Announcement

Collapse
No announcement yet.

L'Affaire Safarov Debattue a L'Apce - I

Collapse
X
 
  • Filter
  • Time
  • Show
Clear All
new posts

  • L'Affaire Safarov Debattue a L'Apce - I

    L'AFFAIRE SAFAROV DéBATTUEA L'APCE - I

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=67820
    Publié le : 09-10-2012

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La trente-cinquième
    séance de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE)
    a mis la sinistre "Affaire Safarov" a l'ordre du jour des débats
    du jeudi 4 octobre 2012 a 15 h 30 heures. L'occasion pour les
    parlementaires d'exposer leur interprétation de faits gravissimes
    qui bafouent les valeurs européennes les plus essentielles. Certains
    ont été clairs et nets dans leur dénonciation de l'Azerbaïdjan,
    d'autres ont cru bon de mettre sur le même plan victimes et assassins
    en affirmant que "les deux parties en conflit considèrent qu'elles
    sont libres de bafouer la loi !" Or, en l'occurrence, l'Arménie n'a
    bafoué aucune loi puisqu'elle n'a même pas été consultée pour
    le transfèrement de l'assassin a la hache Ramil Safarov, de Hongrie
    vers l'Azerbaïdjan.

    Les interventions les plus "jouissives" sont celles des parlementaires
    azéris qui se servent de cette tribune de l'APCE pour assener une
    propagande anti-arménienne des plus primaires, n'hésitant pas a
    s'indigner de l'acquittement par une cour allemande en 1921, du jeune
    Soghomon Tehlirian, un Arménien rescapé du génocide de 1915, qui
    avait exécuté Talaat Pacha, le "Hitler" turc en fuite a Berlin... :
    "J'aimerais donc poser quelques questions. Comment peut-on justifier
    que les tribunaux allemands aient relâché un meurtrier arménien
    qui avait assassiné un Turc a Berlin ? " s'est en effet interrogé M.

    Huseynov (Azerbaïdjan). Nous remercions ce valeureux parlementaire
    d'une institution européenne de ridiculiser le pays qu'il représente
    et d'assumer aussi clairement la complicité du nationalisme et du
    négationnisme turco-azéris. Son collègue turc, Ahmet KutalmiÅ~_
    TurkeÅ~_, lui a prêté main forte en matière de cynisme et de
    mauvaise foi, pour justifier l'odieux crime de Ramil Safarov et sa
    grâce par le dictateur de l'Azerbaïdjan Ilham Aliev : "De 1973 a
    1987, des organisations terroristes arméniennes ont commis - y compris
    en France - 170 attentats, qui ont tué 31 diplomates turcs, causé la
    mort de 39 civils et fait plus de 500 blessés. Or nous n'avons jamais
    entendu le moindre Arménien - officiel, parlementaire ou citoyen -
    condamner ces assassinats de diplomates turcs. Au contraire, ceux-ci
    ont été glorifiés et récompensés." Damned ! Ces organisations -
    un peu distraites sans doute - n'ont pas dÃ" entendre les excuses de
    la Turquie moderne pour les 1 500 000 victimes du génocide arménien
    en 1915, pour l'éradication totale d'un peuple et de sa culture de
    ses terres ancestrales en Anatolie. Elles ont par contre dÃ" prendre
    bonne note de la glorification des criminels Jeunes-Turcs y compris
    dans la Turquie d'aujourd'hui : Talaat Pacha, le "Hitler" turc a
    son Mausolée sur la Colline de la Liberté a Istanbul, des écoles
    et des avenues portent son nom en Turquie et les gouvernements turcs
    successifs pratiquent un négationnisme d'Etat outrancier a l'échelle
    nationale et internationale. Ils interfèrent même dans la politique
    intérieure de la France, des Etats-Unis, pour bloquer toute loi
    reconnaissant le génocide arménien ou condamnant le négationnisme.

    Voici les principales interventions des débats a l'APCE sur l'Affaire
    Safarov, précédées de quelques interventions sur le lobbying
    en politique...

    Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE)

    ESSION ORDINAIRE DE 2012 ________________ (Quatrième partie)
    COMPTE RENDU

    de la trente-cinquième séance

    Jeudi 4 octobre 2012 a 15 h 30 heures La séance est ouverte a 15 h
    35 sous la présidence de M. Rouquet, Vice-Président de l'Assemblée.

    EXTRAITS :

    2. Déontologie des membres de l'Assemblée parlementaire : bonne
    pratique ou devoir ?

    M. WALTER (Royaume-Uni) rapporteur suppléant de la commission
    du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles*
    - Monsieur le Président, mes chers collègues, ce rapport est le
    fruit du travail de M. Heald, mais ce dernier vient d'être nommé
    Procureur général par le Premier ministre et ses nouvelles fonctions
    l'empêchent d'être présent parmi nous.

    M. Heald a siégé au Comité des normes de la vie publique de
    la Chambre des Communes et, depuis 2008, il siège au Comité
    indépendant pour la protection de la vie privée. Il s'est donc
    toujours engagé pour la définition des normes les plus élevées
    en matière protection de la vie privée.

    Il ne saurait y avoir le moindre soupcon de corruption dans les
    décisions que nous prenons a l'Assemblée parlementaire. En juin 2011,
    M. Mignon et d'autres collègues ont estimé nécessaire d'élaborer un
    code de conduite, afin d'offrir aux parlementaires un cadre notamment
    en ce qui concerne les conflits d'intérêts, les offres de cadeaux
    ou d'hospitalité.

    Les membres actuels se comportent-ils de facon moins éthique que
    les précédents ? Disposons-nous d'un indicateur fiable pour mesurer
    l'intégrité d'une personne ?

    L'intérêt grandissant pour le sujet est dÃ" au fait que les relations
    entre le classe politique et la population ont changé. Cette dernière
    veut en savoir davantage sur ses institutions et la facon dont les
    décisions sont prises. Certains scandales, ces dix dernières années,
    ont sapé la confiance dans les élus.

    Par ailleurs, l'implication des lobbies dans les travaux de
    l'Assemblée, ces dernières années, est une réalité. Des
    gouvernements, des organisations politiques et même des individus
    engagent des lobbyistes pour promouvoir leurs intérêts.

    Il y a une dizaine de jours, les présidents des parlements
    nationaux se sont réunis ici pour discuter des défis lancés a la
    démocratie. Ils se sont demandé comment améliorer la confiance dans
    les institutions parlementaires. En effet, des mécanismes doivent
    être mis en place pour regagner la confiance de l'opinion publique.

    Tout parlementaire qui s'enrichit personnellement doit rendre compte
    de ses actes.

    La rédaction d'un code de déontologie nous conduit a nous
    interroger sur l'existence ou non, au niveau européen, d'un
    consensus en la matière. Un pot de confiture ou une bouteille de
    vin offert a un parlementaire doit-il être considéré comme un
    cadeau ou un pot-de-vin ? Un parlementaire doit-il quitter son
    activité professionnelle après avoir été élu ou a-t-il le
    droit de concilier ses deux activités ? Il n'y a probablement
    pas de réponse unique a ces questions. Chaque pays dispose de ses
    propres conceptions. Néanmoins, ce projet de code de conduite vise
    a regrouper des principes universels, admissibles par chacun quels
    que soient son appartenance politique et son idéologie.

    Ce document doit être une référence au regard du comportement
    attendu d'un parlementaire. Il traite des conflits d'intérêt, qui
    doivent être résolus dans l'intérêt des citoyens. Si ce n'est
    pas possible, alors il convient d'interdire certaines activités
    rémunérées visant a défendre des intérêts particuliers. Les
    cadeaux et les avantages en nature doivent par ailleurs être
    déclarés dès lors que leur valeur excède 200 euros, les
    parlementaires n'étant pas obligés de déclarer les petits
    cadeaux. Une disposition particulière prévoit que les anciens membres
    de groupes de lobbying doivent être traités de la même manière
    que les représentants d'autres groupes d'intérêt. La commission
    du Règlement s'est interrogée sur la nécessité d'une période
    de transition pour les anciens membres de lobbys et a jugé qu'elle
    n'était pas appropriée. Elle réexaminera la question en cas d'abus.

    Le code de conduite donne au Président de l'Assemblée un rôle
    déterminant puisqu'il lui revient de décider de l'ouverture d'une
    enquête ou de sanctions éventuelles. Il peut également décider
    de rendre l'enquête publique ou de la traiter en interne. C'est
    également lui qui juge de la fiabilité des informations qui lui
    sont communiquées.

    Selon une ONG, des parlementaires auraient recu des cadeaux d'un Etat
    membre en échange de certaines faveurs. Le projet de résolution et le
    code de déontologie prévoient de modifier l'article 12 du Règlement
    en introduisant l'obligation pour les membres de l'Assemblée de
    respecter le code de déontologie dans l'exercice de leur fonction. En
    élaborant ce rapport, nous avons constaté qu'il était nécessaire de
    modifier les règles d'accès des lobbyistes et des représentants de
    groupes d'intérêt. Le rapport de la commission du Règlement offre
    aujourd'hui a l'Assemblée une excellente occasion de participer au
    travail important du GRECO sur la prévention de la corruption. Les
    recommandations du GRECO devront donc être examinées de près. En
    outre, les parlements nationaux sont invités a coopérer pleinement
    avec le GRECO dans le cadre de son 4ème cycle d'évaluation.

    Le code de déontologie n'est pas la panacée, mais il constitue un pas
    important et, pour cela, mérite d'être adopté par l'Assemblée. Je
    vous invite donc a voter le rapport. Ce serait un bel hommage que nous
    rendrions au rapporteur que j'ai eu l'honneur de remplacer aujourd'hui.

    Dans la discussion générale, la parole est a M. Harutyunyan, au
    nom du Groupe démocrate européen.

    M. HARUTYUNYAN (Arménie)* - Le Groupe démocrate européen appuie
    pleinement ce rapport ; nous avons d'ailleurs signé la proposition
    qui lui est sous-jacente. Un code de conduite pour les membres de
    l'Assemblée est un instrument nécessaire compte tenu de l'existence
    de conflits d'intérêt, d'activités de lobbying et de leur impact
    sur le fonctionnement démocratique et la prise de décision politique.

    De toute évidence, de simples déclarations de conflit d'intérêt ne
    constituent pas un mécanisme suffisant pour garantir a la transparence
    des activités des membres de l'Assemblée. Il est regrettable que
    certains d'entre eux dissimulent leur activité de lobbying. Celle-ci
    n'est révélée qu'une fois qu'ils quittent l'Assemblée. Un certain
    nombre de nos collègues deviennent alors immédiatement membres de
    groupes de lobbying. Il serait naïf de penser qu'ils n'étaient
    pas rémunérés pour servir leur cause lorsqu'ils siégeaient a
    l'Assemblée.

    Tout en reconnaissant que le lobbying est légal et nécessaire
    au fonctionnement d'une démocratie, nous ne devons pas oublier
    qu'il s'agit d'une activité rémunérée. L'influence de groupes
    d'intérêts est compatible avec la démocratie mais elle peut
    déboucher sur la corruption politique et l'inégalité de la
    représentation. Nous devons donc nous souvenir que l'Assemblée
    parlementaire du Conseil de l'Europe n'est pas une organisation qui
    légifère, dans laquelle le lobbying pourrait constituer un instrument
    nécessaire pour promouvoir certains intérêts. L'Assemblée promeut
    les valeurs de la démocratie, de la prééminence du droit et des
    droits de l'homme. La transparence est la pierre angulaire de la
    bonne gouvernance et de la confiance dans l'institution. Quiconque se
    livre a une activité de lobbying ne peut respecter les principes de
    l'Organisation. En outre, les lobbyistes peuvent abuser des relations
    qu'ils ont nouées a l'Assemblée afin de s'enrichir.

    L'Assemblée doit poursuivre sa réflexion et continuer a élaborer
    des mécanismes forts pour veiller a la transparence et a l'intégrité
    de l'Organisation. Le premier pas dans cette direction pourrait être
    la mise en place d'un registre des membres de lobbys et de mécanismes
    permettant de les identifier.

    La commission du Règlement, des immunités et des affaires
    institutionnelles a présenté un projet de résolution sur lequel
    un amendement a été déposé.

    Cet amendement no 1, présenté par M. Harutyunyan, Mmes Postanjyan,
    Zohrabyan, MM. Vahé, Hovhannisyan, Zourabian, Rustamyan, tend, dans
    le projet de résolution, a la fin du paragraphe 21, a insérer la
    phrase suivante : Â" Aucun ancien membre n'agira en tant que promoteur
    rémunéré d'intérêts pendant au moins cinq ans. Â" La parole est
    a M. Harutyunyan, pour le soutenir.

    M. HARUTYUNYAN (Arménie)* - Nous proposons que les anciens membres de
    l'Assemblée ne puissent défendre des intérêts contre rémunération
    pendant une période transitoire de cinq ans. Certaines personnes,
    notamment des chefs de délégation et des présidents de commission,
    ont en effet été impliquées dans ce type d'activités. Si nous
    n'adoptons pas cette règle, nous risquons de mettre en péril
    l'essence même de cette Assemblée.

    Malheureusement, la commission a repoussé cet amendement - par six
    voix contre cinq. Une période de transition figure pourtant dans
    notre recommandation de 2010 et, par souci de cohérence, l'Assemblée
    devrait suivre ses propres recommandations.

    (...)

    M. Mignon, Président de l'Assemblée, remplace Mme de Pourbaix-Lundin
    au fauteuil présidentiel.

    4. L'affaire Safarov (Débat d'actualité)

    LE PRÃ~ISIDENT- L'ordre du jour appelle enfin notre débat d'actualité
    sur l'affaire Safarov.

    Je vous rappelle que le débat d'actualité est limité a une heure
    et demie et que l'Assemblée a décidé de limiter le temps de parole
    des orateurs a 3 minutes.

    En revanche, le premier orateur, désigné par le Bureau parmi les
    initiateurs du débat, dispose, quant a lui, d'un temps de parole de
    10 minutes.

    La parole est a M. Chope, premier orateur désigné par le Bureau.

    M. CHOPE (Royaume-Uni )* - J'ai donc le grand plaisir d'introduire
    ce débat d'actualité que la commission des questions juridiques et
    des droits de l'homme a réclamé. La commission a également été
    chargée par le Bureau de suivre cette affaire, après que nous eÃ"mes
    appris que M.

    Safarov avait été transféré de Hongrie en Azerbaïdjan, où il
    avait été amnistié a peine débarqué.

    Le 6 septembre, la commission des questions juridiques et des droits de
    l'homme a débattu de cette affaire et a considéré qu'il s'agissait
    d'un problème d'une extrême gravité, au regard de la primauté du
    droit. C'est dans ce contexte que j'inscris mes remarques liminaires.

    Le 19 février 2004, alors qu'il assistait a un séminaire Â"
    Partenariat pour la paix Â" de l'OTAN, Ramil Safarov, un lieutenant
    de l'armée de l'Azerbaïdjan, a assassiné le lieutenant arménien
    Gourguen Markarian avec une hache. Il a été condamné en Hongrie
    pour assassinat a un minimum de trente ans de prison, mais il a
    bénéficié de l'article 12 de la Convention de Strasbourg sur le
    transfèrement des prisonniers.

    C'est ainsi que le 31 aoÃ"t 2012, il a été rapatrié vers son pays,
    où il a été amnistié par le Président azerbaïdjanais et promu
    au rang de commandant. Il a même récupéré l'équivalent de huit
    années de solde.

    Le Président du Conseil de l'Europe, le Secrétaire Général,
    le Commissaire aux droits de l'homme ont bien sÃ"r condamné
    cette amnistie, l'esprit de la Convention, qui vise a faciliter la
    réhabilitation des prisonniers et leur transfert dans leur pays
    d'origine, ayant de toute évidence été bafoué. Certains semblent
    considérer que M. Safarov est innocent du crime pour lequel il a
    été condamné et emprisonné. Pourtant, au mot Â" Amnistie Â",
    mon dictionnaire de droit indique : pardon accordé par le pouvoir
    législatif, qui décide qu'un individu est exonéré de la peine qui
    lui a été infligée pour un crime qu'il a commis. Il s'agit donc
    d'effacer une peine et de pardonner a un criminel. En l'occurrence,
    M. Safarov a été dÃ"ment jugé et condamné a une très lourde
    peine pour son crime.

    Pourquoi donc M. Safarov a-t-il été transféré de sa prison
    hongroise vers l'Azerbaïdjan ? Parce qu'il a demandé son
    transfèrement en vertu des dispositions de la Convention précitée,
    qui a été adoptée en 1983 et qui a été ratifiée par un grand
    nombre d'Etats membres du Conseil de l'Europe ainsi que par d'autres
    pays.

    Selon le préambule de la Convention de Strasbourg, le but du Conseil
    de l'Europe étant de réaliser une union plus étroite entre ses
    membres pour une bonne exécution de la justice et pour faciliter la
    réhabilitation des prisonniers, les prisonniers étrangers devraient
    avoir la possibilité de purger leur peine dans leur Etat d'origine. Â"
    Suit une série de dispositions qui organisent concrètement les
    transfèrements.

    Parmi celles-ci, l'article 12 dit que chaque partie peut amnistier
    le condamné ou commuer sa peine conformément a son droit national,
    ce qui vient contredire le reste de la Convention. C'est ainsi qu'une
    fois M.

    Safarov transféré en Azerbaïdjan, les autorités de ce pays ont
    décrété avoir le droit de l'amnistier et cela dans le juste respect
    du droit de l'Azerbaïdjan.

    Pour la commission juridique, on ne parle pas ici de la lettre de la
    loi, mais de l'Etat de droit. Que reste-t-il de la loi et du droit
    si un criminel, condamné a une peine très lourde, peut, de retour
    dans son pays, bénéficier du pardon et être traité en héros ? Ne
    bafoue-t-on pas ainsi tous les principes de la justice ? L'Etat de
    droit impose pourtant que l'on respecte aussi les principes du droit
    international vis-a-vis des meurtriers.

    Plusieurs résolutions de l'ONU traitent du conflit entre
    l'Azerbaïdjan et l'Arménie et de la question du Haut-Karabakh. Le
    Conseil de Sécurité de l'ONU se considère d'ailleurs comme saisi
    en permanence de la question. Mais il est vrai que, malgré toutes
    ces résolutions, rien n'a avancé. Le processus de Minsk est en
    cours depuis des années et n'avance pas non plus ! C'est la raison
    pour laquelle les deux parties en conflit considèrent qu'elles sont
    libres de bafouer la loi !

    Nous devons persuader la communauté internationale de s'atteler
    sérieusement a la recherche d'une solution au conflit entre l'Arménie
    et l'Azerbaïdjan, car il a des répercussions pour le Conseil
    de l'Europe et cela pose un problème de prééminence du droit,
    notamment en ce qui concerne les prisonniers qui devraient purger leur
    peine et non être traités en héros a leur retour dans leur pays.

    Mes chers collègues, une amnistie est un acte de pardon laissé a la
    discrétion des autorités. Mais dans certains pays, c'est la porte
    ouverte a toutes formes d'arbitraire et, de fait, cette disposition
    s'avère contradictoire avec les principes de prééminence du droit.

    Nous devons en tout cas condamner ce qui s'est passé, mais, surtout,
    essayer de lutter contre ces abus si nous voulons que nos pays
    puissent continuer a cohabiter au sein du Conseil de l'Europe de
    manière pacifique.

    LE PRÃ~ISIDENT - Dans la discussion générale, la parole est a M.

    Rochebloine, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

    M. ROCHEBLOINE (France) - Les conditions scandaleuses dans lesquelles
    le criminel Ramil Safarov a été transféré aux autorités de son
    pays sont trop largement connues pour que je ne les rappelle pas
    ici longuement.

    Mais tout de même, comment ne pas s'indigner lorsqu'un homme,
    condamné a la réclusion a perpétuité en 2006 pour un assassinat
    commis en 2004, se retrouve libre a peine six ans après sa
    condamnation et de plus promu commandant et même fêté en héros
    national en Azerbaïdjan !

    Aussi voudrais-je exprimer ma profonde compassion a la famille de
    Gourguen Marguarian, a qui on vient d'infliger, huit ans après sa
    mort, une nouvelle et cruelle douleur.

    Je voudrais également m'associer a l'indignation légitime de la
    nation arménienne et aux nombreuses réactions internationales.

    Mais au-dela de sentiments indispensables de solidarité, ce dramatique
    événement m'amène a exprimer de sérieuses inquiétudes.

    D'abord, pour le processus de règlement du conflit dit du
    Haut-Karabakh. Souvent par le passé, les parlementaires francais
    qui soutiennent la République d'Artsakh ont été accusés de
    méconnaître les dispositions pacifiques du président Aliev et de
    l'Azerbaïdjan. Mais enfin, quel crédit peut-on accorder a un homme
    qui fait d'un lâche et d'un assassin un héros national ? Comment
    négocier avec un pouvoir qui ne parle pas le langage des gens de
    bonne foi, qui tord le sens commun des mots au bénéfice de ses
    mauvaises causes ?

    Ensuite, pour les valeurs qui nous sont communes. Le droit a un procès
    équitable est considéré par la Convention européenne des droits de
    l'homme comme un droit fondamental de l'homme. Il a pour contrepartie
    l'obligation de respect des décisions de justice conformes a ce droit.

    Nul n'a contesté que la condamnation de Ramil Safarov ait été
    prononcée dans le plus strict respect des principes fondamentaux
    des nations civilisées. Que le gouvernement hongrois la réduise
    a néant au mépris de sa propre justice est un échec pour la
    cause des droits de l'homme, auquel notre Assemblée devrait être
    particulièrement sensible.

    Enfin, pour la cohésion de l'Europe politique. Même si elle est de
    la responsabilité exclusive de M. Orban, la libération de Safarov
    crée un trouble qui porte préjudice a toute l'Union européenne. Un
    gouvernement qui est prêt a vendre la dignité d'une grande nation
    pour faire éponger ses dettes par un dictateur du pétrole, quelle
    honte pour son pays, quelle honte pour l'Europe !

    Autant d'observations qui me paraissent justifier une enquête
    approfondie, au sein de notre Assemblée, sur les véritables causes
    et les conséquences probables de l'affaire Safarov.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a Lord Anderson, au nom du Groupe
    socialiste.

    Lord ANDERSON (Royaume-Uni)* - Je partage tous les propos de M. Chope,
    mais j'aimerais ajouter que ce débat ne porte pas sur le Haut-Karabakh
    et que nous ne prononcons pas un nouveau jugement contre M. Safarov.

    Plusieurs questions sont a poser : pourquoi l'Arménie n'a-t-elle pas
    été consultée ? Pourquoi les Hongrois se sont-ils contentés de
    manifester leur mécontentement ? Nos collègues hongrois peuvent-ils
    nous affirmer qu'ils n'avaient aucun intérêt économique ou autre
    derrière ce transfèrement ? On a entendu parler de 3 milliards,
    promis en obligations...

    Chers collègues azerbaïdjanais, comment réagiriez-vous si c'était
    l'Arménie qui pardonnait a un assassin, arménien, d'un soldat
    azerbaïdjanais ?

    Est-il vrai que le gouvernement de l'Azerbaïdjan a affirmé a la
    Hongrie que M. Safarov purgerait une peine d'au moins 25 ans ? Si oui,
    comment une telle garantie a-t-elle pu être donnée sans qu'ensuite
    le verdict soit exécuté ? En effet, dès son arrivée, M. Safarov a
    été gracié, sa solde des huit dernières années lui a été versée
    et un merveilleux appartement a été mis a sa disposition ! Un tel
    comportement - qui est un véritable encouragement au meurtre - a
    un impact le plus négatif possible sur l'ensemble de la région et
    constitue un obstacle a la réconciliation, ainsi qu'a la solution
    du problème régional.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a Mme Brasseur, au nom de l'Alliance
    des démocrates et des libéraux pour l'Europe.

