Le Huffington Post
30 août 2012
Être Arménien en Turquie: un délit?
Jan Varoujan
Bien que le titre désigne les Arméniens comme cible, nous aurions pu
prendre aussi bien les Kurdes ou les Juifs, ou encore les Alévis par
exemple, qui dans la Turquie d'aujourd'hui sont considérés comme des
citoyens de seconde zone.
Pire, désigner aujourd'hui quelqu'un comme "arménien" est considéré
comme une injure. En 2008, une députée (CHP) avait fait part de
l'éventualité des origines arméniennes de la mère du président Gül.
Alors qu'il aurait pu tout simplement ignorer cette affirmation ou
faire un démenti, l'affaire a été portée devant les tribunaux et la
députée condamnée à une amende pour diffamation.
Dans le journal Hürriyet du 24 août 2012 le journaliste Sedat Ergin a
publié un article "Ermeni olmak suç mu ?" (Être Arménien est-ce un
crime ?) dans lequel il met en avant les termes incitant à la haine
utilisés dans un discours public, par Muhyettin Aksak, un député AKP
(Parti du PM Erdogan) d'Erzeroum. Parlant des terroristes PKK tués par
l'armée, au lieu de dire qu'ils étaient "neutralisés", terme
habituellement utilisé dans ces cas, il a dit qu'on les avait "crevés"
(gebertildi). Ce terme avait soulevé quelques émotions dans l'opinion
publique. Mais d'autres termes utilisés dans le même discours ont
suscité moins de réactions. Toujours en parlant des membres de PKK il
a précisé "qu'il fallait distinguer nos frères Kurdes de ces gens-là
(PKK) qui sont soit des cerveaux vendus soit des fils d'Arméniens
convertis, soit des étrangers infiltrés de Syrie ou de l'Iran" (sic).
Élu depuis deux mandats au TBMM (le parlement turc) ce député utilise
ici le terme "fils d'Arméniens convertis" clairement comme une insulte
et pour abaisser une catégorie de citoyens turcs. En juin, Ali
Bayramoglu, un journaliste connu et co-signataire de la pétition "je
demande pardon aux Arméniens" a subi une attaque dans la presse pro
AKP qui lui prêtait des origines arméniennes vu son implication dans
la défense des droits des minorités comme les Kurdes et les Arméniens.
Les Grecs et les Juifs ne sont pas épargnés. Injustement inculpée et
emprisonnée dans l'opération anti-KCK en 2011, Prof. Busra Ersanli a
vu son cas s'aggraver quand le journal nationaliste Vakit a divulgué
l'origine juive de son ex-mari Prof. Cem Behar. Selon le journaliste
Sedat Ergin les exemples sont multiples et la société turque semble
s'accommoder de cette situation en l'absence d'une stigmatisation de
la part des dirigeants, d'hier et d'aujourd'hui.
Dès lors la question se pose sur le plan humain mais aussi et surtout
sur le plan juridique : est-il possible d'accepter l'utilisation
d'injures et d'insultes à caractère raciste et nationaliste, envers
des personnes en raison de leurs ethnies, alors que l'égalité des
droits des citoyens est garantie par la constitution ? D'autant plus
que le terme "fils d'Arménien converti" utilisé par le député ne
s'adresse pas à quelques individus mais va au-delà et par ricochet
englobe la totalité des citoyens turcs d'origine arménienne qui se
sentent blessés par cette invective.
Dans les pays civilisés ce genre de comportement est condamné comme
l'"incitation à la haine et au racisme" et sévèrement sanctionné.
N'est-il pas grand temps pour la Turquie de faire un pas dans ce sens
et ajouter à son arsenal juridique la condamnation de ce délit, qui
non seulement implique la personne agressée mais abaisse aussi la
République turque qui se veut laïque et démocratique.
En attendant la loi, les dirigeants AKP du pays pourraient faire un
geste vis-à-vis de leurs citoyens d'origine arménienne, en annonçant
par exemple qu'ils ne s'associent pas aux déclarations du député
d'Erzeroum.
http://www.huffingtonpost.fr/jan-varoujan/armeniens-turquie_b_1839654.html?utm_hp_ref=international
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
30 août 2012
Être Arménien en Turquie: un délit?
