L'AFFAIRE SAFAROV DéBATTUEA L'APCE - II
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=67823
Publié le : 09-10-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La trente-cinquième
séance de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE)
a mis la sinistre "Affaire Safarov" a l'ordre du jour des débats
du jeudi 4 octobre 2012 a 15 h 30 heures. L'occasion pour les
parlementaires d'exposer leur interprétation de faits gravissimes
qui bafouent les valeurs européennes les plus essentielles. Certains
ont été clairs et nets dans leur dénonciation de l'Azerbaïdjan,
d'autres ont cru bon de mettre sur le même plan victimes et assassins
en affirmant que "les deux parties en conflit considèrent qu'elles
sont libres de bafouer la loi !" Or, en l'occurrence, l'Arménie n'a
bafoué aucune loi puisqu'elle n'a même pas été consultée pour
le transfèrement de l'assassin a la hache Ramil Safarov, de Hongrie
vers l'Azerbaïdjan.
Les interventions les plus "jouissives" sont celles des parlementaires
azéris qui se servent de cette tribune de l'APCE pour assener une
propagande anti-arménienne des plus primaires, n'hésitant pas a
s'indigner de l'acquittement par une cour allemande en 1921, du jeune
Soghomon Tehlirian, un Arménien rescapé du génocide de 1915, qui
avait exécuté Talaat Pacha, le "Hitler" turc en fuite a Berlin... :
"J'aimerais donc poser quelques questions. Comment peut-on justifier
que les tribunaux allemands aient relâché un meurtrier arménien
qui avait assassiné un Turc a Berlin ? " s'est en effet interrogé M.
Huseynov (Azerbaïdjan). Nous remercions ce valeureux parlementaire
d'une institution européenne de ridiculiser le pays qu'il représente
et d'assumer aussi clairement la complicité du nationalisme et du
négationnisme turco-azéris. Son collègue turc, Ahmet KutalmiÅ~_
TurkeÅ~_, lui a prêté main forte en matière de cynisme et de
mauvaise foi, pour justifier l'odieux crime de Ramil Safarov et sa
grâce par le dictateur de l'Azerbaïdjan Ilham Aliev : "De 1973 a
1987, des organisations terroristes arméniennes ont commis - y compris
en France - 170 attentats, qui ont tué 31 diplomates turcs, causé la
mort de 39 civils et fait plus de 500 blessés. Or nous n'avons jamais
entendu le moindre Arménien - officiel, parlementaire ou citoyen -
condamner ces assassinats de diplomates turcs. Au contraire, ceux-ci
ont été glorifiés et récompensés." Damned ! Ces organisations -
un peu distraites sans doute - n'ont pas dÃ" entendre les excuses de
la Turquie moderne pour les 1 500 000 victimes du génocide arménien
en 1915, pour l'éradication totale d'un peuple et de sa culture de
ses terres ancestrales en Anatolie. Elles ont par contre dÃ" prendre
bonne note de la glorification des criminels Jeunes-Turcs y compris
dans la Turquie d'aujourd'hui : Talaat Pacha, le "Hitler" turc a
son Mausolée sur la Colline de la Liberté a Istanbul, des écoles
et des avenues portent son nom en Turquie et les gouvernements turcs
successifs pratiquent un négationnisme d'Etat outrancier a l'échelle
nationale et internationale. Ils interfèrent même dans la politique
intérieure de la France, des Etats-Unis, pour bloquer toute loi
reconnaissant le génocide arménien ou condamnant le négationnisme.
Voici les principales interventions des débats a l'APCE sur l'Affaire
Safarov
Les agissements de l'Azerbaïdjan justifient de tels crimes. Le
comportement inacceptable de ce pays a des répercussions sur
l'ensemble de la région. De son côté, l'Arménie a déclaré qu'elle
ne souhaitait pas la guerre, mais qu'elle était prête a se battre
si nécessaire et a remporter le combat.
