UNE NOUVELLE VAGUE DE REFUGIES DANS LA VILLE QUI FUT SMYRNE
Jean Eckian
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=83802
Par Fergal Keane BBC News, Izmir
Les Grecs avaient vecu a Izmir (alors Smyrne) pendant des milliers
d'annees
Des milliers de Syriens qui ont fui les combats dans leur pays
vivent dans des camps de refugies du côte turc de la frontière. Mais
certains ont pousse plus a l'ouest, jusqu'a la ville côtière d'Izmir -
un lieu tout aussi effrayant de crimes inutiles et de destruction au
temps de la Première Guerre Mondiale. Lorsqu'une ville est detruite,
que peut-on dire des constructions qui y sont erigees a la place ?
Forment-elles une metropole nouvelle ? L'esprit de l'ancienne, meme
complètement detruite, hante-t-il encore le present ? C'est une
question que se pose tout voyageur dote de sensibilite, dans les
villes de l'est de la Mediterranee où de grandes civilisations se
sont developpees, se sont brillamment epanouies avant de disparaître
en des royaumes de pierres brisees et de poussière. Mais je ne crois
pas me l'avoir posee de facon aussi poignante qu'a Izmir, la ville
que les Grecs avaient baptisee Smyrne, avant que leur presence de 3
000 ans en Asie Mineure ne soit totalement aneantie.
Je n'etais pas venue ici pour reflechir a la triste histoire
d'intrigues internationales et de massacres qui conduisirent a la
mort de Smyrne. Je m'interessais a l'histoire d'un groupe different
de personnes qui fuient un conflit actuel, avec son propre cocktail
d'intrigues internationales et de massacres qui a force plus d'un
quart de million de personnes a se deplacer.
Mais il n'etait pas possible d'entendre les histoires des refugies
syriens sans penser au sort des importantes populations de Grecs et
d'Armeniens de Smyrne en septembre 1922, dans les remous de la Première
Guerre Mondiale. Les anciens empires avaient chute. Ceux des Habsbourg
et des Turcs ottomans - qui a eux deux avaient domine l'Europe Centrale
et le Proche-Orient - etaient relegues dans les memoires vite estompes.
Les Britanniques et les Francais victorieux se declarèrent eux-memes
protecteurs des territoires du Moyen-Orient des Ottomans defaits et
ne leguèrent aux generations modernes aucune fin des problèmes. Mais
ce fut l'invasion grecque des terres ottomanes d'Asie Mineure qui mit
en route le desastre de Smyrne. Avec le soutien des Britanniques, ils
envahirent l'Anatolie en 1919 et s'enfoncèrent dans les terres. Il y
eut des massacres de Turcs et cela contribua a infuser une puissante
reponse nationaliste.
Lorsque l'armee turque defit les Grecs et marchèrent sur Smyrne, il y
eu des tueries deliberees par dizaines de milliers - des pillages et
des viols et le grand incendie dont les effets se mesurent aujourd'hui
en des absences.
Des milliers de Grecs quittant Izmir (Alors Smyrne) au cours des
combats
Disparues, les rues dans lesquelles se melaient les voix des Grecs,
des Turcs, des Armeniens, des Levantins et des Juifs. Perdu, le
riche melange des cultures qui inspirait les grandes traditions
philosophiques et religieuses d'Occident et d'Orient, qui commercait
et priait et faisait de la musique et racontait des histoires dans
les etroites ruelles du bazar et les eaux scintillantes de la Mer Egee
les soirs d'ete. La crise a pris fin en 1923 avec un traite prevoyant
l'echange massif des populations a travers la region. Les Musulmans
etaient forces d'aller en Turquie par les Grecs. Les Chretiens etaient
forces d'aller a l'ouest par les Turcs. Plus d'un million et demi de
personnes ont ete deracinees. Pour le voyageur qui se promène dans
Izmir a la recherche du passe, c'est comme si les Grecs n'avaient
jamais ete la. Beaucoup de vieilles constructions grecques ont disparu.
Une poignee de vieux immeubles sont encore debout mais l'architecture
de l'endroit aujourd'hui est ordinaire - les gens sont encore
merveilleusement amicaux, et doree est encore la lumière lorsqu'on se
promène, tard dans la soiree, au bord du quai. Je regardai le coucher
du soleil en compagnie d'un jeune de Syrie, qui m'a dit s'appeler
Mehmet. Il a du s'enfuir de son pays il y a trois mois. Il avait
deserte de l'armee et il est parti vers l'ouest. Le mois passe,
il a essaye de gagner la Grèce, la première etape d'un voyage qui
esperait-il le conduirait vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne,
où il pourrait commencer une nouvelle vie. Mais les passeurs l'ont
embarque sur un bateau dangereux sur la mer.
