t-il, prise par le parti fin mars et exécutée sous le
couvert du décret gouvernemental de déportation a la fin du mois de
mai. Le gouvernement fut également exclu par principe des opérations
ultérieures Â" (p. 231). De même certains gouverneurs ont refusé de
diriger les massacres préférant démissionner ou être remplacés,
sans intervenir pour empêcher ces massacres. Â" Certains refusent de
participer a ce massacre. Â" Mazhar Bey, révoqué de son poste de
gouverneur d'Ankara, décrit dans sa déposition comment les choses
se sont passées : Â" quand j'ai recu du ministère de l'Intérieur
des ordres concernant la déportation d'Arméniens, j'ai fait mine
de ne pas comprendre. Comme vous le savez, d'autres provinces ont
achevé les déportations avant même que j'ai commencé. Et puis,
un jour, Atif Bey est venu me voir et m'a transmis oralement les
ordres du ministère de l'Intérieur exigeant que les Arméniens
soient assassinés pendant la déportation. Â" Non, Atif Bey, ai-je
dit, je suis un gouverneur par un bandit, je ne peux pas faire ca,
je préfère quitter mon poste, vous n'avez qu'a venir faire ca
vous-même Â" (p. 242).
Cette politique s'inscrit dans le contexte international de la guerre
14-18. Ils profitent de la guerre pour ne pas être dérangés par des
interventions diplomatiques susceptibles de les empêcher de mener
a bien leurs opérations de nettoyage des régions arméniennes et
par les menaces russes de conquête du territoire turc. Â" Dans ces
conditions, comme le disait Enver Pacha au consul américain, Â" on
ne peut pas se permettre un attaque dans le dos Â", c'est-a-dire en
Anatolie orientale Â" (Fuat Dundar). Les Â" jeunes turcs Â" répondent
aussi aux menaces extérieures (Dardanelles en 1915, attaques russes
dans le Caucase) pour se recentrer sur l'Anatolie et Â" renforcer son
caractère musulman et turc, en modifiant la population des régions
majoritairement turque et musulmane Â" écrit Fuat Dundar.
La construction d'une nation explique le massacre de masse d'un
peuple. Â" Sous couvert de la guerre, les dirigeant turcs décidèrent
d'éliminer leur Â" problème arménien Â" parce qu'ils considéraient
que les Arméniens constituaient un élément irrémédiablement non
turc qui présentait une menace sécessionniste. Les Turcs brandirent
l'accusation, flagrante de fausseté, que les Arméniens, durant la
Grande Guerre, s'étaient révoltés contre la Turquie et avaient
soutenu l'ennemi russe ; ils s'en servirent pour les Â" déporter
Â", c'est-a-dire les ramasser et les concentrer, non sans massacrer
rapidement les hommes en âge de porter les armes, avant qu'ils
eussent organisé le départ a pied des populations arméniennes -
ou juste après. Dans un rapport contemporain, le consul américain
a Kharpert explique ce que tout le monde comprenait derrière le mot
de déportation et ce que les Turcs firent des hommes arméniens : Â"
s'il s'était simplement agi d'être obligé de quitter le lieu où
l'on se trouve pour aller quelque part ailleurs, cela n'aurait pas
été si terrible, mais tout le monde savait qu'il s'agissait d'aller
vers sa propre mort...Il semble que le système qui est mis en Å"uvre
consiste a poster des bandes kurdes qui les attendent sur les routes,
pour tuer tout particulièrement les hommes, et éventuellement
certains des autres marcheurs. La manÅ"uvre tout entière semble
conduite au massacre le plus parfaitement organisé et le plus
épouvantable jamais commis dans ce pays Â" (Goldhagen, p. 53).
Il est a noter que les Arméniens d'Istanbul n'ont pas fait l'objet
d'une extermination (pour rester discret ? ou minorité mieux
intégrée ?). Fuat Dundar explique que Â" pour Istanbul et Edirne
les autorités craignaient d'avoir a expliquer au monde civilisé la
déportation de populations vivant en terre européenne Â".
Une Turquie plus pluraliste n'était pas la vision des dirigeants
politiques. Â" Comme l'élimination de masse des Arméniens, de
nombreux autres meurtres de masse de notre temps se déroulant sur
un territoire national découlent de la conviction de ceux qui les
ont perpétrés que la tuerie de masse est un moyen raisonnable pour
détruire une opposition politique, pour prévenir une sécession ou
pour sauvegarder leur pouvoir pour leur existence Â" note D.Goldhagen
(p.55). Elle rejoint les motivations différentes de la population
turque dont certains basculent dans l'acte de massacrer ou de fermer
les yeux...
En effet, cette politique est réalisée avec l'accord d'une partie de
la population turque dont les 30 000 Turcs dans les unités spéciales,
d'autres dans l'armée (Â" Ali Ihsan commandant de la 6e armée de
Mossoul, qui a étudié en Allemagne et parlait parfaitement allemand,
a déclaré en d'innombrables occasions en présence d'Allemands
qu'il ne laisserait pas un seul Arménien en vie dans sa zone de
commandement.
