AZERBAIDJAN: LE GEL DES COMPTES BANCAIRES DU JOURNAL D'OPPOSITION AZADLIG
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69112
Publie le : 21-11-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire ce Communique de presse des Reporters Sans Frontières
publie sur leur site le 8 novembre 2012.
Reporters Sans Frontières
Azerbaïdjan
Le principal journal d'opposition au bord de l'asphyxie : entretien
avec son redacteur en chef
Publie le jeudi 8 novembre 2012.
Reporters sans frontières condamne avec force le gel par la justice
des comptes bancaires du journal d'opposition azerbaïdjanais Azadlig,
le 5 novembre 2012.
" Cette decision illegale est une etape decisive dans l'asphyxie
d'Azadlig organisee depuis quelques mois, a declare l'organisation.
Amendes astronomiques et assèchement delibere des ventes placent le
journal dans une situation extremement precaire, que le gel de ses
comptes vient encore fragiliser. La survie meme du titre est plus
que jamais menacee. Nul doute que ce soit precisement l'objectif de
la justice. "
" L'un après l'autre, la plupart des titres de presse independants
d'Azerbaïdjan ont ete elimines. Les medias audiovisuels sont
entièrement contrôles par les autorites. Dans un tel contexte, la
disparition d'Azadlig serait fatale au pluralisme mediatique. Cette
perspective est tout simplement inenvisageable. "
Azadlig est l'objet de multiples poursuites en justice ces derniers
mois. Depuis un an, pas moins de dix plaintes ont ete deposees
contre le titre, essentiellement par des personnalites proches
du pouvoir. En consequence, le journal a ete condamne a une serie
d'amendes astronomiques, pour un montant total depassant 65 000 AZN
(environ autant d'euros).
Le departement de l'application des peines du tribunal du district
de Yasamal (Bakou) a justifie le gel des comptes d'Azadlig par la
necessite de recouvrer l'une de ces amendes. D'un montant de 4 200 AZN,
elle faisait droit a la plainte de l'homme d'affaires Anar Mammadov,
fils du ministre des Transports Ziya Mammadov. Or, le journal a
interjete appel contre ce verdict il y a une semaine. Dans un tel
cas, selon l'article 17 de la loi " Sur l'application des decisions
de justice ", l'appel est suspensif.
Joint par telephone par Reporters sans frontières, le redacteur en
chef d'Azadlig, Ganimat Zahid, a souligne que cette decision etait
" illegale ". " Nous continuons de faire paraître le journal, a-t-il
precise, mais si cette situation perdure, nous ne pourrons pas tenir
très longtemps ". L'organisation presente ci-dessous une interview
exclusive de Ganimat Zahid, laureat du Prix 2009 de la section
autrichienne de Reporters sans frontières.
Outre cette cascade d'amendes, Azadlig est aux prises avec les
transformations du reseau de distribution de la presse. Depuis quelque
mois, les kiosques a journaux de la capitale ont ete progressivement
remplaces par un nouveau reseau de boutiques, dont les journaux
independants sont souvent exclus. Qui plus est, le reseau de
distribution GASID a accumule d'importantes dettes envers le journal
; ce qui contribue a empecher Azadlig de pouvoir regler ses propres
arrieres de paiement envers l'imprimerie - un etablissement appartenant
a l'Etat. En consequence, l'interruption du tirage est possible a
tout moment.
" Ce harcèlement multiforme doit prendre fin. Nous le repetons, Bakou
doit enfin depenaliser la diffamation et garantir aux journalistes et
medias independants des procès justes et equitables. La communaute
internationale, rassemblee dans la capitale azerbaïdjanaise a
l'occasion du Forum sur la gouvernance de l'Internet (IGF), doit
mettre tout son poids dans la balance ", a conclu l'organisation.
L'Azerbaïdjan est situe a la 162e place sur 179 dans le dernier
classement de la liberte de la presse etabli par Reporters sans
frontières.
Ganimat Zahid : " Il est très difficile de travailler sous une telle
pression "
Pouvez-vous brièvement decrire la situation actuelle de votre journal ?
Notre travail est loin d'etre purement redactionnel. Nous sommes a
la fois journalistes et dissidents, mecaniciens, charpentiers... Mais
les autorites ne souhaitent pas qu'il subsiste un seul journal libre
dans le pays. Azadlig est presque quotidiennement victime de cette "
politique ". Nous avons ete condamnes a plusieurs amendes, et il nous
est très difficile de travailler sous une telle pression. Toutes ces
decisions judiciaires sont partiales et injustes. Il n'y a pas de
justice independante en Azerbaïdjan.