    Mme BRASSEUR (Luxembourg) - La communauté internationale et notre
    Organisation ont été choquées par l'affaire Safarov. Le Groupe de
    l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe partage
    l'indignation exprimée par le Président de notre Assemblée,
    le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe et le Commissaire
    aux droits de l'homme : l'héroïsation des criminels ne peut tout
    simplement pas être tolérée.

    Nous avons été consternés par les tentatives de blanchir le
    meurtrier, qui aurait tué pour défendre Â" l'honneur national et
    la dignité du peuple Â" azerbaïdjanais. J'espère que chacun dans
    cet hémicycle refuse que l'honneur national serve d'excuse a un
    crime aussi grave que l'atteinte a la vie humaine, protégée par le
    deuxième article de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,
    le principal document de notre Organisation.

    Cette affaire nous rappelle malheureusement que l'incapacité ou
    l'absence persistante de volonté de deux Etats membres du Conseil de
    l'Europe de régler pacifiquement le conflit qui les oppose depuis
    des années a des conséquences tragiques et cause la perte de vies
    humaines. L'héroïsation du crime commis par Safarov ne fait que
    renforcer la haine entre les deux peuples et rend le travail de
    réconciliation encore plus difficile.

    Mais l'affaire Safarov dépasse le cadre des relations déja tendues
    entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Nous devons nous demander quel
    genre de dysfonctionnement ou de mauvaise volonté a pu rendre possible
    un détournement aussi malhonnête des instruments de coopération
    internationale dans le domaine pénal ?

    Le gouvernement de l'Azerbaïdjan doit comprendre que de tels actes
    de glorification du crime mettent en question la crédibilité du
    pays et de ses engagements auprès de ses partenaires internationaux.

    Je souhaite, pour finir, exprimer toute ma compassion a la famille
    de la victime. Monsieur Chope, je crois en effet que la commission
    des questions juridiques doit se saisir de cette question !

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a Mme Woldseth, au nom du Groupe
    démocrate européen.

    Mme WOLDSETH (Norvège)* - J'étais très inquiète lorsque
    j'ai entendu que le transfèrement de Safarov de la Hongrie vers
    l'Azerbaïdjan avait ravivé les tensions avec l'Arménie. De nombreux
    Etats membres du Conseil de l'Europe ont connu l'occupation et des
    conflits. Nous souhaitons tous, au sein de cette Assemblée, que
    les conflits entre Etats membres soient résolus le plus rapidement
    possible. Nous travaillons tous activement en ce sens.

    L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe constitue une
    enceinte où des représentants de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie
    peuvent se rencontrer. Ici, nous n'avons pas peur d'aborder les
    questions difficiles.

    L'affaire Safarov a été traitée par le système judiciaire hongrois
    et nous n'avons pas a intervenir dans ce domaine. En revanche, notre
    rôle est de formuler des recommandations a destination des Etats
    membres afin qu'ils respectent leurs engagements vis-a-vis de la
    Convention européenne des droits de l'homme.

    Nous devons également lutter contre l'impunité. Il est important
    qu'un pays comprenne comment ses actes peuvent être interprétés par
    les autres. Au nom de mon groupe, j'aimerais donc souligner qu'il est
    de la plus haute importance que l'Arménie et l'Azerbaïdjan entament
    le dialogue.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Kox, au nom du Groupe pour la
    gauche unitaire européenne.

    M. KOX (Pays-Bas)* - Il me semble que nous nous éloignons du sujet
    dans ce débat ! Il s'agit d'évoquer une affaire précise et non un
    conflit en général.

    A la question de savoir si un prisonnier peut purger une partie de
    sa peine dans son pays d'origine, la réponse est oui, en vertu de la
    convention de Strasbourg du Conseil de l'Europe. Ce droit doit être
    protégé. L'entrée en vigueur de cette convention a constitué
    un véritable progrès. C'est l'un des grands succès du Conseil
    de l'Europe.

    Safarov a commis un crime en Hongrie et, en vertu de la convention
    de Strasbourg, a été autorisé a purger le restant de sa peine
    dans son pays d'origine, l'Azerbaïdjan. A son retour dans son pays,
    il a été immédiatement gracié par le président, qui a prétendu
    que l'article 12 de la Convention l'y autorisait.

    Nous devons être fiers de notre convention et la préserver. Or, dans
    le cas présent, elle a été bafouée. C'est aussi une violation
    flagrante de la primauté du droit, comme l'a si éloquemment
    rappelé M.

    Chope.

    Le Groupe pour la gauche unitaire européenne demande au gouvernement
    de l'Azerbaïdjan de reconsidérer les derniers événements, qui
    constituent une véritable violation de la Convention.

    Il y a a peine une heure, cette Assemblée a adopté a une forte
    majorité un code de conduite des membres de l'Assemblée. L'article
    18 dispose que les parlementaires doivent respecter les valeurs
    de l'Organisation et ne rien faire qui puisse décrédibiliser
    l'Assemblée et ses membres. Quiconque refusera de condamner le
    gouvernement de l'Azerbaïdjan bafouera cet article !

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Vejkey.

    M. VEJKEY (Hongrie)* - Chers collègues, tous les aspects du
    transfèrement ont été réalisés conformément a la Convention de
    Strasbourg de 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées. La
    procédure s'est déroulée de manière transparente. La facon dont M.

    Safarov a été transféré en Azerbaïdjan correspond bien a la
    pratique généralement adoptée par la Hongrie en pareil cas. Toutes
    les déclarations selon lesquelles l'affaire aurait été influencée
    par les relations énergétiques entre la Hongrie et l'Azerbaïdjan
    ne correspondent pas aux faits.

    Puisque les conditions spécifiées dans la Convention sur le
    transfèrement des personnes condamnées étaient respectées
    dans l'affaire Safarov, son transfèrement a été autorisé par
    le ministère de l'Administration publique et de la Justice le 31
    aoÃ"t 2012. La Hongrie a agi au mieux, et les aspects humanitaires
    ont également été pris en compte.

    Le Gouvernement hongrois a été atterré d'apprendre que
    l'Azerbaïdjan avait décidé d'amnistier Ramil Safarov. La
    Hongrie refuse et condamne cet acte de l'Azerbaïdjan. La grâce
    présidentielle immédiate viole l'essence même de la convention de
    Strasbourg de 1983.

    Cet acte présidentiel est en contradiction claire avec les engagements
    de l'Azerbaïdjan en la matière qui ont été confirmés par le
    ministre adjoint de la justice de la République d'Azerbaïdjan
    dans son courrier du 15 aoÃ"t 2012 adressé au ministère de
    l'administration publique et de la justice de Hongrie.

    Le 2 septembre 2012, le secrétaire d'Etat du ministère des Affaires
    étrangères, M. Zsolt Németh, a convoqué Vilayat Guliyev,
    ambassadeur d'Azerbaïdjan en Hongrie, afin de l'informer de la
    position du Gouvernement hongrois, et lui a transmis une note
    diplomatique.

    Le transfèrement de Safarov était une question strictement judicaire
    qui n'était pas dirigée contre l'Arménie, et ne doit pas être
    considérée comme une insulte envers le peuple arménien.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Rouquet.

    M. ROUQUET (France) - Mes chers collègues, l'affaire Safarov touche
    aux valeurs qui sont au cÅ"ur de notre institution. Un homme a tué
    un autre homme, l'a massacré a coups de hache, pour satisfaire a
    une pulsion nationaliste d'un autre âge. La victime ne lui avait
    rien fait, M. Safarov ne la connaissait même pas. Mais M. Margarian
    avait le tort d'être arménien. M. Safarov, condamné en Hongrie,
    a la prison a vie pour ce meurtre odieux a été libéré, extradé
    vers son pays par les autorités hongroises et promu par le président
    Aliev dès son retour.

    Nous sommes particulièrement préoccupés de voir que le Gouvernement
    hongrois, en extradant un assassin, a joué avec le feu dans un
    contexte géopolitique régional où les braises ne sont pas éteintes.

    Cet acte risque de compromettre la sécurité fragile du sud Caucase,
    mais aussi la sécurité des Arméniens dans le monde.

    Mais ce qui s'est passé au retour de M. Safarov en Azerbaïdjan est
    encore plus grave. Accueillir M. Safarov en héros, le glorifier pour
    avoir massacré un arménien, c'est faire l'apologie de l'intolérance
    et de la haine nationaliste. Â" Plus jamais ca Â", ces mots qui furent
    a l'origine de la création du Conseil, signifiaient : plus jamais
    de haine meurtrière en Europe.

    Célébrer M. Safarov, sans égard pour la famille de M. Margarian,
    c'est porter atteinte au respect de la vie. Ce n'est pas digne d'un
    pays membre du Conseil de l'Europe.

    Certains, en Azerbaïdjan, ont cherché a justifier ce geste comme
    une conséquence logique du conflit du Haut-Karabakh. Mais comme l'a
    affirmé avec raison le Parlement européen le 14 septembre dernier,
    la frustration dans l'absence de progrès dans le processus de paix
    sur le Haut-Karabakh ne saurait justifier des actes de vengeance.

    Cet assassinat, et cela le rend d'autant plus odieux, a eu lieu lors
    d'une réunion dans le cadre du Â" partenariat pour la paix Â" - oui,
    pour la paix ! Aujourd'hui nous sommes inquiets des conséquences
    néfastes de cet acte sur le processus de Minsk, dont la France est
    un acteur important. L'affaire Safarov est un mauvais signe pour la
    paix et la stabilité dans la région du Caucase.

    Monsieur le Président, vous avez fait de la résolution des conflits
    gelés une priorité de votre présidence, et nous nous en félicitons.

    L'Assemblée parlementaire ne saurait rester spectatrice face a cette
    affaire : comme dans l'affaire du bateau errant en Méditerranée,
    elle doit prendre une initiative forte et jouer son rôle de vigie
    des droits de l'homme. Il en va de la défense de nos valeurs et du
    processus de paix dans le Caucase, il en va de l'honneur de notre
    institution.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Harutyunyan.

    M. HARUTYUNYAN (Arménie)* - Chers collègues, les faits sont bien
    connus. Un individu condamné a la prison a vie par un tribunal
    hongrois a été transféré en Azerbaïdjan, puis gracié et libéré
    dès son arrivée dans ce pays. Or, dans la motivation de son arrêt,
    le juge hongrois avait souligné la préméditation du crime, sa
    brutalité, et l'absence totale de regrets de la part de M. Safarov.

    Ce crime odieux est aujourd'hui glorifié, justifié et même
    récompensé par un Etat membre de l'Assemblée. Je remercie le
    Président de l'Assemblée, le Secrétaire Général et le Commissaire
    aux droits de l'homme d'avoir immédiatement et sans ambiguïté
    condamné cet acte.

    Mais aucune autorité officielle d'Azerbaïdjan n'a exprimé de
    regrets.

    Au contraire, on ne cesse de propager des discours racistes et
    xénophobes contre les Arméniens.

    Juste après la condamnation unanime de cette grâce par le Président
    de l'Azerbaïdjan dans l'affaire Safarov, les responsables de ce
    pays ont commencé a diffuser dans les médias des informations
    fabriquées sur un prétendu complot arménien en vue de commettre
    un attentat terroriste.

    C'est un chemin dangereux, car afin de prouver ses allégations,
    le régime d'Azerbaïdjan est parfaitement capable de créer des
    provocations afin d'incriminer l'Arménie et les Arméniens. La
    communauté internationale devrait être consciente de ces tactiques
    dignes du KGB. De plus, afin de justifier le meurtre, des officiels de
    haut rang de la République d'Azerbaïdjan ont trompé la société
    azerbaïdjannaise en prétendant que Safarov avait commis ce meurtre
    en défendant l'honneur du drapeau azerbaïdjannais, ou parce qu'il
    avait été témoin du meurtre de ses proches ou même de sa sÅ"ur
    par des Arméniens. Ces allégations ont été totalement écartées
    par le tribunal.

    Soyons clairs : les tentatives de rattacher cette affaire au contexte
    régional ne sont que des efforts pour un meurtre, et le dédain
    pour les décisions de justice. Cette affaire ne concerne pas les
    relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il s'agit d'une question
    d'exécution des peines et de respect des droits fondamentaux, en
    l'occurrence du droit a la vie. Une Convention du Conseil de l'Europe
    ne saurait en aucun cas justifier la libération d'un meurtrier.

    Dans cette affaire, un Etat membre et ses dirigeants, de manière
    délibérée et sans le moindre remords, propagent et soutiennent
    la haine et l'intolérance a l'égard d'une nation et récompensent
    un meurtrier.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Agramunt.

    M. AGRAMUNT (Espagne)* - Tout d'abord, je me félicite que nous
    puissions avoir ce débat. En tant que rapporteur chargé de l'un des
    Etats impliqués, il est évident que ce débat est très important
    pour moi. Il est probable que nous allons entendre des avis très
    certainement radicalement contradictoires de la part des deux parties
    au conflit.

    D'un point de vue personnel, j'éprouve un sentiment de rejet face
    aux agissements inacceptables du Gouvernement de la République
    d'Azerbaïdjan. Mais je veux comprendre les aspects relatifs a
    l'application de la convention internationale et du droit national,
    ce qui n'est pas clair jusqu'a présent.

    La proposition de M. Chope est tout a fait bonne. La commission de
    suivi n'a pas suffisamment étudiée la question. Je le ferai lorsque
    je me rendrai dans ce pays au mois de novembre. La commission de
    suivi va participer a cette réflexion. J'espère que la commission
    des questions juridiques nous aidera a comprendre ce qui s'est passé
    exactement entre les trois parties, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la
    Hongrie du point de vue juridique.

    Nous sommes face a un conflit gelé, redevenu actif. Le Haut-Karabakh,
    la Transnistrie, le Kosovo, l'Ossétie du Sud, l'Abkhazie, Chypre etc.

    il existe de nombreux conflits gelés en Europe que nous n'avons pas
    été capables de résoudre, j'espère que nous y parviendrons dans
    un avenir proche.

    Je salue l'initiative du Président de l'Assemblée. Il a recu les
    présidents des délégations des deux pays pour voir si l'on peut
    avancer. Ce conflit remonte a plus de 20 ans ! A la commission de
    suivi, un collègue a reconnu qu'un pays occupe 20 a 30 % du territoire
    d'un autre. On compte des centaines de milliers de réfugiés. Rien ne
    justifie l'acte perpétré par Safarov et rien ne justifie l'agissement
    du gouvernement de l'Azerbaïdjan. Mais je veux examiner toutes les
    facettes, toutes les vérités que nous pourrons entendre. J'espère
    que cet après-midi tout sera dit avec élégance, sans se montrer
    du doigt et sans des accusations trop fortes.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a Mme Naira Zohrabyan.

    Mme Naira ZOHRABYAN (Arménie)* - Chers collègues, ce qui s'est passé
    le 31 aoÃ"t, peut être considéré comme l'un des événements les
    plus honteux de nos jours. La Hongrie, membre de l'Union Européenne,
    a extradé a Bakou Ramil Safarov qui a assassiné a coups de hache,
    durant son sommeil, l'officier arménien Gurguen Margaryan. L'assassin
    a été gracié dès son arrivé a Bakou, car Â" l'arménophobie Â"
    et Â" l'arménocide Â" sont les plus grands actes d'héroïsme en
    Azerbaïdjan.

    Cet accord honteux a été conclu devant le monde civilisé. Le
    monstre, qui a tué a la hache l'officier arménien pour des
    motifs ethniques, a été accueilli en héros national dans son
    pays natal. Parmi les gens qui l'accueillirent a l'aéroport, se
    trouvaient aussi des députés de cette organisation. La décision de
    transfert de Safarov confirme le fiasco absolu de la justice et des
    valeurs paneuropéennes. Le criminel Safarov est devenu non seulement
    l'indicateur de la partialité de la justice européenne, mais aussi
    l'une des plus grandes hontes de l'Europe qui porte pourtant des
    valeurs universelles.

