LE JUGE GIOVANNI BONELLO ET LE GENOCIDE ARMENIEN : AFFIRMATIONS ABSURDES SUR LES PROCES DE MALTE
Stephane
armenews.com
vendredi 23 novembre 2012
Le Juge [maltais] Giovanni Bonello a descendu en flammes la thèse du
ministre des affaires de l'UE de Turquie, thèse selon laquelle son
pays a ete acquitte de la responsabilite du Genocide Armenien de 1915,
parce qu'aucun procès de ce genre n'avait jamais eu lieu a Malte.
Bien que le ministre turc ait eu raison de dire que plus de cent Turcs
avaient ete conduits a Malte par les Britanniques en 1919 pour y etre
accuses de crimes de guerre, le Genocide Armenien y compris, le defaut
de preuves materielles et l'absence d'une necessaire juridiction
supranationale ont finalement debouche sur le rapatriement puis la
liberation des inculpes turcs, en echange de 22 Britanniques retenus
prisonniers par Mustafa Kemal (Ataturk).
Ce chapitre important mais semble-t-il oublie de l'histoire coloniale
moderne a ete traite par le Juge Bonello dans l'un des volumes de la
serie Histoires de Malte, publies par Fondazzjoni Patrimonju Malti
dont il est l'auteur.
A la suite d'une nouvelle rendue publique hier par ce journal
citant le ministre de l'UE turc qui a fait reference au Genocide des
Armeniens comme a un 'incident', le Docteur Bonello a alerte le Malta
Independant pour faire savoir que ces remarques sont tout simplement
absurdes. Il nous a renvoyes au volume neuf de la serie Histoires de
Malte dans lequel un chapitre particulier titre "Les Procès de Malte'
et la Question Turque-Armenienne ' est consacre a ce sujet controverse.
Le Docteur Bonello explique qu'a la suite de la Première Guerre
Mondiale, il n'existait pas de norme internationale relative au crimes
de guerre. Selon lui, ce n'est qu'a la suite de la conjugaison d'un
certain nombre de faits deliberes que la Première Guerre Mondiale ne
s'est pas terminee, comme la Seconde Guerre Mondiale, en un procès
de Nuremberg. Il y definit le vide juridique ressenti en 1919 comme
"un cauchemar juridique, un domaine inconnu qui defia pour la première
fois les esprits devant un phenomène inconnu jusque la dans l'histoire
des conflits et de ses consequences". Bien que les evenements qui se
sont produits a Malte a cette epoque ont eu un impact tout a fait
majeur dans l'histoire de Turquie, ils sont restes selon l'auteur
totalement inconnus ou ignores a Malte.
Les premières etapes relatives a la Question Armenienne
Selon l'Institut Turc de Politique Etrangère, a la suite de l'armistice
impose par les allies le 30 octobre 1918, les Britanniques designèrent
l'amiral Sir Somerset Arthur Gouch Calthorpe et le contre-amiral
Richard Web comme Haut-commissaire et Assistant Haut-commissaire
de la puissance ottomane vaincue. Le 2 janvier 1919, Calthorpe fit
une requete auprès du Foreign Office pour obtenir l'arrestation et
la presentation de tout ceux qui s'etaient rendus responsables des
incessantes entorses aux termes de l'armistice et du mauvais traitement
des Armeniens.
Calthorpe recut a la fois une equipe d'assistants devoues, dont
faisait partie un Irlandais notoirement antiturc, Andrew Ryan, eleve
au titre de lord par la suite, qui publia ses memoires en 1951. Dans
son nouveau rôle de Drogman en chef de la Haute-Commission britannique
et Officier Politique adjoint, il se retrouva charge de la Question
armenienne. Il compta pour beaucoup dans l'arrestation d'un grand
nombre des deportes de Malte.
Ceux-ci peuvent etre classes en trois categories : ceux qui
continuaient a enfreindre les termes de l'armistice, ceux qui
contre qui etaient designes comme s'etant rendus coupables de
mauvais traitements envers les prisonniers de guerre allies, et
ceux responsables d'excès envers les Armeniens, en Turquie et dans
le Caucase.
Calthorpe convoqua pour une entrevue particulière Reshid Pacha,
ministre des affaires etrangères, pour l'informer que la Grande
Bretagne considerait l'affaire armenienne et les mauvais traitements
subis par les prisonniers de guerre comme "extremement importants"
meritant " la plus grande attention".
