ERDOGAN AGITE LA TURQUIE ET L'EUROPE EN RAVIVANT LE DEBAT SUR LA PEINE DE MORT
Stephane
armenews.com
vendredi 23 novembre 2012
Simple provocation ou calcul politique ? Les deux sûrement. En
agitant l'idee d'un retablissement de la peine de mort, le Premier
ministre turc a jete un pave dans la mare qui met en ebullition la
classe politique de son pays et suscite une levee de bouclier dans
toute l'Europe.
Ce n'est plus un secret pour personne, Recep Tayyip Erdogan est un
habitue des declarations a l'emporte-pièce. Celles qu'il distille
methodiquement depuis quelques jours sur un eventuel retour de la peine
capitale en Turquie s'inscrivent parfaitement dans cette tradition.
C'est en evoquant le sort reserve au celèbre detenu kurde Abdullah
Ocalan que le chef du gouvernement turc a remis la question sur
le tapis. Condamne a mort en 1999, le chef historique du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK) a vu sa peine commuee en reclusion
criminelle a perpetuite, qu'il purge depuis a l'isolement sur l'île
d'Imrali (nord-ouest).
"Aujourd'hui, de nombreuses personnes sont favorables a un
retablissement de la peine de mort", a-t-il declare au debut du mois
en soulignant la "souffrance" des victimes de la rebellion "terroriste"
du PKK.
M. Erdogan a recidive dimanche en evoquant le meurtrier norvegien
Anders Brevik. "Le pouvoir (de pardonner un meurtrier) appartient a
la famille de la victime, pas a nous", a-t-il declare, "nous devons
reevaluer nos positions".
Sans surprise, cette sortie a provoque un concert de protestation dans
l'Union europeenne, dont la Turquie aspire toujours a devenir membre.
Entre autres mesures, l'abolition de la peine capitale, definitive
en 2004, entrait precisement dans la preparation de sa candidature.
"La peine de mort ne doit pas exister dans les lois des pays membres de
l'Union europeenne", a rappele le commissaire de l'UE a l'elargissement
Stefan Fule. Plus virulent, le president du groupe social-democrate au
Parlement europeen, Hannes Swoboda, a denonce des propos "scandaleux
et provocants" qui mettent "serieusement en danger" la candidature
de son pays.
"Surenchère populiste" -
Face a un tel tolle, ministres et responsables du Parti de la justice
et du developpement (AKP, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir
se sont succede pour tenter d'eteindre l'incendie. "Nous n'etudions
pas cette question pour le moment", a assure le ministre de la Justice
Sadullah Ergin.
"Nous sommes fidèles aux engagements pris dans le cadre du processus
europeen mais nous attendons la meme chose de l'Union europeenne",
a rencheri son collègue des Affaires etrangères Ahmet Davutoglu.
"M. Erdogan est connu pour ses ecarts verbaux, il ne faut pas le
prendre au pied de la lettre", juge l'universitaire Jean Marcou,
specialiste de la Turquie, "il faut plutôt y voir d'abord un signe
d'impatience et de mecontentement face au blocage du processus
d'adhesion europeen".
D'autres voient aussi dans la relance de ce debat une operation de
diversion d'un Premier ministre en difficulte face au mouvement
de grève de la faim lance par les detenus kurdes. "Ce n'est pas
la première fois qu'il a recours a un contre-feu lorsqu'il est en
difficulte", relève un diplomate.
Incontestablement, le propos du Premier ministre n'est pas non plus
exempt d'arrière-pensees politiques. Contraint de quitter son poste
de Premier ministre en 2015, Recep Tayyip Erdogan ne cache plus son
ambition de briguer en 2014 un mandat de president de la Republique
aux pouvoirs renforces.
"Il a besoin des nationalistes pour modifier la Constitution. Et
il est confronte dans son camp a la concurrence du chef de l'Etat
Abdullah Gul, plus modere", note un expert europeen, "donc il joue
la surenchère populiste".
Effectivement, le chef du Parti nationaliste (MHP), Devlet Bahceli,
a bondi sur la proposition de M. Erdogan. "Le MHP est pret a aider
l'AKP a retablir la peine de mort", lui a lance M. Bahceli, "montrez
que vous en etes capable !"
"Ce debat renforce la mauvaise image de la Turquie en Europe et donne
des arguments a ceux qui rejettent sa candidature", regrette l'expert
europeen, "ce n'est vraiment pas une bonne nouvelle".
vendredi 23 novembre 2012, Stephane ©armenews.com
Stephane
armenews.com
vendredi 23 novembre 2012
Simple provocation ou calcul politique ? Les deux sûrement. En
agitant l'idee d'un retablissement de la peine de mort, le Premier
ministre turc a jete un pave dans la mare qui met en ebullition la
classe politique de son pays et suscite une levee de bouclier dans
toute l'Europe.
Ce n'est plus un secret pour personne, Recep Tayyip Erdogan est un
habitue des declarations a l'emporte-pièce. Celles qu'il distille
methodiquement depuis quelques jours sur un eventuel retour de la peine
capitale en Turquie s'inscrivent parfaitement dans cette tradition.
C'est en evoquant le sort reserve au celèbre detenu kurde Abdullah
Ocalan que le chef du gouvernement turc a remis la question sur
le tapis. Condamne a mort en 1999, le chef historique du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK) a vu sa peine commuee en reclusion
criminelle a perpetuite, qu'il purge depuis a l'isolement sur l'île
d'Imrali (nord-ouest).
"Aujourd'hui, de nombreuses personnes sont favorables a un
retablissement de la peine de mort", a-t-il declare au debut du mois
en soulignant la "souffrance" des victimes de la rebellion "terroriste"
du PKK.
M. Erdogan a recidive dimanche en evoquant le meurtrier norvegien
Anders Brevik. "Le pouvoir (de pardonner un meurtrier) appartient a
la famille de la victime, pas a nous", a-t-il declare, "nous devons
reevaluer nos positions".
Sans surprise, cette sortie a provoque un concert de protestation dans
l'Union europeenne, dont la Turquie aspire toujours a devenir membre.
Entre autres mesures, l'abolition de la peine capitale, definitive
en 2004, entrait precisement dans la preparation de sa candidature.
"La peine de mort ne doit pas exister dans les lois des pays membres de
l'Union europeenne", a rappele le commissaire de l'UE a l'elargissement
Stefan Fule. Plus virulent, le president du groupe social-democrate au
Parlement europeen, Hannes Swoboda, a denonce des propos "scandaleux
et provocants" qui mettent "serieusement en danger" la candidature
de son pays.
"Surenchère populiste" -
Face a un tel tolle, ministres et responsables du Parti de la justice
et du developpement (AKP, issu de la mouvance islamiste) au pouvoir
se sont succede pour tenter d'eteindre l'incendie. "Nous n'etudions
pas cette question pour le moment", a assure le ministre de la Justice
Sadullah Ergin.
"Nous sommes fidèles aux engagements pris dans le cadre du processus
europeen mais nous attendons la meme chose de l'Union europeenne",
a rencheri son collègue des Affaires etrangères Ahmet Davutoglu.
"M. Erdogan est connu pour ses ecarts verbaux, il ne faut pas le
prendre au pied de la lettre", juge l'universitaire Jean Marcou,
specialiste de la Turquie, "il faut plutôt y voir d'abord un signe
d'impatience et de mecontentement face au blocage du processus
d'adhesion europeen".
D'autres voient aussi dans la relance de ce debat une operation de
diversion d'un Premier ministre en difficulte face au mouvement
de grève de la faim lance par les detenus kurdes. "Ce n'est pas
la première fois qu'il a recours a un contre-feu lorsqu'il est en
difficulte", relève un diplomate.
Incontestablement, le propos du Premier ministre n'est pas non plus
exempt d'arrière-pensees politiques. Contraint de quitter son poste
de Premier ministre en 2015, Recep Tayyip Erdogan ne cache plus son
ambition de briguer en 2014 un mandat de president de la Republique
aux pouvoirs renforces.
"Il a besoin des nationalistes pour modifier la Constitution. Et
il est confronte dans son camp a la concurrence du chef de l'Etat
Abdullah Gul, plus modere", note un expert europeen, "donc il joue
la surenchère populiste".
Effectivement, le chef du Parti nationaliste (MHP), Devlet Bahceli,
a bondi sur la proposition de M. Erdogan. "Le MHP est pret a aider
l'AKP a retablir la peine de mort", lui a lance M. Bahceli, "montrez
que vous en etes capable !"
"Ce debat renforce la mauvaise image de la Turquie en Europe et donne
des arguments a ceux qui rejettent sa candidature", regrette l'expert
europeen, "ce n'est vraiment pas une bonne nouvelle".
vendredi 23 novembre 2012, Stephane ©armenews.com