    Chers collègues, ces derniers temps, nous avons été les témoins
    des agissements de l'Azerbaïdjan qui a acheté avec son caviar et
    ses pétrodollars des officiels et des députés européens, ce qui
    est vraiment déshonorant.

    La Hongrie a extradé Ramil Safarov. Si l'Europe, les organisations
    et les autorités européennes et notre Assemblée n'entreprennent
    pas des démarches concrètes envers l'Azerbaïdjan, la justice et
    les valeurs européennes seront mises en danger.

    Il sera alors clair et compréhensible pour tous, que jamais, jamais,
    le Haut-Karabakh ne pourra faire partie d'un Etat, où l'assassinat
    pour motifs ethniques est considéré comme l'héroïsme le plus
    grand pour un pays.

    L'Azerbaïdjan est capable d'acheter des médailles d'or olympiques,
    de payer une rancon énorme pour un monstre peureux qui ne peut que
    tuer des gens a la hache durant leur sommeil. Cependant une chose est
    sÃ"re et certaine, un pays ayant une société dégradée, donnant
    naissance a des Safarov et les portant au rang de héros national,
    doit être condamné par le monde civilisé.

    Je termine mon intervention avec l'observation du publiciste
    azerbaïdjanais Yussif Soufin : Â" Par cette démarche, l'Azerbaïdjan
    fortifia dans le milieu international son type de pays qui élève
    les assassins au rang de héros Â".

    Nous devons évaluer raisonnablement cette situation et nous demander
    si un pays dont le héros national est un assassin, a le droit d'être
    membre de notre famille.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Abbasov.

    M. ABBASOV (Azerbaïdjan)* - Aujourd'hui nos collègues d'Arménie
    font tout pour politiser les actes des autorités de l'Azerbaïdjan
    concernant la grâce accordée a Ramil Safarov. Cela est pleinement
    conforme au droit international et a la loi de l'Azerbaïdjan.

    Considérant que M. Safarov avait déja purgé 8 ans, le président
    de l'Azerbaïdjan a pardonné a cet officier d'un pays en conflit,
    par un acte souverain qu'il pouvait parfaitement effectuer.

    Cela fait vingt ans que l'Arménie occupe 20 % de l'Azerbaïdjan. Cela
    crée des difficultés durables. Ce conflit a provoqué un gros
    problème de réfugiés, de déplacés intérieurs et a maintenu la
    tension dans l'ensemble du Caucase du sud. Il faut trouver une solution
    rapide a la situation du Haut Karabakh ce qui permettra la cohabitation
    des populations autochtones et créera les conditions favorables
    d'un décollage économique. L'Azerbaïdjan est un partenaire fort,
    incontournable dans cette région.

    Le Conseil de l'Europe doit s'intéresser a la sécurité et a
    l'intégrité territoriale de tous ses Etats membres et garantir les
    droits et libertés de toutes les personnes. L'Azerbaïdjan ne peut pas
    assumer ses responsabilités pour la sécurité des citoyens qui vivent
    dans les territoires contrôlés par les Arméniens. Nous essayons
    de trouver des solutions sur la base du droit international. Nous
    sommes prêts a prendre les mesures nécessaires pour ces citoyens
    qui vivent dans la région indiquée. Il faudrait que le pouvoir
    légitime et constitutionnel soit rétabli au Haut-Karabakh. Nous
    devrions veiller a une solution rapide, dans l'intérêt du Conseil
    de l'Europe. La solution au conflit garantirait la stabilité et la
    sécurité au sud de l'Europe.

    Il serait bon aussi de se préoccuper au sein du Conseil de l'Europe,
    des victimes des forces arméniennes au Haut-Karabakh et sur le
    territoire de l'Azerbaïdjan. Mon pays a du gaz, du pétrole,
    du caviar, des médailles d'or, mais quel est le rapport avec les
    valeurs démocratiques ?

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Rzayev.

    M. RZAYEV (Azerbaïdjan)* - Monsieur le Président, la discussion
    est très intéressante. J'aimerais souligner plusieurs points.

    Il y a eu le meurtre terrible d'un officier arménien par un militaire
    d'Azerbaïdjan. Pourquoi ? Le sang a coulé a cause de l'occupation
    par l'Arménie de l'Azerbaïdjan, du Haut-Karabakh, où des milliers
    de personnes ont été déplacées. On n'a pas informé l'opinion
    publique de la manière dont les populations azéries étaient
    décimées. Safarov vient d'un district où il a vu abattre sa
    famille. Je n'essaye pas de justifier les faits qui ont conduit a ce
    meurtre, mais il faut comprendre aussi pourquoi il a agi ainsi.

    Pourquoi les Arméniens font-ils aujourd'hui une telle propagande
    autour de Safarov ? C'est pour détourner les yeux de l'étranger
    du vrai problème, l'occupation par l'Arménie des territoires de
    l'Azerbaïdjan. On parle des droits de l'homme, des droits des peuples.

    Est-ce qu'on peut interdire a un Azéri de vivre sur sa terre natale ?

    A-t-on le droit d'empêcher un Azéri de voyager dans sa région ? Le
    Haut-Karabakh est ma patrie, et pourtant je ne peux m'y rendre quand
    je le veux. Le vrai problème, le voila !

    Nous sommes en train de perdre nos jeunes. Ce n'est pas pour cela que
    l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont élevé leurs enfants. Il est très
    déplaisant d'entendre ces accusations unilatérales. C'est a l'avenir
    que nous devons penser, et pour cela, il faut dialoguer. Mais un
    dialogue entre les communautés azérie et arménienne au Haut-Karabakh
    est inenvisageable : nous devons faire appel aux instances de Minsk et
    de l'OSCE pour espérer y parvenir, et cela n'y suffit même pas. Je
    m'adresse a l'Assemblée, a son Président : aidez-nous a nouer un
    dialogue bilatéral. Nous ne changerons pas l'histoire, mais si on
    ne résout pas ce problème, il perdurera et s'étendra a tout le
    Caucase, ce qui compliquera encore la situation.

    Si nous en sommes la, c'est parce que le droit n'a pas été appliqué.

    Si nous respectons le droit international, nous pourrons résoudre
    le problème, sur le fondement du droit.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Díaz Tejera.

    M. DÃ~MAZ TEJERA (Espagne)* - Le non-respect des résolutions
    internationales est injustifiable. Mais le crime atroce dont nous
    parlons est tout simplement horrible. La description qu'en a faite M.

    Chope donne la chair de poule. C'est un acte de barbarie perpétré
    par un être humain contre un autre être humain sans défense. L'acte
    concret nous fait justement horreur, mais le contexte plus général ne
    doit pas nous rendre plus indulgents. Aucune circonstance atténuante
    ne saurait être accordée a l'individu qui a commis ce crime.

    Jamais M. Chope n'a été aussi pondéré qu'aujourd'hui. Aucun
    des intervenants qui lui a succédé n'a apporté d'élément
    nouveau. Après avoir exposé le cas concret et son contexte, il a
    conclu par une proposition. Voici ce que nous devons en effet nous
    demander : que pouvons-nous faire, nous, parlementaires, pour que
    cela ne se reproduise jamais ?

    Du point de vue juridique et technique, il y a eu fraude au droit,
    nous indique le personnel hautement qualifié de l'Assemblée. Il faut
    donc étudier le moyen juridique d'annuler ou de révoquer cet acte.

    Mais l'essentiel est d'empêcher que cela ne se reproduise. Car si le
    texte actuellement en vigueur a rendu cela possible, rien ne garantit
    que cela n'arrivera pas de nouveau.

    Du point de vue politique, je fonde donc de grands espoirs sur
    l'initiative que vous avez prise, Monsieur le Président, de faire
    venir les deux représentants dans votre bureau. Nous verrons alors
    si leur volonté de négociation est réelle, et nous n'aurons plus
    honte de ne pas avoir fait ce qu'il fallait. Merci d'avoir pris la
    situation en main.

    LE PRÃ~ISIDENT - Merci, Monsieur.

    La parole est a M. Seyidov.

    M. SEYIDOV (Azerbaïdjan)* - Une tragédie est survenue. Cette
    tragédie vient de faire l'objet d'une manipulation politique de la
    part de certains cercles. Â" Que penseraient les Azerbaïdjanais Â",
    a demandé l'honorable Lord Anderson, Â" si des Arméniens faisaient
    la même chose ? Â" Je veux lui répondre.

    En 1992, trois Arméniens ont tué Salatin Askerova, une journaliste
    azérie. Deux ans plus tard, le gouvernement d'Azerbaïdjan les
    a transférés vers l'Arménie. Qu'a fait l'Arménie ? Elle les a
    immédiatement relâchés.

    En 1996, Kamo Saakov, condamné a mort pour un attentat a la bombe
    dans le métro de Bakou, a été a son tour transféré en Arménie,
    qui l'a lui aussi relâché.

    En 2001, au moment où l'Arménie devenait membre a part entière
    du Conseil de l'Europe, la France lui a transféré le terroriste
    Garbidjian, responsable de l'attentat d'Orly, lequel a fait huit morts
    ; il a été relâché, glorifié, on lui a donné un appartement et
    il a été recu par de hauts responsables a Erevan.

    Le saviez-vous, mes chers collègues ?

    Quand nous parlons de cette tragédie, n'oublions pas qu'il y a une
    guerre entre deux nations. Nous discutons de l'affaire Safarov,
    mais Khodjali ? On n'en parle jamais ici ! 716 femmes, enfants
    et personnes âgées ont été tués par les forces arméniennes
    au Haut-Karabakh. Alors pourquoi le président arménien s'est-il
    glorifié d'avoir participé a la guerre du Haut-Karabakh ? Pourquoi
    l'ancien président Kotcharian a-t-il évoqué une incompatibilité
    entre les deux nations ? Parlons non seulement de l'affaire Safarov,
    mais aussi du Haut-Karabakh, de Khodjali, de mon frère, tué par un
    Arménien. Malgré tout, nous voulons la paix ; voila pourquoi nous
    sommes ici.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Renato Farina.

    M. Renato FARINA (Italie)* - Prenons garde que la vérité des
    faits ne devienne pas un moyen de retarder la paix. Pour que la paix
    triomphe, la botte du plus fort ne doit pas écraser le vaincu. Il
    faut reconnaître la vérité.

    Il ne s'agit pas ici de faire l'histoire du conflit du Haut-Karabakh,
    mais de porter un jugement serein sur deux faits. Le premier est cet
    homicide : un militaire en a tué un autre qui travaillait avec lui.

    C'est un assassinat sournois et prémédité. C'est d'ailleurs un
    pur hasard si un autre Arménien n'a pas été tué lui aussi. Dans
    l'Antiquité, on aurait parlé d'un homicide avec circonstance
    aggravante, un acte impie car contraire au principe de l'hospitalité
    et de la trêve sacrée. Tout cela, sous les auspices de l'Otan.

    Voila pourquoi j'ai éprouvé un grand malaise a Paris lorsque j'ai
    entendu un collègue d'Azerbaïdjan en commission des droits de
    l'homme justifier cet homicide en affirmant qu'il y avait toute une
    série de circonstances atténuantes.

    En l'occurrence, l'homicide a été récompensé. Après tout,
    pourquoi, sous le couvert de notre drapeau étoilé, un parlementaire
    n'en tuerait-il pas un autre ? C'est inconcevable, on ne peut justifier
    un tel acte !

    L'autre aspect de la question est le fait qu'un assassin qui reconnaît
    ses crimes ait été mis sur un piédestal dans son pays. Ce n'est
    plus une grâce ou un pardon, c'est une exaltation, une glorification
    - et tout cela en profitant d'une convention du Conseil de l'Europe
    destinée a protéger la dignité humaine, et non les meurtriers. C'est
    comme si l'on tuait quelqu'un avec les Tables de la loi sur lesquelles
    est inscrit Â" Tu ne tueras point Â".

    Il faut vraiment que le groupe de Minsk se mobilise. Il faut mettre un
    terme a cette inertie inacceptable, en évitant toutefois que cet acte
    gravissime puisse être le motif de souffrances supplémentaires. Comme
    le disait aussi M. Díaz Tejera, il faut absolument se mobiliser pour
    arriver a un accord, aussi improbable soit-il.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Huseynov.

    M. HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* - Tout d'abord, l'incident Safarov est lié
    a l'agression arménienne et l'occupation du territoire d'Azerbaïdjan.

    Ces deux faits ne peuvent être séparés.

    Chers collègues, le souci de l'autre est une qualité qui devrait
    toujours être observée par les organisations internationales ainsi
    que par les personnes ayant l'autorité et des positions politiques de
    haut niveau. Cette absence de souci de l'autre génère l'indifférence
    et un grand nombre de problèmes restent sans solution pendant des
    années, ce qui soumet des millions d'êtres humains a des souffrances
    terribles.

    Or les récents développements m'amènent a penser que la plupart
    des gens, y compris au Conseil de l'Europe, perdent ce souci de
    l'autre, car l'occupation de 20 % du territoire azerbaïdjanais par
    l'Arménie ne suscite que l'indifférence. Néanmoins, les récentes
    déclarations du Président de l'Assemblée et d'autres organisations
    internationales qui reflètent leur préoccupation face a l'affaire
    Safarov m'étonnent, et me réjouissent, car elles montrent que ces
    personnes qui font ces déclarations n'ont pas perdu le souci d'autrui,
    même s'il peut être assez surprenant d'entendre des déclarations
    aussi précipitées alors que nous savons que le fait de relâcher
    Safarov est tout a fait juste du point de vue juridique et que les
    organisations internationales n'ont pas réagi face a l'occupation
    du territoire azerbaïdjanais et aux milliers de personnes déplacées.

    J'aimerais donc poser quelques questions.

    Comment peut-on justifier que les tribunaux allemands aient relâché
    un meurtrier arménien qui avait assassiné un Turc a Berlin ? Comment
    expliquer que les autorités francaises aient gracié deux terroristes
    arméniens qui avaient été condamnés, l'un pour attentat a Orly,
    l'autre pour avoir tué des diplomates turcs ? Aujourd'hui, ils sont
    considérés comme des héros en Arménie.

    En graciant Safarov, le président d'Azerbaïdjan était tout a fait
    dans son droit et il exprimait la volonté du million d'Azerbaïdjanais
    réfugiés et déplacés. Notre préoccupation porte plutôt sur la
    non application de la Résolution 1416 relative a l'occupation par
    l'Arménie du territoire de l'Azerbaïdjan.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Rustamyan.

    M. RUSTAMYAN (Arménie)* - Malheureusement, nos collègues azéris
    continuent a falsifier la réalité et nous sommes témoins d'une
    nouvelle étape dans cette falsification. Tous les exemples cités
    n'ont rien a voir avec la réalité actuelle.

    En effet, l'affaire Safarov n'est pas simplement un problème qui
    oppose l'Arménie a l'Azerbaïdjan. Pas du tout ! L'affaire Safarov
    représente un vrai défi pour les valeurs que nous défendons partout
    en Europe. Surtout, quand un instrument juridique du Conseil de
    l'Europe développé a des fins humanistes est utilisé pour gracier
    un criminel, qui a sauvagement assassiné un autre collègue pour la
    seule raison qu'il était arménien. Cette grâce présidentielle
    scandaleuse est complètement contraire a l'esprit de l'accord
    international négocié pour permettre aux personnes qui ont été
    condamnées sur le territoire d'un Etat d'être transférées pour
    purger le restant de leur peine sur le territoire d'un autre Etat.

    Il est tout a fait évident que la punition d'un assassin doit être
    inéluctable et, en permettant qu'un tel assassin soit libéré, nous
    piétinons la justice. Donc, le vrai défi pour nous aujourd'hui est
    de voir comment rétablir la justice et prévenir la récidive d'une
    telle violation de nos principes et valeurs communes. Les Azéris
    et tous les promoteurs des intérêts de l'Azerbaïdjan font tout
    pour transformer le vrai problème et justifier la position de ce
    pays. On ne peut tolérer que l'atmosphère glorification régnant
    autour d'un assassin en Azerbaïdjan se voit justifiée au sein de
    notre Organisation.

    Visant cet objectif, la position de l'Azerbaïdjan se fonde
    principalement sur les deux thèses suivantes : le verdict n'était
    pas juste et le dossier doit être examiné dans le contexte du
    conflit du Haut-Karabakh.

    L'absence de progrès notable dans le processus de paix au
    Haut-Karabakh ne peut en aucun cas justifier des actes de vengeance ou
    de provocation qui aggravent une situation déja tendue et précaire.

    La cour pénale de Budapest a examiné de facon approfondie toutes
    les versions possibles, tous les aspects et les circonstances de
    ce crime odieux. Le verdict a été rendu par le tribunal d'un Etat
    membre de l'Union européenne. J'espère donc qu'a part les Azéris,
    personne n'a le moindre doute sur le fait que ce verdict soit objectif
    ou que le tribunal hongrois soit compétent.

    Chers collègues, il faut absolument que notre Assemblée réagisse
    vite, car le scénario proposé par l'Azerbaïdjan ne cherche qu'a
    encourager et propager l'impunité, la vengeance, l'hostilité et
    le racisme.

    LE PRÃ~ISIDENT - En l'absence de M. Nessa, inscrit dans le débat,
    la parole est maintenant a M. Szabó.

    M. SZABÃ" (Hongrie)* - La raison de notre débat est le crime commis
    a Budapest en 2004 : un Azerbaïdjanais a assassiné un Arménien. A
    l'époque déja, il était clair qu'il ne s'agissait pas seulement
    d'un crime grave, compte tenu du fait que c'était pour la raison de
    sa nationalité que la victime avait été assassinée. On savait
    aussi a l'époque que ce crime ne serait pas puni par la loi en
    Azerbaïdjan et qu'en Arménie la peine de mort serait appliquée. A
    l'époque, le gouvernement socio-libéral a mené des consultations
    tripartites, négociant tant avec la partie azerbaïdjanaise qu'avec
    le gouvernement arménien.

    Les négociations ont abouti a un compromis accepté par toutes
    les parties : l'assassin serait traduit en justice en Hongrie
    et il y purgerait également sa peine. Il a été condamné a la
    perpétuité. Le gouvernement actuel de la Hongrie a rouvert le dossier
    cette année et a transféré Ramil Safarov fin aoÃ"t en Azerbaïdjan,
    où il a été immédiatement gracié par le président azerbaïdjanais
    et accueilli en héros.

    Le traitement réservé a ce dossier par le nouveau gouvernement est
    tout a fait différent de celui du gouvernement précédent. Les
    négociations ont été, non pas tripartites, mais bipartites. La
    partie arménienne n'a été ni contactée ni informée, pas plus
    d'ailleurs que le Conseil de l'Europe. Le gouvernement hongrois n'a
    demandé a l'Azerbaïdjan aucune garantie sur la question de savoir
    si Safarov purgerait effectivement sa peine.

    La question est de savoir pourquoi les choses se sont déroulées
    ainsi.

    Or nous n'avons toujours pas de réponse. On entend souvent dire que
    l'accord bilatéral sur le transfèrement des condamnés et le pardon
    présidentiel sont tout a fait conformes au droit international. C'est
    peut-être vrai quant a la lettre, mais certainement pas quant a
    l'esprit !

    Les sociaux-démocrates hongrois ne sont pas d'accord avec la décision
    prise par le gouvernement actuel, ni avec le pardon accordé. Nous
    considérons que son attitude est irresponsable. Nous souhaitons
    de bonnes relations entre la Hongrie et l'Azerbaïdjan, mais a la
    différence du gouvernement actuel, c'est nous, l'opposition, qui
    avons demandé pardon au peuple arménien.

    Ici, au Conseil de l'Europe, nous devons approfondir la réflexion
    et chercher a savoir si les règles internationales en matière
    de transfèrement s'appliquent lorsque la condamnation est liée
    a un crime commis a raison de la nationalité, de la religion, de
    l'appartenance politique ou de la couleur de la peau. A mon avis,
    ce n'est pas le cas. Nous avons donc déposé une proposition que
    nous vous demandons de soutenir, Monsieur le Président.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Ahmet KutalmiÅ~_ TurkeÅ~_.

    M. Ahmet KutalmiÅ~_ TURKEÅ~^ (Turquie)* - Les relations entre
    l'Azerbaïdjan et l'Arménie sont troublées depuis des décennies
    par le conflit au Haut-Karabakh et l'escalade vers une véritable
    guerre reste possible. Malgré la gravité de la situation, on n'a
    pas encore trouvé de solution pacifique.

    L'affaire Safarov a remis la région sous les feux de l'actualité. Les
    menaces des officiels arméniens et la question de la reconnaissance de
    la souveraineté de la région sont des éléments essentiels. Malgré
    la légalité de l'extradition de Safarov par la Hongrie, il ne
    faut ni minimiser ni exagérer les répercussions politiques de
    cet événement.

    L'impossibilité de parvenir a une solution pacifique du conflit est en
    grande partie liée a l'attitude des Arméniens, qui se considèrent
    comme les vainqueurs et continuent a menacer d'une agression. Cela
    entretient la haine, avec pour seul résultat d'allonger la liste des
    victimes et des personnes déplacées, d'un côté comme de l'autre.

    Le meurtre commis par Ramil Safarov ne doit pas détourner l'attention
    de la tragédie humaine que connaît toujours la région. Or il est
    évident ce conflit ne profite a personne, et certainement pas, en
    tout cas, aux Arméniens et aux Azéris. La communauté internationale
    doit aider les deux parties a résoudre le conflit.

    De 1973 a 1987, des organisations terroristes arméniennes ont
    commis - y compris en France - 170 attentats, qui ont tué 31
    diplomates turcs, causé la mort de 39 civils et fait plus de 500
    blessés. Or nous n'avons jamais entendu le moindre Arménien -
    officiel, parlementaire ou citoyen - condamner ces assassinats de
    diplomates turcs. Au contraire, ceux-ci ont été glorifiés et
    récompensés. Voici maintenant que nos collègues arméniens sont
    blessés a leur tour ; maintenant, ils comprennent a quel point cela
    fait mal. Je leur demande donc de ne plus instrumentaliser cette
    affaire et de s'asseoir autour d'une table avec leurs collègues
    azéris pour résoudre leurs différends.

    LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Toshev.

    M. TOSHEV (Bulgarie)* - Le 28 juin 2000, nous étions tous en fête
    quand notre Assemblée donna le feu vert a l'adhésion de l'Arménie et
    de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe. Les représentants des deux
    pays s'embrassèrent même lors de la proclamation de notre décision.

    Nous croyions alors que le conflit du Haut-Karabakh serait résolu
    et qu'il y aurait désormais une vraie volonté de coopération sur
    cette question. Nous avions d'ailleurs explicitement écrit que cette
    double adhésion donnerait un nouvel élan a la coopération au Sud
    Caucase, conformément d'ailleurs a l'article 3 su Statut du Conseil.

    Entre-temps, nous avons adopté la résolution 1525/2006 et la
    recommandation 1771/2006. Malheureusement, le Comité des Ministres
    n'a pas soutenu les idées que nous y développions. Depuis, nous
    avons produit un nouveau rapport sur la coopération au Sud Caucase.

    L'affaire Safarov a engendré une nouvelle flambée de haine entre les
    deux pays. Safarov a été condamné a perpétuité pour l'assassinat
    de Gurgen Markarian a l'Académie militaire de Budapest en 2004. Je
    rappelle a cet égard que nous avons abordé la question des crimes
    d'honneur a travers la recommandation 1881/2009 et la résolution
    1681/2009.

    Lire aussi :

    L'Affaire Safarov débattue a l'APCE - II

    Retour a la rubrique

    Source/Lien : Conseil de l'Europe



    From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Working...
X