Deux jours plus tard, Calthorpe demanda formellement l'arrestation
de sept dirigeants du Comite Union et Progrès (CUP). Tandis que 160 a
200 personnes etaient arretees, 60 autres suspectees d'avoir participe
au massacre des Armeniens etaient laisses libres.
Calthorpe avait deja engage le transfert des prisonniers a Malte, pour
au moins 50 a 60 d'entre eux. Il informa Lord Plumer, Gouverneur de
l'île, de la necessite de recourir a Malte pour assurer leur securite
hors de la Turquie. A ce moment, quelques 40 parmi les suspects
les plus importants etaient detenus en sûrete par les autorites,
mais cinq autres listes noires avaient ete dressees par la section
armenienne et grecque de la Haute Commission Britannique.
Il faut noter aussi que le gouvernement francais de l'epoque avait
souleve diverses objections, l'extradition des detenus turcs a Malte,
entre autres.
Ces mesures, insistait la France, "loin d'avoir les caractères d'une
bonne justice", risquait de laisser une impression de vengeance par
les vainqueurs.
Arrivee des premiers detenus a Malte
Entre temps, des developpements politiques en Turquie, principalement
la montee de Mustafa Kemal (qui deviendra plus tard le charismatique
Ataturk) forcaient les Britanniques a changer precipitamment leurs
plans. L'amiral Webb prit la decision de transferer les prisonniers
en un lieu eloigne des soulèvements populaires d'Istanbul, tels que
l'attaque par des emeutiers sur les prisons de Seriaskeriat et de Bekir
Aga, où des detenus politiques etaient incarceres, en l'attente d'un
jugement devenu impossible a organiser. Webb assuma la responsabilite
de ne pas informer le gouvernement turc de ses intentions avant de
les mette a execution, faisant foi a un souhait non acte de Ferid
Pacha que ces detenus soient transferes a Malte.
67 detenus furent embarques sur le SS Princess Ena, dont 12 chefs
politiques et ex-ministres etaient prevus d'etre debarques a Moudros ,
et 55 a Malte. Un supplement de 11 deportes fut ajoute a ceux d'entre
eux qui devaient debarquer a Malte. Ceux-la avaient ete arretes a la
suite des emeutes de Kars, et n'etaient pas concernes par les crimes
de guerre. Le transfert des exiles se termina dans les baraquements
a Salvatore, Polverista et Verdala, laisses vacants depuis l'annee
precedente par les prisonniers de guerre des puissances centrales. Le
Princesse Ena pris la mer le soir du 28 mai 1919. Parmi ceux destines
a rester a Malte se trouvaient 41 leaders politiques, dont environ
la moitie avaient ete consideres comme responsables d'atrocites
commises sur les Armeniens et les autres faisant l'objet d'une
"mesure preventive de temps de guerre". 14 autres officiers, accuses
de traitement inacceptable de prisonniers de guerre britanniques,
etaient egalement joints a eux.
Des complications juridiques commencent a apparaître
L'auteur explique que c'est a ce moment la que les complications
juridiques commencèrent a faire surface. Aucune loi n'existait pour
permettre un procès Les cours militaires britanniques pouvaient
engager des procès pour trois des sept infractions commises (rupture
des termes de l'armistice, obstacles a leur mise en application,
mauvais traitement des prisonniers de guerre britannique), mais
dans les seuls territoires occupes, pas a Malte. Toutes les autres
infractions, y compris les excès contre les Armeniens, menacèrent de
ressembler a un desert juridique et devoir au mieux etre laissees a
un futur traite de paix.
A la conference de la Paix de Paris, une base legale, vague et mince,
avait a la rigueur ete etablie. Compare a la charte de Nuremberg,
un fantôme de base legale.
Entre temps, le nombre de detenus turcs deportes a Malte avait augmente
au-dela de 100. A ce moment la, il etait deja clair que personne ne
savait comment s'y prendre avec eux, et on commencait a realiser qu'
"il serait très difficile de soutenir dans un tribunal allie des
accusations incontestables devant beaucoup de ces personnes ".