J'espère pour ma part que la réconciliation est possible. J'admire
le geste de notre Président, qui a invité les deux délégations pour
faire avancer les choses ; mais cela ne suffit pas. Je demande donc que
l'on organise une réunion de haut niveau sur ce conflit pour essayer
d'avancer vers une solution. Seuls, ces deux pays n'y parviendront
pas. Le Conseil de l'Europe devrait donc assumer ses responsabilités.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Zourabian.
M. ZOURABIAN (Arménie)* - Même si j'appartiens a la délégation
arménienne, j'aimerais que la question que nous examinons soit
extraite des discussions brÃ"lantes entre mon pays et l'Azerbaïdjan
sur les responsabilités morales et historiques des uns et des autres
dans le conflit du Haut-Karabakh. Je ne souhaite pas non plus examiner
ici la question de savoir si la glorification d'un assassin, quelle
que soit la nation par laquelle il a été condamné, peut être
considérée comme un comportement acceptable. Je ne me demanderai pas
davantage si le fait que des négociations soient au point mort puisse
justifier des violences brutales. En effet, toutes les réponses a
ces questions vont de soi pour la majorité de ceux qui nous écoutent.
En revanche, ce qui est en jeu a l'heure actuelle, c'est la destinée
de nos deux peuples et celle du Haut-Karabakh ; c'est l'avenir de la
paix dans le Sud Caucase et la stabilité de l'ensemble de la région.
En mai 1994, un cessez-le-feu a été instauré entre les parties
au conflit du Haut-Karbakh. Depuis, les négociations dans le
cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE ont tenté de trouver une
solution durable au conflit pour apporter la paix aux Arméniens
et aux Azerbaïdjanais. Ces négociations sont difficiles, parfois
frustrantes. Néanmoins, c'est la seule solution a une guerre
régionale destructive a grande échelle.
Soyons réalistes, l'acte de l'Azerbaïdjan et, dans une moindre
mesure, de la Hongrie était en somme une extradition, une libération,
une glorification d'un meurtre, qui a porté un coup sérieux au
processus de négociations, sapant la perspective de renforcement
de la confiance entre les parties dans un proche avenir. Il y a
trop de crises, de tensions dans cette région : la Syrie, l'Irak,
les positions prises par l'Iran. Dans un tel contexte, il convient
de tout faire pour préserver un processus de négociation fragile
et cela afin de résoudre le problème du Haut-Karabakh. Voila la
priorité de la communauté internationale !
En tant que principale opposition dans le pays, nous avons demandé
devant l'Assemblée nationale arménienne que le gouvernement arménien
n'apporte pas une réponse destructrice aux actions agressives de
l'Azerbaïdjan, c'est a la communauté internationale de réagir
fortement. Elle doit envoyer un message clair aux leaders de la
région : les responsables ne peuvent pas obtenir ce qu'ils cherchent
en attisant le sentiment nationaliste ; au contraire, ils doivent
contribuer a la résolution du conflit sur un mode pacifique. Toute
action en sens contraire ne ferait qu'alimenter les tensions dans le
sud Caucase et saper un cessez-le-feu fragile et des négociations
de paix difficiles.
LE PRÃ~ISIDENT - M. Beneyto, inscrit, dans le débat, étant absent
de l'hémicycle, la parole est maintenant a Mme Gafarova.
Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan )* - Nous parlons du transfèrement de Ramil
Safarov. Il s'agit d'une procédure judiciaire. A aucun moment, les
conditions juridiques n'ont été violées. Ces mécanismes juridiques
existent et le transfèrement ne constitue pas une violation du droit.
Je reviens sur certains événements évoqués par mes collègues. En
avril 2001, un terroriste arménien, qui avait été condamné a la
prison pour avoir commis un attentat a Orly, a été transféré
en Arménie alors même qu'il n'était pas citoyen arménien. De
hauts responsables arméniens l'ont accueilli a l'aéroport en
héros. L'Arménie était alors membre de l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe et pourtant personne dans notre Assemblée n'a
réagi ni n'en a débattu ici. On critique l'Azerbaïdjan aujourd'hui,
pourquoi est-on resté muet a cette époque ?
Nous discutons aujourd'hui du cas d'un citoyen azerbaïdjanais qui
a déja purgé huit ans de prison et qui a été gracié, certes,
mais non innocenté. Si nous évoquons l'affaire Safarov, il convient
également d'évoquer les raisons tues, mais réelles de ce crime qui
trouve son origine dans la situation d'occupation. Il faut replacer
cette affaire dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh. Les
membres de la famille de Safarov ont été tués sous ses yeux. Nous
reconnaissons son crime, mais n'a-t-il pas été condamné pour cela ?
Si nous discutons de l'affaire Safarov, pourquoi ne pas évoquer
l'assassinat d'Azerbaïdjanais en Arménie car on semble oublier que de
nombreux crimes ont été commis durant l'occupation des territoires
azerbaïdjanais par les Arméniens ? Pourquoi ne parlons-nous pas
du Président Sarkisyan qui a déclaré qu'il était a Khodjali a
l'époque de ces massacres ? L'occupation du territoire azerbaïdjanais
est illégale et le Conseil de sécurité l'a confirmé en 1993.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Salles.
M. SALLES (France)* - Chers collègues, la libération et la
glorification de M. Ramil Safarov ont soulevé, a juste titre, de très
vives protestations. Accueillir en héros un homme qui a commis un
acte aussi odieux est indigne d'un pays membre du Conseil de l'Europe.
Je ne reviendrai pas sur les faits, mais la préméditation et
la brutalité de ce crime sont des circonstances aggravantes. Sa
motivation, la haine des Arméniens et l'absence totale de remords
de M. Safarov aussi.
C'est pourquoi la grâce et la promotion accordées a M. Safarov par le
Président de l'Azerbaïdjan suite a son extradition et a l'occasion de
son retour dans son pays portent atteinte d'autant plus a nos valeurs,
au respect élémentaire de la vie de l'autre, quel qu'il soit.
Un troisième pays membre de notre Assemblée est impliqué : celui
où s'est produit ce massacre et qui a autorisé l'extradition vers
l'Azerbaïdjan : la Hongrie. Car cette affaire pose aussi la question
de l'application de la Convention européenne sur le transfèrement
des personnes condamnées, une convention du Conseil de l'Europe.
Bien sÃ"r, d'un point de vue purement technique, la convention a été
suivie a la lettre. Bien sÃ"r, son article 12 prévoit que les Etats
peuvent user de leur droit de grâce. Mais la condamnation de Ramil
Safarov prononcée par un juge hongrois avait fait l'unanimité contre
elle en Azerbaïdjan ; l'Arménie avait demandé a la Hongrie de ne
pas extrader ce meurtrier. Alors pourquoi cette décision a-t-elle
été prise si rapidement, sans prévenir la partie arménienne ?
Au-dela du texte et des procédures juridiques, il y a aussi l'esprit
de la convention : elle a pour objet principal de favoriser la
réinsertion sociale des personnes condamnées en permettant a un
étranger privé de sa liberté a la suite d'une infraction pénale
de purger sa peine dans son pays d'origine. Oui, purger sa peine !
La gravité de l'acte - rappelons que M. Margarian a été massacré
de 16 coups de hache pendant son sommeil - la sévérité justifiée
de la condamnation, la perpétuité, pour un homme reconnu responsable
de ses actes par les experts, y compris azerbaïdjanais, la situation
des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tous ces éléments
auraient dÃ" conduire la Hongrie a plus de prudence et de retenue
dans l'application de la convention.
L'attitude de l'Azerbaïdjan est quant a elle intolérable et doit
être condamnée. En libérant cet homme, ce pays a encore une fois
éloigné toute perspective de règlement pacifique du conflit
du Haut-Karabakh et remis en cause le processus de Minsk. En le
transformant en héros national, ce pays, membre du Conseil de
l'Europe, a fait honte a notre institution.
Il faut donc que l'Azerbaïdjan prenne ses responsabilités et respecte
ses engagements : pour cela, Ramil Safarov doit retourner en prison
et purger sa peine.
Je me tourne maintenant vers mes collègues azerbaïdjanais pour leur
dire que ce ne sont pas des arguments que nous avons entendus cet
après-midi, c'est de la propagande ! L'amalgame avec le Haut-Karabakh
était totalement insupportable. Les déclarations des représentants
de votre délégation cet après-midi la déshonorent dans cette
enceinte, qui est le temple des droits de l'homme en Europe. Si
l'Azerbaïdjan persiste dans cette attitude, cette affaire restera
comme une tache indélébile, que ce pays devra un jour ou l'autre
effacer. Dans l'immédiat, je m'interroge sur la légitimité de
l'Azerbaïdjan a siéger au sein du Conseil de l'Europe.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Gaudi Nagy, dernier orateur
inscrit dans ce débat.
M. GAUDI NAGY (Hongrie)* - Je suis triste pour les victimes de ce
conflit qui ont toutes des liens particuliers avec la Hongrie -
arméniennes comme azerbaïdjanaises. Mais j'ai le sentiment que
nous ne voyons, ici, que la partie émergée de l'iceberg. Evitons
de tomber dans le piège du Â" deux poids deux mesures Â" !
Les organisations internationales doivent se mobiliser pour tenter
de résoudre le conflit et se pencher sur la convention du Conseil
de l'Europe relative au transfert des prisonniers.
La question qui se pose est simple : les autorités d'un pays
peuvent-elles, oui ou non, prévoir la grâce de ses condamnés ? D'un
point de vue juridique, ce principe est incontestable. Mais dans le
cas qui nous concerne, nous devons avoir une vue globale des choses,
et notamment du conflit du Haut-Karabakh. Nous devons faire en sorte
que les Arméniens et les Azerbaïdjanais puissent vivre en bonne
intelligence, dans le respect des normes européennes. Il ne s'agit pas
ici de jeter l'anathème sur la Hongrie, l'Arménie ou l'Azerbaïdjan !
Il est clair que les conflits gelés doivent être réglés sur la
base du principe de l'autodétermination.
On pourrait rappeler d'autres crimes, comme celui de cet Irlandais qui
a assassiné des enfants hongrois et qui n'a jamais été condamné
! Il y a des problèmes partout, ne montons pas ces actes cruels en
épingle a des fins politiques.
LE PRÃ~ISIDENT - La liste des orateurs est épuisée.
Monsieur Chope voulez-vous intervenir ?
M. CHOPE (Royaume-Uni)* - Monsieur le Président, je ne m'attendais
pas a reprendre la parole.
Je veux simplement remercier toutes celles et tous ceux qui sont
intervenus. Si cet hémicycle a pu tenir un débat civilisé sur une
question aussi émotionnelle, c'est déja un bon exemple a suivre.
J'espère que nous n'aurons plus a gérer ce type d'incident a
l'avenir.
LE PRÃ~ISIDENT - Je vous rappelle qu'a l'issue du débat d'actualité,
l'Assemblée n'est pas appelée a voter. Ce débat aura néanmoins
permis un échange de vues intéressant entre les membres de
l'Assemblée. Votre conclusion, monsieur Chope, est effectivement
celle que l'on peut tirer de ce débat. Le Bureau peut, a un stade
ultérieur, proposer que la question traitée soit éventuellement
renvoyée a la commission compétente pour rapport, et c'est, je crois,
ce qu'a suggéré Anne Brasseur. Le Bureau évoquera certainement
cette éventualité dès demain matin.
Lire aussi :
L'Affaire Safarov débattue a l'APCE - I
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Source/Lien : Conseil de l'Europe
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Publié le : 09-10-2012
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - La trente-cinquième
séance de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE)
a mis la sinistre "Affaire Safarov" a l'ordre du jour des débats
du jeudi 4 octobre 2012 a 15 h 30 heures. L'occasion pour les
parlementaires d'exposer leur interprétation de faits gravissimes
qui bafouent les valeurs européennes les plus essentielles. Certains
ont été clairs et nets dans leur dénonciation de l'Azerbaïdjan,
d'autres ont cru bon de mettre sur le même plan victimes et assassins
en affirmant que "les deux parties en conflit considèrent qu'elles
sont libres de bafouer la loi !" Or, en l'occurrence, l'Arménie n'a
bafoué aucune loi puisqu'elle n'a même pas été consultée pour
le transfèrement de l'assassin a la hache Ramil Safarov, de Hongrie
vers l'Azerbaïdjan.
Les interventions les plus "jouissives" sont celles des parlementaires
azéris qui se servent de cette tribune de l'APCE pour assener une
propagande anti-arménienne des plus primaires, n'hésitant pas a
s'indigner de l'acquittement par une cour allemande en 1921, du jeune
Soghomon Tehlirian, un Arménien rescapé du génocide de 1915, qui
avait exécuté Talaat Pacha, le "Hitler" turc en fuite a Berlin... :
"J'aimerais donc poser quelques questions. Comment peut-on justifier
que les tribunaux allemands aient relâché un meurtrier arménien
qui avait assassiné un Turc a Berlin ? " s'est en effet interrogé M.
Huseynov (Azerbaïdjan). Nous remercions ce valeureux parlementaire
d'une institution européenne de ridiculiser le pays qu'il représente
et d'assumer aussi clairement la complicité du nationalisme et du
négationnisme turco-azéris. Son collègue turc, Ahmet KutalmiÅ~_
TurkeÅ~_, lui a prêté main forte en matière de cynisme et de
mauvaise foi, pour justifier l'odieux crime de Ramil Safarov et sa
grâce par le dictateur de l'Azerbaïdjan Ilham Aliev : "De 1973 a
1987, des organisations terroristes arméniennes ont commis - y compris
en France - 170 attentats, qui ont tué 31 diplomates turcs, causé la
mort de 39 civils et fait plus de 500 blessés. Or nous n'avons jamais
entendu le moindre Arménien - officiel, parlementaire ou citoyen -
condamner ces assassinats de diplomates turcs. Au contraire, ceux-ci
ont été glorifiés et récompensés." Damned ! Ces organisations -
un peu distraites sans doute - n'ont pas dÃ" entendre les excuses de
la Turquie moderne pour les 1 500 000 victimes du génocide arménien
en 1915, pour l'éradication totale d'un peuple et de sa culture de
ses terres ancestrales en Anatolie. Elles ont par contre dÃ" prendre
bonne note de la glorification des criminels Jeunes-Turcs y compris
dans la Turquie d'aujourd'hui : Talaat Pacha, le "Hitler" turc a
son Mausolée sur la Colline de la Liberté a Istanbul, des écoles
et des avenues portent son nom en Turquie et les gouvernements turcs
successifs pratiquent un négationnisme d'Etat outrancier a l'échelle
nationale et internationale. Ils interfèrent même dans la politique
intérieure de la France, des Etats-Unis, pour bloquer toute loi
reconnaissant le génocide arménien ou condamnant le négationnisme.
Voici les principales interventions des débats a l'APCE sur l'Affaire
Safarov
Les agissements de l'Azerbaïdjan justifient de tels crimes. Le
comportement inacceptable de ce pays a des répercussions sur
l'ensemble de la région. De son côté, l'Arménie a déclaré qu'elle
ne souhaitait pas la guerre, mais qu'elle était prête a se battre
si nécessaire et a remporter le combat.
J'espère pour ma part que la réconciliation est possible. J'admire
le geste de notre Président, qui a invité les deux délégations pour
faire avancer les choses ; mais cela ne suffit pas. Je demande donc que
l'on organise une réunion de haut niveau sur ce conflit pour essayer
d'avancer vers une solution. Seuls, ces deux pays n'y parviendront
pas. Le Conseil de l'Europe devrait donc assumer ses responsabilités.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Zourabian.
M. ZOURABIAN (Arménie)* - Même si j'appartiens a la délégation
arménienne, j'aimerais que la question que nous examinons soit
extraite des discussions brÃ"lantes entre mon pays et l'Azerbaïdjan
sur les responsabilités morales et historiques des uns et des autres
dans le conflit du Haut-Karabakh. Je ne souhaite pas non plus examiner
ici la question de savoir si la glorification d'un assassin, quelle
que soit la nation par laquelle il a été condamné, peut être
considérée comme un comportement acceptable. Je ne me demanderai pas
davantage si le fait que des négociations soient au point mort puisse
justifier des violences brutales. En effet, toutes les réponses a
ces questions vont de soi pour la majorité de ceux qui nous écoutent.
En revanche, ce qui est en jeu a l'heure actuelle, c'est la destinée
de nos deux peuples et celle du Haut-Karabakh ; c'est l'avenir de la
paix dans le Sud Caucase et la stabilité de l'ensemble de la région.
En mai 1994, un cessez-le-feu a été instauré entre les parties
au conflit du Haut-Karbakh. Depuis, les négociations dans le
cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE ont tenté de trouver une
solution durable au conflit pour apporter la paix aux Arméniens
et aux Azerbaïdjanais. Ces négociations sont difficiles, parfois
frustrantes. Néanmoins, c'est la seule solution a une guerre
régionale destructive a grande échelle.
Soyons réalistes, l'acte de l'Azerbaïdjan et, dans une moindre
mesure, de la Hongrie était en somme une extradition, une libération,
une glorification d'un meurtre, qui a porté un coup sérieux au
processus de négociations, sapant la perspective de renforcement
de la confiance entre les parties dans un proche avenir. Il y a
trop de crises, de tensions dans cette région : la Syrie, l'Irak,
les positions prises par l'Iran. Dans un tel contexte, il convient
de tout faire pour préserver un processus de négociation fragile
et cela afin de résoudre le problème du Haut-Karabakh. Voila la
priorité de la communauté internationale !
En tant que principale opposition dans le pays, nous avons demandé
devant l'Assemblée nationale arménienne que le gouvernement arménien
n'apporte pas une réponse destructrice aux actions agressives de
l'Azerbaïdjan, c'est a la communauté internationale de réagir
fortement. Elle doit envoyer un message clair aux leaders de la
région : les responsables ne peuvent pas obtenir ce qu'ils cherchent
en attisant le sentiment nationaliste ; au contraire, ils doivent
contribuer a la résolution du conflit sur un mode pacifique. Toute
action en sens contraire ne ferait qu'alimenter les tensions dans le
sud Caucase et saper un cessez-le-feu fragile et des négociations
de paix difficiles.
LE PRÃ~ISIDENT - M. Beneyto, inscrit, dans le débat, étant absent
de l'hémicycle, la parole est maintenant a Mme Gafarova.
Mme GAFAROVA (Azerbaïdjan )* - Nous parlons du transfèrement de Ramil
Safarov. Il s'agit d'une procédure judiciaire. A aucun moment, les
conditions juridiques n'ont été violées. Ces mécanismes juridiques
existent et le transfèrement ne constitue pas une violation du droit.
Je reviens sur certains événements évoqués par mes collègues. En
avril 2001, un terroriste arménien, qui avait été condamné a la
prison pour avoir commis un attentat a Orly, a été transféré
en Arménie alors même qu'il n'était pas citoyen arménien. De
hauts responsables arméniens l'ont accueilli a l'aéroport en
héros. L'Arménie était alors membre de l'Assemblée parlementaire
du Conseil de l'Europe et pourtant personne dans notre Assemblée n'a
réagi ni n'en a débattu ici. On critique l'Azerbaïdjan aujourd'hui,
pourquoi est-on resté muet a cette époque ?
Nous discutons aujourd'hui du cas d'un citoyen azerbaïdjanais qui
a déja purgé huit ans de prison et qui a été gracié, certes,
mais non innocenté. Si nous évoquons l'affaire Safarov, il convient
également d'évoquer les raisons tues, mais réelles de ce crime qui
trouve son origine dans la situation d'occupation. Il faut replacer
cette affaire dans le contexte du conflit du Haut-Karabakh. Les
membres de la famille de Safarov ont été tués sous ses yeux. Nous
reconnaissons son crime, mais n'a-t-il pas été condamné pour cela ?
Si nous discutons de l'affaire Safarov, pourquoi ne pas évoquer
l'assassinat d'Azerbaïdjanais en Arménie car on semble oublier que de
nombreux crimes ont été commis durant l'occupation des territoires
azerbaïdjanais par les Arméniens ? Pourquoi ne parlons-nous pas
du Président Sarkisyan qui a déclaré qu'il était a Khodjali a
l'époque de ces massacres ? L'occupation du territoire azerbaïdjanais
est illégale et le Conseil de sécurité l'a confirmé en 1993.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Salles.
M. SALLES (France)* - Chers collègues, la libération et la
glorification de M. Ramil Safarov ont soulevé, a juste titre, de très
vives protestations. Accueillir en héros un homme qui a commis un
acte aussi odieux est indigne d'un pays membre du Conseil de l'Europe.
Je ne reviendrai pas sur les faits, mais la préméditation et
la brutalité de ce crime sont des circonstances aggravantes. Sa
motivation, la haine des Arméniens et l'absence totale de remords
de M. Safarov aussi.
C'est pourquoi la grâce et la promotion accordées a M. Safarov par le
Président de l'Azerbaïdjan suite a son extradition et a l'occasion de
son retour dans son pays portent atteinte d'autant plus a nos valeurs,
au respect élémentaire de la vie de l'autre, quel qu'il soit.
Un troisième pays membre de notre Assemblée est impliqué : celui
où s'est produit ce massacre et qui a autorisé l'extradition vers
l'Azerbaïdjan : la Hongrie. Car cette affaire pose aussi la question
de l'application de la Convention européenne sur le transfèrement
des personnes condamnées, une convention du Conseil de l'Europe.
Bien sÃ"r, d'un point de vue purement technique, la convention a été
suivie a la lettre. Bien sÃ"r, son article 12 prévoit que les Etats
peuvent user de leur droit de grâce. Mais la condamnation de Ramil
Safarov prononcée par un juge hongrois avait fait l'unanimité contre
elle en Azerbaïdjan ; l'Arménie avait demandé a la Hongrie de ne
pas extrader ce meurtrier. Alors pourquoi cette décision a-t-elle
été prise si rapidement, sans prévenir la partie arménienne ?
Au-dela du texte et des procédures juridiques, il y a aussi l'esprit
de la convention : elle a pour objet principal de favoriser la
réinsertion sociale des personnes condamnées en permettant a un
étranger privé de sa liberté a la suite d'une infraction pénale
de purger sa peine dans son pays d'origine. Oui, purger sa peine !
La gravité de l'acte - rappelons que M. Margarian a été massacré
de 16 coups de hache pendant son sommeil - la sévérité justifiée
de la condamnation, la perpétuité, pour un homme reconnu responsable
de ses actes par les experts, y compris azerbaïdjanais, la situation
des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, tous ces éléments
auraient dÃ" conduire la Hongrie a plus de prudence et de retenue
dans l'application de la convention.
L'attitude de l'Azerbaïdjan est quant a elle intolérable et doit
être condamnée. En libérant cet homme, ce pays a encore une fois
éloigné toute perspective de règlement pacifique du conflit
du Haut-Karabakh et remis en cause le processus de Minsk. En le
transformant en héros national, ce pays, membre du Conseil de
l'Europe, a fait honte a notre institution.
Il faut donc que l'Azerbaïdjan prenne ses responsabilités et respecte
ses engagements : pour cela, Ramil Safarov doit retourner en prison
et purger sa peine.
Je me tourne maintenant vers mes collègues azerbaïdjanais pour leur
dire que ce ne sont pas des arguments que nous avons entendus cet
après-midi, c'est de la propagande ! L'amalgame avec le Haut-Karabakh
était totalement insupportable. Les déclarations des représentants
de votre délégation cet après-midi la déshonorent dans cette
enceinte, qui est le temple des droits de l'homme en Europe. Si
l'Azerbaïdjan persiste dans cette attitude, cette affaire restera
comme une tache indélébile, que ce pays devra un jour ou l'autre
effacer. Dans l'immédiat, je m'interroge sur la légitimité de
l'Azerbaïdjan a siéger au sein du Conseil de l'Europe.
LE PRÃ~ISIDENT - La parole est a M. Gaudi Nagy, dernier orateur
inscrit dans ce débat.
M. GAUDI NAGY (Hongrie)* - Je suis triste pour les victimes de ce
conflit qui ont toutes des liens particuliers avec la Hongrie -
arméniennes comme azerbaïdjanaises. Mais j'ai le sentiment que
nous ne voyons, ici, que la partie émergée de l'iceberg. Evitons
de tomber dans le piège du Â" deux poids deux mesures Â" !
Les organisations internationales doivent se mobiliser pour tenter
de résoudre le conflit et se pencher sur la convention du Conseil
de l'Europe relative au transfert des prisonniers.
La question qui se pose est simple : les autorités d'un pays
peuvent-elles, oui ou non, prévoir la grâce de ses condamnés ? D'un
point de vue juridique, ce principe est incontestable. Mais dans le
cas qui nous concerne, nous devons avoir une vue globale des choses,
et notamment du conflit du Haut-Karabakh. Nous devons faire en sorte
que les Arméniens et les Azerbaïdjanais puissent vivre en bonne
intelligence, dans le respect des normes européennes. Il ne s'agit pas
ici de jeter l'anathème sur la Hongrie, l'Arménie ou l'Azerbaïdjan !
Il est clair que les conflits gelés doivent être réglés sur la
base du principe de l'autodétermination.
On pourrait rappeler d'autres crimes, comme celui de cet Irlandais qui
a assassiné des enfants hongrois et qui n'a jamais été condamné
! Il y a des problèmes partout, ne montons pas ces actes cruels en
épingle a des fins politiques.
LE PRÃ~ISIDENT - La liste des orateurs est épuisée.
Monsieur Chope voulez-vous intervenir ?
M. CHOPE (Royaume-Uni)* - Monsieur le Président, je ne m'attendais
pas a reprendre la parole.
Je veux simplement remercier toutes celles et tous ceux qui sont
intervenus. Si cet hémicycle a pu tenir un débat civilisé sur une
question aussi émotionnelle, c'est déja un bon exemple a suivre.
J'espère que nous n'aurons plus a gérer ce type d'incident a
l'avenir.
LE PRÃ~ISIDENT - Je vous rappelle qu'a l'issue du débat d'actualité,
l'Assemblée n'est pas appelée a voter. Ce débat aura néanmoins
permis un échange de vues intéressant entre les membres de
l'Assemblée. Votre conclusion, monsieur Chope, est effectivement
celle que l'on peut tirer de ce débat. Le Bureau peut, a un stade
ultérieur, proposer que la question traitée soit éventuellement
renvoyée a la commission compétente pour rapport, et c'est, je crois,
ce qu'a suggéré Anne Brasseur. Le Bureau évoquera certainement
cette éventualité dès demain matin.
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Source/Lien : Conseil de l'Europe