REVUE DE PRESSE
L'encombrante visite parisienne du président azéri
La télévision azerbaïdjanaise fera sans doute grand cas de la visite
en France du président Ilham Aliev, qui devait être reçu par son
homologue François Hollande, mardi 18 septembre, à l'Elysée. Durant
son séjour à Paris, M. Aliev doit participer à l'inauguration d'une
nouvelle aile du Musée du Louvre consacrée aux arts de l'islam. Le
dirigeant de cette ex-République soviétique musulmane y sera salué au
titre de mécène, ayant apporté des financements, aux côtés d'autres
donateurs, notamment de pays du Golfe.
Il est moins certain, en revanche, que l'Elysée cherche beaucoup à
médiatiser cette venue d'un dirigeant dont le régime a des
ressemblances avec le système Ben Ali existant jadis en Tunisie -
captation des richesses par un clan familial, discours officiel très
rodé à l'attention des Occidentaux, sur le thème `je suis un rempart
contre l'islamisme` - et qui s'est récemment attiré un retentissant
opprobre en Europe.
La raison : M. Aliev a récemment `gracié`, et fait ériger en héros
national dans son pays, un officier azerbaïdjanais extradé par la
Hongrie, où il purgeait une peine de prison à vie pour l'assassinat,
en 2004, dans des conditions abominables, d'un militaire arménien,
rencontré lors d'un programme de formation de l'OTAN, à Budapest.
PROMPT À EMPRISONNER
L'officier azerbaïdjanais en question, Ramil Safarov, avait attaqué le
militaire arménien dans sa chambre à coups de hache, et cherché à le
décapiter. A son retour à Bakou le 31 août, il a été célébré par les
autorités comme un patriote. L'épisode a suscité de l'indignation en
Europe, et des demandes d'explication ont été adressées à la Hongrie,
soupçonnée d'avoir concédé cette extradition à l'Azerbaïdjan en
échange de facilités financières.
Le scandale a été intense en Arménie, l'épisode réveillant toutes les
passions du conflit du Haut-Karabakh. Situé en Azerbaïdjan, ce
territoire ainsi que des zones adjacentes ont été `conquis` par
l'Arménie à l'issue d'un conflit sanglant qui dura de 1988 à 1994. Un
fragile cessez-le-feu est en place, marqué depuis environ un an par un
regain d'accrochages armés. Autour de cette `perte` d'environ 20 % du
territoire national, le pouvoir de Bakou tente de galvaniser une
opinion publique par ailleurs agitée de protestations sociales et
politiques.
Dans ce pays où opposants et journalistes défient la poigne d'un
pouvoir prompt à emprisonner, le mécontentement est palpable.
Notamment contre le `clan Pachaïev`, la famille de l'épouse du
président Aliev, qui contrôle de nombreux leviers économiques, dans un
pays où les pétrodollars coulent à flot.
Les tensions avec l'Arménie servent de commode diversion politique,
comme l'affaire Safarov a pu l'illustrer. L'Azerbaïdjan consacre par
ailleurs une part croissante de ses revenus tirés du pétrole à un
effort de réarmement militaire.
ALIEV `CONSCIENT D'AVOIR FAIT UNE GROSSE BOURDE`
De source diplomatique à Paris, on assure qu'`Aliev est conscient
d'avoir fait une grosse bourde` avec l'affaire Safarov. Tout le
travail de communication mené par le pouvoir de Bakou, à grand renfort
d'agences de publicité et de `dons` (comme celui fait au Louvre),
visant à rendre `respectable` l'image du régime Aliev à l'étranger,
semble mis à mal.
L'autocrate arrive à Paris dans un contexte de bourrasque
politico-diplomatique. Des voix se sont élevées dans la communauté
arménienne de France pour dénoncer l'accueil qui lui est réservé. Le
Quai d'Orsay a exprimé sa `préoccupation` après la grce accordée à
l'officier Safarov. François Hollande devait tenter, mardi, de plaider
pour une relance des négociations sur le Haut-Karabakh...
Côté français, on semble vouloir en faire le moins possible autour de
cette visite. L'inauguration des nouvelles salles du Louvre a-t-elle
empêché de la reporter à des temps plus propices ? Ou bien, d'être
tenté de la dissimuler aux médias ?
En juillet, M. Hollande avait reçu de manière presque secrète le roi
du Bahreïn, engagé dans une lourde répression politique dans son pays.
La France recherche des contrats en Azerbaïdjan. Alstom s'intéresse au
métro de Bakou. Total veut amplifier sa présence dans les
hydrocarbures de la Caspienne. M. Aliev doit être reçu mardi par le
Medef. La `diplomatie économique`, formule lancée cet été par le
gouvernement français, domine. Les droits de l'homme, en l'occurrence,
en ptissent.