Une nouvelle vague d'arrestations suivit l'occupation de la chambre
des deputes turcs par les troupes britanniques, et 30 importantes
figures politiques furent deportees a Malte sur le HMS Benbow, où
ils arrivèrent le 21 mars 1920. D'autres deportes turcs arrivèrent
petit a petit a Malte et vers le 20 novembre, leur nombre atteignit
144. Cela decida Mustafa Kemal a arreter 20 officiers britanniques en
Anatolie, qui joueront un rôle majeur sur le sort en dernier ressort
des detenus turcs de Malte. Parmi eux se trouvait le Colonel Rawlinson,
un parent de Lord Curzon et frère de Lord Rawlinson.
A la suite d'un memorandum secret mis en circulation par Winston
Churchill, secretaire d'etat a la guerre le cabinet Britannique se
decida pour une revision de la liste des detenus par le Procureur
General. Ceux contre qui aucune poursuite criminelle ne paraissait
possible "devront etre relâches a la première occasion convenable".
Dans ces circonstances, Lord Plumer se retrouva complètement perdu
a Malte quant a la ligne a suivre. Il mentionna les 115 prisonniers
turcs (les autres n'etaient pas techniquement turcs ou avaient ete
relâches) qui appartenaient aux classes sociales les plus elevees. Ils
avaient tous pesamment invoque le principe constitutionnel britannique
selon lequel ils devaient etre consideres et traites comme innocents
jusqu'a ce que la preuve de sa culpabilite soit etablie. Ils niaient
tous leurs accusations, les attribuant a des informations malsaines de
leurs ennemis, Grecs, Armeniens, et a des erreurs d'identite. Toutes
leurs demandes, ajoutait Plumer, sont restees sans reponse, et jamais
la possibilite de se defendre contre quelque accusation que ce soit ne
leur a jamais ete donnee. Ils demandèrent une liste des accusations
portees conter eux, avec une indication des preuves. Plumer soutint
toutes leurs demandes.
Rumbold, de son côte, soutenait qu'il ne fallait rien dire aux
prisonniers - excepte qu'on allait finalement les accuser de massacre
et de deportation, ou de cruaute envers les prisonniers de guerre.
La couronne envisage un echange des prisonniers de guerre
Vers le mois de mars 1921, Lord Curzon informa Rumbold que la couronne
envisageait un echange des prisonniers de guerre et qu'il n'y avait
aucune raison de garder ceux contre qui aucune accusation criminelle
ne serait soutenue. Au debut, Rumbold maintînt qu'au moins quelques
uns des deportes de Malte soient retenus et accuses. Le 16 mars 1921,
le ministre des affaires etrangères turc et le Foreign Office signèrent
un accord a Londres.
En echange des 22 prisonniers britanniques, la Grande Bretagne
libererait 64 prisonniers turcs de Malte. Ceux-ci ne comprenaient
pas ceux qu'on entendait poursuivre sur les infractions commises en
violation des lois et coutumes de guerre ou pour des massacres commis
où que ce soit dans l'empire turc après que la guerre ait eclate.
La valeur des preuves disponibles contre ceux detenus a Malte restait
cruciale. Aucune preuve les concernant n'etait detenue a Londres
ou a Malte, et tous les espoirs reposaient sur le Haut Commissaire
a Constantinople.
Rumbold avanca les preuves qu'il avait sur les 56 deportes qu'il
pensait pouvoir etre poursuivis. Il devint evident que cela etait
base principalement sur le concept de "presomption de culpabilite" :
il fallait que des hauts fonctionnaires gouvernementaux puissent etre
connus pour avoir ete au courant, et acquiesce, aux massacres. Les
autorites britanniques etaient bien conscientes que ce dont ils
disposaient serait insuffisant devant une cour criminelle quelconque.
Le Procureur general montra clairement sa reticence quant a etre
entraîne dans une querelle politique quelconque, et selon lui, seules
les poursuites des huit prisonniers accuses de mauvais traitement
des prisonniers de guerre allies etaient juridiquement fondes.
Pour des raisons qui ne furent jamais expliquees, les autorites
britanniques ne semblent pas avoir jamais considere avoir recours a
Malte aucune preuve - pour la plupart documentaires - des atrocites sur
les Armeniens dont les prisonniers turcs ont ete accuses et convaincus
par les cours militaires turques tout de suite après l'armistice -
des documents substantiels et alarmants.