Il prenait plaisir a dire aux officiers allemands qu'il avait tué des
Arméniens de ses propres mains Â" (Taner Akcam, p. 256)), les forces
de police et des attaques spontanées de la part des populations locale
Â" selon l'historien Fuat Dundar. Les Â" massacreurs Â" selon Goldhagen
sont nourris de préjugés et de haines anciennes, d'inquiétudes,
exaspérés par le désir des Arméniens d'une plus grande autonomie
politique, souhaitent renforcer le caractère musulman et turc du
cÅ"ur de la Turquie anatolienne et sont susceptibles de confisquer
aussi les biens arméniens dans ces régions de l'Anatolie sujettes
selon eux a une moindre obéissance aux gouvernements. Les désirs des
dirigeants se conjuguent avec ceux d'une partie de la population civile
pour réaliser cette politique Â" éliminationniste Â" pour reprendre
le terme et les idées de Daniel Goldhagen dans son ouvrage Pire que
la Guerre, massacre et génocide au XXe siècle. "Talat n'eut aucun
mal a mobiliser les conceptions éliminationnistes anti arméniennes
préexistantes chez de nombreux Turcs Â" (Goldhagen, p. 97). Mais ce
meurtre est réalisé parce que des dirigeants politiques l'ont voulu
et ont ainsi pu activer une partie de la population. Â" Avant que
Talat ne prît le pouvoir en Turquie, les Turcs haïssaient largement
les Arméniens et ils avaient même été mobilisés par deux fois
au cours des décennies précédentes pour des orgies de massacre
de masse. Cependant, le gouvernement qui précéda Talat ne choisit
pas de provoquer l'élimination totale des Arméniens, et il ne se
produisit donc aucun programme de meurtre de masse et d'expulsion a
l'échelle nationale alors que c'eÃ"t été chose aisée. Ce fut la
décision de Talat et d'Enver que de mettre en route un meurtre de
masse et une élimination complète Â" écrit D.Goldhagen. Le rôle
des dirigeants est analysé avec soin par Taner Akcam, notamment dans
les pages 167 et suivantes.
D.Goldhagen cite un document de décembre 1914 ou janvier 1915 fruit
d'une réflexion de 5 membres du gouvernement turc dont Talat.
Â" -1° En s'autorisant des articles 3 et 4 du CUP, interdire toutes
les associations arméniennes, arrêter ceux des Arméniens qui ont,
a quelque moment que ce soit, travaillé contre le gouvernement,
les reléguer dans les provinces, comme Bagdad ou Mossoul, et les
éliminer en route ou a destination.
2° Confisquer les armes.
3° Exciter l'opinion musulmane par des moyens appropriés et adaptés
dans des districts comme Van, Erzeroum ou Adana où il est de fait
que les Arméniens se sont déja acquis la haine des musulmans,
et provoquer des massacres organisés, comme firent les Russes a Bakou.
4° S'en remettre pour ce faire a la population dans les provinces
comme Erzeroum, Van, Mamouret-ul Aziz et Bitlis et n'y utiliser les
forces militaires de l'ordre (comme la gendarmerie) qu'ostensiblement
pour arrêter les massacres ; faire au contraire intervenir ces mêmes
forces pour aider activement les musulmans dans des conscriptions
comme Adana, Sivas, Brousse, Ismit et Smyrne.
5° Prendre des mesures pour exterminer tous les mâles au-dessous
de 50 ans, les prêtres et les maîtres d'école ; permettre la
conversion a l'Islam des jeunes filles et des enfants.
6° Déporter les familles de ceux qui auraient réussi a s'échapper
et faire en sorte de les couper de tout lien avec leur pays natal.
7° En alléguant que les fonctionnaires arméniens peuvent être
des espions, les révoquer et les exclure absolument de tout poste
ou service relevant de l'administration de l'Ã~Itat.
8° Faire exterminer tous les Arméniens qui se trouvent dans l'armée
de la facon qui conviendra, ceci devant être confié aux militaires.
9° Démarrer l'opération partout au même instant afin de ne pas
laisser le temps de prendre des mesures défensives.
10° Veiller a la nature strictement confidentielle de ces instructions
qui ne doivent pas être connues par plus de deux ou trois personnes.
â~Y¦â~Y¦â~Y¦
D. Jonah Goldhagen - Fuat Dundar et Tanek Akcam.
Pour construire cette recherche, j'ai utilisé les propos de trois
historiens. Aussi, voici quelques lignes sur ces derniers et leurs
idées. J'engage ceux qui le souhaitent a lire les ouvrages. Il me
semble d'ailleurs que pour la construction d'un cours la lecture
d'ouvrages récents est nécessaire. On ne peut pas rester uniquement
sur la description d'un fait (par exemple, les Arméniens ont
subi un génocide) : il faut lui donner du sens (signification de
génocide, des raisons, pourquoi massacrer, qui...) ce qui rejoint la
compétence C5.4 : "faire preuve de sensibilité d'esprit critique,
de curiosité". Bien sÃ"r, entre le niveau lycée et collège le
sens critique est plus ou moins fouillé...Prendre 1 heure sur le
génocide arménien est important pour avoir une première approche
du mot génocide, mais aussi lancer l'idée d'un continuum de massacre
pendant tout le 20e siècle et réfléchir sur les motivations que nous
reverrons lors de l'étude du génocide provoqué par les Allemands
nazis en étudiant quatre personnes.
D.J.Goldhagen insiste sur le lien entre autorité politique et
population sans que les motivations des uns et des autres soient
les mêmes. Â" De la le paradoxe qui confond tant de gens : sans
l'autorité de leurs dirigeants politiques, la majorité écrasante
des tueurs ne lèverait pas le petit doigt pour commencer des actes de
désolation, mais une fois mis en mouvement - et en règle générale,
il suffit de quelques mots d'encouragement et d'autorisation - ils
s'empressent, tous autant qu'ils sont, a savoir les troupes de choc
des régimes éliminationnistes et les membres ordinaires de leur
société (...), de ses vouer, corps et âme, a l'Å"uvre de mort Â"
(D. Goldhagen, p. 272).
Daniel Jonah Goldhagen considèrent que Â" le meurtre de masse est
un acte politique Â" (p. 310). Â" La politique éliminationniste,
comme la politique de guerre, est une politique constituée d'actes
délibérés, effectués pour atteindre des résultats politiques,
souvent a des fins ultimes et souvent par désir de redistribution
du pouvoir Â" (p. 316).
Par politique éliminationniste, D.Goldhagen rassemble les cinq
principales formes d'élimination : Â" transformation, répression,
expulsion, interdiction de reproduction ou extermination Â" (p. 26
et suivantes pour comprendre les définitions de ces mots). Par
ce concept créé par l'auteur, ce dernier veut montrer l'ampleur
récurrente des politiques cherchant a éliminer par ces différents
moyens des populations sur tous les continents depuis le début du
XXe siècle (point de départ temporel de son étude). Pour l'auteur,
la suppression totale d'un peuple (génocide) n'est qu'une partie
de la politique éliminationniste menée par les Allemands. Je
cite l'auteur : Â" on se méprend même largement sur l'Holocauste
lui-même : ce ne fut pas un événement meurtrier isolé, mais une
partie d'une attaque éliminationniste a large échelle des Allemands
contre les Juifs pour laquelle les Allemands utilisèrent et même
expérimentèrent une grande variété de moyens éliminationistes. Le
programme systématique d'extermination de masse des Allemands,
qui lancé en 1941, devait prendre fin en 1945, ne fut pas de le
début d'un génocide, mais plutôt le point culminant de l'attaque
éliminationniste déja intensive que les Allemands avaient menée
contre les Juifs durant les années 1930 et qui permit l'élimination
des deux tiers des Juifs d'Allemagne au sens strict avant même
que les Allemands n'aient remplacé un ensemble de politiques
éliminationnistes - expulsion, ségrégation, répression et tueries
épisodiques - par la politique éliminationniste la plus mortelle
et finale, l'annihilation totale Â" (p. 42). Pour l'auteur, Â" il
serait trompeur d'isoler le génocide comme un phénomène distinct Â"
(p. 43). Toutefois, D.Goldhagen considère que Â" les meurtres de masse
des Allemands peuvent cependant être vus comme emblématiques des
massacres de masse de notre temps. Même si la totalité des meurtres
ne peut pas être imputée aux Allemands, ils furent les tueurs les
plus omnivores de notre époque, exterminant une variété inouïe
de victimes.
Comme ils se sont assuré la conquête des principales zones où
ils avaient projeté leur politique de destruction, ce sont eux qui
ont tué le plus de gens en moyenne par année de tous les régimes
meurtriers de masse. Enfin, les Allemands ont décliné presque la
totalité des aspects de l'élimination de masse et de sa variante
annihilationniste.
[...] C'est par ailleurs l'aspect par lequel l'Holocauste est
réellement singulier qui justifie que l'on considère les massacres
des Allemands comme le moment annihilationniste de masse emblématique
de notre temps et ceux qui les ont perpétrés de la sorte comme les
meurtriers de masse emblématiques : je veux parler de la volonté
sans équivalent de tuer tous les Juifs, jusqu'aux enfants, et non
pas seulement dans leur propre pays, mais aussi dans les autres et
pour finir dans le monde entier Â" (pp. 66-67).
Fuat Dundar exprime un point de vue différent avec l'historien
Taner Akcam a propos du génocide arménien. Il l'explique lui-même
dans l'interview accordée a la revue Histoire : Â" J'ai quelques
divergences avec Taner Akcam. Selon moi, il n'y a pas eu une décision
de massacre bien antérieure aux faits : je pense, je vous l'ai dit,
que le massacre a été le produit des circonstances ; la conséquence
d'une évolution graduelle des événements, comme l'a vu aussi
Donald Bloxham.
S'il n'y avait pas eu de déportation en février 1915 a Zeytoun,
il n'y aurait pas eu non plus de réaction des Arméniens a Van et
a Istanbul.
S'il n'y avait pas eu la défaite de l'armée ottomane face aux
troupes russes lors de l'offensive menée entre le lac de Van et
Ourmiya, la résistance-rébellion de Van n'aurait pas eu lieu. Si
Van n'était pas tombé aux mains des Russes grâce a cette révolte,
les massacres de masse n'auraient pas eu lieu...
Deuxième point de divergence avec Taner Akcam : je ne pense pas que
le gouvernement a ordonné les massacres mais plutôt qu'il a aidé
les bourreaux ; en quelque sorte, il a eu pour mission d'assurer la
logistique. Pour autant, la déportation n'était ni un prétexte
ni un aspect secondaire, mais une décision meurtrière. Pour
les Jeunes-Turcs, le danger n'était pas l'arménité mais les
déséquilibres démographiques. C'est pourquoi je défends que la
politique de turquification du CUP était - avant tout - une opération
statistique et mathématique. L'arménophobie s'est développée non
pas avant mais après le massacre. Le nationalisme turc ne précède
pas le nationalisme arménien. Â"
â~Y¦â~Y¦â~Y¦
Le génocide arménien : chiffre et définition officielle.
Leur existence étant menacé par ce groupe Â" différent Â", les
massacreurs en viennent a refuser aux Arméniens toute valeur humaine.
On estime a 1 million de victimes soit un Arménien sur deux
massacrés.
Le massacre cesse lorsque le centre de l'Anatolie est vidé des
Arméniens. Par contre il reprend en 1918 lorsque les Russes perdent
l'Arménie russe... Soulignons aussi que des massacres des Arméniens
et des Grecs avaient déja eu lieu dans les années 1890.
Le terme génocide est défini comme : destruction méthodique
d'un groupe humain auquel est reconnue une différence ethnique
ou prétendument raciale. L'extermination est perpétuée par des
personnes privées, des fonctionnaires ou des hommes d'Etat.
En 1948, l'ONU signe la "Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide". L'article II précise : "le
génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) meurtre de membres du
groupe ; b) atteinte a l'intégrité physique ou mentale de membres
du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe a des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle. d) mesures visant a entraver les naissances au sein du
groupe. e) transfert forcé d'enfants du groupe a un autre groupe."
(http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1623)
Pour Daniel Goldhagen le concept d'éliminationnisme permet
d'évoquer toutes les formes de destruction pour supprimer des
individus depuis Â" l'expulsion, la ségrégation, la répression et
les tueries épisodiques jusqu'a la destruction massive d'un peuple
(génocide). Ce concept permet de prendre en compte les raisons
politiques et économiques qui aboutissent par différents moyens
(déportation, camps...) a détruire des peuples. Ces raisons ne
se retrouvent pas dans la définition de génocide de 1948. (voir
chapitre 1 pp. 26 et suivantes de Goldhagen).
Aussi l'auteur intègre les destructions commises par Lénine,
Staline ou encore Mao. De plus les massacres coloniales par les
Européens ou encore Hiroshima sont inclus dans ce concept. Du coup,
l'auteur insiste sur le fait que ce sont les massacres des peuples qui
scandent l'histoire du 20e siècle. (voir les pp. 275 et suivantes sur
les critiques émises par Goldhagen sur la définition de génocide).
Pour conclure, cette interrogation doit nous faire réfléchir :
Â" Qui après tout parle encore aujourd'hui de l'extermination des
Arméniens ?
Adolf Hitler en 1939 a la veille de l'attaque contre la Pologne et au
moment de lancer son programme pour éliminer les malades mentaux Â"
(cité par D.Goldhagen).
Nota CVAN :
Fuat Dundar, ancien publicitaire de Turquie reconverti dans
la recherche historique en France, a la particularité d'avoir
bénéficié, au cours de ses études, de l'aide et des conseils
de l'historien Raymond H. Kévorkian, tout comme ceux de Hamit
Bozarslan qui a dirigé sa thèse de doctorat en Histoire. Celle-ci,
intitulée Â" L'ingénierie ethnique du Comité Union et Progrès
et la turcisation de l'Anatolie (1913-1918) Â" a été soutenue le
22-12-2006 a l'EHESS.
Fuat Dundar a été l'un des pionniers en France du concept très
pertinent et très novateur d'ingénierie démographique. Le jeune
chercheur a peut-être estimé par la suite - et c'est son droit -
qu'il favoriserait davantage sa carrière en donnant des gages a ceux
qui nient ou minimisent le génocide arménien... Le numéro de la
Revue Histoire dont s'est inspiré l'enseignant qui vient de mettre
en ligne ce cours sur le génocide arménien, avait suscité en 2009
de nombreuses réactions dont celle d'Ara Toranian sur Armenews .
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Source/Lien : L'Académie de Dijon
From: A. Papazian
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activités proposées par des collègues de l'Académie de Dijon. Parmi
les articles les plus récents, on note Â" Le génocide arménien,
programme de 3e Â", posté le dimanche 18 novembre 2012 par J-F Boyer.
Cet article propose une séance d'une heure pour le programme de
3e a propos du génocide arménien. Bonne initiative mais il est
regrettable que la Revue L'Histoire, n° 341, avril 2009, ait été
relayée dans ce cours. Avec, en particulier, l'interview - très
controversée parmi les spécialistes du génocide arménien - de
l'historien Fuat Dundar (p.
8-21). Ce dernier y minimise le génocide arménien, qu'il ne qualifie
d'ailleurs pas en ces termes. Ce n'est pas un hasard si les étonnantes
positions de Fuat Dundar (que l'on avait connu dans un tout autre
registre) sont encensées ou reprises par les sites négationnistes
pro-turcs tels que Â" Turquie News Â" ou Â" Arménologie - Le peuple
arménien, son histoire, ses mÅ"urs, ses mentalités Â". Avec le nom
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L'Académie de Dijon
Le génocide arménien, programme de 3e
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Cet article propose une séance d'une heure pour le programme de 3e
a propos du génocide arménien.
Le génocide arménien
Le peuple arménien a subi un massacre de masse (1915-1916), une
extermination sous la forme d'une déportation (marche de la mort),
en particulier des femmes, des enfants et des vieillards dans des
conditions atroces ayant abouti a la destruction d'une grande partie
de la population. Cette destruction s'est aussi accompagnée de
l'extermination des hommes de moins de 50 ans (exécutions) et la Â"
transformation Â" (terme de Daniel Goldhagen) puisqu'un certain nombre
d'enfants arméniens ont été placés dans des familles turques pour
être islamisés.
Ce massacre de masse est un acte politique réfléchi et planifié
par les responsables Â" jeunes turcs Â" au pouvoir (Mehmet Talat et
Ismail Enver). Â" Le cahier de Talat Pacha montre l'enregistrement des
Arméniens : Â" l'Etat de Talat Pacha est une grande machine a compter
[...] il a, au-dela de son pouvoir politique, les moyens techniques
d'observer, de coordonner et de maîtriser tous les détails de la
déportation Â" écrit l'historien turc Fuat Dundan. Il ajoute qu'Â"
en consultant les documents administratifs qui se trouvent dans les
archives ottomanes, on comprend que Talat Pacha et le gouvernement
savaient parfaitement ce qu'il advenait des Arméniens. On sait que
Talat a ordonné aux gouverneurs de Diyarbakir, le 12 juillet, d'Ankara
le 27 juillet et enfin de toutes les provinces le 29 aoÃ"t d'arrêter
les massacres. C'est a cette date qu'on trouve pour la première fois
pour en nier l'existence l'expression Â" politique d'extermination Â"
imha siyaseti Â". Le massacre est bien une décision politique dont les
nombreuses lettres et documents d'archives confirment le caractère
réfléchi. Â" Talat explique : Â" on a proposé et examiné des
projets et des hypothèses destinés a régler définitivement, de
manière exhaustive et absolue, cette question, qui figure en bonne
place par les sujets vitaux pour l'Etat Â" cite D. Goldhagen (page 92).
L'historien turc Taner Akcam rapporte : Morgenthau prit note d'un
autre entretien sur le sujet avec Talât a la date du 3 aoÃ"t
1915 : Â" Talât...m'a affirmé que le comité Union et Progrès
avait soigneusement étudié l'affaire jusque dans le monde
détail et que la politique menée était celle qu'ils avaient
officiellement adoptée. Il ajouté que je ne devais pas imaginer
que les déportations avaient été décidées a la va-vite ; en
réalité, elles étaient le fruit de délibérations prolongées
et minutieuses.. .Ce dont il question...c'est l'élimination des
Arméniens Â" (Taner Akcam, Un acte honteux, Folio histoire 2006,
2012, pp. 230-231). Cet historien écrit que Â" de nombreux membres
du gouvernement ignoraient la décision génocidaire qui fut,
nous semble-t-il, prise par le parti fin mars et exécutée sous le
couvert du décret gouvernemental de déportation a la fin du mois de
mai. Le gouvernement fut également exclu par principe des opérations
ultérieures Â" (p. 231). De même certains gouverneurs ont refusé de
diriger les massacres préférant démissionner ou être remplacés,
sans intervenir pour empêcher ces massacres. Â" Certains refusent de
participer a ce massacre. Â" Mazhar Bey, révoqué de son poste de
gouverneur d'Ankara, décrit dans sa déposition comment les choses
se sont passées : Â" quand j'ai recu du ministère de l'Intérieur
des ordres concernant la déportation d'Arméniens, j'ai fait mine
de ne pas comprendre. Comme vous le savez, d'autres provinces ont
achevé les déportations avant même que j'ai commencé. Et puis,
un jour, Atif Bey est venu me voir et m'a transmis oralement les
ordres du ministère de l'Intérieur exigeant que les Arméniens
soient assassinés pendant la déportation. Â" Non, Atif Bey, ai-je
dit, je suis un gouverneur par un bandit, je ne peux pas faire ca,
je préfère quitter mon poste, vous n'avez qu'a venir faire ca
vous-même Â" (p. 242).
Cette politique s'inscrit dans le contexte international de la guerre
14-18. Ils profitent de la guerre pour ne pas être dérangés par des
interventions diplomatiques susceptibles de les empêcher de mener
a bien leurs opérations de nettoyage des régions arméniennes et
par les menaces russes de conquête du territoire turc. Â" Dans ces
conditions, comme le disait Enver Pacha au consul américain, Â" on
ne peut pas se permettre un attaque dans le dos Â", c'est-a-dire en
Anatolie orientale Â" (Fuat Dundar). Les Â" jeunes turcs Â" répondent
aussi aux menaces extérieures (Dardanelles en 1915, attaques russes
dans le Caucase) pour se recentrer sur l'Anatolie et Â" renforcer son
caractère musulman et turc, en modifiant la population des régions
majoritairement turque et musulmane Â" écrit Fuat Dundar.
La construction d'une nation explique le massacre de masse d'un
peuple. Â" Sous couvert de la guerre, les dirigeant turcs décidèrent
d'éliminer leur Â" problème arménien Â" parce qu'ils considéraient
que les Arméniens constituaient un élément irrémédiablement non
turc qui présentait une menace sécessionniste. Les Turcs brandirent
l'accusation, flagrante de fausseté, que les Arméniens, durant la
Grande Guerre, s'étaient révoltés contre la Turquie et avaient
soutenu l'ennemi russe ; ils s'en servirent pour les Â" déporter
Â", c'est-a-dire les ramasser et les concentrer, non sans massacrer
rapidement les hommes en âge de porter les armes, avant qu'ils
eussent organisé le départ a pied des populations arméniennes -
ou juste après. Dans un rapport contemporain, le consul américain
a Kharpert explique ce que tout le monde comprenait derrière le mot
de déportation et ce que les Turcs firent des hommes arméniens : Â"
s'il s'était simplement agi d'être obligé de quitter le lieu où
l'on se trouve pour aller quelque part ailleurs, cela n'aurait pas
été si terrible, mais tout le monde savait qu'il s'agissait d'aller
vers sa propre mort...Il semble que le système qui est mis en Å"uvre
consiste a poster des bandes kurdes qui les attendent sur les routes,
pour tuer tout particulièrement les hommes, et éventuellement
certains des autres marcheurs. La manÅ"uvre tout entière semble
conduite au massacre le plus parfaitement organisé et le plus
épouvantable jamais commis dans ce pays Â" (Goldhagen, p. 53).
Il est a noter que les Arméniens d'Istanbul n'ont pas fait l'objet
d'une extermination (pour rester discret ? ou minorité mieux
intégrée ?). Fuat Dundar explique que Â" pour Istanbul et Edirne
les autorités craignaient d'avoir a expliquer au monde civilisé la
déportation de populations vivant en terre européenne Â".
Une Turquie plus pluraliste n'était pas la vision des dirigeants
politiques. Â" Comme l'élimination de masse des Arméniens, de
nombreux autres meurtres de masse de notre temps se déroulant sur
un territoire national découlent de la conviction de ceux qui les
ont perpétrés que la tuerie de masse est un moyen raisonnable pour
détruire une opposition politique, pour prévenir une sécession ou
pour sauvegarder leur pouvoir pour leur existence Â" note D.Goldhagen
(p.55). Elle rejoint les motivations différentes de la population
turque dont certains basculent dans l'acte de massacrer ou de fermer
les yeux...
En effet, cette politique est réalisée avec l'accord d'une partie de
la population turque dont les 30 000 Turcs dans les unités spéciales,
d'autres dans l'armée (Â" Ali Ihsan commandant de la 6e armée de
Mossoul, qui a étudié en Allemagne et parlait parfaitement allemand,
a déclaré en d'innombrables occasions en présence d'Allemands
qu'il ne laisserait pas un seul Arménien en vie dans sa zone de
commandement.
Il prenait plaisir a dire aux officiers allemands qu'il avait tué des
Arméniens de ses propres mains Â" (Taner Akcam, p. 256)), les forces
de police et des attaques spontanées de la part des populations locale
Â" selon l'historien Fuat Dundar. Les Â" massacreurs Â" selon Goldhagen
sont nourris de préjugés et de haines anciennes, d'inquiétudes,
exaspérés par le désir des Arméniens d'une plus grande autonomie
politique, souhaitent renforcer le caractère musulman et turc du
cÅ"ur de la Turquie anatolienne et sont susceptibles de confisquer
aussi les biens arméniens dans ces régions de l'Anatolie sujettes
selon eux a une moindre obéissance aux gouvernements. Les désirs des
dirigeants se conjuguent avec ceux d'une partie de la population civile
pour réaliser cette politique Â" éliminationniste Â" pour reprendre
le terme et les idées de Daniel Goldhagen dans son ouvrage Pire que
la Guerre, massacre et génocide au XXe siècle. "Talat n'eut aucun
mal a mobiliser les conceptions éliminationnistes anti arméniennes
préexistantes chez de nombreux Turcs Â" (Goldhagen, p. 97). Mais ce
meurtre est réalisé parce que des dirigeants politiques l'ont voulu
et ont ainsi pu activer une partie de la population. Â" Avant que
Talat ne prît le pouvoir en Turquie, les Turcs haïssaient largement
les Arméniens et ils avaient même été mobilisés par deux fois
au cours des décennies précédentes pour des orgies de massacre
de masse. Cependant, le gouvernement qui précéda Talat ne choisit
pas de provoquer l'élimination totale des Arméniens, et il ne se
produisit donc aucun programme de meurtre de masse et d'expulsion a
l'échelle nationale alors que c'eÃ"t été chose aisée. Ce fut la
décision de Talat et d'Enver que de mettre en route un meurtre de
masse et une élimination complète Â" écrit D.Goldhagen. Le rôle
des dirigeants est analysé avec soin par Taner Akcam, notamment dans
les pages 167 et suivantes.
D.Goldhagen cite un document de décembre 1914 ou janvier 1915 fruit
d'une réflexion de 5 membres du gouvernement turc dont Talat.
Â" -1° En s'autorisant des articles 3 et 4 du CUP, interdire toutes
les associations arméniennes, arrêter ceux des Arméniens qui ont,
a quelque moment que ce soit, travaillé contre le gouvernement,
les reléguer dans les provinces, comme Bagdad ou Mossoul, et les
éliminer en route ou a destination.
2° Confisquer les armes.
3° Exciter l'opinion musulmane par des moyens appropriés et adaptés
dans des districts comme Van, Erzeroum ou Adana où il est de fait
que les Arméniens se sont déja acquis la haine des musulmans,
et provoquer des massacres organisés, comme firent les Russes a Bakou.
4° S'en remettre pour ce faire a la population dans les provinces
comme Erzeroum, Van, Mamouret-ul Aziz et Bitlis et n'y utiliser les
forces militaires de l'ordre (comme la gendarmerie) qu'ostensiblement
pour arrêter les massacres ; faire au contraire intervenir ces mêmes
forces pour aider activement les musulmans dans des conscriptions
comme Adana, Sivas, Brousse, Ismit et Smyrne.
5° Prendre des mesures pour exterminer tous les mâles au-dessous
de 50 ans, les prêtres et les maîtres d'école ; permettre la
conversion a l'Islam des jeunes filles et des enfants.
6° Déporter les familles de ceux qui auraient réussi a s'échapper
et faire en sorte de les couper de tout lien avec leur pays natal.
7° En alléguant que les fonctionnaires arméniens peuvent être
des espions, les révoquer et les exclure absolument de tout poste
ou service relevant de l'administration de l'Ã~Itat.
8° Faire exterminer tous les Arméniens qui se trouvent dans l'armée
de la facon qui conviendra, ceci devant être confié aux militaires.
9° Démarrer l'opération partout au même instant afin de ne pas
laisser le temps de prendre des mesures défensives.
10° Veiller a la nature strictement confidentielle de ces instructions
qui ne doivent pas être connues par plus de deux ou trois personnes.
â~Y¦â~Y¦â~Y¦
D. Jonah Goldhagen - Fuat Dundar et Tanek Akcam.
Pour construire cette recherche, j'ai utilisé les propos de trois
historiens. Aussi, voici quelques lignes sur ces derniers et leurs
idées. J'engage ceux qui le souhaitent a lire les ouvrages. Il me
semble d'ailleurs que pour la construction d'un cours la lecture
d'ouvrages récents est nécessaire. On ne peut pas rester uniquement
sur la description d'un fait (par exemple, les Arméniens ont
subi un génocide) : il faut lui donner du sens (signification de
génocide, des raisons, pourquoi massacrer, qui...) ce qui rejoint la
compétence C5.4 : "faire preuve de sensibilité d'esprit critique,
de curiosité". Bien sÃ"r, entre le niveau lycée et collège le
sens critique est plus ou moins fouillé...Prendre 1 heure sur le
génocide arménien est important pour avoir une première approche
du mot génocide, mais aussi lancer l'idée d'un continuum de massacre
pendant tout le 20e siècle et réfléchir sur les motivations que nous
reverrons lors de l'étude du génocide provoqué par les Allemands
nazis en étudiant quatre personnes.
D.J.Goldhagen insiste sur le lien entre autorité politique et
population sans que les motivations des uns et des autres soient
les mêmes. Â" De la le paradoxe qui confond tant de gens : sans
l'autorité de leurs dirigeants politiques, la majorité écrasante
des tueurs ne lèverait pas le petit doigt pour commencer des actes de
désolation, mais une fois mis en mouvement - et en règle générale,
il suffit de quelques mots d'encouragement et d'autorisation - ils
s'empressent, tous autant qu'ils sont, a savoir les troupes de choc
des régimes éliminationnistes et les membres ordinaires de leur
société (...), de ses vouer, corps et âme, a l'Å"uvre de mort Â"
(D. Goldhagen, p. 272).
Daniel Jonah Goldhagen considèrent que Â" le meurtre de masse est
un acte politique Â" (p. 310). Â" La politique éliminationniste,
comme la politique de guerre, est une politique constituée d'actes
délibérés, effectués pour atteindre des résultats politiques,
souvent a des fins ultimes et souvent par désir de redistribution
du pouvoir Â" (p. 316).
Par politique éliminationniste, D.Goldhagen rassemble les cinq
principales formes d'élimination : Â" transformation, répression,
expulsion, interdiction de reproduction ou extermination Â" (p. 26
et suivantes pour comprendre les définitions de ces mots). Par
ce concept créé par l'auteur, ce dernier veut montrer l'ampleur
récurrente des politiques cherchant a éliminer par ces différents
moyens des populations sur tous les continents depuis le début du
XXe siècle (point de départ temporel de son étude). Pour l'auteur,
la suppression totale d'un peuple (génocide) n'est qu'une partie
de la politique éliminationniste menée par les Allemands. Je
cite l'auteur : Â" on se méprend même largement sur l'Holocauste
lui-même : ce ne fut pas un événement meurtrier isolé, mais une
partie d'une attaque éliminationniste a large échelle des Allemands
contre les Juifs pour laquelle les Allemands utilisèrent et même
expérimentèrent une grande variété de moyens éliminationistes. Le
programme systématique d'extermination de masse des Allemands,
qui lancé en 1941, devait prendre fin en 1945, ne fut pas de le
début d'un génocide, mais plutôt le point culminant de l'attaque
éliminationniste déja intensive que les Allemands avaient menée
contre les Juifs durant les années 1930 et qui permit l'élimination
des deux tiers des Juifs d'Allemagne au sens strict avant même
que les Allemands n'aient remplacé un ensemble de politiques
éliminationnistes - expulsion, ségrégation, répression et tueries
épisodiques - par la politique éliminationniste la plus mortelle
et finale, l'annihilation totale Â" (p. 42). Pour l'auteur, Â" il
serait trompeur d'isoler le génocide comme un phénomène distinct Â"
(p. 43). Toutefois, D.Goldhagen considère que Â" les meurtres de masse
des Allemands peuvent cependant être vus comme emblématiques des
massacres de masse de notre temps. Même si la totalité des meurtres
ne peut pas être imputée aux Allemands, ils furent les tueurs les
plus omnivores de notre époque, exterminant une variété inouïe
de victimes.
Comme ils se sont assuré la conquête des principales zones où
ils avaient projeté leur politique de destruction, ce sont eux qui
ont tué le plus de gens en moyenne par année de tous les régimes
meurtriers de masse. Enfin, les Allemands ont décliné presque la
totalité des aspects de l'élimination de masse et de sa variante
annihilationniste.
[...] C'est par ailleurs l'aspect par lequel l'Holocauste est
réellement singulier qui justifie que l'on considère les massacres
des Allemands comme le moment annihilationniste de masse emblématique
de notre temps et ceux qui les ont perpétrés de la sorte comme les
meurtriers de masse emblématiques : je veux parler de la volonté
sans équivalent de tuer tous les Juifs, jusqu'aux enfants, et non
pas seulement dans leur propre pays, mais aussi dans les autres et
pour finir dans le monde entier Â" (pp. 66-67).