Et voici maintenant que nos comptes bancaires sont geles. C'est une
mesure absolument illegale, dans la mesure où nous avons fait appel
de cette condamnation. En droit azerbaïdjanais, l'appel d'une telle
decision de justice est suspensif : elle ne saurait etre appliquee
tant qu'elle n'a pas ete confirmee. Bien que la justice soit contrôlee
par l'executif, elle n'observe meme pas ses propres lois ! Ce qui
demontre une nouvelle fois combien les juges et les huissiers de
justice executent les ordres de la presidence.
Dans quelles conditions travaillent les collaborateurs d'Azadlig ?
Je pense que pas un seul de nos collaborateurs n'a echappe aux
pressions des autorites, sous une forme ou sous une autre. Ils sont
l'objet d'enlèvements, d'agressions, d'arrestations, de menaces, de
chantages... Ils peuvent s'attendre a toutes les formes de pression
figurant dans l'arsenal d'un regime autoritaire classique.
De manière plus anodine, il arrive meme qu'un agent de police se
permette d'insulter un lecteur qui achète Azadlig. C'est un des
indicateurs du climat deletère qui prevaut a l'encontre de nos
journalistes et de la liberte d'expression en general. Notre site
Internet est regulièrement la cible de cyberattaques, dont nous ne
doutons pas qu'elles sont organisees par les services secrets. Car
elles coïncident toujours avec la publication d'informations
particulièrement sensibles pour le gouvernement - par exemple des
affaires de corruption, ou qui demontrent l'absence de tout Etat de
droit dans ce pays. Nous continuons cependant a travailler, envers
et contre tout.
Comment la recente transformation du système de distribution se
reflète-t-elle sur la diffusion de votre journal ?
La transformation des kiosques n'est qu'une affaire de corruption
et de contrôle sur la diffusion de la presse. Il faut savoir qu'en
Azerbaïdjan, seuls trois ou quatre journaux sont lus par 90% de la
population. Les journaux pro-gouvernementaux n'ont besoin d'aucune
demande, ils existent bien que personne ne les achète [ils sont
subventionnes par l'Etat, NDLR]. Durant des annees, des sommes
monstrueuses ont ete depensees pour ces journaux dont personne n'a
besoin. Mais tout a coup, [les autorites] se sont reveillees et
se sont rendu compte que personne n'achetait ces journaux, et que
le reseau de distribution de la presse ne profitait qu'a quelques
journaux independants.
C'est pourquoi elles ont decide d'ouvrir ce reseau enorme de boutiques
où l'on vend de tout - des aiguilles jusqu'aux collants -, sauf des
journaux. Et d'eliminer en meme temps les anciens kiosques. Car
il etait presque impossible de convaincre les kiosquiers, qui
travaillent depuis de nombreuses annees dans ce domaine, de cesser
de vendre des journaux. Au bout du compte, cette transformation a
abouti a l'apparition d'une nouvelle firme très rentable, contrôlant
une chaîne enorme de magasins qu'on a loue a de nouvelles personnes,
a qui l'on interdit de vendre des journaux. C'est tout.
Qu'attendez-vous de la communaute internationale ?
J'attends un retour de la Cour europeenne des droits de l'homme, auprès
de laquelle j'ai depose plusieurs recours relatifs aux arrestations
illegales dont j'ai fait l'objet. Si ces recours etaient instruits,
je pense que nous ne serions pas en train de subir de telles decisions
de justice illegales. [...]
Les medias independants sont pratiquement abandonnes a leur triste
sort. [... Il ne suffit pas de] rendre compte de la disparition
des journaux independants. Ils disparaissent effectivement, il
ne reste plus que deux ou trois titres. Face a tant de pressions,
ils ont besoin d'un soutien direct. [...] Il faut comprendre que,
dans un pays comme l'Azerbaïdjan, l'existence d'un media ne peut etre
consideree comme une simple activite economique. C'est veritablement
une activite civique, qui comporte des risques importants, y compris
pour la vie de ceux qui s'y consacrent.
Mais envers et contre tout, nous existons encore. Grâce a ceux qui
nous soutiennent, tant a l'interieur du pays qu'a l'etranger.
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Source/Lien : Reporters Sans Frontières
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=69112
Publie le : 21-11-2012
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invite a lire ce Communique de presse des Reporters Sans Frontières
publie sur leur site le 8 novembre 2012.
Reporters Sans Frontières
Azerbaïdjan
Le principal journal d'opposition au bord de l'asphyxie : entretien
avec son redacteur en chef
Publie le jeudi 8 novembre 2012.
Reporters sans frontières condamne avec force le gel par la justice
des comptes bancaires du journal d'opposition azerbaïdjanais Azadlig,
le 5 novembre 2012.
" Cette decision illegale est une etape decisive dans l'asphyxie
d'Azadlig organisee depuis quelques mois, a declare l'organisation.
Amendes astronomiques et assèchement delibere des ventes placent le
journal dans une situation extremement precaire, que le gel de ses
comptes vient encore fragiliser. La survie meme du titre est plus
que jamais menacee. Nul doute que ce soit precisement l'objectif de
la justice. "
" L'un après l'autre, la plupart des titres de presse independants
d'Azerbaïdjan ont ete elimines. Les medias audiovisuels sont
entièrement contrôles par les autorites. Dans un tel contexte, la
disparition d'Azadlig serait fatale au pluralisme mediatique. Cette
perspective est tout simplement inenvisageable. "
Azadlig est l'objet de multiples poursuites en justice ces derniers
mois. Depuis un an, pas moins de dix plaintes ont ete deposees
contre le titre, essentiellement par des personnalites proches
du pouvoir. En consequence, le journal a ete condamne a une serie
d'amendes astronomiques, pour un montant total depassant 65 000 AZN
(environ autant d'euros).
Le departement de l'application des peines du tribunal du district
de Yasamal (Bakou) a justifie le gel des comptes d'Azadlig par la
necessite de recouvrer l'une de ces amendes. D'un montant de 4 200 AZN,
elle faisait droit a la plainte de l'homme d'affaires Anar Mammadov,
fils du ministre des Transports Ziya Mammadov. Or, le journal a
interjete appel contre ce verdict il y a une semaine. Dans un tel
cas, selon l'article 17 de la loi " Sur l'application des decisions
de justice ", l'appel est suspensif.
Joint par telephone par Reporters sans frontières, le redacteur en
chef d'Azadlig, Ganimat Zahid, a souligne que cette decision etait
" illegale ". " Nous continuons de faire paraître le journal, a-t-il
precise, mais si cette situation perdure, nous ne pourrons pas tenir
très longtemps ". L'organisation presente ci-dessous une interview
exclusive de Ganimat Zahid, laureat du Prix 2009 de la section
autrichienne de Reporters sans frontières.
Outre cette cascade d'amendes, Azadlig est aux prises avec les
transformations du reseau de distribution de la presse. Depuis quelque
mois, les kiosques a journaux de la capitale ont ete progressivement
remplaces par un nouveau reseau de boutiques, dont les journaux
independants sont souvent exclus. Qui plus est, le reseau de
distribution GASID a accumule d'importantes dettes envers le journal
; ce qui contribue a empecher Azadlig de pouvoir regler ses propres
arrieres de paiement envers l'imprimerie - un etablissement appartenant
a l'Etat. En consequence, l'interruption du tirage est possible a
tout moment.
" Ce harcèlement multiforme doit prendre fin. Nous le repetons, Bakou
doit enfin depenaliser la diffamation et garantir aux journalistes et
medias independants des procès justes et equitables. La communaute
internationale, rassemblee dans la capitale azerbaïdjanaise a
l'occasion du Forum sur la gouvernance de l'Internet (IGF), doit
mettre tout son poids dans la balance ", a conclu l'organisation.
L'Azerbaïdjan est situe a la 162e place sur 179 dans le dernier
classement de la liberte de la presse etabli par Reporters sans
frontières.
Ganimat Zahid : " Il est très difficile de travailler sous une telle
pression "
Pouvez-vous brièvement decrire la situation actuelle de votre journal ?
Notre travail est loin d'etre purement redactionnel. Nous sommes a
la fois journalistes et dissidents, mecaniciens, charpentiers... Mais
les autorites ne souhaitent pas qu'il subsiste un seul journal libre
dans le pays. Azadlig est presque quotidiennement victime de cette "
politique ". Nous avons ete condamnes a plusieurs amendes, et il nous
est très difficile de travailler sous une telle pression. Toutes ces
decisions judiciaires sont partiales et injustes. Il n'y a pas de
justice independante en Azerbaïdjan.