De meme, les Britanniques trouvèrent repugnant le système inquisitoire
continental de la procedure penale employee en Turquie, compare
a leur propres principes de justice criminelle et doutèrent de
la pertinence de leur emploi. Il est possible egalement que les
gouvernement turc ne se resolut jamais a transmettre les documents
utilises par les tribunaux militaires. Pour une raison ou pour une
autre, avec l'accession au pouvoir d'Ataturk, tous les documents sur
lesquels les tribunaux militaires avaient base leurs procès et leurs
convictions, ont ete 'perdus'.
Opportunement, ajoutent les historiens armeniens.
Confrontes a ce manque concerte de preuves materielles, les politiciens
se tournèrent une fois encore vers le Procureur General qui lui aussi
s'en lava les mains. Le gouvernement saisit l'allusion.
""De ce courrier (celui du Procureur General) on peut deduire que
les chances d'arriver a des accusations sont presque nulles".
Echange a Inebolu sur la Mer Noire, le 31 octobre 1921
Les obstacles a un procès par un tribunal international devenus
presque insurmontables, Sir Lindsay Smith, juge a la Cour Supreme
ecrivit dans ses minutes : " La seule possibilite est donc de les
retenir comme de simples otages, et de les relâcher contre des
prisonniers britanniques".
Les negociateurs, cependant, recurent l'instruction secrète d'inclure
'les huit' aussi si cela devait assurer la liberation des prisonniers
britanniques detenus par Mustafa Kemal. Le gouvernement turc delegua
Hamid Bey, du Croissant Rouge ottoman, pour negocier avec les
Britanniques. Il annonca clairement que pour la Turquie, la seule
solution envisageable etait le tout pour le tout, ce qui comprenait
'les huit'.
Rumbold retint sa reponse jusqu'au premier octobre. Les envoyes
discutèrent la procedure de l'echange dans un port anatolien.
Ensemble, ils tombèrent d'accord sur Inebolu sur la Mer Noire. Les
prisonniers de chacune des parties devraient arriver dans le port
le meme jour. A ce stade, les Britanniques acceptèrent de liberer
'les huit" sans conditions.
Lord Plumer a Malte prepara la liberation des 59 prisonniers restants
et ils prirent la mer en deux groupes, 17 sur le Royal Fleet Auxiliary
Montenol et 42 sur le HMS Chrysanthemum. Ils touchèrent Inebolu le
31 octobre 1921.
Une note finale qui merite l'attention est la declaration faite
par Lord Curzon au Parlement, que le docteur Bonello a deterre des
archives du Foreign Office :
Très embarrasse par l'echange des otages, Lord Curzon ecrivit :
"le moins on en dira sur ces gens (les Turcs liberes au cours de
l'echange) le mieux cela vaudra...J'ai dû expliquer (au Parlement)
pourquoi nous avons libere les deportes turcs de Malte, patinant sur
une glace très mince aussi vite que j'ai pu...Dans leur for interieur,
les Membres (du Parlement) est qu'un prisonnier britannique vaut un
chargement entier de Turcs, et c'est ainsi que l'echange a ete excuse".
Le Docteur Bonello conclut ce chapitre particulier en mettant la
lumière le fait que la controverse sur le Genocide Armenien continue
après près de 100 ans avec de très faibles possibilites de trouver
une solution.
By Keith Micallef - The Malta Independent Online
http://www.independent.com.mt/news.asp ?newsitemid=143007
Traduction et commentaire de Gilbert Beguian
Ainsi donc, contrairement a leurs engagements du 25 mai 1915, ni les
Anglais, ni les Francais n'ont ete capables de juger les coupables du
Genocide après l'armistice de novembre 1918. Le vide juridique, les
difficultes de procedure, invoques par les responsables britanniques,
le peu d'empressement montre par les autorites francaises, la
destruction des preuves par Mustafa Kemal ne sont que de vagues
explications.
Absurde et ec~\urante en effet les remarques du ministre turc : "il n'
y a pas eu de Genocide des Armeniens en 1915, que des incidents. Mais
la Turquie est innocente, puisque les prevenus ont tous ete liberes
par les grandes puissances". Innocente de quoi, des incidents ?
