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L'affaire Safarov devant l'APCE

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    CONSEIL DE L'EUROPE
    L'affaire Safarov devant l'APCE

    http://www.armenews.com/article.php3?id_article=83282

    Jeudi 4 octobre 2012 à 15 h 30 heures


    Un débat sur l'affaire Safarov dans l'enceinte de l'Assemblée
    parlementaire du Conseil de l'Europe n'a pas débouché sur l'adoption
    d'une résolution ou d'un document. 24 allocutions ont été prononcées.

    LE PRÉSIDENT- L'ordre du jour appelle enfin notre débat d'actualité
    sur l'affaire Safarov.

    Je vous rappelle que le débat d'actualité est limité à une heure et
    demie et que l'Assemblée a décidé de limiter le temps de parole des
    orateurs à 3 minutes.

    En revanche, le premier orateur, désigné par le Bureau parmi les
    initiateurs du débat, dispose, quant à lui, d'un temps de parole de 10
    minutes.

    La parole est à M. Chope, premier orateur désigné par le Bureau.

    M. CHOPE (Royaume-Uni )* - J'ai donc le grand plaisir d'introduire ce
    débat d'actualité que la commission des questions juridiques et des
    droits de l'homme a réclamé. La commission a également été chargée par
    le Bureau de suivre cette affaire, après que nous eûmes appris que M.
    Safarov avait été transféré de Hongrie en Azerbaïdjan, où il avait été
    amnistié à peine débarqué.

    Le 6 septembre, la commission des questions juridiques et des droits
    de l'homme a débattu de cette affaire et a considéré qu'il s'agissait
    d'un problème d'une extrême gravité, au regard de la primauté du
    droit. C'est dans ce contexte que j'inscris mes remarques liminaires.

    Le 19 février 2004, alors qu'il assistait à un séminaire « Partenariat
    pour la paix » de l'OTAN, Ramil Safarov, un lieutenant de l'armée de
    l'Azerbaïdjan, a assassiné le lieutenant arménien Gourguen Markarian
    avec une hache. Il a été condamné en Hongrie pour assassinat à un
    minimum de trente ans de prison, mais il a bénéficié de l'article 12
    de la Convention de Strasbourg sur le transfèrement des prisonniers.
    C'est ainsi que le 31 août 2012, il a été rapatrié vers son pays, où
    il a été amnistié par le Président azerbaïdjanais et promu au rang de
    commandant. Il a même récupéré l'équivalent de huit années de solde.

    Le Président du Conseil de l'Europe, le Secrétaire Général, le
    Commissaire aux droits de l'homme ont bien sûr condamné cette
    amnistie, l'esprit de la Convention, qui vise à faciliter la
    réhabilitation des prisonniers et leur transfert dans leur pays
    d'origine, ayant de toute évidence été bafoué. Certains semblent
    considérer que M. Safarov est innocent du crime pour lequel il a été
    condamné et emprisonné. Pourtant, au mot « Amnistie », mon
    dictionnaire de droit indique : pardon accordé par le pouvoir
    législatif, qui décide qu'un individu est exonéré de la peine qui lui
    a été infligée pour un crime qu'il a commis. Il s'agit donc d'effacer
    une peine et de pardonner à un criminel. En l'occurrence, M. Safarov a
    été dûment jugé et condamné à une très lourde peine pour son crime.

    Pourquoi donc M. Safarov a-t-il été transféré de sa prison hongroise
    vers l'Azerbaïdjan ? Parce qu'il a demandé son transfèrement en vertu
    des dispositions de la Convention précitée, qui a été adoptée en 1983
    et qui a été ratifiée par un grand nombre d'Etats membres du Conseil
    de l'Europe ainsi que par d'autres pays.

    Selon le préambule de la Convention de Strasbourg, le but du Conseil
    de l'Europe étant de réaliser une union plus étroite entre ses membres
    pour une bonne exécution de la justice et pour faciliter la
    réhabilitation des prisonniers, les prisonniers étrangers devraient
    avoir la possibilité de purger leur peine dans leur Etat d'origine. »
    Suit une série de dispositions qui organisent concrètement les
    transfèrements.

    Parmi celles-ci, l'article 12 dit que chaque partie peut amnistier le
    condamné ou commuer sa peine conformément à son droit national, ce qui
    vient contredire le reste de la Convention. C'est ainsi qu'une fois M.
    Safarov transféré en Azerbaïdjan, les autorités de ce pays ont décrété
    avoir le droit de l'amnistier et cela dans le juste respect du droit
    de l'Azerbaïdjan.

    Pour la commission juridique, on ne parle pas ici de la lettre de la
    loi, mais de l'Etat de droit. Que reste-t-il de la loi et du droit si
    un criminel, condamné à une peine très lourde, peut, de retour dans
    son pays, bénéficier du pardon et être traité en héros ? Ne
    bafoue-t-on pas ainsi tous les principes de la justice ? L'Etat de
    droit impose pourtant que l'on respecte aussi les principes du droit
    international vis-à-vis des meurtriers.

    Plusieurs résolutions de l'ONU traitent du conflit entre l'Azerbaïdjan
    et l'Arménie et de la question du Haut-Karabakh. Le Conseil de
    Sécurité de l'ONU se considère d'ailleurs comme saisi en permanence de
    la question. Mais il est vrai que, malgré toutes ces résolutions, rien
    n'a avancé. Le processus de Minsk est en cours depuis des années et
    n'avance pas non plus ! C'est la raison pour laquelle les deux parties
    en conflit considèrent qu'elles sont libres de bafouer la loi !

    Nous devons persuader la communauté internationale de s'atteler
    sérieusement à la recherche d'une solution au conflit entre l'Arménie
    et l'Azerbaïdjan, car il a des répercussions pour le Conseil de
    l'Europe et cela pose un problème de prééminence du droit, notamment
    en ce qui concerne les prisonniers qui devraient purger leur peine et
    non être traités en héros à leur retour dans leur pays.

    Mes chers collègues, une amnistie est un acte de pardon laissé à la
    discrétion des autorités. Mais dans certains pays, c'est la porte
    ouverte à toutes formes d'arbitraire et, de fait, cette disposition
    s'avère contradictoire avec les principes de prééminence du droit.
    Nous devons en tout cas condamner ce qui s'est passé, mais, surtout,
    essayer de lutter contre ces abus si nous voulons que nos pays
    puissent continuer à cohabiter au sein du Conseil de l'Europe de
    manière pacifique.

    LE PRÉSIDENT - Dans la discussion générale, la parole est à M.
    Rochebloine, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

    M. ROCHEBLOINE (France) - Les conditions scandaleuses dans lesquelles
    le criminel Ramil Safarov a été transféré aux autorités de son pays
    sont trop largement connues pour que je ne les rappelle pas ici
    longuement.

    Mais tout de même, comment ne pas s'indigner lorsqu'un homme, condamné
    à la réclusion à perpétuité en 2006 pour un assassinat commis en 2004,
    se retrouve libre à peine six ans après sa condamnation et de plus
    promu commandant et même fêté en héros national en Azerbaïdjan !

    Aussi voudrais-je exprimer ma profonde compassion à la famille de
    Gourguen Marguarian, à qui on vient d'infliger, huit ans après sa
    mort, une nouvelle et cruelle douleur.

    Je voudrais également m'associer à l'indignation légitime de la nation
    arménienne et aux nombreuses réactions internationales.

    Mais au-delà de sentiments indispensables de solidarité, ce dramatique
    événement m'amène à exprimer de sérieuses inquiétudes.

    D'abord, pour le processus de règlement du conflit dit du
    Haut-Karabakh. Souvent par le passé, les parlementaires français qui
    soutiennent la République d'Artsakh ont été accusés de méconnaître les
    dispositions pacifiques du président Aliev et de l'Azerbaïdjan. Mais
    enfin, quel crédit peut-on accorder à un homme qui fait d'un lche et
    d'un assassin un héros national ? Comment négocier avec un pouvoir qui
    ne parle pas le langage des gens de bonne foi, qui tord le sens commun
    des mots au bénéfice de ses mauvaises causes ?

    Ensuite, pour les valeurs qui nous sont communes. Le droit à un procès
    équitable est considéré par la Convention européenne des droits de
    l'homme comme un droit fondamental de l'homme. Il a pour contrepartie
    l'obligation de respect des décisions de justice conformes à ce droit.
    Nul n'a contesté que la condamnation de Ramil Safarov ait été
    prononcée dans le plus strict respect des principes fondamentaux des
    nations civilisées. Que le gouvernement hongrois la réduise à néant au
    mépris de sa propre justice est un échec pour la cause des droits de
    l'homme, auquel notre Assemblée devrait être particulièrement
    sensible.

    Enfin, pour la cohésion de l'Europe politique. Même si elle est de la
    responsabilité exclusive de M. Orban, la libération de Safarov crée un
    trouble qui porte préjudice à toute l'Union européenne. Un
    gouvernement qui est prêt à vendre la dignité d'une grande nation pour
    faire éponger ses dettes par un dictateur du pétrole, quelle honte
    pour son pays, quelle honte pour l'Europe !

    Autant d'observations qui me paraissent justifier une enquête
    approfondie, au sein de notre Assemblée, sur les véritables causes et
    les conséquences probables de l'affaire Safarov.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à Lord Anderson, au nom du Groupe socialiste.

    Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* - Je partage tous les propos de M. Chope,
    mais j'aimerais ajouter que ce débat ne porte pas sur le Haut-Karabakh
    et que nous ne prononçons pas un nouveau jugement contre M. Safarov.

    Plusieurs questions sont à poser : pourquoi l'Arménie n'a-t-elle pas
    été consultée ? Pourquoi les Hongrois se sont-ils contentés de
    manifester leur mécontentement ? Nos collègues hongrois peuvent-ils
    nous affirmer qu'ils n'avaient aucun intérêt économique ou autre
    derrière ce transfèrement ? On a entendu parler de 3 milliards, promis
    en obligations...

    Chers collègues azerbaïdjanais, comment réagiriez-vous si c'était
    l'Arménie qui pardonnait à un assassin, arménien, d'un soldat
    azerbaïdjanais ?

    Est-il vrai que le gouvernement de l'Azerbaïdjan a affirmé à la
    Hongrie que M. Safarov purgerait une peine d'au moins 25 ans ? Si oui,
    comment une telle garantie a-t-elle pu être donnée sans qu'ensuite le
    verdict soit exécuté ? En effet, dès son arrivée, M. Safarov a été
    gracié, sa solde des huit dernières années lui a été versée et un
    merveilleux appartement a été mis à sa disposition ! Un tel
    comportement - qui est un véritable encouragement au meurtre - a un
    impact le plus négatif possible sur l'ensemble de la région et
    constitue un obstacle à la réconciliation, ainsi qu'à la solution du
    problème régional.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à Mme Brasseur, au nom de l'Alliance des
    démocrates et des libéraux pour l'Europe.

    Mme BRASSEUR (Luxembourg) - La communauté internationale et notre
    Organisation ont été choquées par l'affaire Safarov. Le Groupe de
    l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe partage
    l'indignation exprimée par le Président de notre Assemblée, le
    Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et le Commissaire aux droits
    de l'homme : l'héroïsation des criminels ne peut tout simplement pas
    être tolérée.

    Nous avons été consternés par les tentatives de blanchir le meurtrier,
    qui aurait tué pour défendre « l'honneur national et la dignité du
    peuple » azerbaïdjanais. J'espère que chacun dans cet hémicycle refuse
    que l'honneur national serve d'excuse à un crime aussi grave que
    l'atteinte à la vie humaine, protégée par le deuxième article de la
    Convention Européenne des Droits de l'Homme, le principal document de
    notre Organisation.

    Cette affaire nous rappelle malheureusement que l'incapacité ou
    l'absence persistante de volonté de deux Etats membres du Conseil de
    l'Europe de régler pacifiquement le conflit qui les oppose depuis des
    années a des conséquences tragiques et cause la perte de vies
    humaines. L'héroïsation du crime commis par Safarov ne fait que
    renforcer la haine entre les deux peuples et rend le travail de
    réconciliation encore plus difficile.

    Mais l'affaire Safarov dépasse le cadre des relations déjà tendues
    entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Nous devons nous demander quel genre
    de dysfonctionnement ou de mauvaise volonté a pu rendre possible un
    détournement aussi malhonnête des instruments de coopération
    internationale dans le domaine pénal ?

    Le gouvernement de l'Azerbaïdjan doit comprendre que de tels actes de
    glorification du crime mettent en question la crédibilité du pays et
    de ses engagements auprès de ses partenaires internationaux.

    Je souhaite, pour finir, exprimer toute ma compassion à la famille de
    la victime. Monsieur Chope, je crois en effet que la commission des
    questions juridiques doit se saisir de cette question !

    LE PRÉSIDENT - La parole est à Mme Woldseth, au nom du Groupe
    démocrate européen.

    Mme WOLDSETH (Norvège)* - J'étais très inquiète lorsque j'ai entendu
    que le transfèrement de Safarov de la Hongrie vers l'Azerbaïdjan avait
    ravivé les tensions avec l'Arménie. De nombreux Etats membres du
    Conseil de l'Europe ont connu l'occupation et des conflits. Nous
    souhaitons tous, au sein de cette Assemblée, que les conflits entre
    Etats membres soient résolus le plus rapidement possible. Nous
    travaillons tous activement en ce sens.

    L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe constitue une
    enceinte où des représentants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie peuvent
    se rencontrer. Ici, nous n'avons pas peur d'aborder les questions
    difficiles.

    L'affaire Safarov a été traitée par le système judiciaire hongrois et
    nous n'avons pas à intervenir dans ce domaine. En revanche, notre rôle
    est de formuler des recommandations à destination des Etats membres
    afin qu'ils respectent leurs engagements vis-à-vis de la Convention
    européenne des droits de l'homme.

    Nous devons également lutter contre l'impunité. Il est important qu'un
    pays comprenne comment ses actes peuvent être interprétés par les
    autres. Au nom de mon groupe, j'aimerais donc souligner qu'il est de
    la plus haute importance que l'Arménie et l'Azerbaïdjan entament le
    dialogue.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Kox, au nom du Groupe pour la gauche
    unitaire européenne.

    M. KOX (Pays-Bas)* - Il me semble que nous nous éloignons du sujet
    dans ce débat ! Il s'agit d'évoquer une affaire précise et non un
    conflit en général.

    A la question de savoir si un prisonnier peut purger une partie de sa
    peine dans son pays d'origine, la réponse est oui, en vertu de la
    convention de Strasbourg du Conseil de l'Europe. Ce droit doit être
    protégé. L'entrée en vigueur de cette convention a constitué un
    véritable progrès. C'est l'un des grands succès du Conseil de
    l'Europe.

    Safarov a commis un crime en Hongrie et, en vertu de la convention de
    Strasbourg, a été autorisé à purger le restant de sa peine dans son
    pays d'origine, l'Azerbaïdjan. A son retour dans son pays, il a été
    immédiatement gracié par le président, qui a prétendu que l'article 12
    de la Convention l'y autorisait.

    Nous devons être fiers de notre convention et la préserver. Or, dans
    le cas présent, elle a été bafouée. C'est aussi une violation
    flagrante de la primauté du droit, comme l'a si éloquemment rappelé M.
    Chope.

    Le Groupe pour la gauche unitaire européenne demande au gouvernement
    de l'Azerbaïdjan de reconsidérer les derniers événements, qui
    constituent une véritable violation de la Convention.

    Il y a à peine une heure, cette Assemblée a adopté à une forte
    majorité un code de conduite des membres de l'Assemblée. L'article 18
    dispose que les parlementaires doivent respecter les valeurs de
    l'Organisation et ne rien faire qui puisse décrédibiliser l'Assemblée
    et ses membres. Quiconque refusera de condamner le gouvernement de
    l'Azerbaïdjan bafouera cet article !

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Vejkey.

    M. VEJKEY (Hongrie)* - Chers collègues, tous les aspects du
    transfèrement ont été réalisés conformément à la Convention de
    Strasbourg de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées. La
    procédure s'est déroulée de manière transparente. La façon dont M.
    Safarov a été transféré en Azerbaïdjan correspond bien à la pratique
    généralement adoptée par la Hongrie en pareil cas. Toutes les
    déclarations selon lesquelles l'affaire aurait été influencée par les
    relations énergétiques entre la Hongrie et l'Azerbaïdjan ne
    correspondent pas aux faits.

    Puisque les conditions spécifiées dans la Convention sur le
    transfèrement des personnes condamnées étaient respectées dans
    l'affaire Safarov, son transfèrement a été autorisé par le ministère
    de l'Administration publique et de la Justice le 31 août 2012. La
    Hongrie a agi au mieux, et les aspects humanitaires ont également été
    pris en compte.

    Le Gouvernement hongrois a été atterré d'apprendre que l'Azerbaïdjan
    avait décidé d'amnistier Ramil Safarov. La Hongrie refuse et condamne
    cet acte de l'Azerbaïdjan. La grce présidentielle immédiate viole
    l'essence même de la convention de Strasbourg de 1983.

    Cet acte présidentiel est en contradiction claire avec les engagements
    de l'Azerbaïdjan en la matière qui ont été confirmés par le ministre
    adjoint de la justice de la République d'Azerbaïdjan dans son courrier
    du 15 août 2012 adressé au ministère de l'administration publique et
    de la justice de Hongrie.

    Le 2 septembre 2012, le secrétaire d'Etat du ministère des Affaires
    étrangères, M. Zsolt Németh, a convoqué Vilayat Guliyev, ambassadeur
    d'Azerbaïdjan en Hongrie, afin de l'informer de la position du
    Gouvernement hongrois, et lui a transmis une note diplomatique.

    Le transfèrement de Safarov était une question strictement judicaire
    qui n'était pas dirigée contre l'Arménie, et ne doit pas être
    considérée comme une insulte envers le peuple arménien.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Rouquet.

    M. ROUQUET (France) - Mes chers collègues, l'affaire Safarov touche
    aux valeurs qui sont au c`ur de notre institution. Un homme a tué un
    autre homme, l'a massacré à coups de hache, pour satisfaire à une
    pulsion nationaliste d'un autre ge. La victime ne lui avait rien
    fait, M. Safarov ne la connaissait même pas. Mais M. Margarian avait
    le tort d'être arménien. M. Safarov, condamné en Hongrie, à la prison
    à vie pour ce meurtre odieux a été libéré, extradé vers son pays par
    les autorités hongroises et promu par le président Aliev dès son
    retour.

    Nous sommes particulièrement préoccupés de voir que le Gouvernement
    hongrois, en extradant un assassin, a joué avec le feu dans un
    contexte géopolitique régional où les braises ne sont pas éteintes.
    Cet acte risque de compromettre la sécurité fragile du sud Caucase,
    mais aussi la sécurité des Arméniens dans le monde.

    Mais ce qui s'est passé au retour de M. Safarov en Azerbaïdjan est
    encore plus grave. Accueillir M. Safarov en héros, le glorifier pour
    avoir massacré un arménien, c'est faire l'apologie de l'intolérance et
    de la haine nationaliste. « Plus jamais ça », ces mots qui furent à
    l'origine de la création du Conseil, signifiaient : plus jamais de
    haine meurtrière en Europe.

    Célébrer M. Safarov, sans égard pour la famille de M. Margarian, c'est
    porter atteinte au respect de la vie. Ce n'est pas digne d'un pays
    membre du Conseil de l'Europe.

    Certains, en Azerbaïdjan, ont cherché à justifier ce geste comme une
    conséquence logique du conflit du Haut-Karabakh. Mais comme l'a
    affirmé avec raison le Parlement européen le 14 septembre dernier, la
    frustration dans l'absence de progrès dans le processus de paix sur le
    Haut-Karabakh ne saurait justifier des actes de vengeance.

    Cet assassinat, et cela le rend d'autant plus odieux, a eu lieu lors
    d'une réunion dans le cadre du « partenariat pour la paix » - oui,
    pour la paix ! Aujourd'hui nous sommes inquiets des conséquences
    néfastes de cet acte sur le processus de Minsk, dont la France est un
    acteur important. L'affaire Safarov est un mauvais signe pour la paix
    et la stabilité dans la région du Caucase.

    Monsieur le Président, vous avez fait de la résolution des conflits
    gelés une priorité de votre présidence, et nous nous en félicitons.
    L'Assemblée parlementaire ne saurait rester spectatrice face à cette
    affaire : comme dans l'affaire du bateau errant en Méditerranée, elle
    doit prendre une initiative forte et jouer son rôle de vigie des
    droits de l'homme. Il en va de la défense de nos valeurs et du
    processus de paix dans le Caucase, il en va de l'honneur de notre
    institution.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Harutyunyan.

    M. HARUTYUNYAN (Arménie)* - Chers collègues, les faits sont bien
    connus. Un individu condamné à la prison à vie par un tribunal
    hongrois a été transféré en Azerbaïdjan, puis gracié et libéré dès son
    arrivée dans ce pays. Or, dans la motivation de son arrêt, le juge
    hongrois avait souligné la préméditation du crime, sa brutalité, et
    l'absence totale de regrets de la part de M. Safarov.

    Ce crime odieux est aujourd'hui glorifié, justifié et même récompensé
    par un Etat membre de l'Assemblée. Je remercie le Président de
    l'Assemblée, le Secrétaire Général et le Commissaire aux droits de
    l'homme d'avoir immédiatement et sans ambiguïté condamné cet acte.
    Mais aucune autorité officielle d'Azerbaïdjan n'a exprimé de regrets.
    Au contraire, on ne cesse de propager des discours racistes et
    xénophobes contre les Arméniens.

    Juste après la condamnation unanime de cette grce par le Président de
    l'Azerbaïdjan dans l'affaire Safarov, les responsables de ce pays ont
    commencé à diffuser dans les médias des informations fabriquées sur un
    prétendu complot arménien en vue de commettre un attentat terroriste.
    C'est un chemin dangereux, car afin de prouver ses allégations, le
    régime d'Azerbaïdjan est parfaitement capable de créer des
    provocations afin d'incriminer l'Arménie et les Arméniens. La
    communauté internationale devrait être consciente de ces tactiques
    dignes du KGB. De plus, afin de justifier le meurtre, des officiels de
    haut rang de la République d'Azerbaïdjan ont trompé la société
    azerbaïdjannaise en prétendant que Safarov avait commis ce meurtre en
    défendant l'honneur du drapeau azerbaïdjannais, ou parce qu'il avait
    été témoin du meurtre de ses proches ou même de sa s`ur par des
    Arméniens. Ces allégations ont été totalement écartées par le
    tribunal.

    Soyons clairs : les tentatives de rattacher cette affaire au contexte
    régional ne sont que des efforts pour un meurtre, et le dédain pour
    les décisions de justice. Cette affaire ne concerne pas les relations
    entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il s'agit d'une question d'exécution
    des peines et de respect des droits fondamentaux, en l'occurrence du
    droit à la vie. Une Convention du Conseil de l'Europe ne saurait en
    aucun cas justifier la libération d'un meurtrier.

    Dans cette affaire, un Etat membre et ses dirigeants, de manière
    délibérée et sans le moindre remords, propagent et soutiennent la
    haine et l'intolérance à l'égard d'une nation et récompensent un
    meurtrier.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Agramunt.

