LES CHRETIENS ARMENIENS DECHIRES DANS LA GUERRE CIVILE DE SYRIE
Jean Eckian
armenews.com
mardi 2 octobre 2012
Par Martin Armstrong et Lauren Williams
Beyrouth : Les Chretiens armeniens d'Alep sont entraînes dans la guerre
civile de plus en plus sectaire qui se deroule dans ce pays, remettant
en cause la position de neutralite prise par leur dirigeants. Le
pilonnage du gouvernement et les combats entre les forces loyales
au President Bashar El Assad et les combattants de l'opposition ont
atteint les quartiers en majorite chretiens d'Al-Midan, Suleimaniyah
et Azizieh.
Le 11 septembre, quatre Armeniens Syriens ont ete tues et 13 ont ete
blesses lorsque le bus qu'ils avaient pris a l'aeroport a ete pris
sous le feu.
Selon les premiers rapports, ce sont les rebelles de l'Armee Syrienne
Libre qui ont tire sur le bus. Les chefs de l'Armee Syrienne Libre ont
rejete la responsabilite de l'attaque sur les forces gouvernementales,
mais l'incident n'a servi qu'a reveler les tensions croissantes dans
la communaute.
Les rapports insistants de residents chretiens armeniens et de
collaborateurs aux media d'Alep disent que quelques groupes chretiens
ont entrepris de s'armer dans la ville. Plusieurs sources ont declare
au Daily Star que les dirigeants armeniens ont rejete une proposition
du gouvernement d'armer la communaute chretienne armenienne, mais
disent que quelques Armeniens acceptent des armes du regime pour
rejoindre les groupes des milices progouvernementales connues sous
le nom de " comites populaires. "
" Ils paient environ 15 000 livres syriennes (22 dollars) a tout
individu qui veut rejoindre les comites populaires, " explique George,
un militant, qui a demande que son surnom ne soit pas revele, ajoutant
qu'environ 400 hommes ont accepte l'offre.
" Le regime leur dit : ces terroristes sont soutenus par la Turquie
et c'est une chance qui vous est offerte de vous venger de la Turquie.
" C'est une facon d'exploiter la loyaute des Chretiens, mais je pense
que cela a echoue. "
La communaute armenienne d'Alep, forte d'environ 80 000 personnes
et dont les sources remontent jusqu'au premier siècle avant J.C, ont
joui d'une large autonomie culturelle et de liens spontanes avec le
regime alaouite - une relation souvent citee comme representative de
la politique du gouvernement de s'appuyer sur les minorites ethniques
et religieuses pour faire contrepoids a la majorite sunnite.
Dans sa progression vers le centre d'Alep, l'Armee Syrienne Libre
majoritaire a repete les assurances selon lesquelles les minorites
ne seraient pas atteintes et a appele les Chretiens a se joindre a
elle dans leur combat contre le gouvernement.
Cependant, les recentes informations de residents de la ville disent
que les combattants islamistes ciblent de plus en plus les Chretiens
a cause de leur soutien presume pour le regime.
" Ils ont demande que la communaute armenienne abandonne ceux qui
ont rejoint la shabiha [hommes armes en civil qui tirent sur les
manifestants hostiles au regime], " nous dit un homme, usant du
pseudonyme Firas.
Le 14 septembre, les chefs des trois eglises armeniennes d'Alep -
Armenienne Catholique, Armenienne Orthodoxe, et Armenienne Evangelique
- ont fait une declaration commune visant a clarifier la position de
la communaute :
" Tandis que le sang continue de couler avec la meme violence sur
notre cher pays... ajoutant a notre profonde peine, des tentatives
sont faites pour presenter les Armeniens syriens comme partie prenante
dans les combats armes dans la crise actuelle qui secoue la Syrie,
ou pour les attirer dans ce conflit, " dit la declaration.
" Nous rappelons aujourd'hui que la coexistence paisible que les
Armeniens syriens cultivent a travers les decennies continue... et
qu'elle restera eternellement, opposee a tous types de violence ou
d'affrontements armes. "
Parlant par telephone depuis Alep, un porte parole de la Prelature
armenienne d'Alep Jirayr Reyisian a dit au Daily Star que des eglises
et des mosquees, des ecoles et des immeubles residentiels ont ete
endommages par les obus du gouvernement et dans des combats entre les
groupes, soutenant avec insistance que ce ne sont pas les Chretiens
qui sont pris pour cibles.
Il a souligne l'action de la prelature pour couvrir les besoins
humanitaires et offrir un abri a toutes les victimes des combats.
" Les bombes ne font pas de difference entre les sectes, " a-t-il dit.
