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Sept 21 2012
Hollande reçoit discrètement les dictateurs
Par Thomas Vampouille
Vendredi 21 Septembre 2012 - 11:25
Alors que la gauche a reproché à Nicolas Sarkozy les visites de
Kadhafi ou d'el-Assad, François Hollande, rattrapé par la realpolitik,
a reçu depuis mai plusieurs dirigeants de régimes peu démocratiques.
rançois Hollande a-t-il renié sa promesse d'un changement de politique
à l'égard des régimes dictatoriaux? «Présider la République, c'est ne
pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris», assénait le
candidat à la présidentielle dans son discours du Bourget, en janvier
2012. Avec, en creux, le rappel des visites de Mouammar Kadhafi et de
Bachar el-Assad au temps de Nicolas Sarkozy. Quelques mois plus tard,
du président gabonais Ali Bongo au fils du roi d'Arabie saoudite, la
liste des chefs d'États peu démocratiques reçus à l'Élysée est déjà
conséquente.
Dernier en date, invité mardi au palais pour un entretien d'une
demi-heure: le président azerbaïdjanais Ilham Aliev. Pas tout à fait
un démocrate, puisque la dynastie des Aliev, au pouvoir dans ce pays
depuis vingt ans, est accusée par les ONG de défense des droits de
l'homme de réprimer l'opposition et la liberté d'expression. Quant à
Ilham Aliev lui-même, il a ravivé début septembre les tensions avec
l'Arménie, en graciant un officier condamné pour le meurtre d'un
militaire arménien. «On ne peut pas accepter qu'Aliev, un dictateur,
puisse être en France, et en plus être reçu à l'Élysée», s'est insurgé
mardi Hratch Varjabedian, directeur du Bureau français de la cause
arménienne, tandis que 600 manifestants accueillaient le chef d'État
au cri d'«Aliev fasciste, hors de France!»
«C'est quand la France est silencieuse qu'elle recule»
Conscient du caractère sensible de cette visite, l'Élysée a interdit
ce jour-là aux photographes de presse d'accéder à la cour du palais.
Et a pris soin, après la rencontre, de publier un communiqué affirmant
que «le président de la République a appelé l'Azerbaïdjan à prendre
les mesures nécessaires pour rétablir un climat de confiance avec
l'Arménie». Une discrétion qui avait été poussée encore plus loin deux
mois plus tôt, le 23 juillet, lors de la visite du roi de Bahreïn.
Cette rencontre n'avait même pas été inscrite à l'agenda présidentiel.
Et pour cause: le roi Hamad Ben Issa al-Khalifa est accusé d'avoir
maté dans le sang, grce au soutien de l'Arabie saoudite, un début de
révolte en 2011. Soixante morts, selon Amnesty International, qui a
dénoncé «le caractère quasi secret» de la rencontre de juillet.
«C'est quand la France est frileuse ou silencieuse qu'elle recule»,
affirmait pourtant le président dans son discours aux ambassadeurs, le
27 août, ajoutant qu'il fallait encourager «l'aspiration démocratique»
des peuples, notamment «des printemps arabes». Alors, la realpolitik
l'a-t-elle déjà emporté face à ces principes?
«C'est l'éternel débat entre la nécessaire politique des droits de
l'homme et les tout aussi nécessaires contacts avec tous les
dirigeants de la planète», analyse Didier Billion, directeur des
études à l'Iris. Pour ce spécialiste des relations internationales, le
fait que le président de la République rencontre des dictateurs ne
pose pas de problème en soi. À deux conditions: «D'abord, il faut
veiller à ne pas décrédibiliser la parole présidentielle en faisant
des déclarations tonitruantes sur les droits de l'homme aussitôt
contredites par les faits. Ensuite, la manière a son importance: on
peut effectivement organiser ces rencontres plus discrètement, sans le
décorum qui avait entouré par exemple la venue de Kadhafi». De ce
point de vue, l'engagement formulé de manière ambiguë par François
Hollande au Bourget paraît respecté: les dictateurs ne sont plus reçus
«en grand appareil».