    M. AGRAMUNT (Espagne)* - Tout d'abord, je me félicite que nous
    puissions avoir ce débat. En tant que rapporteur chargé de l'un des
    Etats impliqués, il est évident que ce débat est très important pour
    moi. Il est probable que nous allons entendre des avis très
    certainement radicalement contradictoires de la part des deux parties
    au conflit.

    D'un point de vue personnel, j'éprouve un sentiment de rejet face aux
    agissements inacceptables du Gouvernement de la République
    d'Azerbaïdjan. Mais je veux comprendre les aspects relatifs à
    l'application de la convention internationale et du droit national, ce
    qui n'est pas clair jusqu'à présent.

    La proposition de M. Chope est tout à fait bonne. La commission de
    suivi n'a pas suffisamment étudiée la question. Je le ferai lorsque je
    me rendrai dans ce pays au mois de novembre. La commission de suivi va
    participer à cette réflexion. J'espère que la commission des questions
    juridiques nous aidera à comprendre ce qui s'est passé exactement
    entre les trois parties, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Hongrie du
    point de vue juridique.

    Nous sommes face à un conflit gelé, redevenu actif. Le Haut-Karabakh,
    la Transnistrie, le Kosovo, l'Ossétie du Sud, l'Abkhazie, Chypre etc.
    il existe de nombreux conflits gelés en Europe que nous n'avons pas
    été capables de résoudre, j'espère que nous y parviendrons dans un
    avenir proche.

    Je salue l'initiative du Président de l'Assemblée. Il a reçu les
    présidents des délégations des deux pays pour voir si l'on peut
    avancer. Ce conflit remonte à plus de 20 ans ! A la commission de
    suivi, un collègue a reconnu qu'un pays occupe 20 à 30 % du territoire
    d'un autre. On compte des centaines de milliers de réfugiés. Rien ne
    justifie l'acte perpétré par Safarov et rien ne justifie l'agissement
    du gouvernement de l'Azerbaïdjan. Mais je veux examiner toutes les
    facettes, toutes les vérités que nous pourrons entendre. J'espère que
    cet après-midi tout sera dit avec élégance, sans se montrer du doigt
    et sans des accusations trop fortes.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à Mme Naira Zohrabyan.

    Mme Naira ZOHRABYAN (Arménie)* - Chers collègues, ce qui s'est passé
    le 31 août, peut être considéré comme l'un des événements les plus
    honteux de nos jours. La Hongrie, membre de l'Union Européenne, a
    extradé à Bakou Ramil Safarov qui a assassiné à coups de hache, durant
    son sommeil, l'officier arménien Gurguen Margaryan. L'assassin a été
    gracié dès son arrivé à Bakou, car « l'arménophobie » et «
    l'arménocide » sont les plus grands actes d'héroïsme en Azerbaïdjan.
    Cet accord honteux a été conclu devant le monde civilisé. Le monstre,
    qui a tué à la hache l'officier arménien pour des motifs ethniques, a
    été accueilli en héros national dans son pays natal. Parmi les gens
    qui l'accueillirent à l'aéroport, se trouvaient aussi des députés de
    cette organisation. La décision de transfert de Safarov confirme le
    fiasco absolu de la justice et des valeurs paneuropéennes. Le criminel
    Safarov est devenu non seulement l'indicateur de la partialité de la
    justice européenne, mais aussi l'une des plus grandes hontes de
    l'Europe qui porte pourtant des valeurs universelles.

    Chers collègues, ces derniers temps, nous avons été les témoins des
    agissements de l'Azerbaïdjan qui a acheté avec son caviar et ses
    pétrodollars des officiels et des députés européens, ce qui est
    vraiment déshonorant.

    La Hongrie a extradé Ramil Safarov. Si l'Europe, les organisations et
    les autorités européennes et notre Assemblée n'entreprennent pas des
    démarches concrètes envers l'Azerbaïdjan, la justice et les valeurs
    européennes seront mises en danger.

    Il sera alors clair et compréhensible pour tous, que jamais, jamais,
    le Haut-Karabakh ne pourra faire partie d'un Etat, où l'assassinat
    pour motifs ethniques est considéré comme l'héroïsme le plus grand
    pour un pays.

    L'Azerbaïdjan est capable d'acheter des médailles d'or olympiques, de
    payer une rançon énorme pour un monstre peureux qui ne peut que tuer
    des gens à la hache durant leur sommeil. Cependant une chose est sûre
    et certaine, un pays ayant une société dégradée, donnant naissance à
    des Safarov et les portant au rang de héros national, doit être
    condamné par le monde civilisé.

    Je termine mon intervention avec l'observation du publiciste
    azerbaïdjanais Yussif Soufin : « Par cette démarche, l'Azerbaïdjan
    fortifia dans le milieu international son type de pays qui élève les
    assassins au rang de héros ».

    Nous devons évaluer raisonnablement cette situation et nous demander
    si un pays dont le héros national est un assassin, a le droit d'être
    membre de notre famille.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Abbasov.

    M. ABBASOV (Azerbaïdjan)* - Aujourd'hui nos collègues d'Arménie font
    tout pour politiser les actes des autorités de l'Azerbaïdjan
    concernant la grce accordée à Ramil Safarov. Cela est pleinement
    conforme au droit international et à la loi de l'Azerbaïdjan.
    Considérant que M. Safarov avait déjà purgé 8 ans, le président de
    l'Azerbaïdjan a pardonné à cet officier d'un pays en conflit, par un
    acte souverain qu'il pouvait parfaitement effectuer.

    Cela fait vingt ans que l'Arménie occupe 20 % de l'Azerbaïdjan. Cela
    crée des difficultés durables. Ce conflit a provoqué un gros problème
    de réfugiés, de déplacés intérieurs et a maintenu la tension dans
    l'ensemble du Caucase du sud. Il faut trouver une solution rapide à la
    situation du Haut Karabakh ce qui permettra la cohabitation des
    populations autochtones et créera les conditions favorables d'un
    décollage économique. L'Azerbaïdjan est un partenaire fort,
    incontournable dans cette région.

    Le Conseil de l'Europe doit s'intéresser à la sécurité et à
    l'intégrité territoriale de tous ses Etats membres et garantir les
    droits et libertés de toutes les personnes. L'Azerbaïdjan ne peut pas
    assumer ses responsabilités pour la sécurité des citoyens qui vivent
    dans les territoires contrôlés par les Arméniens. Nous essayons de
    trouver des solutions sur la base du droit international. Nous sommes
    prêts à prendre les mesures nécessaires pour ces citoyens qui vivent
    dans la région indiquée. Il faudrait que le pouvoir légitime et
    constitutionnel soit rétabli au Haut-Karabakh. Nous devrions veiller à
    une solution rapide, dans l'intérêt du Conseil de l'Europe. La
    solution au conflit garantirait la stabilité et la sécurité au sud de
    l'Europe.

    Il serait bon aussi de se préoccuper au sein du Conseil de l'Europe,
    des victimes des forces arméniennes au Haut-Karabakh et sur le
    territoire de l'Azerbaïdjan. Mon pays a du gaz, du pétrole, du caviar,
    des médailles d'or, mais quel est le rapport avec les valeurs
    démocratiques ?

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Rzayev.

    M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* - Monsieur le Président, la discussion est
    très intéressante. J'aimerais souligner plusieurs points.

    Il y a eu le meurtre terrible d'un officier arménien par un militaire
    d'Azerbaïdjan. Pourquoi ? Le sang a coulé à cause de l'occupation par
    l'Arménie de l'Azerbaïdjan, du Haut-Karabakh, où des milliers de
    personnes ont été déplacées. On n'a pas informé l'opinion publique de
    la manière dont les populations azéries étaient décimées. Safarov
    vient d'un district où il a vu abattre sa famille. Je n'essaye pas de
    justifier les faits qui ont conduit à ce meurtre, mais il faut
    comprendre aussi pourquoi il a agi ainsi.

    Pourquoi les Arméniens font-ils aujourd'hui une telle propagande
    autour de Safarov ? C'est pour détourner les yeux de l'étranger du
    vrai problème, l'occupation par l'Arménie des territoires de
    l'Azerbaïdjan. On parle des droits de l'homme, des droits des peuples.
    Est-ce qu'on peut interdire à un Azéri de vivre sur sa terre natale ?

    A-t-on le droit d'empêcher un Azéri de voyager dans sa région ? Le
    Haut-Karabakh est ma patrie, et pourtant je ne peux m'y rendre quand
    je le veux. Le vrai problème, le voilà !

    Nous sommes en train de perdre nos jeunes. Ce n'est pas pour cela que
    l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont élevé leurs enfants. Il est très
    déplaisant d'entendre ces accusations unilatérales. C'est à l'avenir
    que nous devons penser, et pour cela, il faut dialoguer. Mais un
    dialogue entre les communautés azérie et arménienne au Haut-Karabakh
    est inenvisageable : nous devons faire appel aux instances de Minsk et
    de l'OSCE pour espérer y parvenir, et cela n'y suffit même pas. Je
    m'adresse à l'Assemblée, à son Président : aidez-nous à nouer un
    dialogue bilatéral. Nous ne changerons pas l'histoire, mais si on ne
    résout pas ce problème, il perdurera et s'étendra à tout le Caucase,
    ce qui compliquera encore la situation.

    Si nous en sommes là, c'est parce que le droit n'a pas été appliqué.
    Si nous respectons le droit international, nous pourrons résoudre le
    problème, sur le fondement du droit.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Díaz Tejera.

    M. DÍAZ TEJERA (Espagne)* - Le non-respect des résolutions
    internationales est injustifiable. Mais le crime atroce dont nous
    parlons est tout simplement horrible. La description qu'en a faite M.
    Chope donne la chair de poule. C'est un acte de barbarie perpétré par
    un être humain contre un autre être humain sans défense. L'acte
    concret nous fait justement horreur, mais le contexte plus général ne
    doit pas nous rendre plus indulgents. Aucune circonstance atténuante
    ne saurait être accordée à l'individu qui a commis ce crime.

    Jamais M. Chope n'a été aussi pondéré qu'aujourd'hui. Aucun des
    intervenants qui lui a succédé n'a apporté d'élément nouveau. Après
    avoir exposé le cas concret et son contexte, il a conclu par une
    proposition. Voici ce que nous devons en effet nous demander : que
    pouvons-nous faire, nous, parlementaires, pour que cela ne se
    reproduise jamais ?

    Du point de vue juridique et technique, il y a eu fraude au droit,
    nous indique le personnel hautement qualifié de l'Assemblée. Il faut
    donc étudier le moyen juridique d'annuler ou de révoquer cet acte.
    Mais l'essentiel est d'empêcher que cela ne se reproduise. Car si le
    texte actuellement en vigueur a rendu cela possible, rien ne garantit
    que cela n'arrivera pas de nouveau.

    Du point de vue politique, je fonde donc de grands espoirs sur
    l'initiative que vous avez prise, Monsieur le Président, de faire
    venir les deux représentants dans votre bureau. Nous verrons alors si
    leur volonté de négociation est réelle, et nous n'aurons plus honte de
    ne pas avoir fait ce qu'il fallait. Merci d'avoir pris la situation en
    main.

    LE PRÉSIDENT - Merci, Monsieur.

    La parole est à M. Seyidov.

    M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* - Une tragédie est survenue. Cette tragédie
    vient de faire l'objet d'une manipulation politique de la part de
    certains cercles. « Que penseraient les Azerbaïdjanais », a demandé
    l'honorable Lord Anderson, « si des Arméniens faisaient la même chose
    ? » Je veux lui répondre.

    En 1992, trois Arméniens ont tué Salatin Askerova, une journaliste
    azérie. Deux ans plus tard, le gouvernement d'Azerbaïdjan les a
    transférés vers l'Arménie. Qu'a fait l'Arménie ? Elle les a
    immédiatement relchés.

    En 1996, Kamo Saakov, condamné à mort pour un attentat à la bombe dans
    le métro de Bakou, a été à son tour transféré en Arménie, qui l'a lui
    aussi relché.

    En 2001, au moment où l'Arménie devenait membre à part entière du
    Conseil de l'Europe, la France lui a transféré le terroriste
    Garbidjian, responsable de l'attentat d'Orly, lequel a fait huit morts
    ; il a été relché, glorifié, on lui a donné un appartement et il a
    été reçu par de hauts responsables à Erevan.

    Le saviez-vous, mes chers collègues ?

    Quand nous parlons de cette tragédie, n'oublions pas qu'il y a une
    guerre entre deux nations. Nous discutons de l'affaire Safarov, mais
    Khodjali ? On n'en parle jamais ici ! 716 femmes, enfants et personnes
    gées ont été tués par les forces arméniennes au Haut-Karabakh. Alors
    pourquoi le président arménien s'est-il glorifié d'avoir participé à
    la guerre du Haut-Karabakh ? Pourquoi l'ancien président Kotcharian
    a-t-il évoqué une incompatibilité entre les deux nations ? Parlons non
    seulement de l'affaire Safarov, mais aussi du Haut-Karabakh, de
    Khodjali, de mon frère, tué par un Arménien. Malgré tout, nous voulons
    la paix ; voilà pourquoi nous sommes ici.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Renato Farina.

    M. Renato FARINA (Italie)* - Prenons garde que la vérité des faits ne
    devienne pas un moyen de retarder la paix. Pour que la paix triomphe,
    la botte du plus fort ne doit pas écraser le vaincu. Il faut
    reconnaître la vérité.

    Il ne s'agit pas ici de faire l'histoire du conflit du Haut-Karabakh,
    mais de porter un jugement serein sur deux faits. Le premier est cet
    homicide : un militaire en a tué un autre qui travaillait avec lui.
    C'est un assassinat sournois et prémédité. C'est d'ailleurs un pur
    hasard si un autre Arménien n'a pas été tué lui aussi. Dans
    l'Antiquité, on aurait parlé d'un homicide avec circonstance
    aggravante, un acte impie car contraire au principe de l'hospitalité
    et de la trêve sacrée. Tout cela, sous les auspices de l'Otan.

    Voilà pourquoi j'ai éprouvé un grand malaise à Paris lorsque j'ai
    entendu un collègue d'Azerbaïdjan en commission des droits de l'homme
    justifier cet homicide en affirmant qu'il y avait toute une série de
    circonstances atténuantes.

    En l'occurrence, l'homicide a été récompensé. Après tout, pourquoi,
    sous le couvert de notre drapeau étoilé, un parlementaire n'en
    tuerait-il pas un autre ? C'est inconcevable, on ne peut justifier un
    tel acte !

    L'autre aspect de la question est le fait qu'un assassin qui reconnaît
    ses crimes ait été mis sur un piédestal dans son pays. Ce n'est plus
    une grce ou un pardon, c'est une exaltation, une glorification - et
    tout cela en profitant d'une convention du Conseil de l'Europe
    destinée à protéger la dignité humaine, et non les meurtriers. C'est
    comme si l'on tuait quelqu'un avec les Tables de la loi sur lesquelles
    est inscrit « Tu ne tueras point ».

    Il faut vraiment que le groupe de Minsk se mobilise. Il faut mettre un
    terme à cette inertie inacceptable, en évitant toutefois que cet acte
    gravissime puisse être le motif de souffrances supplémentaires. Comme
    le disait aussi M. Díaz Tejera, il faut absolument se mobiliser pour
    arriver à un accord, aussi improbable soit-il.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Huseynov.

    M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* - Tout d'abord, l'incident Safarov est lié
    à l'agression arménienne et l'occupation du territoire d'Azerbaïdjan.
    Ces deux faits ne peuvent être séparés.