A la question des armes pour la communaute, il a dit " certains
groupes armes soutiennent l'armee et il y a quelques Armeniens parmi
eux.. Nous n'avons rien a voir avec cela. "
" Nous n'avons pas peur [pour nous]. Nous sommes inquiets pour le
pays dans son ensemble, pour tout le peuple de Syrie. Mais nous ne
prenons pas partie dans cette crise.
Ce meme sentiment est exprime par les membres de la communaute
armenienne libanaise, qui avait adopte une politique de neutralite
au cours de la guerre civile libanaise.
Hagop Pakradounian, depute, elu Tashnag de la circonscription de Metn,
relève que le conflit en Syrie a depasse les positions traditionnelles
de loyaute envers l'etat syrien qui sont actuellement compromises
dans la communaute armenienne.
" Partout, les Armeniens ont soutenu le pays, l'etat, mais avec les
tueries mutuelles d'aujourd'hui en Syrie, nous avons vu aboli la
notion de nation syrienne lorsqu'elle a cede a la guerre civile, "
dit Pakradounian. " L'idee de Syrie a disparu... Si quelqu'un attaque
l'une [une famille] des leurs, leur maison ou leur affaire, ils sont
alors obliges de se defendre, et ce n'est ni pour le gouvernement ni
pour l'opposition.
Le Reverent Paul Haïdostian, President de l'Universite Haïgazian de
Beyrout, estime qu'environ le quart de la population armenienne de
Syrie a ete deplacee du fait du conflit. Tandis que la majorite s'est
installee dans les zones de Syrie moins affectee par le conflit, 2
000 ont selon lui fui en Armenie et un nombre a peu près egal au Liban.
Comme la majorite a rejoint des parents des quartiers de Bourj Hammoud
et Ashrafieh de Beyrouth, ou dans les villes de Anjar dans la Bekaa,
ils ne se sont declares ni a l'UNHCR ni au CICR, rendant difficiles
les verifications de leur nombre.
Cependant, Haïdostian relève vivement la position officielle de
neutralite adoptee par la comunaute armenienne d'Alep, mais il craint
que la montee continuelle du conflit a Alep puisse resulter dans le
depart definitif de la communaute armenienne :
" Je ne pense pas que la communaute armenienne soit plus vulnerable
que d'autres, " declare Haïdostian.
" Ce qui inquiète a Alep, c'est ce qui nous a inquietes en Iraq et
ailleurs, que quelques tendances au depart soient irreversibles si
le conflit devient plus violent. Les minorites paient souvent un prix
plus eleve en quantite et en qualite de vies. "
Au club social du parti Tashnag de Bourj Hammoud, Ogsen [un surnom],
56 ans, luttait pour contenir ses emotions. Il s'est enfui de Al-Midan
il y a juste une semaine, en compagnie de sa mère et de son neveu. Son
frère, paralyse des membres inferieurs, est reste dans la deuxième
ville de Syrie.
" Nous n'avons pu le prendre avec nous, " nous dit Ogsen en secouant
la tete, se souvenant du voyage de 14 heures pour Beyrouth, et sa
frayeur a l'approche des postes de contrôle, dans l'ignorance de qui,
des forces d'Assad ou de l'opposition, ils dependaient.
" Lorsqu'un poste de contrôle etait celui de l'armee, je me sentais
moins tendu, " nous dit Ogsen, " mais j'etais terrifie s'il s'agissait
d'un poste de contrôle de l'opposition. "
" j'aime mon pays, j'aime mon president, mais il a fallu partir,
" dit Ogsen presqu'en s'excusant, " Tout le monde s'en allait. J'ai
vu une jeune fille mourir devant chez moi, atteinte a la tete par un
tir de sniper. Tellemnt de gens..., " sa voix s'est brisee, sa sombre
chevelure boucle tombant sur son front lorsqu'il a baisse son regard
vers le sol.
" Ils s'appellent eux-memes l'Armee de la liberte mais ce sont des
terroristes, " dit-il - un mot courant dans sa bouche lorsqu'il evoque
l'opposition au president syrien.
Amin, 26 ans, de la circonscription d'Alep, emploie de la meme facon
le mot " terroriste " lorsqu'il parle de l'opposition syrienne.
Amin est arrive a Beyrouth deux mois après que l'usine de production
d'automobiles dans laquelle il travaillait ait ferme et il n'a pas
pu trouver du travail.
