Hu Lala
Sept 5 2012
Arménie : Budapest n'avait pas reçu de garanties de l'Azerbaïdjan
Posté par hu lala- 5 septembre 2012 à 7:18 - Version imprimable
Par Pierre Waline
Budapest, 2004 : dans la nuit du 19 au 20 février, un jeune lieutenant
azéri, après avoir forcé sa porte, abat sauvagement à coups de hache
un homologue arménien durant son sommeil. Les deux lieutenants
participaient à un cycle de formation linguistique monté sous l'égide
de l'Otan sous le nom de ?Partenariat pour la paix' (!).
Arrêté, le criminel - Ramil Safarov, alors gé de 29 ans - est
condamné en 2006 par un tribunal hongrois à la prison à perpétuité,
compte tenu de l'horreur de ce crime prémédité. Alors sollicité par
les autorités de Bakou, le gouvernement hongrois de l'époque
(coalition socio-libérale) refusa d'extrader le condamné en
Azerbaïdjan.
31 août 2012: le gouvernement hongrois accède à la requête de Bakou et
remet le prisonnier aux autorités azéris. Aussitôt retourné au pays,
Ramil Safarov est accueilli en héros par une foule en liesse. Gracié
par le président de la République, il se voit remettre pour son geste
valeureux (le crime...) une récompense et offrir un logement, avec une
promotion à la clé. Alors qu'il aurait dû continuer à y purger sa
peine. Réaction immédiate du côté arménien: suspension des relations
diplomatiques avec la Hongrie, discours véhément de protestation du
Président devant les représentants du corps diplomatique et
manifestations où le drapeau hongrois se voit piétiné et brûlé. Mais
plus grave: l'armée est décrétée en état d'alerte et le gouvernement
menace de reprendre le conflit armé avec l'Azerbaïdjan, si besoin est.
(Un cessez-le-feu avait été signé en 1994 au sujet du
Nagorny-Karabakh).
Réaction hongroise (en substance): ?Ce n'est pas correct, nous avons
été dupés, ce n'est pas ce qui nous avait été promis' (Remise à
l'ambassadeur d'une note de protestation). Puis, 4 jours après:
"L'affaire, qui ne mérite pas tant de bruit, est close, n'en parlons
plus" (Viktor Orbán, Premier ministre).
Sauf que....
De duperie de la part de Bakou, on ne saurait véritablement parler.
Effectivement, une lettre avait bien été officiellement adressée
mi-août par le vice-ministre azéri de la Justice au Ministère hongrois
de la Justice. Première remarque: un ?vice-ministre' écrit au
?ministère' et non le Ministre à son homolgue en nom propre. Voilà qui
est peu sérieux. Seconde remarque: le contenu de la lettre (assez
brève) ne stipule aucun véritable engagement ni aucune garantie
stricto sensu quant à la peine de Safarov une fois extradé. Il se
borne à ?informer' la partie hongroise sur les dispositions du Code
pénal azéri (1). Un Code pénal qui prévoit au demeurant la possibilté
de grce par le Président de la République, Ilham Aliev.
On peut douter que le Premier ministre hongrois - dont on peut tout
dire, sauf qu'il est naïf - ait cru un seul instant à l'emprisonnement
de Safarov. Qui plus est, même si l'idée (impensable) eût frôlé
l'esprit d'Ilham Aliev, celui-ci serait allé au casse-pipe en ne
libérant pas le détenu, tant est échauffée sa population pour qui
Safarov est un héros national, à en croire les images de son retour en
Azerbaïdjan.
La vérité est plus simple
Résolu à tourner le dos à Bruxelles et, à terme, au FMI, Viktor Orbán
a entrepris, depuis de longs mois déjà, de réorienter sa diplomatie
vers l'Est. Un ?Est' qui signifie ?Asie centrale' et Chine (une Chine
dont il n'a d'ailleurs encore rien obtenu malgré de belles
promesses..). Il ne s'en cache d'ailleurs pas - voire s'en félicite
ouvertement - et c'est avec une grande publicité qu'il a récemment
rendu visite aux chefs d'Etat du Kazkhstan.... et d'Azerbaïdjan.
Au-delà de toute motivation stratégique ou ?sentimentale' (?les
parents de nos ancêtres' d'Asie centrale), Viktor Orbán y voit
surtout, en ce qui concerne Bakou tout au moins, des intérêts
économiques (le pétrole) et une source de financement. Car le Trésor
hongrois est vide et l'Etat a un besoin urgent de sous. Or, les Azéris
ont laissé entendre qu'ils pourraient acheter des obligations
hongroises à hauteur de deux à trois milliards d'euros. Ce n'est pas
un secret.
Les officiels hongrois ont beau s'indigner, démentir, protester,
personne - sauf peut-être parmi certains de leurs électeurs - n'est
dupe. Accepter après cela les fonds de Bakou ? Ce serait alors
reconnaître indirectement l'aspect crapuleux du geste. Voici le
gouvernement tombé dans un piège dont il va avoir du mal à se
sortir.....
(1): confirmé par un entretien du 3 septembre avec András Bársony,
ancien secrétaire d'Etat et ancien ambassadeur dans la région (Klub
rádió, ?Reggeli gyors')
http://www.hu-lala.org/2012/09/05/armenie-budapest-n%E2%80%99avait-pas-recu-de-garanties-de-l%E2%80%99azerbaidjan/
From: Baghdasarian
Sept 5 2012
Arménie : Budapest n'avait pas reçu de garanties de l'Azerbaïdjan
Posté par hu lala- 5 septembre 2012 à 7:18 - Version imprimable
Par Pierre Waline
Budapest, 2004 : dans la nuit du 19 au 20 février, un jeune lieutenant
azéri, après avoir forcé sa porte, abat sauvagement à coups de hache
un homologue arménien durant son sommeil. Les deux lieutenants
participaient à un cycle de formation linguistique monté sous l'égide
de l'Otan sous le nom de ?Partenariat pour la paix' (!).
Arrêté, le criminel - Ramil Safarov, alors gé de 29 ans - est
condamné en 2006 par un tribunal hongrois à la prison à perpétuité,
compte tenu de l'horreur de ce crime prémédité. Alors sollicité par
les autorités de Bakou, le gouvernement hongrois de l'époque
(coalition socio-libérale) refusa d'extrader le condamné en
Azerbaïdjan.
31 août 2012: le gouvernement hongrois accède à la requête de Bakou et
remet le prisonnier aux autorités azéris. Aussitôt retourné au pays,
Ramil Safarov est accueilli en héros par une foule en liesse. Gracié
par le président de la République, il se voit remettre pour son geste
valeureux (le crime...) une récompense et offrir un logement, avec une
promotion à la clé. Alors qu'il aurait dû continuer à y purger sa
peine. Réaction immédiate du côté arménien: suspension des relations
diplomatiques avec la Hongrie, discours véhément de protestation du
Président devant les représentants du corps diplomatique et
manifestations où le drapeau hongrois se voit piétiné et brûlé. Mais
plus grave: l'armée est décrétée en état d'alerte et le gouvernement
menace de reprendre le conflit armé avec l'Azerbaïdjan, si besoin est.
(Un cessez-le-feu avait été signé en 1994 au sujet du
Nagorny-Karabakh).
Réaction hongroise (en substance): ?Ce n'est pas correct, nous avons
été dupés, ce n'est pas ce qui nous avait été promis' (Remise à
l'ambassadeur d'une note de protestation). Puis, 4 jours après:
"L'affaire, qui ne mérite pas tant de bruit, est close, n'en parlons
plus" (Viktor Orbán, Premier ministre).
Sauf que....
De duperie de la part de Bakou, on ne saurait véritablement parler.
Effectivement, une lettre avait bien été officiellement adressée
mi-août par le vice-ministre azéri de la Justice au Ministère hongrois
de la Justice. Première remarque: un ?vice-ministre' écrit au
?ministère' et non le Ministre à son homolgue en nom propre. Voilà qui
est peu sérieux. Seconde remarque: le contenu de la lettre (assez
brève) ne stipule aucun véritable engagement ni aucune garantie
stricto sensu quant à la peine de Safarov une fois extradé. Il se
borne à ?informer' la partie hongroise sur les dispositions du Code
pénal azéri (1). Un Code pénal qui prévoit au demeurant la possibilté
de grce par le Président de la République, Ilham Aliev.
On peut douter que le Premier ministre hongrois - dont on peut tout
dire, sauf qu'il est naïf - ait cru un seul instant à l'emprisonnement
de Safarov. Qui plus est, même si l'idée (impensable) eût frôlé
l'esprit d'Ilham Aliev, celui-ci serait allé au casse-pipe en ne
libérant pas le détenu, tant est échauffée sa population pour qui
Safarov est un héros national, à en croire les images de son retour en
Azerbaïdjan.
La vérité est plus simple
Résolu à tourner le dos à Bruxelles et, à terme, au FMI, Viktor Orbán
a entrepris, depuis de longs mois déjà, de réorienter sa diplomatie
vers l'Est. Un ?Est' qui signifie ?Asie centrale' et Chine (une Chine
dont il n'a d'ailleurs encore rien obtenu malgré de belles
promesses..). Il ne s'en cache d'ailleurs pas - voire s'en félicite
ouvertement - et c'est avec une grande publicité qu'il a récemment
rendu visite aux chefs d'Etat du Kazkhstan.... et d'Azerbaïdjan.
Au-delà de toute motivation stratégique ou ?sentimentale' (?les
parents de nos ancêtres' d'Asie centrale), Viktor Orbán y voit
surtout, en ce qui concerne Bakou tout au moins, des intérêts
économiques (le pétrole) et une source de financement. Car le Trésor
hongrois est vide et l'Etat a un besoin urgent de sous. Or, les Azéris
ont laissé entendre qu'ils pourraient acheter des obligations
hongroises à hauteur de deux à trois milliards d'euros. Ce n'est pas
un secret.
Les officiels hongrois ont beau s'indigner, démentir, protester,
personne - sauf peut-être parmi certains de leurs électeurs - n'est
dupe. Accepter après cela les fonds de Bakou ? Ce serait alors
reconnaître indirectement l'aspect crapuleux du geste. Voici le
gouvernement tombé dans un piège dont il va avoir du mal à se
sortir.....
(1): confirmé par un entretien du 3 septembre avec András Bársony,
ancien secrétaire d'Etat et ancien ambassadeur dans la région (Klub
rádió, ?Reggeli gyors')
http://www.hu-lala.org/2012/09/05/armenie-budapest-n%E2%80%99avait-pas-recu-de-garanties-de-l%E2%80%99azerbaidjan/
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