    Chers collègues, le souci de l'autre est une qualité qui devrait
    toujours être observée par les organisations internationales ainsi que
    par les personnes ayant l'autorité et des positions politiques de haut
    niveau. Cette absence de souci de l'autre génère l'indifférence et un
    grand nombre de problèmes restent sans solution pendant des années, ce
    qui soumet des millions d'êtres humains à des souffrances terribles.

    Or les récents développements m'amènent à penser que la plupart des
    gens, y compris au Conseil de l'Europe, perdent ce souci de l'autre,
    car l'occupation de 20 % du territoire azerbaïdjanais par l'Arménie ne
    suscite que l'indifférence. Néanmoins, les récentes déclarations du
    Président de l'Assemblée et d'autres organisations internationales qui
    reflètent leur préoccupation face à l'affaire Safarov m'étonnent, et
    me réjouissent, car elles montrent que ces personnes qui font ces
    déclarations n'ont pas perdu le souci d'autrui, même s'il peut être
    assez surprenant d'entendre des déclarations aussi précipitées alors
    que nous savons que le fait de relcher Safarov est tout à fait juste
    du point de vue juridique et que les organisations internationales
    n'ont pas réagi face à l'occupation du territoire azerbaïdjanais et
    aux milliers de personnes déplacées.

    J'aimerais donc poser quelques questions.

    Comment peut-on justifier que les tribunaux allemands aient relché un
    meurtrier arménien qui avait assassiné un Turc à Berlin ? Comment
    expliquer que les autorités françaises aient gracié deux terroristes
    arméniens qui avaient été condamnés, l'un pour attentat à Orly,
    l'autre pour avoir tué des diplomates turcs ? Aujourd'hui, ils sont
    considérés comme des héros en Arménie.

    En graciant Safarov, le président d'Azerbaïdjan était tout à fait dans
    son droit et il exprimait la volonté du million d'Azerbaïdjanais
    réfugiés et déplacés. Notre préoccupation porte plutôt sur la non
    application de la Résolution 1416 relative à l'occupation par
    l'Arménie du territoire de l'Azerbaïdjan.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Rustamyan.

    M. RUSTAMYAN (Arménie)* - Malheureusement, nos collègues azéris
    continuent à falsifier la réalité et nous sommes témoins d'une
    nouvelle étape dans cette falsification. Tous les exemples cités n'ont
    rien à voir avec la réalité actuelle.

    En effet, l'affaire Safarov n'est pas simplement un problème qui
    oppose l'Arménie à l'Azerbaïdjan. Pas du tout ! L'affaire Safarov
    représente un vrai défi pour les valeurs que nous défendons partout en
    Europe. Surtout, quand un instrument juridique du Conseil de l'Europe
    développé à des fins humanistes est utilisé pour gracier un criminel,
    qui a sauvagement assassiné un autre collègue pour la seule raison
    qu'il était arménien. Cette grce présidentielle scandaleuse est
    complètement contraire à l'esprit de l'accord international négocié
    pour permettre aux personnes qui ont été condamnées sur le territoire
    d'un Etat d'être transférées pour purger le restant de leur peine sur
    le territoire d'un autre Etat.

    Il est tout à fait évident que la punition d'un assassin doit être
    inéluctable et, en permettant qu'un tel assassin soit libéré, nous
    piétinons la justice. Donc, le vrai défi pour nous aujourd'hui est de
    voir comment rétablir la justice et prévenir la récidive d'une telle
    violation de nos principes et valeurs communes. Les Azéris et tous les
    promoteurs des intérêts de l'Azerbaïdjan font tout pour transformer le
    vrai problème et justifier la position de ce pays. On ne peut tolérer
    que l'atmosphère glorification régnant autour d'un assassin en
    Azerbaïdjan se voit justifiée au sein de notre Organisation.

    Visant cet objectif, la position de l'Azerbaïdjan se fonde
    principalement sur les deux thèses suivantes : le verdict n'était pas
    juste et le dossier doit être examiné dans le contexte du conflit du
    Haut-Karabakh.

    L'absence de progrès notable dans le processus de paix au
    Haut-Karabakh ne peut en aucun cas justifier des actes de vengeance ou
    de provocation qui aggravent une situation déjà tendue et précaire.

    La cour pénale de Budapest a examiné de façon approfondie toutes les
    versions possibles, tous les aspects et les circonstances de ce crime
    odieux. Le verdict a été rendu par le tribunal d'un Etat membre de
    l'Union européenne. J'espère donc qu'à part les Azéris, personne n'a
    le moindre doute sur le fait que ce verdict soit objectif ou que le
    tribunal hongrois soit compétent.

    Chers collègues, il faut absolument que notre Assemblée réagisse vite,
    car le scénario proposé par l'Azerbaïdjan ne cherche qu'à encourager
    et propager l'impunité, la vengeance, l'hostilité et le racisme.

    LE PRÉSIDENT - En l'absence de M. Nessa, inscrit dans le débat, la
    parole est maintenant à M. Szabó.

    M. SZABÓ (Hongrie)* - La raison de notre débat est le crime commis à
    Budapest en 2004 : un Azerbaïdjanais a assassiné un Arménien. A
    l'époque déjà, il était clair qu'il ne s'agissait pas seulement d'un
    crime grave, compte tenu du fait que c'était pour la raison de sa
    nationalité que la victime avait été assassinée. On savait aussi à
    l'époque que ce crime ne serait pas puni par la loi en Azerbaïdjan et
    qu'en Arménie la peine de mort serait appliquée. A l'époque, le
    gouvernement socio-libéral a mené des consultations tripartites,
    négociant tant avec la partie azerbaïdjanaise qu'avec le gouvernement
    arménien.

    Les négociations ont abouti à un compromis accepté par toutes les
    parties : l'assassin serait traduit en justice en Hongrie et il y
    purgerait également sa peine. Il a été condamné à la perpétuité. Le
    gouvernement actuel de la Hongrie a rouvert le dossier cette année et
    a transféré Ramil Safarov fin août en Azerbaïdjan, où il a été
    immédiatement gracié par le président azerbaïdjanais et accueilli en
    héros.

    Le traitement réservé à ce dossier par le nouveau gouvernement est
    tout à fait différent de celui du gouvernement précédent. Les
    négociations ont été, non pas tripartites, mais bipartites. La partie
    arménienne n'a été ni contactée ni informée, pas plus d'ailleurs que
    le Conseil de l'Europe. Le gouvernement hongrois n'a demandé à
    l'Azerbaïdjan aucune garantie sur la question de savoir si Safarov
    purgerait effectivement sa peine.

    La question est de savoir pourquoi les choses se sont déroulées ainsi.
    Or nous n'avons toujours pas de réponse. On entend souvent dire que
    l'accord bilatéral sur le transfèrement des condamnés et le pardon
    présidentiel sont tout à fait conformes au droit international. C'est
    peut-être vrai quant à la lettre, mais certainement pas quant à
    l'esprit !

    Les sociaux-démocrates hongrois ne sont pas d'accord avec la décision
    prise par le gouvernement actuel, ni avec le pardon accordé. Nous
    considérons que son attitude est irresponsable. Nous souhaitons de
    bonnes relations entre la Hongrie et l'Azerbaïdjan, mais à la
    différence du gouvernement actuel, c'est nous, l'opposition, qui avons
    demandé pardon au peuple arménien.

    Ici, au Conseil de l'Europe, nous devons approfondir la réflexion et
    chercher à savoir si les règles internationales en matière de
    transfèrement s'appliquent lorsque la condamnation est liée à un crime
    commis à raison de la nationalité, de la religion, de l'appartenance
    politique ou de la couleur de la peau. A mon avis, ce n'est pas le
    cas. Nous avons donc déposé une proposition que nous vous demandons de
    soutenir, Monsieur le Président.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Ahmet Kutalmiþ Türkeþ.

    M. Ahmet Kutalmiþ TÜRKEÞ (Turquie)* - Les relations entre
    l'Azerbaïdjan et l'Arménie sont troublées depuis des décennies par le
    conflit au Haut-Karabakh et l'escalade vers une véritable guerre reste
    possible. Malgré la gravité de la situation, on n'a pas encore trouvé
    de solution pacifique.

    L'affaire Safarov a remis la région sous les feux de l'actualité. Les
    menaces des officiels arméniens et la question de la reconnaissance de
    la souveraineté de la région sont des éléments essentiels. Malgré la
    légalité de l'extradition de Safarov par la Hongrie, il ne faut ni
    minimiser ni exagérer les répercussions politiques de cet événement.

    L'impossibilité de parvenir à une solution pacifique du conflit est en
    grande partie liée à l'attitude des Arméniens, qui se considèrent
    comme les vainqueurs et continuent à menacer d'une agression. Cela
    entretient la haine, avec pour seul résultat d'allonger la liste des
    victimes et des personnes déplacées, d'un côté comme de l'autre.

    Le meurtre commis par Ramil Safarov ne doit pas détourner l'attention
    de la tragédie humaine que connaît toujours la région. Or il est
    évident ce conflit ne profite à personne, et certainement pas, en tout
    cas, aux Arméniens et aux Azéris. La communauté internationale doit
    aider les deux parties à résoudre le conflit.

    De 1973 à 1987, des organisations terroristes arméniennes ont commis -
    y compris en France - 170 attentats, qui ont tué 31 diplomates turcs,
    causé la mort de 39 civils et fait plus de 500 blessés. Or nous
    n'avons jamais entendu le moindre Arménien - officiel, parlementaire
    ou citoyen - condamner ces assassinats de diplomates turcs. Au
    contraire, ceux-ci ont été glorifiés et récompensés. Voici maintenant
    que nos collègues arméniens sont blessés à leur tour ; maintenant, ils
    comprennent à quel point cela fait mal. Je leur demande donc de ne
    plus instrumentaliser cette affaire et de s'asseoir autour d'une table
    avec leurs collègues azéris pour résoudre leurs différends.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Toshev.

    M. TOSHEV (Bulgarie)* - Le 28 juin 2000, nous étions tous en fête
    quand notre Assemblée donna le feu vert à l'adhésion de l'Arménie et
    de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe. Les représentants des deux
    pays s'embrassèrent même lors de la proclamation de notre décision.
    Nous croyions alors que le conflit du Haut-Karabakh serait résolu et
    qu'il y aurait désormais une vraie volonté de coopération sur cette
    question. Nous avions d'ailleurs explicitement écrit que cette double
    adhésion donnerait un nouvel élan à la coopération au Sud Caucase,
    conformément d'ailleurs à l'article 3 su Statut du Conseil.

    Entre-temps, nous avons adopté la résolution 1525/2006 et la
    recommandation 1771/2006. Malheureusement, le Comité des Ministres n'a
    pas soutenu les idées que nous y développions. Depuis, nous avons
    produit un nouveau rapport sur la coopération au Sud Caucase.
    L'affaire Safarov a engendré une nouvelle flambée de haine entre les
    deux pays. Safarov a été condamné à perpétuité pour l'assassinat de
    Gurgen Markarian à l'Académie militaire de Budapest en 2004. Je
    rappelle à cet égard que nous avons abordé la question des crimes
    d'honneur à travers la recommandation 1881/2009 et la résolution
    1681/2009.

    Les agissements de l'Azerbaïdjan justifient de tels crimes. Le
    comportement inacceptable de ce pays a des répercussions sur
    l'ensemble de la région. De son côté, l'Arménie a déclaré qu'elle ne
    souhaitait pas la guerre, mais qu'elle était prête à se battre si
    nécessaire et à remporter le combat.

    J'espère pour ma part que la réconciliation est possible. J'admire le
    geste de notre Président, qui a invité les deux délégations pour faire
    avancer les choses ; mais cela ne suffit pas. Je demande donc que l'on
    organise une réunion de haut niveau sur ce conflit pour essayer
    d'avancer vers une solution. Seuls, ces deux pays n'y parviendront
    pas. Le Conseil de l'Europe devrait donc assumer ses responsabilités.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Zourabian.

    M. ZOURABIAN (Arménie)* - Même si j'appartiens à la délégation
    arménienne, j'aimerais que la question que nous examinons soit
    extraite des discussions brûlantes entre mon pays et l'Azerbaïdjan sur
    les responsabilités morales et historiques des uns et des autres dans
    le conflit du Haut-Karabakh. Je ne souhaite pas non plus examiner ici
    la question de savoir si la glorification d'un assassin, quelle que
    soit la nation par laquelle il a été condamné, peut être considérée
    comme un comportement acceptable. Je ne me demanderai pas davantage si
    le fait que des négociations soient au point mort puisse justifier des
    violences brutales. En effet, toutes les réponses à ces questions vont
    de soi pour la majorité de ceux qui nous écoutent.

    En revanche, ce qui est en jeu à l'heure actuelle, c'est la destinée
    de nos deux peuples et celle du Haut-Karabakh ; c'est l'avenir de la
    paix dans le Sud Caucase et la stabilité de l'ensemble de la région.

    En mai 1994, un cessez-le-feu a été instauré entre les parties au
    conflit du Haut-Karbakh. Depuis, les négociations dans le cadre du
    Groupe de Minsk de l'OSCE ont tenté de trouver une solution durable au
    conflit pour apporter la paix aux Arméniens et aux Azerbaïdjanais. Ces
    négociations sont difficiles, parfois frustrantes. Néanmoins, c'est la
    seule solution à une guerre régionale destructive à grande échelle.

    Soyons réalistes, l'acte de l'Azerbaïdjan et, dans une moindre mesure,
    de la Hongrie était en somme une extradition, une libération, une
    glorification d'un meurtre, qui a porté un coup sérieux au processus
    de négociations, sapant la perspective de renforcement de la confiance
    entre les parties dans un proche avenir. Il y a trop de crises, de
    tensions dans cette région : la Syrie, l'Irak, les positions prises
    par l'Iran. Dans un tel contexte, il convient de tout faire pour
    préserver un processus de négociation fragile et cela afin de résoudre
    le problème du Haut-Karabakh. Voilà la priorité de la communauté
    internationale !

    En tant que principale opposition dans le pays, nous avons demandé
    devant l'Assemblée nationale arménienne que le gouvernement arménien
    n'apporte pas une réponse destructrice aux actions agressives de
    l'Azerbaïdjan, c'est à la communauté internationale de réagir
    fortement. Elle doit envoyer un message clair aux leaders de la région
    : les responsables ne peuvent pas obtenir ce qu'ils cherchent en
    attisant le sentiment nationaliste ; au contraire, ils doivent
    contribuer à la résolution du conflit sur un mode pacifique. Toute
    action en sens contraire ne ferait qu'alimenter les tensions dans le
    sud Caucase et saper un cessez-le-feu fragile et des négociations de
    paix difficiles.

    LE PRÉSIDENT - M. Beneyto, inscrit, dans le débat, étant absent de
    l'hémicycle, la parole est maintenant à Mme Gafarova.

    Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan )* - Nous parlons du transfèrement de Ramil
    Safarov. Il s'agit d'une procédure judiciaire. A aucun moment, les
    conditions juridiques n'ont été violées. Ces mécanismes juridiques
    existent et le transfèrement ne constitue pas une violation du droit.

    Je reviens sur certains événements évoqués par mes collègues. En avril
    2001, un terroriste arménien, qui avait été condamné à la prison pour
    avoir commis un attentat à Orly, a été transféré en Arménie alors même
    qu'il n'était pas citoyen arménien. De hauts responsables arméniens
    l'ont accueilli à l'aéroport en héros. L'Arménie était alors membre de
    l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et pourtant personne
    dans notre Assemblée n'a réagi ni n'en a débattu ici. On critique
    l'Azerbaïdjan aujourd'hui, pourquoi est-on resté muet à cette époque ?

    Nous discutons aujourd'hui du cas d'un citoyen azerbaïdjanais qui a
    déjà purgé huit ans de prison et qui a été gracié, certes, mais non
    innocenté. Si nous évoquons l'affaire Safarov, il convient également
    d'évoquer les raisons tues, mais réelles de ce crime qui trouve son
    origine dans la situation d'occupation. Il faut replacer cette affaire
    dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh. Les membres de la
    famille de Safarov ont été tués sous ses yeux. Nous reconnaissons son
    crime, mais n'a-t-il pas été condamné pour cela ?

    Si nous discutons de l'affaire Safarov, pourquoi ne pas évoquer
    l'assassinat d'Azerbaïdjanais en Arménie car on semble oublier que de
    nombreux crimes ont été commis durant l'occupation des territoires
    azerbaïdjanais par les Arméniens ? Pourquoi ne parlons-nous pas du
    Président Sarkisyan qui a déclaré qu'il était à Khodjali à l'époque de
    ces massacres ? L'occupation du territoire azerbaïdjanais est illégale
    et le Conseil de sécurité l'a confirmé en 1993.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Salles.

    M. SALLES (France)* - Chers collègues, la libération et la
    glorification de M. Ramil Safarov ont soulevé, à juste titre, de très
    vives protestations. Accueillir en héros un homme qui a commis un acte
    aussi odieux est indigne d'un pays membre du Conseil de l'Europe.

    Je ne reviendrai pas sur les faits, mais la préméditation et la
    brutalité de ce crime sont des circonstances aggravantes. Sa
    motivation, la haine des Arméniens et l'absence totale de remords de
    M. Safarov aussi.

    C'est pourquoi la grce et la promotion accordées à M. Safarov par le
    Président de l'Azerbaïdjan suite à son extradition et à l'occasion de
    son retour dans son pays portent atteinte d'autant plus à nos valeurs,
    au respect élémentaire de la vie de l'autre, quel qu'il soit.

    Un troisième pays membre de notre Assemblée est impliqué : celui où
    s'est produit ce massacre et qui a autorisé l'extradition vers
    l'Azerbaïdjan : la Hongrie. Car cette affaire pose aussi la question
    de l'application de la Convention européenne sur le transfèrement des
    personnes condamnées, une convention du Conseil de l'Europe.

    Bien sûr, d'un point de vue purement technique, la convention a été
    suivie à la lettre. Bien sûr, son article 12 prévoit que les Etats
    peuvent user de leur droit de grce. Mais la condamnation de Ramil
    Safarov prononcée par un juge hongrois avait fait l'unanimité contre
    elle en Azerbaïdjan ; l'Arménie avait demandé à la Hongrie de ne pas
    extrader ce meurtrier. Alors pourquoi cette décision a-t-elle été
    prise si rapidement, sans prévenir la partie arménienne ?

    Au-delà du texte et des procédures juridiques, il y a aussi l'esprit
    de la convention : elle a pour objet principal de favoriser la
    réinsertion sociale des personnes condamnées en permettant à un
    étranger privé de sa liberté à la suite d'une infraction pénale de
    purger sa peine dans son pays d'origine. Oui, purger sa peine !

    La gravité de l'acte - rappelons que M. Margarian a été massacré de 16
    coups de hache pendant son sommeil - la sévérité justifiée de la
    condamnation, la perpétuité, pour un homme reconnu responsable de ses
    actes par les experts, y compris azerbaïdjanais, la situation des
    relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tous ces éléments auraient
    dû conduire la Hongrie à plus de prudence et de retenue dans
    l'application de la convention.

    L'attitude de l'Azerbaïdjan est quant à elle intolérable et doit être
    condamnée. En libérant cet homme, ce pays a encore une fois éloigné
    toute perspective de règlement pacifique du conflit du Haut-Karabakh
    et remis en cause le processus de Minsk. En le transformant en héros
    national, ce pays, membre du Conseil de l'Europe, a fait honte à notre
    institution.

    Il faut donc que l'Azerbaïdjan prenne ses responsabilités et respecte
    ses engagements : pour cela, Ramil Safarov doit retourner en prison et
    purger sa peine.

    Je me tourne maintenant vers mes collègues azerbaïdjanais pour leur
    dire que ce ne sont pas des arguments que nous avons entendus cet
    après-midi, c'est de la propagande ! L'amalgame avec le Haut-Karabakh
    était totalement insupportable. Les déclarations des représentants de
    votre délégation cet après-midi la déshonorent dans cette enceinte,
    qui est le temple des droits de l'homme en Europe. Si l'Azerbaïdjan
    persiste dans cette attitude, cette affaire restera comme une tache
    indélébile, que ce pays devra un jour ou l'autre effacer. Dans
    l'immédiat, je m'interroge sur la légitimité de l'Azerbaïdjan à siéger
    au sein du Conseil de l'Europe.

    LE PRÉSIDENT - La parole est à M. Gaudi Nagy, dernier orateur inscrit
    dans ce débat.

    M. GAUDI NAGY (Hongrie)* - Je suis triste pour les victimes de ce
    conflit qui ont toutes des liens particuliers avec la Hongrie -
    arméniennes comme azerbaïdjanaises. Mais j'ai le sentiment que nous ne
    voyons, ici, que la partie émergée de l'iceberg. Evitons de tomber
    dans le piège du « deux poids deux mesures » !

    Les organisations internationales doivent se mobiliser pour tenter de
    résoudre le conflit et se pencher sur la convention du Conseil de
    l'Europe relative au transfert des prisonniers.

    La question qui se pose est simple : les autorités d'un pays
    peuvent-elles, oui ou non, prévoir la grce de ses condamnés ? D'un
    point de vue juridique, ce principe est incontestable. Mais dans le
    cas qui nous concerne, nous devons avoir une vue globale des choses,
    et notamment du conflit du Haut-Karabakh. Nous devons faire en sorte
    que les Arméniens et les Azerbaïdjanais puissent vivre en bonne
    intelligence, dans le respect des normes européennes. Il ne s'agit pas
    ici de jeter l'anathème sur la Hongrie, l'Arménie ou l'Azerbaïdjan !
    Il est clair que les conflits gelés doivent être réglés sur la base du
    principe de l'autodétermination.

    On pourrait rappeler d'autres crimes, comme celui de cet Irlandais qui
    a assassiné des enfants hongrois et qui n'a jamais été condamné ! Il y
    a des problèmes partout, ne montons pas ces actes cruels en épingle à
    des fins politiques.

    LE PRÉSIDENT - La liste des orateurs est épuisée.

    Monsieur Chope voulez-vous intervenir ?

    M. CHOPE (Royaume-Uni)* - Monsieur le Président, je ne m'attendais pas
    à reprendre la parole.

    Je veux simplement remercier toutes celles et tous ceux qui sont
    intervenus. Si cet hémicycle a pu tenir un débat civilisé sur une
    question aussi émotionnelle, c'est déjà un bon exemple à suivre.
    J'espère que nous n'aurons plus à gérer ce type d'incident à l'avenir.

    LE PRÉSIDENT - Je vous rappelle qu'à l'issue du débat d'actualité,
    l'Assemblée n'est pas appelée à voter. Ce débat aura néanmoins permis
    un échange de vues intéressant entre les membres de l'Assemblée. Votre
    conclusion, monsieur Chope, est effectivement celle que l'on peut
    tirer de ce débat. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que
    la question traitée soit éventuellement renvoyée à la commission
    compétente pour rapport, et c'est, je crois, ce qu'a suggéré Anne
    Brasseur. Le Bureau évoquera certainement cette éventualité dès demain
    matin.

    samedi 6 octobre 2012,
    Stéphane ©armenews.com

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