" Je suis parti [d'Alep] parce que je n'allais pas attendre et mourir
mais je n'aurai bientôt plus d'argent. Je ne sais pas si je pourrai
rester mais je n'ai pas l'intention de retourner. "
Je reviendrai peut-etre pour vendre ma maison mais je m'en irai
ensuite. Je ne veux plus y vivre. "
Daily Star, premier octobre 2012
Jean Eckian
armenews.com
mardi 2 octobre 2012
Par Martin Armstrong et Lauren Williams
Beyrouth : Les Chretiens armeniens d'Alep sont entraînes dans la guerre
civile de plus en plus sectaire qui se deroule dans ce pays, remettant
en cause la position de neutralite prise par leur dirigeants. Le
pilonnage du gouvernement et les combats entre les forces loyales
au President Bashar El Assad et les combattants de l'opposition ont
atteint les quartiers en majorite chretiens d'Al-Midan, Suleimaniyah
et Azizieh.
Le 11 septembre, quatre Armeniens Syriens ont ete tues et 13 ont ete
blesses lorsque le bus qu'ils avaient pris a l'aeroport a ete pris
sous le feu.
Selon les premiers rapports, ce sont les rebelles de l'Armee Syrienne
Libre qui ont tire sur le bus. Les chefs de l'Armee Syrienne Libre ont
rejete la responsabilite de l'attaque sur les forces gouvernementales,
mais l'incident n'a servi qu'a reveler les tensions croissantes dans
la communaute.
Les rapports insistants de residents chretiens armeniens et de
collaborateurs aux media d'Alep disent que quelques groupes chretiens
ont entrepris de s'armer dans la ville. Plusieurs sources ont declare
au Daily Star que les dirigeants armeniens ont rejete une proposition
du gouvernement d'armer la communaute chretienne armenienne, mais
disent que quelques Armeniens acceptent des armes du regime pour
rejoindre les groupes des milices progouvernementales connues sous
le nom de " comites populaires. "
" Ils paient environ 15 000 livres syriennes (22 dollars) a tout
individu qui veut rejoindre les comites populaires, " explique George,
un militant, qui a demande que son surnom ne soit pas revele, ajoutant
qu'environ 400 hommes ont accepte l'offre.
" Le regime leur dit : ces terroristes sont soutenus par la Turquie
et c'est une chance qui vous est offerte de vous venger de la Turquie.
" C'est une facon d'exploiter la loyaute des Chretiens, mais je pense
que cela a echoue. "
La communaute armenienne d'Alep, forte d'environ 80 000 personnes
et dont les sources remontent jusqu'au premier siècle avant J.C, ont
joui d'une large autonomie culturelle et de liens spontanes avec le
regime alaouite - une relation souvent citee comme representative de
la politique du gouvernement de s'appuyer sur les minorites ethniques
et religieuses pour faire contrepoids a la majorite sunnite.
Dans sa progression vers le centre d'Alep, l'Armee Syrienne Libre
majoritaire a repete les assurances selon lesquelles les minorites
ne seraient pas atteintes et a appele les Chretiens a se joindre a
elle dans leur combat contre le gouvernement.
Cependant, les recentes informations de residents de la ville disent
que les combattants islamistes ciblent de plus en plus les Chretiens
a cause de leur soutien presume pour le regime.
" Ils ont demande que la communaute armenienne abandonne ceux qui
ont rejoint la shabiha [hommes armes en civil qui tirent sur les
manifestants hostiles au regime], " nous dit un homme, usant du
pseudonyme Firas.
Le 14 septembre, les chefs des trois eglises armeniennes d'Alep -
Armenienne Catholique, Armenienne Orthodoxe, et Armenienne Evangelique
- ont fait une declaration commune visant a clarifier la position de
la communaute :
" Tandis que le sang continue de couler avec la meme violence sur
notre cher pays... ajoutant a notre profonde peine, des tentatives
sont faites pour presenter les Armeniens syriens comme partie prenante
dans les combats armes dans la crise actuelle qui secoue la Syrie,
ou pour les attirer dans ce conflit, " dit la declaration.
" Nous rappelons aujourd'hui que la coexistence paisible que les
Armeniens syriens cultivent a travers les decennies continue... et
qu'elle restera eternellement, opposee a tous types de violence ou
d'affrontements armes. "
Parlant par telephone depuis Alep, un porte parole de la Prelature
armenienne d'Alep Jirayr Reyisian a dit au Daily Star que des eglises
et des mosquees, des ecoles et des immeubles residentiels ont ete
endommages par les obus du gouvernement et dans des combats entre les
groupes, soutenant avec insistance que ce ne sont pas les Chretiens
qui sont pris pour cibles.
Il a souligne l'action de la prelature pour couvrir les besoins
humanitaires et offrir un abri a toutes les victimes des combats.
" Les bombes ne font pas de difference entre les sectes, " a-t-il dit.
A la question des armes pour la communaute, il a dit " certains
groupes armes soutiennent l'armee et il y a quelques Armeniens parmi
eux.. Nous n'avons rien a voir avec cela. "
" Nous n'avons pas peur [pour nous]. Nous sommes inquiets pour le
pays dans son ensemble, pour tout le peuple de Syrie. Mais nous ne
prenons pas partie dans cette crise.
Ce meme sentiment est exprime par les membres de la communaute
armenienne libanaise, qui avait adopte une politique de neutralite
au cours de la guerre civile libanaise.
Hagop Pakradounian, depute, elu Tashnag de la circonscription de Metn,
relève que le conflit en Syrie a depasse les positions traditionnelles
de loyaute envers l'etat syrien qui sont actuellement compromises
dans la communaute armenienne.
" Partout, les Armeniens ont soutenu le pays, l'etat, mais avec les
tueries mutuelles d'aujourd'hui en Syrie, nous avons vu aboli la
notion de nation syrienne lorsqu'elle a cede a la guerre civile, "
dit Pakradounian. " L'idee de Syrie a disparu... Si quelqu'un attaque
l'une [une famille] des leurs, leur maison ou leur affaire, ils sont
alors obliges de se defendre, et ce n'est ni pour le gouvernement ni
pour l'opposition.
Le Reverent Paul Haïdostian, President de l'Universite Haïgazian de
Beyrout, estime qu'environ le quart de la population armenienne de
Syrie a ete deplacee du fait du conflit. Tandis que la majorite s'est
installee dans les zones de Syrie moins affectee par le conflit, 2
000 ont selon lui fui en Armenie et un nombre a peu près egal au Liban.
Comme la majorite a rejoint des parents des quartiers de Bourj Hammoud
et Ashrafieh de Beyrouth, ou dans les villes de Anjar dans la Bekaa,
ils ne se sont declares ni a l'UNHCR ni au CICR, rendant difficiles
les verifications de leur nombre.
Cependant, Haïdostian relève vivement la position officielle de
neutralite adoptee par la comunaute armenienne d'Alep, mais il craint
que la montee continuelle du conflit a Alep puisse resulter dans le
depart definitif de la communaute armenienne :
" Je ne pense pas que la communaute armenienne soit plus vulnerable
que d'autres, " declare Haïdostian.
" Ce qui inquiète a Alep, c'est ce qui nous a inquietes en Iraq et
ailleurs, que quelques tendances au depart soient irreversibles si
le conflit devient plus violent. Les minorites paient souvent un prix
plus eleve en quantite et en qualite de vies. "
Au club social du parti Tashnag de Bourj Hammoud, Ogsen [un surnom],
56 ans, luttait pour contenir ses emotions. Il s'est enfui de Al-Midan
il y a juste une semaine, en compagnie de sa mère et de son neveu. Son
frère, paralyse des membres inferieurs, est reste dans la deuxième
ville de Syrie.
" Nous n'avons pu le prendre avec nous, " nous dit Ogsen en secouant
la tete, se souvenant du voyage de 14 heures pour Beyrouth, et sa
frayeur a l'approche des postes de contrôle, dans l'ignorance de qui,
des forces d'Assad ou de l'opposition, ils dependaient.
" Lorsqu'un poste de contrôle etait celui de l'armee, je me sentais
moins tendu, " nous dit Ogsen, " mais j'etais terrifie s'il s'agissait
d'un poste de contrôle de l'opposition. "
" j'aime mon pays, j'aime mon president, mais il a fallu partir,
" dit Ogsen presqu'en s'excusant, " Tout le monde s'en allait. J'ai
vu une jeune fille mourir devant chez moi, atteinte a la tete par un
tir de sniper. Tellemnt de gens..., " sa voix s'est brisee, sa sombre
chevelure boucle tombant sur son front lorsqu'il a baisse son regard
vers le sol.
" Ils s'appellent eux-memes l'Armee de la liberte mais ce sont des
terroristes, " dit-il - un mot courant dans sa bouche lorsqu'il evoque
l'opposition au president syrien.
Amin, 26 ans, de la circonscription d'Alep, emploie de la meme facon
le mot " terroriste " lorsqu'il parle de l'opposition syrienne.
Amin est arrive a Beyrouth deux mois après que l'usine de production
d'automobiles dans laquelle il travaillait ait ferme et il n'a pas
pu trouver du travail.
" Je suis parti [d'Alep] parce que je n'allais pas attendre et mourir
mais je n'aurai bientôt plus d'argent. Je ne sais pas si je pourrai
rester mais je n'ai pas l'intention de retourner. "
Je reviendrai peut-etre pour vendre ma maison mais je m'en irai
ensuite. Je ne veux plus y vivre. "
Daily Star, premier octobre 2012