LE MONDE | 18.09.2012 à 15h04
Par Natalie Nougayrède
jeudi 20 septembre 2012,
Stéphane ©armenews.co
L'encombrante visite parisienne du président azéri
La télévision azerbaïdjanaise fera sans doute grand cas de la visite
en France du président Ilham Aliev, qui devait être reçu par son
homologue François Hollande, mardi 18 septembre, à l'Elysée. Durant
son séjour à Paris, M. Aliev doit participer à l'inauguration d'une
nouvelle aile du Musée du Louvre consacrée aux arts de l'islam. Le
dirigeant de cette ex-République soviétique musulmane y sera salué au
titre de mécène, ayant apporté des financements, aux côtés d'autres
donateurs, notamment de pays du Golfe.
Il est moins certain, en revanche, que l'Elysée cherche beaucoup à
médiatiser cette venue d'un dirigeant dont le régime a des
ressemblances avec le système Ben Ali existant jadis en Tunisie -
captation des richesses par un clan familial, discours officiel très
rodé à l'attention des Occidentaux, sur le thème `je suis un rempart
contre l'islamisme` - et qui s'est récemment attiré un retentissant
opprobre en Europe.
La raison : M. Aliev a récemment `gracié`, et fait ériger en héros
national dans son pays, un officier azerbaïdjanais extradé par la
Hongrie, où il purgeait une peine de prison à vie pour l'assassinat,
en 2004, dans des conditions abominables, d'un militaire arménien,
rencontré lors d'un programme de formation de l'OTAN, à Budapest.
PROMPT À EMPRISONNER
L'officier azerbaïdjanais en question, Ramil Safarov, avait attaqué le
militaire arménien dans sa chambre à coups de hache, et cherché à le
décapiter. A son retour à Bakou le 31 août, il a été célébré par les
autorités comme un patriote. L'épisode a suscité de l'indignation en
Europe, et des demandes d'explication ont été adressées à la Hongrie,
soupçonnée d'avoir concédé cette extradition à l'Azerbaïdjan en
échange de facilités financières.
Le scandale a été intense en Arménie, l'épisode réveillant toutes les
passions du conflit du Haut-Karabakh. Situé en Azerbaïdjan, ce
territoire ainsi que des zones adjacentes ont été `conquis` par
l'Arménie à l'issue d'un conflit sanglant qui dura de 1988 à 1994. Un
fragile cessez-le-feu est en place, marqué depuis environ un an par un
regain d'accrochages armés. Autour de cette `perte` d'environ 20 % du
territoire national, le pouvoir de Bakou tente de galvaniser une
opinion publique par ailleurs agitée de protestations sociales et
politiques.
Dans ce pays où opposants et journalistes défient la poigne d'un
pouvoir prompt à emprisonner, le mécontentement est palpable.
Notamment contre le `clan Pachaïev`, la famille de l'épouse du
président Aliev, qui contrôle de nombreux leviers économiques, dans un
pays où les pétrodollars coulent à flot.
Les tensions avec l'Arménie servent de commode diversion politique,
comme l'affaire Safarov a pu l'illustrer. L'Azerbaïdjan consacre par
ailleurs une part croissante de ses revenus tirés du pétrole à un
effort de réarmement militaire.
ALIEV `CONSCIENT D'AVOIR FAIT UNE GROSSE BOURDE`
De source diplomatique à Paris, on assure qu'`Aliev est conscient
d'avoir fait une grosse bourde` avec l'affaire Safarov. Tout le
travail de communication mené par le pouvoir de Bakou, à grand renfort
d'agences de publicité et de `dons` (comme celui fait au Louvre),
visant à rendre `respectable` l'image du régime Aliev à l'étranger,
semble mis à mal.
L'autocrate arrive à Paris dans un contexte de bourrasque
politico-diplomatique. Des voix se sont élevées dans la communauté
arménienne de France pour dénoncer l'accueil qui lui est réservé. Le
Quai d'Orsay a exprimé sa `préoccupation` après la grce accordée à
l'officier Safarov. François Hollande devait tenter, mardi, de plaider
pour une relance des négociations sur le Haut-Karabakh...
Côté français, on semble vouloir en faire le moins possible autour de
cette visite. L'inauguration des nouvelles salles du Louvre a-t-elle
empêché de la reporter à des temps plus propices ? Ou bien, d'être
tenté de la dissimuler aux médias ?
En juillet, M. Hollande avait reçu de manière presque secrète le roi
du Bahreïn, engagé dans une lourde répression politique dans son pays.
La France recherche des contrats en Azerbaïdjan. Alstom s'intéresse au
métro de Bakou. Total veut amplifier sa présence dans les
hydrocarbures de la Caspienne. M. Aliev doit être reçu mardi par le
Medef. La `diplomatie économique`, formule lancée cet été par le
gouvernement français, domine. Les droits de l'homme, en l'occurrence,
en ptissent.
LE MONDE | 18.09.2012 à 15h04
Par Natalie Nougayrède
jeudi 20 septembre 2012,
Stéphane ©armenews.co