Il a raison, le Juge Bonello, la controverse risque de durer encore
longtemps, aussi longtemps que des ministres auprès de l'UE se
livreront a des affirmations absurdes.
vendredi 23 novembre 2012, Stephane ©armenews.com
Stephane
armenews.com
vendredi 23 novembre 2012
Le Juge [maltais] Giovanni Bonello a descendu en flammes la thèse du
ministre des affaires de l'UE de Turquie, thèse selon laquelle son
pays a ete acquitte de la responsabilite du Genocide Armenien de 1915,
parce qu'aucun procès de ce genre n'avait jamais eu lieu a Malte.
Bien que le ministre turc ait eu raison de dire que plus de cent Turcs
avaient ete conduits a Malte par les Britanniques en 1919 pour y etre
accuses de crimes de guerre, le Genocide Armenien y compris, le defaut
de preuves materielles et l'absence d'une necessaire juridiction
supranationale ont finalement debouche sur le rapatriement puis la
liberation des inculpes turcs, en echange de 22 Britanniques retenus
prisonniers par Mustafa Kemal (Ataturk).
Ce chapitre important mais semble-t-il oublie de l'histoire coloniale
moderne a ete traite par le Juge Bonello dans l'un des volumes de la
serie Histoires de Malte, publies par Fondazzjoni Patrimonju Malti
dont il est l'auteur.
A la suite d'une nouvelle rendue publique hier par ce journal
citant le ministre de l'UE turc qui a fait reference au Genocide des
Armeniens comme a un 'incident', le Docteur Bonello a alerte le Malta
Independant pour faire savoir que ces remarques sont tout simplement
absurdes. Il nous a renvoyes au volume neuf de la serie Histoires de
Malte dans lequel un chapitre particulier titre "Les Procès de Malte'
et la Question Turque-Armenienne ' est consacre a ce sujet controverse.
Le Docteur Bonello explique qu'a la suite de la Première Guerre
Mondiale, il n'existait pas de norme internationale relative au crimes
de guerre. Selon lui, ce n'est qu'a la suite de la conjugaison d'un
certain nombre de faits deliberes que la Première Guerre Mondiale ne
s'est pas terminee, comme la Seconde Guerre Mondiale, en un procès
de Nuremberg. Il y definit le vide juridique ressenti en 1919 comme
"un cauchemar juridique, un domaine inconnu qui defia pour la première
fois les esprits devant un phenomène inconnu jusque la dans l'histoire
des conflits et de ses consequences". Bien que les evenements qui se
sont produits a Malte a cette epoque ont eu un impact tout a fait
majeur dans l'histoire de Turquie, ils sont restes selon l'auteur
totalement inconnus ou ignores a Malte.
Les premières etapes relatives a la Question Armenienne
Selon l'Institut Turc de Politique Etrangère, a la suite de l'armistice
impose par les allies le 30 octobre 1918, les Britanniques designèrent
l'amiral Sir Somerset Arthur Gouch Calthorpe et le contre-amiral
Richard Web comme Haut-commissaire et Assistant Haut-commissaire
de la puissance ottomane vaincue. Le 2 janvier 1919, Calthorpe fit
une requete auprès du Foreign Office pour obtenir l'arrestation et
la presentation de tout ceux qui s'etaient rendus responsables des
incessantes entorses aux termes de l'armistice et du mauvais traitement
des Armeniens.
Calthorpe recut a la fois une equipe d'assistants devoues, dont
faisait partie un Irlandais notoirement antiturc, Andrew Ryan, eleve
au titre de lord par la suite, qui publia ses memoires en 1951. Dans
son nouveau rôle de Drogman en chef de la Haute-Commission britannique
et Officier Politique adjoint, il se retrouva charge de la Question
armenienne. Il compta pour beaucoup dans l'arrestation d'un grand
nombre des deportes de Malte.
Ceux-ci peuvent etre classes en trois categories : ceux qui
continuaient a enfreindre les termes de l'armistice, ceux qui
contre qui etaient designes comme s'etant rendus coupables de
mauvais traitements envers les prisonniers de guerre allies, et
ceux responsables d'excès envers les Armeniens, en Turquie et dans
le Caucase.
Calthorpe convoqua pour une entrevue particulière Reshid Pacha,
ministre des affaires etrangères, pour l'informer que la Grande
Bretagne considerait l'affaire armenienne et les mauvais traitements
subis par les prisonniers de guerre comme "extremement importants"
meritant " la plus grande attention".