Sept 21 2012
Hollande reçoit discrètement les dictateurs
Par Thomas Vampouille
Vendredi 21 Septembre 2012 - 11:25
Alors que la gauche a reproché à Nicolas Sarkozy les visites de
Kadhafi ou d'el-Assad, François Hollande, rattrapé par la realpolitik,
a reçu depuis mai plusieurs dirigeants de régimes peu démocratiques.
rançois Hollande a-t-il renié sa promesse d'un changement de politique
à l'égard des régimes dictatoriaux? «Présider la République, c'est ne
pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris», assénait le
candidat à la présidentielle dans son discours du Bourget, en janvier
2012. Avec, en creux, le rappel des visites de Mouammar Kadhafi et de
Bachar el-Assad au temps de Nicolas Sarkozy. Quelques mois plus tard,
du président gabonais Ali Bongo au fils du roi d'Arabie saoudite, la
liste des chefs d'États peu démocratiques reçus à l'Élysée est déjà
conséquente.
Dernier en date, invité mardi au palais pour un entretien d'une
demi-heure: le président azerbaïdjanais Ilham Aliev. Pas tout à fait
un démocrate, puisque la dynastie des Aliev, au pouvoir dans ce pays
depuis vingt ans, est accusée par les ONG de défense des droits de
l'homme de réprimer l'opposition et la liberté d'expression. Quant à
Ilham Aliev lui-même, il a ravivé début septembre les tensions avec
l'Arménie, en graciant un officier condamné pour le meurtre d'un
militaire arménien. «On ne peut pas accepter qu'Aliev, un dictateur,
puisse être en France, et en plus être reçu à l'Élysée», s'est insurgé
mardi Hratch Varjabedian, directeur du Bureau français de la cause
arménienne, tandis que 600 manifestants accueillaient le chef d'État
au cri d'«Aliev fasciste, hors de France!»
«C'est quand la France est silencieuse qu'elle recule»
Conscient du caractère sensible de cette visite, l'Élysée a interdit
ce jour-là aux photographes de presse d'accéder à la cour du palais.
Et a pris soin, après la rencontre, de publier un communiqué affirmant
que «le président de la République a appelé l'Azerbaïdjan à prendre
les mesures nécessaires pour rétablir un climat de confiance avec
l'Arménie». Une discrétion qui avait été poussée encore plus loin deux
mois plus tôt, le 23 juillet, lors de la visite du roi de Bahreïn.
Cette rencontre n'avait même pas été inscrite à l'agenda présidentiel.
Et pour cause: le roi Hamad Ben Issa al-Khalifa est accusé d'avoir
maté dans le sang, grce au soutien de l'Arabie saoudite, un début de
révolte en 2011. Soixante morts, selon Amnesty International, qui a
dénoncé «le caractère quasi secret» de la rencontre de juillet.
«C'est quand la France est frileuse ou silencieuse qu'elle recule»,
affirmait pourtant le président dans son discours aux ambassadeurs, le
27 août, ajoutant qu'il fallait encourager «l'aspiration démocratique»
des peuples, notamment «des printemps arabes». Alors, la realpolitik
l'a-t-elle déjà emporté face à ces principes?
«C'est l'éternel débat entre la nécessaire politique des droits de
l'homme et les tout aussi nécessaires contacts avec tous les
dirigeants de la planète», analyse Didier Billion, directeur des
études à l'Iris. Pour ce spécialiste des relations internationales, le
fait que le président de la République rencontre des dictateurs ne
pose pas de problème en soi. À deux conditions: «D'abord, il faut
veiller à ne pas décrédibiliser la parole présidentielle en faisant
des déclarations tonitruantes sur les droits de l'homme aussitôt
contredites par les faits. Ensuite, la manière a son importance: on
peut effectivement organiser ces rencontres plus discrètement, sans le
décorum qui avait entouré par exemple la venue de Kadhafi». De ce
point de vue, l'engagement formulé de manière ambiguë par François
Hollande au Bourget paraît respecté: les dictateurs ne sont plus reçus
«en grand appareil».