Il pouvait y avoir jusqu'a cent personnes a bord, des femmes et des
enfants pour la plupart, lorsqu'il heurta un esquif et chavira. " Il
y avait un garcon avec qui j'ai sympathise " me dit-il, " un garcon
d'une douzaine d'annee et je lui ai dit qu'une fois en Europe, je le
chercherai ". Le garcon s'est noye avec soixante autres refugies.
Tandis qu'il s'efforcait de regagner la côte a la nage, Mehmet se
souvient d'une femme et de son enfant essayant tous deux de lui
monter sur le dos. Il n'a pas dit ce qu'il a fait alors, et je ne le
lui ai pas demande. Son visage etait deforme par la peine. Je lui au
demande ce qu'il ferait une fois arrive en Europe. " J'etudierai la
guitare et l'enseignerai ensuite, " me dit-il. Mehmet etait joueur
de guitare classique. Ses morceaux favoris sont les preludes de
Johan Sebastien Bach. Mais dans sa fuite de Syrie, il a laisse
derrière lui sa guitare. La musique qui est en lui a ete reduite
au silence. Mais quand meme, comme tous ces refugies innombrables
avant lui dans d'autres guerres, son regard etait fixe sur la mer,
sur l'idee d'une autre vie qui l'attendait certainement s'il pouvait
seulement traverser la mer.
[NDLR] Avant, bien avant que la Grande Bretagne et la France,
vainqueurs de la Guerre de 1914-18, ne se " declarent eux-memes
protecteurs des territoires des Ottomans defaits ", en 1453, ce
sont les Turcs qui se sont decretes protecteurs des peuples soumis
Armeniens, Grecs, Juifs notamment. En outre, faisant endosser aux
Grecs, "envahisseurs de l'Anatolie en 1919 " la responsabilite du
desastre de Smyrne, elle efface du coup les " 3 000 ans de presence
grecque en Anatolie ", avant que les Turcs ne viennent les en chasser.
Cette facon de renvoyer dos a dos, comme dans l'echange de 1923
est inconvenant. Le compte n'y est pas. Venus de loin, les Turcs
envahisseurs n'ont eu de cesse que de chasser les Chretiens Grecs et
d'exterminer les autres, Armeniens et Assyro-Chaldeens. Sans parler
des Juifs et des autres....
mercredi 24 octobre 2012, Jean Eckian ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Jean Eckian
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=83802
Par Fergal Keane BBC News, Izmir
Les Grecs avaient vecu a Izmir (alors Smyrne) pendant des milliers
d'annees
Des milliers de Syriens qui ont fui les combats dans leur pays
vivent dans des camps de refugies du côte turc de la frontière. Mais
certains ont pousse plus a l'ouest, jusqu'a la ville côtière d'Izmir -
un lieu tout aussi effrayant de crimes inutiles et de destruction au
temps de la Première Guerre Mondiale. Lorsqu'une ville est detruite,
que peut-on dire des constructions qui y sont erigees a la place ?
Forment-elles une metropole nouvelle ? L'esprit de l'ancienne, meme
complètement detruite, hante-t-il encore le present ? C'est une
question que se pose tout voyageur dote de sensibilite, dans les
villes de l'est de la Mediterranee où de grandes civilisations se
sont developpees, se sont brillamment epanouies avant de disparaître
en des royaumes de pierres brisees et de poussière. Mais je ne crois
pas me l'avoir posee de facon aussi poignante qu'a Izmir, la ville
que les Grecs avaient baptisee Smyrne, avant que leur presence de 3
000 ans en Asie Mineure ne soit totalement aneantie.
Je n'etais pas venue ici pour reflechir a la triste histoire
d'intrigues internationales et de massacres qui conduisirent a la
mort de Smyrne. Je m'interessais a l'histoire d'un groupe different
de personnes qui fuient un conflit actuel, avec son propre cocktail
d'intrigues internationales et de massacres qui a force plus d'un
quart de million de personnes a se deplacer.
Mais il n'etait pas possible d'entendre les histoires des refugies
syriens sans penser au sort des importantes populations de Grecs et
d'Armeniens de Smyrne en septembre 1922, dans les remous de la Première
Guerre Mondiale. Les anciens empires avaient chute. Ceux des Habsbourg
et des Turcs ottomans - qui a eux deux avaient domine l'Europe Centrale
et le Proche-Orient - etaient relegues dans les memoires vite estompes.