Fuat Dundar exprime un point de vue différent avec l'historien
Taner Akcam a propos du génocide arménien. Il l'explique lui-même
dans l'interview accordée a la revue Histoire : Â" J'ai quelques
divergences avec Taner Akcam. Selon moi, il n'y a pas eu une décision
de massacre bien antérieure aux faits : je pense, je vous l'ai dit,
que le massacre a été le produit des circonstances ; la conséquence
d'une évolution graduelle des événements, comme l'a vu aussi
Donald Bloxham.
S'il n'y avait pas eu de déportation en février 1915 a Zeytoun,
il n'y aurait pas eu non plus de réaction des Arméniens a Van et
a Istanbul.
S'il n'y avait pas eu la défaite de l'armée ottomane face aux
troupes russes lors de l'offensive menée entre le lac de Van et
Ourmiya, la résistance-rébellion de Van n'aurait pas eu lieu. Si
Van n'était pas tombé aux mains des Russes grâce a cette révolte,
les massacres de masse n'auraient pas eu lieu...
Deuxième point de divergence avec Taner Akcam : je ne pense pas que
le gouvernement a ordonné les massacres mais plutôt qu'il a aidé
les bourreaux ; en quelque sorte, il a eu pour mission d'assurer la
logistique. Pour autant, la déportation n'était ni un prétexte
ni un aspect secondaire, mais une décision meurtrière. Pour
les Jeunes-Turcs, le danger n'était pas l'arménité mais les
déséquilibres démographiques. C'est pourquoi je défends que la
politique de turquification du CUP était - avant tout - une opération
statistique et mathématique. L'arménophobie s'est développée non
pas avant mais après le massacre. Le nationalisme turc ne précède
pas le nationalisme arménien. Â"
â~Y¦â~Y¦â~Y¦
Le génocide arménien : chiffre et définition officielle.
Leur existence étant menacé par ce groupe Â" différent Â", les
massacreurs en viennent a refuser aux Arméniens toute valeur humaine.
On estime a 1 million de victimes soit un Arménien sur deux
massacrés.
Le massacre cesse lorsque le centre de l'Anatolie est vidé des
Arméniens. Par contre il reprend en 1918 lorsque les Russes perdent
l'Arménie russe... Soulignons aussi que des massacres des Arméniens
et des Grecs avaient déja eu lieu dans les années 1890.
Le terme génocide est défini comme : destruction méthodique
d'un groupe humain auquel est reconnue une différence ethnique
ou prétendument raciale. L'extermination est perpétuée par des
personnes privées, des fonctionnaires ou des hommes d'Etat.
En 1948, l'ONU signe la "Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide". L'article II précise : "le
génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel : a) meurtre de membres du
groupe ; b) atteinte a l'intégrité physique ou mentale de membres
du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe a des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle. d) mesures visant a entraver les naissances au sein du
groupe. e) transfert forcé d'enfants du groupe a un autre groupe."
(http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1623)
Pour Daniel Goldhagen le concept d'éliminationnisme permet
d'évoquer toutes les formes de destruction pour supprimer des
individus depuis Â" l'expulsion, la ségrégation, la répression et
les tueries épisodiques jusqu'a la destruction massive d'un peuple
(génocide). Ce concept permet de prendre en compte les raisons
politiques et économiques qui aboutissent par différents moyens
(déportation, camps...) a détruire des peuples. Ces raisons ne
se retrouvent pas dans la définition de génocide de 1948. (voir
chapitre 1 pp. 26 et suivantes de Goldhagen).
Aussi l'auteur intègre les destructions commises par Lénine,
Staline ou encore Mao. De plus les massacres coloniales par les
Européens ou encore Hiroshima sont inclus dans ce concept. Du coup,
l'auteur insiste sur le fait que ce sont les massacres des peuples qui
scandent l'histoire du 20e siècle. (voir les pp. 275 et suivantes sur
les critiques émises par Goldhagen sur la définition de génocide).
Pour conclure, cette interrogation doit nous faire réfléchir :
Â" Qui après tout parle encore aujourd'hui de l'extermination des
Arméniens ?
Adolf Hitler en 1939 a la veille de l'attaque contre la Pologne et au
moment de lancer son programme pour éliminer les malades mentaux Â"
(cité par D.Goldhagen).
Nota CVAN :
Fuat Dundar, ancien publicitaire de Turquie reconverti dans
la recherche historique en France, a la particularité d'avoir
bénéficié, au cours de ses études, de l'aide et des conseils
de l'historien Raymond H. Kévorkian, tout comme ceux de Hamit
Bozarslan qui a dirigé sa thèse de doctorat en Histoire. Celle-ci,
intitulée Â" L'ingénierie ethnique du Comité Union et Progrès
et la turcisation de l'Anatolie (1913-1918) Â" a été soutenue le
22-12-2006 a l'EHESS.
Fuat Dundar a été l'un des pionniers en France du concept très
pertinent et très novateur d'ingénierie démographique. Le jeune
chercheur a peut-être estimé par la suite - et c'est son droit -
qu'il favoriserait davantage sa carrière en donnant des gages a ceux
qui nient ou minimisent le génocide arménien... Le numéro de la
Revue Histoire dont s'est inspiré l'enseignant qui vient de mettre
en ligne ce cours sur le génocide arménien, avait suscité en 2009
de nombreuses réactions dont celle d'Ara Toranian sur Armenews .
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Source/Lien : L'Académie de Dijon
From: A. Papazian