Jan Varoujan
Bien que le titre désigne les Arméniens comme cible, nous aurions pu
prendre aussi bien les Kurdes ou les Juifs, ou encore les Alévis par
exemple, qui dans la Turquie d'aujourd'hui sont considérés comme des
citoyens de seconde zone.
Pire, désigner aujourd'hui quelqu'un comme "arménien" est considéré
comme une injure. En 2008, une députée (CHP) avait fait part de
l'éventualité des origines arméniennes de la mère du président Gül.
Alors qu'il aurait pu tout simplement ignorer cette affirmation ou
faire un démenti, l'affaire a été portée devant les tribunaux et la
députée condamnée à une amende pour diffamation.
Dans le journal Hürriyet du 24 août 2012 le journaliste Sedat Ergin a
publié un article "Ermeni olmak suç mu ?" (Être Arménien est-ce un
crime ?) dans lequel il met en avant les termes incitant à la haine
utilisés dans un discours public, par Muhyettin Aksak, un député AKP
(Parti du PM Erdogan) d'Erzeroum. Parlant des terroristes PKK tués par
l'armée, au lieu de dire qu'ils étaient "neutralisés", terme
habituellement utilisé dans ces cas, il a dit qu'on les avait "crevés"
(gebertildi). Ce terme avait soulevé quelques émotions dans l'opinion
publique. Mais d'autres termes utilisés dans le même discours ont
suscité moins de réactions. Toujours en parlant des membres de PKK il
a précisé "qu'il fallait distinguer nos frères Kurdes de ces gens-là
(PKK) qui sont soit des cerveaux vendus soit des fils d'Arméniens
convertis, soit des étrangers infiltrés de Syrie ou de l'Iran" (sic).
Élu depuis deux mandats au TBMM (le parlement turc) ce député utilise
ici le terme "fils d'Arméniens convertis" clairement comme une insulte
et pour abaisser une catégorie de citoyens turcs. En juin, Ali
Bayramoglu, un journaliste connu et co-signataire de la pétition "je
demande pardon aux Arméniens" a subi une attaque dans la presse pro
AKP qui lui prêtait des origines arméniennes vu son implication dans
la défense des droits des minorités comme les Kurdes et les Arméniens.
Les Grecs et les Juifs ne sont pas épargnés. Injustement inculpée et
emprisonnée dans l'opération anti-KCK en 2011, Prof. Busra Ersanli a
vu son cas s'aggraver quand le journal nationaliste Vakit a divulgué
l'origine juive de son ex-mari Prof. Cem Behar. Selon le journaliste
Sedat Ergin les exemples sont multiples et la société turque semble
s'accommoder de cette situation en l'absence d'une stigmatisation de
la part des dirigeants, d'hier et d'aujourd'hui.
Dès lors la question se pose sur le plan humain mais aussi et surtout
sur le plan juridique : est-il possible d'accepter l'utilisation
d'injures et d'insultes à caractère raciste et nationaliste, envers
des personnes en raison de leurs ethnies, alors que l'égalité des
droits des citoyens est garantie par la constitution ? D'autant plus
que le terme "fils d'Arménien converti" utilisé par le député ne
s'adresse pas à quelques individus mais va au-delà et par ricochet
englobe la totalité des citoyens turcs d'origine arménienne qui se
sentent blessés par cette invective.
Dans les pays civilisés ce genre de comportement est condamné comme
l'"incitation à la haine et au racisme" et sévèrement sanctionné.
N'est-il pas grand temps pour la Turquie de faire un pas dans ce sens
et ajouter à son arsenal juridique la condamnation de ce délit, qui
non seulement implique la personne agressée mais abaisse aussi la
République turque qui se veut laïque et démocratique.
En attendant la loi, les dirigeants AKP du pays pourraient faire un
geste vis-à-vis de leurs citoyens d'origine arménienne, en annonçant
par exemple qu'ils ne s'associent pas aux déclarations du député
d'Erzeroum.
http://www.huffingtonpost.fr/jan-varoujan/armeniens-turquie_b_1839654.html?utm_hp_ref=international
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress