L'Express, France
4 sept 2012
Meurtre d'un Arménien: "l'assassinat a été commis sous le patronage de
l'Etat azéri"
Par LEXPRESS.fr, publié le 04/09/2012 à 16:53, mis à jour à 17:18
L'accueil reçu dans son pays par l'Azéri Ramil Safarov, condamné à
perpétuité en Hongrie pour un meurtre commis en 2004, et ajussitôt
gracié a ravivé les tensions entre Erevan et Bakou. La réaction de
l'ambassadeur d'Arménie à Paris, Viken Tchitétchian.
Très vive tension entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Suspension des
relations diplomatiques entre la Hongrie et l'Arménie. Provocation
ouverte de Bakou à l'égard de l'Union européenne et de la communauté
internationale. A l'origine, un meurtre horrible perpétré par un
soldat azerbaïdjanais à l'encontre d'un jeune officier arménien en
Hongrie, dans le cadre d'un stage de formation organisé par l'OTAN. Le
meurtrier, condamné à 30 années de prison incompressibles par la
justice hongroise, a été subitement extradé vers Bakou, le vendredi 31
septembre, puis aussitôt gracié par le président de l'Azerbaïdjan et
accueilli comme un héros national.
L'ambassadeur d'Arménie à Paris, Viken Tchitétchian, livre ici son
indignation et fait part de son inquiétude sur l'évolution de la
situation.
Dans quelles conditions un jeune officier arménien, Gourguen
Margarian, a-t-il été tué par le militaire azerbaïdjanais Ramil
Safarov?
Viken Tchitétchian, ambassadeur d'Arménie à Paris: "L'Arménie n'est
pas surprise par l'attitude de Bakou, mais s'indigne de la décision de
la Hongrie."
DR
«
L'argent du pétrole vaut-il plus que la morale humaine et les valeurs
fondamentales qui font l'Europe? »
Le 19 février 2004, Gourguen Margarian, officier de l''armée
arménienne -qui participait à une formation d'anglais organisée à
Budapest dans le cadre d'un programme du "Partenariat pour la paix" de
l'OTAN- a été assassiné par l'officier azéri Ramil Safarov, qui
participait à la même formation. Aveuglé par le racisme et la haine
ethnique cultivée au niveau de l'Etat azéri, ce dernier a égorgé, à 16
coups de hache, Gourguen Margarian pendant son sommeil. Il était 5
heures du matin. Cet acte d'une rare atrocité, commis froidement, a
alors choqué toute la société hongroise, mais aussi tous les pays et
de nombreux responsables de l'OTAN. Toutes les instances européennes
nous ont néanmoins recommandé de faire confiance à la justice et de
dépasser l'émotion pour s'en remettre à la souveraineté du jugement
sévère qui serait rendu à l'encontre du coupable: on voulait
absolument convaincre les autorités arméniennes qu'il s'agissait de
l'acte d'un dément, d'un acte isolé. Nous disons aujourd'hui, face à
l'évidence des suites données par Bakou à cette affaire, qu'il ne
s'agit en rien d'un acte isolé. Nous n'avons cessé d'alerter tous nos
partenaires et interlocuteurs des risques de transfèrement de Safarov
vers l'Azerbaïdjan, et le comportement de l'Azerbaïdjan a montré que
nous avions, hélas, raison.
Que s'est-il passé pour que la justice hongroise, qui a initialement
condamné Safarov à la perpétuité, accède finalement à la demande
d'extradition de Bakou?
Les faits ont été à ce point flagrants que la justice hongroise a
effectivement prononcé contre l'assassin une peine de prison à vie
incompressible. La présidente du tribunal a insisté sur le caractère
exceptionnellement cruel du meurtre. C'était une réaction adéquate et
une sentence de toute évidence justifiée; tous les arguments des
avocats du coupable ont été balayés sans difficulté, aucune argutie
avancée par les Azéris n'a résisté à l'examen des faits. Après une
telle sentence, je ne sais pas ce qui a pu aboutir au transfèrement de
l'assassin vers l'Azerbaïdjan. Nous avons travaillé au plus haut
niveau avec les autorités hongroises qui nous ont régulièrement assuré
que Safarov ne serait pas extradé; nous leur avons également
recommandé de ne pas prendre au sérieux les promesses faites par Bakou
que la peine serait purgée en Azerbaïdjan. Or, au final, non seulement
l'assassin, sitôt arrivé à Bakou, a été gracié par Ilham Aliev, mais
il a été aussi promu à titre extraordinaire au grade de major, a reçu
huit années de salaire d'un seul coup couvrant les années effectuées
en prison en Hongrie, et il a même reçu un logement! Tout cela met en
évidence le fait que l'assassinat a été commis sous le patronage, si
ce n'est sous l'ordre, de l'Etat azéri. Pour preuve, le criminel est
récompensé et rétribué pour son acte monstrueux.
A quelles conséquences internationales faut-il s'attendre?
La décision du gouvernement hongrois est pour nous inacceptable.
Budapest ne pouvait pas connaître les vraies intentions de Bakou. La
vérité est que la Hongrie, membre de l'Union européenne, du Conseil de
l'Europe, de l'OTAN, de l'OSCE s'est engagé dans un complot au côté de
l'Azerbaïdjan en vue de justifier l'extradition de l'assassin. De
négociations officieuses, au plus haut niveau, ont été menées pendant
des mois ; les Azéris eux-mêmes le déclarent. Toutes sortes de rumeurs
circulent au sujet d'éventuelles contreparties offertes par Bakou: mon
métier ne consiste pas à les relayer, mais je m'en inquiète.
L'Arménie n'est pas surprise par l'attitude de Bakou, mais s'indigne
de la décision de la Hongrie. Une enquête officielle mettrait en
lumière tous les dessous de cette affaire, mais ses conclusions
pourraient conclure à un véritable scandale.
Faut-il de nouveau craindre la guerre?
Avec un tel style de comportement à Bakou, on n'est jamais à l'abri.
Nous détestons la guerre, mais elle ne nous fait pas peur. Mais, en
l'occurrence, nous assistons à un défi lancé par l'Azerbaïdjan à
l'ensemble de la communauté internationale. La question posée est
simple: est-ce que l'argent du pétrole vaut plus que la morale humaine
et les valeurs fondamentales qui font l'Europe? Nous attendons une
réponse claire de la part de nos partenaires et de la part de la
communauté internationale.
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/meurtre-d-un-armenien-l-assassinat-a-ete-commis-sous-le-patronage-de-l-etat-azeri_1156531.html
4 sept 2012
Meurtre d'un Arménien: "l'assassinat a été commis sous le patronage de
l'Etat azéri"
Par LEXPRESS.fr, publié le 04/09/2012 à 16:53, mis à jour à 17:18
L'accueil reçu dans son pays par l'Azéri Ramil Safarov, condamné à
perpétuité en Hongrie pour un meurtre commis en 2004, et ajussitôt
gracié a ravivé les tensions entre Erevan et Bakou. La réaction de
l'ambassadeur d'Arménie à Paris, Viken Tchitétchian.
Très vive tension entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Suspension des
relations diplomatiques entre la Hongrie et l'Arménie. Provocation
ouverte de Bakou à l'égard de l'Union européenne et de la communauté
internationale. A l'origine, un meurtre horrible perpétré par un
soldat azerbaïdjanais à l'encontre d'un jeune officier arménien en
Hongrie, dans le cadre d'un stage de formation organisé par l'OTAN. Le
meurtrier, condamné à 30 années de prison incompressibles par la
justice hongroise, a été subitement extradé vers Bakou, le vendredi 31
septembre, puis aussitôt gracié par le président de l'Azerbaïdjan et
accueilli comme un héros national.
L'ambassadeur d'Arménie à Paris, Viken Tchitétchian, livre ici son
indignation et fait part de son inquiétude sur l'évolution de la
situation.
Dans quelles conditions un jeune officier arménien, Gourguen
Margarian, a-t-il été tué par le militaire azerbaïdjanais Ramil
Safarov?
Viken Tchitétchian, ambassadeur d'Arménie à Paris: "L'Arménie n'est
pas surprise par l'attitude de Bakou, mais s'indigne de la décision de
la Hongrie."
DR
«
L'argent du pétrole vaut-il plus que la morale humaine et les valeurs
fondamentales qui font l'Europe? »
Le 19 février 2004, Gourguen Margarian, officier de l''armée
arménienne -qui participait à une formation d'anglais organisée à
Budapest dans le cadre d'un programme du "Partenariat pour la paix" de
l'OTAN- a été assassiné par l'officier azéri Ramil Safarov, qui
participait à la même formation. Aveuglé par le racisme et la haine
ethnique cultivée au niveau de l'Etat azéri, ce dernier a égorgé, à 16
coups de hache, Gourguen Margarian pendant son sommeil. Il était 5
heures du matin. Cet acte d'une rare atrocité, commis froidement, a
alors choqué toute la société hongroise, mais aussi tous les pays et
de nombreux responsables de l'OTAN. Toutes les instances européennes
nous ont néanmoins recommandé de faire confiance à la justice et de
dépasser l'émotion pour s'en remettre à la souveraineté du jugement
sévère qui serait rendu à l'encontre du coupable: on voulait
absolument convaincre les autorités arméniennes qu'il s'agissait de
l'acte d'un dément, d'un acte isolé. Nous disons aujourd'hui, face à
l'évidence des suites données par Bakou à cette affaire, qu'il ne
s'agit en rien d'un acte isolé. Nous n'avons cessé d'alerter tous nos
partenaires et interlocuteurs des risques de transfèrement de Safarov
vers l'Azerbaïdjan, et le comportement de l'Azerbaïdjan a montré que
nous avions, hélas, raison.
Que s'est-il passé pour que la justice hongroise, qui a initialement
condamné Safarov à la perpétuité, accède finalement à la demande
d'extradition de Bakou?
Les faits ont été à ce point flagrants que la justice hongroise a
effectivement prononcé contre l'assassin une peine de prison à vie
incompressible. La présidente du tribunal a insisté sur le caractère
exceptionnellement cruel du meurtre. C'était une réaction adéquate et
une sentence de toute évidence justifiée; tous les arguments des
avocats du coupable ont été balayés sans difficulté, aucune argutie
avancée par les Azéris n'a résisté à l'examen des faits. Après une
telle sentence, je ne sais pas ce qui a pu aboutir au transfèrement de
l'assassin vers l'Azerbaïdjan. Nous avons travaillé au plus haut
niveau avec les autorités hongroises qui nous ont régulièrement assuré
que Safarov ne serait pas extradé; nous leur avons également
recommandé de ne pas prendre au sérieux les promesses faites par Bakou
que la peine serait purgée en Azerbaïdjan. Or, au final, non seulement
l'assassin, sitôt arrivé à Bakou, a été gracié par Ilham Aliev, mais
il a été aussi promu à titre extraordinaire au grade de major, a reçu
huit années de salaire d'un seul coup couvrant les années effectuées
en prison en Hongrie, et il a même reçu un logement! Tout cela met en
évidence le fait que l'assassinat a été commis sous le patronage, si
ce n'est sous l'ordre, de l'Etat azéri. Pour preuve, le criminel est
récompensé et rétribué pour son acte monstrueux.
A quelles conséquences internationales faut-il s'attendre?
La décision du gouvernement hongrois est pour nous inacceptable.
Budapest ne pouvait pas connaître les vraies intentions de Bakou. La
vérité est que la Hongrie, membre de l'Union européenne, du Conseil de
l'Europe, de l'OTAN, de l'OSCE s'est engagé dans un complot au côté de
l'Azerbaïdjan en vue de justifier l'extradition de l'assassin. De
négociations officieuses, au plus haut niveau, ont été menées pendant
des mois ; les Azéris eux-mêmes le déclarent. Toutes sortes de rumeurs
circulent au sujet d'éventuelles contreparties offertes par Bakou: mon
métier ne consiste pas à les relayer, mais je m'en inquiète.
L'Arménie n'est pas surprise par l'attitude de Bakou, mais s'indigne
de la décision de la Hongrie. Une enquête officielle mettrait en
lumière tous les dessous de cette affaire, mais ses conclusions
pourraient conclure à un véritable scandale.
Faut-il de nouveau craindre la guerre?
Avec un tel style de comportement à Bakou, on n'est jamais à l'abri.
Nous détestons la guerre, mais elle ne nous fait pas peur. Mais, en
l'occurrence, nous assistons à un défi lancé par l'Azerbaïdjan à
l'ensemble de la communauté internationale. La question posée est
simple: est-ce que l'argent du pétrole vaut plus que la morale humaine
et les valeurs fondamentales qui font l'Europe? Nous attendons une
réponse claire de la part de nos partenaires et de la part de la
communauté internationale.
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/meurtre-d-un-armenien-l-assassinat-a-ete-commis-sous-le-patronage-de-l-etat-azeri_1156531.html