Deux jours plus tard, Calthorpe demanda formellement l'arrestation
de sept dirigeants du Comite Union et Progrès (CUP). Tandis que 160 a
200 personnes etaient arretees, 60 autres suspectees d'avoir participe
au massacre des Armeniens etaient laisses libres.
Calthorpe avait deja engage le transfert des prisonniers a Malte, pour
au moins 50 a 60 d'entre eux. Il informa Lord Plumer, Gouverneur de
l'île, de la necessite de recourir a Malte pour assurer leur securite
hors de la Turquie. A ce moment, quelques 40 parmi les suspects
les plus importants etaient detenus en sûrete par les autorites,
mais cinq autres listes noires avaient ete dressees par la section
armenienne et grecque de la Haute Commission Britannique.
Il faut noter aussi que le gouvernement francais de l'epoque avait
souleve diverses objections, l'extradition des detenus turcs a Malte,
entre autres.
Ces mesures, insistait la France, "loin d'avoir les caractères d'une
bonne justice", risquait de laisser une impression de vengeance par
les vainqueurs.
Arrivee des premiers detenus a Malte
Entre temps, des developpements politiques en Turquie, principalement
la montee de Mustafa Kemal (qui deviendra plus tard le charismatique
Ataturk) forcaient les Britanniques a changer precipitamment leurs
plans. L'amiral Webb prit la decision de transferer les prisonniers
en un lieu eloigne des soulèvements populaires d'Istanbul, tels que
l'attaque par des emeutiers sur les prisons de Seriaskeriat et de Bekir
Aga, où des detenus politiques etaient incarceres, en l'attente d'un
jugement devenu impossible a organiser. Webb assuma la responsabilite
de ne pas informer le gouvernement turc de ses intentions avant de
les mette a execution, faisant foi a un souhait non acte de Ferid
Pacha que ces detenus soient transferes a Malte.
67 detenus furent embarques sur le SS Princess Ena, dont 12 chefs
politiques et ex-ministres etaient prevus d'etre debarques a Moudros ,
et 55 a Malte. Un supplement de 11 deportes fut ajoute a ceux d'entre
eux qui devaient debarquer a Malte. Ceux-la avaient ete arretes a la
suite des emeutes de Kars, et n'etaient pas concernes par les crimes
de guerre. Le transfert des exiles se termina dans les baraquements
a Salvatore, Polverista et Verdala, laisses vacants depuis l'annee
precedente par les prisonniers de guerre des puissances centrales. Le
Princesse Ena pris la mer le soir du 28 mai 1919. Parmi ceux destines
a rester a Malte se trouvaient 41 leaders politiques, dont environ
la moitie avaient ete consideres comme responsables d'atrocites
commises sur les Armeniens et les autres faisant l'objet d'une
"mesure preventive de temps de guerre". 14 autres officiers, accuses
de traitement inacceptable de prisonniers de guerre britanniques,
etaient egalement joints a eux.
Des complications juridiques commencent a apparaître
L'auteur explique que c'est a ce moment la que les complications
juridiques commencèrent a faire surface. Aucune loi n'existait pour
permettre un procès Les cours militaires britanniques pouvaient
engager des procès pour trois des sept infractions commises (rupture
des termes de l'armistice, obstacles a leur mise en application,
mauvais traitement des prisonniers de guerre britannique), mais
dans les seuls territoires occupes, pas a Malte. Toutes les autres
infractions, y compris les excès contre les Armeniens, menacèrent de
ressembler a un desert juridique et devoir au mieux etre laissees a
un futur traite de paix.
A la conference de la Paix de Paris, une base legale, vague et mince,
avait a la rigueur ete etablie. Compare a la charte de Nuremberg,
un fantôme de base legale.
Entre temps, le nombre de detenus turcs deportes a Malte avait augmente
au-dela de 100. A ce moment la, il etait deja clair que personne ne
savait comment s'y prendre avec eux, et on commencait a realiser qu'
"il serait très difficile de soutenir dans un tribunal allie des
accusations incontestables devant beaucoup de ces personnes ".
Une nouvelle vague d'arrestations suivit l'occupation de la chambre
des deputes turcs par les troupes britanniques, et 30 importantes
figures politiques furent deportees a Malte sur le HMS Benbow, où
ils arrivèrent le 21 mars 1920. D'autres deportes turcs arrivèrent
petit a petit a Malte et vers le 20 novembre, leur nombre atteignit
144. Cela decida Mustafa Kemal a arreter 20 officiers britanniques en
Anatolie, qui joueront un rôle majeur sur le sort en dernier ressort
des detenus turcs de Malte. Parmi eux se trouvait le Colonel Rawlinson,
un parent de Lord Curzon et frère de Lord Rawlinson.
A la suite d'un memorandum secret mis en circulation par Winston
Churchill, secretaire d'etat a la guerre le cabinet Britannique se
decida pour une revision de la liste des detenus par le Procureur
General. Ceux contre qui aucune poursuite criminelle ne paraissait
possible "devront etre relâches a la première occasion convenable".
Dans ces circonstances, Lord Plumer se retrouva complètement perdu
a Malte quant a la ligne a suivre. Il mentionna les 115 prisonniers
turcs (les autres n'etaient pas techniquement turcs ou avaient ete
relâches) qui appartenaient aux classes sociales les plus elevees. Ils
avaient tous pesamment invoque le principe constitutionnel britannique
selon lequel ils devaient etre consideres et traites comme innocents
jusqu'a ce que la preuve de sa culpabilite soit etablie. Ils niaient
tous leurs accusations, les attribuant a des informations malsaines de
leurs ennemis, Grecs, Armeniens, et a des erreurs d'identite. Toutes
leurs demandes, ajoutait Plumer, sont restees sans reponse, et jamais
la possibilite de se defendre contre quelque accusation que ce soit ne
leur a jamais ete donnee. Ils demandèrent une liste des accusations
portees conter eux, avec une indication des preuves. Plumer soutint
toutes leurs demandes.
Rumbold, de son côte, soutenait qu'il ne fallait rien dire aux
prisonniers - excepte qu'on allait finalement les accuser de massacre
et de deportation, ou de cruaute envers les prisonniers de guerre.
La couronne envisage un echange des prisonniers de guerre
Vers le mois de mars 1921, Lord Curzon informa Rumbold que la couronne
envisageait un echange des prisonniers de guerre et qu'il n'y avait
aucune raison de garder ceux contre qui aucune accusation criminelle
ne serait soutenue. Au debut, Rumbold maintînt qu'au moins quelques
uns des deportes de Malte soient retenus et accuses. Le 16 mars 1921,
le ministre des affaires etrangères turc et le Foreign Office signèrent
un accord a Londres.
En echange des 22 prisonniers britanniques, la Grande Bretagne
libererait 64 prisonniers turcs de Malte. Ceux-ci ne comprenaient
pas ceux qu'on entendait poursuivre sur les infractions commises en
violation des lois et coutumes de guerre ou pour des massacres commis
où que ce soit dans l'empire turc après que la guerre ait eclate.
La valeur des preuves disponibles contre ceux detenus a Malte restait
cruciale. Aucune preuve les concernant n'etait detenue a Londres
ou a Malte, et tous les espoirs reposaient sur le Haut Commissaire
a Constantinople.
Rumbold avanca les preuves qu'il avait sur les 56 deportes qu'il
pensait pouvoir etre poursuivis. Il devint evident que cela etait
base principalement sur le concept de "presomption de culpabilite" :
il fallait que des hauts fonctionnaires gouvernementaux puissent etre
connus pour avoir ete au courant, et acquiesce, aux massacres. Les
autorites britanniques etaient bien conscientes que ce dont ils
disposaient serait insuffisant devant une cour criminelle quelconque.
Le Procureur general montra clairement sa reticence quant a etre
entraîne dans une querelle politique quelconque, et selon lui, seules
les poursuites des huit prisonniers accuses de mauvais traitement
des prisonniers de guerre allies etaient juridiquement fondes.
Pour des raisons qui ne furent jamais expliquees, les autorites
britanniques ne semblent pas avoir jamais considere avoir recours a
Malte aucune preuve - pour la plupart documentaires - des atrocites sur
les Armeniens dont les prisonniers turcs ont ete accuses et convaincus
par les cours militaires turques tout de suite après l'armistice -
des documents substantiels et alarmants.
De meme, les Britanniques trouvèrent repugnant le système inquisitoire
continental de la procedure penale employee en Turquie, compare
a leur propres principes de justice criminelle et doutèrent de
la pertinence de leur emploi. Il est possible egalement que les
gouvernement turc ne se resolut jamais a transmettre les documents
utilises par les tribunaux militaires. Pour une raison ou pour une
autre, avec l'accession au pouvoir d'Ataturk, tous les documents sur
lesquels les tribunaux militaires avaient base leurs procès et leurs
convictions, ont ete 'perdus'.
Opportunement, ajoutent les historiens armeniens.
Confrontes a ce manque concerte de preuves materielles, les politiciens
se tournèrent une fois encore vers le Procureur General qui lui aussi
s'en lava les mains. Le gouvernement saisit l'allusion.
""De ce courrier (celui du Procureur General) on peut deduire que
les chances d'arriver a des accusations sont presque nulles".
Echange a Inebolu sur la Mer Noire, le 31 octobre 1921
Les obstacles a un procès par un tribunal international devenus
presque insurmontables, Sir Lindsay Smith, juge a la Cour Supreme
ecrivit dans ses minutes : " La seule possibilite est donc de les
retenir comme de simples otages, et de les relâcher contre des
prisonniers britanniques".
Les negociateurs, cependant, recurent l'instruction secrète d'inclure
'les huit' aussi si cela devait assurer la liberation des prisonniers
britanniques detenus par Mustafa Kemal. Le gouvernement turc delegua
Hamid Bey, du Croissant Rouge ottoman, pour negocier avec les
Britanniques. Il annonca clairement que pour la Turquie, la seule
solution envisageable etait le tout pour le tout, ce qui comprenait
'les huit'.
Rumbold retint sa reponse jusqu'au premier octobre. Les envoyes
discutèrent la procedure de l'echange dans un port anatolien.
Ensemble, ils tombèrent d'accord sur Inebolu sur la Mer Noire. Les
prisonniers de chacune des parties devraient arriver dans le port
le meme jour. A ce stade, les Britanniques acceptèrent de liberer
'les huit" sans conditions.
Lord Plumer a Malte prepara la liberation des 59 prisonniers restants
et ils prirent la mer en deux groupes, 17 sur le Royal Fleet Auxiliary
Montenol et 42 sur le HMS Chrysanthemum. Ils touchèrent Inebolu le
31 octobre 1921.
Une note finale qui merite l'attention est la declaration faite
par Lord Curzon au Parlement, que le docteur Bonello a deterre des
archives du Foreign Office :
Très embarrasse par l'echange des otages, Lord Curzon ecrivit :
"le moins on en dira sur ces gens (les Turcs liberes au cours de
l'echange) le mieux cela vaudra...J'ai dû expliquer (au Parlement)
pourquoi nous avons libere les deportes turcs de Malte, patinant sur
une glace très mince aussi vite que j'ai pu...Dans leur for interieur,
les Membres (du Parlement) est qu'un prisonnier britannique vaut un
chargement entier de Turcs, et c'est ainsi que l'echange a ete excuse".
Le Docteur Bonello conclut ce chapitre particulier en mettant la
lumière le fait que la controverse sur le Genocide Armenien continue
après près de 100 ans avec de très faibles possibilites de trouver
une solution.
By Keith Micallef - The Malta Independent Online
http://www.independent.com.mt/news.asp ?newsitemid=143007
Traduction et commentaire de Gilbert Beguian
Ainsi donc, contrairement a leurs engagements du 25 mai 1915, ni les
Anglais, ni les Francais n'ont ete capables de juger les coupables du
Genocide après l'armistice de novembre 1918. Le vide juridique, les
difficultes de procedure, invoques par les responsables britanniques,
le peu d'empressement montre par les autorites francaises, la
destruction des preuves par Mustafa Kemal ne sont que de vagues
explications.
Absurde et ec~\urante en effet les remarques du ministre turc : "il n'
y a pas eu de Genocide des Armeniens en 1915, que des incidents. Mais
la Turquie est innocente, puisque les prevenus ont tous ete liberes
par les grandes puissances". Innocente de quoi, des incidents ?
Il a raison, le Juge Bonello, la controverse risque de durer encore
longtemps, aussi longtemps que des ministres auprès de l'UE se
livreront a des affirmations absurdes.
vendredi 23 novembre 2012, Stephane ©armenews.com