Et voici maintenant que nos comptes bancaires sont geles. C'est une
mesure absolument illegale, dans la mesure où nous avons fait appel
de cette condamnation. En droit azerbaïdjanais, l'appel d'une telle
decision de justice est suspensif : elle ne saurait etre appliquee
tant qu'elle n'a pas ete confirmee. Bien que la justice soit contrôlee
par l'executif, elle n'observe meme pas ses propres lois ! Ce qui
demontre une nouvelle fois combien les juges et les huissiers de
justice executent les ordres de la presidence.
Dans quelles conditions travaillent les collaborateurs d'Azadlig ?
Je pense que pas un seul de nos collaborateurs n'a echappe aux
pressions des autorites, sous une forme ou sous une autre. Ils sont
l'objet d'enlèvements, d'agressions, d'arrestations, de menaces, de
chantages... Ils peuvent s'attendre a toutes les formes de pression
figurant dans l'arsenal d'un regime autoritaire classique.
De manière plus anodine, il arrive meme qu'un agent de police se
permette d'insulter un lecteur qui achète Azadlig. C'est un des
indicateurs du climat deletère qui prevaut a l'encontre de nos
journalistes et de la liberte d'expression en general. Notre site
Internet est regulièrement la cible de cyberattaques, dont nous ne
doutons pas qu'elles sont organisees par les services secrets. Car
elles coïncident toujours avec la publication d'informations
particulièrement sensibles pour le gouvernement - par exemple des
affaires de corruption, ou qui demontrent l'absence de tout Etat de
droit dans ce pays. Nous continuons cependant a travailler, envers
et contre tout.
Comment la recente transformation du système de distribution se
reflète-t-elle sur la diffusion de votre journal ?
La transformation des kiosques n'est qu'une affaire de corruption
et de contrôle sur la diffusion de la presse. Il faut savoir qu'en
Azerbaïdjan, seuls trois ou quatre journaux sont lus par 90% de la
population. Les journaux pro-gouvernementaux n'ont besoin d'aucune
demande, ils existent bien que personne ne les achète [ils sont
subventionnes par l'Etat, NDLR]. Durant des annees, des sommes
monstrueuses ont ete depensees pour ces journaux dont personne n'a
besoin. Mais tout a coup, [les autorites] se sont reveillees et
se sont rendu compte que personne n'achetait ces journaux, et que
le reseau de distribution de la presse ne profitait qu'a quelques
journaux independants.
C'est pourquoi elles ont decide d'ouvrir ce reseau enorme de boutiques
où l'on vend de tout - des aiguilles jusqu'aux collants -, sauf des
journaux. Et d'eliminer en meme temps les anciens kiosques. Car
il etait presque impossible de convaincre les kiosquiers, qui
travaillent depuis de nombreuses annees dans ce domaine, de cesser
de vendre des journaux. Au bout du compte, cette transformation a
abouti a l'apparition d'une nouvelle firme très rentable, contrôlant
une chaîne enorme de magasins qu'on a loue a de nouvelles personnes,
a qui l'on interdit de vendre des journaux. C'est tout.
Qu'attendez-vous de la communaute internationale ?
J'attends un retour de la Cour europeenne des droits de l'homme, auprès
de laquelle j'ai depose plusieurs recours relatifs aux arrestations
illegales dont j'ai fait l'objet. Si ces recours etaient instruits,
je pense que nous ne serions pas en train de subir de telles decisions
de justice illegales. [...]
Les medias independants sont pratiquement abandonnes a leur triste
sort. [... Il ne suffit pas de] rendre compte de la disparition
des journaux independants. Ils disparaissent effectivement, il
ne reste plus que deux ou trois titres. Face a tant de pressions,
ils ont besoin d'un soutien direct. [...] Il faut comprendre que,
dans un pays comme l'Azerbaïdjan, l'existence d'un media ne peut etre
consideree comme une simple activite economique. C'est veritablement
une activite civique, qui comporte des risques importants, y compris
pour la vie de ceux qui s'y consacrent.
Mais envers et contre tout, nous existons encore. Grâce a ceux qui
nous soutiennent, tant a l'interieur du pays qu'a l'etranger.
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