Les Britanniques et les Francais victorieux se declarèrent eux-memes
protecteurs des territoires du Moyen-Orient des Ottomans defaits et
ne leguèrent aux generations modernes aucune fin des problèmes. Mais
ce fut l'invasion grecque des terres ottomanes d'Asie Mineure qui mit
en route le desastre de Smyrne. Avec le soutien des Britanniques, ils
envahirent l'Anatolie en 1919 et s'enfoncèrent dans les terres. Il y
eut des massacres de Turcs et cela contribua a infuser une puissante
reponse nationaliste.
Lorsque l'armee turque defit les Grecs et marchèrent sur Smyrne, il y
eu des tueries deliberees par dizaines de milliers - des pillages et
des viols et le grand incendie dont les effets se mesurent aujourd'hui
en des absences.
Des milliers de Grecs quittant Izmir (Alors Smyrne) au cours des
combats
Disparues, les rues dans lesquelles se melaient les voix des Grecs,
des Turcs, des Armeniens, des Levantins et des Juifs. Perdu, le
riche melange des cultures qui inspirait les grandes traditions
philosophiques et religieuses d'Occident et d'Orient, qui commercait
et priait et faisait de la musique et racontait des histoires dans
les etroites ruelles du bazar et les eaux scintillantes de la Mer Egee
les soirs d'ete. La crise a pris fin en 1923 avec un traite prevoyant
l'echange massif des populations a travers la region. Les Musulmans
etaient forces d'aller en Turquie par les Grecs. Les Chretiens etaient
forces d'aller a l'ouest par les Turcs. Plus d'un million et demi de
personnes ont ete deracinees. Pour le voyageur qui se promène dans
Izmir a la recherche du passe, c'est comme si les Grecs n'avaient
jamais ete la. Beaucoup de vieilles constructions grecques ont disparu.
Une poignee de vieux immeubles sont encore debout mais l'architecture
de l'endroit aujourd'hui est ordinaire - les gens sont encore
merveilleusement amicaux, et doree est encore la lumière lorsqu'on se
promène, tard dans la soiree, au bord du quai. Je regardai le coucher
du soleil en compagnie d'un jeune de Syrie, qui m'a dit s'appeler
Mehmet. Il a du s'enfuir de son pays il y a trois mois. Il avait
deserte de l'armee et il est parti vers l'ouest. Le mois passe,
il a essaye de gagner la Grèce, la première etape d'un voyage qui
esperait-il le conduirait vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne,
où il pourrait commencer une nouvelle vie. Mais les passeurs l'ont
embarque sur un bateau dangereux sur la mer.
Il pouvait y avoir jusqu'a cent personnes a bord, des femmes et des
enfants pour la plupart, lorsqu'il heurta un esquif et chavira. " Il
y avait un garcon avec qui j'ai sympathise " me dit-il, " un garcon
d'une douzaine d'annee et je lui ai dit qu'une fois en Europe, je le
chercherai ". Le garcon s'est noye avec soixante autres refugies.
Tandis qu'il s'efforcait de regagner la côte a la nage, Mehmet se
souvient d'une femme et de son enfant essayant tous deux de lui
monter sur le dos. Il n'a pas dit ce qu'il a fait alors, et je ne le
lui ai pas demande. Son visage etait deforme par la peine. Je lui au
demande ce qu'il ferait une fois arrive en Europe. " J'etudierai la
guitare et l'enseignerai ensuite, " me dit-il. Mehmet etait joueur
de guitare classique. Ses morceaux favoris sont les preludes de
Johan Sebastien Bach. Mais dans sa fuite de Syrie, il a laisse
derrière lui sa guitare. La musique qui est en lui a ete reduite
au silence. Mais quand meme, comme tous ces refugies innombrables
avant lui dans d'autres guerres, son regard etait fixe sur la mer,
sur l'idee d'une autre vie qui l'attendait certainement s'il pouvait
seulement traverser la mer.
[NDLR] Avant, bien avant que la Grande Bretagne et la France,
vainqueurs de la Guerre de 1914-18, ne se " declarent eux-memes
protecteurs des territoires des Ottomans defaits ", en 1453, ce
sont les Turcs qui se sont decretes protecteurs des peuples soumis
Armeniens, Grecs, Juifs notamment. En outre, faisant endosser aux
Grecs, "envahisseurs de l'Anatolie en 1919 " la responsabilite du
desastre de Smyrne, elle efface du coup les " 3 000 ans de presence
grecque en Anatolie ", avant que les Turcs ne viennent les en chasser.
Cette facon de renvoyer dos a dos, comme dans l'echange de 1923
est inconvenant. Le compte n'y est pas. Venus de loin, les Turcs
envahisseurs n'ont eu de cesse que de chasser les Chretiens Grecs et
d'exterminer les autres, Armeniens et Assyro-Chaldeens. Sans parler
des Juifs et des autres....
mercredi 24 octobre 2012, Jean Eckian ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress