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Ouverture Du Memorial De La Shoah A Drancy: Discours De Francois Hol

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    OUVERTURE DU MEMORIAL DE LA SHOAH A DRANCY: DISCOURS DE FRANCOIS HOLLANDE

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=67379
    Publie le : 24-09-2012

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
    soumet ici le discours du President de la Republique a l'occasion de
    l'inauguration du Memorial de Drancy publie sur le site officiel de
    la Presidence de la Republique - Elysee.fr le 21 septembre 2012.

    Legende photo: © Presidence de la Republique - Pascal Segrette

    Elysee.fr

    Publie le 21 sep 2012

    Discours du President de la Republique a l'occasion de l'inauguration
    du Memorial de Drancy

    Mesdames et Messieurs les ministres, Messieurs les ambassadeurs,
    Monsieur le maire, qui nous recoit ici, a Drancy, Mesdames et Messieurs
    les parlementaires et les elus, Monsieur le president de la Fondation
    pour la memoire de la Shoah, Monsieur le president du memorial de la
    Shoah, Mesdames, Messieurs,

    C'est avec beaucoup d'emotion, que je suis venu ce matin inaugurer,
    ici, le Memorial de Drancy. Au milieu de rares survivants, des
    familles, des enfants, conscients qu'il s'etait produit ici, un crime,
    un crime abominable.

    Six millions de juifs -près des trois quarts des juifs d'Europe- ont
    ete assassines par les nazis. 76 000 venaient de France. Parmi ceux-ci,
    63 000 ont ete deportes depuis le camp de Drancy. Vous l'avez dit, ils
    etaient de tous âges, de toutes conditions. Il y avait des hommes et
    des femmes illustres, il y avait des anonymes, il y avait des enfants,
    de toutes nationalites, de toutes origines. Ils n'avaient qu'un point
    commun, un seul : ils etaient juifs. C'est parce que juifs qu'ils
    devaient etre frappes, deportes.

    Drancy, c'etait la dernière etape avant l'enfer, l'enfer des wagons
    a bestiaux, l'enfer des camps d'extermination. Drancy, c'etait la
    porte de l'enfer.

    Des milliers d'hommes et de femmes, d'enfants, tasses, parques,
    martyrises pendant des jours et des nuits. Sans recours, affrontant
    la peur, la faim et cette incertitude sur l'issue finale. Ils
    attendaient, ils ne savaient pas tous que la mort etait au bout de
    l'epreuve. Alors, puisque nous, nous savons, nous leur devons la
    fidelite du souvenir. C'est pourquoi ce lieu est le lieu d'un crime,
    mais le lieu aussi d'un symbole : la memoire nationale, ici, a Drancy.

    La cite de la Muette etait donc, avant la guerre, un ensemble de
    logements sociaux. Après la guerre, en 1946, elle est redevenue un
    lieu de " vie ordinaire ", comme si rien ne s'etait passe.

    Il a fallu du temps pour que la memoire trouve sa place. Que dis-je,
    sa place ? Pour qu'elle impose, enfin sa presence.

    En 1976, le premier monument commemoratif, cela a ete rappele, celui
    de Shlomo SELINGER, etait inaugure.

    En 1988, seulement en 1988, le " wagon du souvenir " fut installe ici,
    pour souligner ce qu'etait Drancy : un lieu de transit, le point de
    depart des convois vers la mort.

    En 2001, le site etait inscrit par l'Etat sur la liste des monuments
    historiques. Sans que l'on sache si c'etait, cela m'a ete rappele,
    pour sa qualite architecturale ou pour ce qui s'y etait produit.

    En 2005, naissait le projet que nous avons sous les yeux avec la
    volonte d'inscrire definitivement Drancy dans la trame de notre
    histoire collective.

    Je veux remercier, au nom de la Republique, toutes les personnes,
    toutes les institutions qui ont pris leur part a l'edification de
    ce memorial.

    La Fondation pour la memoire de la Shoah, d'abord, et notamment sa
    presidente d'honneur, Simone VEIL, qui fut recluse ici, a Drancy,
    a peine sortie de l'enfance.

    Je salue le Memorial de la Shoah, qui, sous l'impulsion de son
    president Eric de ROTHSCHILD et de son directeur Jacques FREDJ,
    poursuit une ~\uvre remarquable, que j'ai eu l'occasion de visiter,
    et qui est par definition inachevee. Tant le travail de memoire,
    d'histoire, fait que les decouvertes, les recherches, sans cesse
    ameliorent encore, approfondissent nos connaissances.

    Je veux aussi saluer la commune de Drancy, qui a mis le terrain a la
    disposition du Memorial, et tous ceux qui ont contribue au financement,
    y compris des acteurs publics comme la Caisse des depôts.

    Il y a les personnes, celles qui inlassablement, depuis des decennies
    font ce travail de recherche, d'enquete, je veux parler de Serge
    KLARSFELD, qui a mis en lumière l'importance historique de ce
    camp, avec les autres lieux d'internement -- ceux de Compiègne,
    de Pithiviers, de Beaune-la-Rolande, des Milles.

    Tous ces noms evoquent des lieux de martyre.

    Oui, mais aussi l'outrage a la France que fut la collaboration. Celle
    qui a ete cachee, effacee parfois, tant elle etait lourde a regarder
    en face.

    Drancy a ete garde par des gendarmes francais, gere par des
    fonctionnaires francais. Les enfants amenes ici de Pithiviers ou de
    Beaune-la-Rolande avaient ete arretes par des policiers francais.

    Il ne s'agit plus d'accuser. La justice est passee. Parfois elle est
    arrivee trop tard.

    Il ne s'agit pas non plus d'etablir la verite : nous la connaissons,
    nous en connaissons aussi l'horreur. Aujourd'hui, il s'agit de
    transmettre.

    C'est l'esprit de ce memorial.

    La transmission : la reside l'avenir de la memoire. J'ai ete
    vraiment fier d'etre au milieu des jeunes. Je voudrais qu'ils soient
    eux-memes conscients de ce qu'ils ont vecu aujourd'hui, de ce qu'ils
    ont eux-memes cherche, decouvert et de ce qu'ils ont aussi mis a
    leur niveau en lumière. Qu'ils se souviennent de cette journee,
    les elèves des ecoles, celles qui ont chante et celles et ceux qui
    m'ont accompagne. Parce que c'est a eux, maintenant, que revient
    cette tâche de continuer la chaîne du souvenir.

    Parce que le moment arrive où le temps aura eu raison de l'energie des
    survivants. Bientôt il n'y en aura plus. Nous devons former l'esprit
    des generations a venir.

    Un grand Resistant, Pierre BROSSOLETTE -qui je le rappelle, choisit
    de mourir pour ne pas courir le risque de parler - affirmait ainsi,
    en 1943, a propos des enfants humilies et des heros anonymes de la
    guerre : " Ce qu'ils attendent de nous, ce n'est pas de les plaindre,
    c'est de les continuer. Ce n'est pas un regret mais un serment ;
    ce n'est pas un sanglot mais un elan. "

    Avec cette meme question que nous nous posons au plus profond de
    notre esprit : comment cette horreur a-t-elle ete possible ?

    Cette question nous taraude. Oui, c'est une interrogation fondamentale,
    sur nous-memes, sur ce que nous sommes, sur ce dont l'Homme est
    capable. Comment, dans notre pays, la France des Lumières, la France
    des droits de l'Homme, la France de la Revolution francaise, comment
    s'etait-il trouve assez de bourreaux pour aller chercher chez elles
    des familles desarmees ? Comment s'etait-il trouve assez de lâches
    pour les laisser faire, detourner le regard ? Comment a-t-on pu, ici,
    a 15 kilomètres de Paris, laisser s'installer une telle souffrance
    dans cette antichambre de la mort, sans qu'il y ait des sursauts
    d'honneur ou de pitie pour qu'un certain nombre de ces innocents
    soient retires des mains de leurs bourreaux ?

    Comment a-t-il ete possible d'en arriver la au milieu du XXème siècle
    ? Chercher a comprendre pour eviter la reproduction de l'horreur.

    Comment comprendre ? Comment expliquer l'inexplicable ?

    D'abord, il y a l'esprit de soumission. Les ordres etaient les ordres,
    la raison d'Etat avait perdu la raison mais c'etait l'Etat, la lucidite
    cedant devant l'obeissance.

    Ensuite, l'antisemitisme devenu progressivement une opinion,
    puis un enchainement. Qui acceptait le statut des juifs acceptait
    l'etoile jaune ; qui acceptait l'etoile jaune acceptait Drancy ; sans
    forcement connaitre la suite. Quand le mal commence a s'inscrire dans
    la vie quotidienne, quand il acquiert, selon le mot d'Hannah ARENDT,
    une sorte de banalite, alors plus rien ne s'oppose a lui. Tirons-en
    la lecon pour aujourd'hui. Rien n'est insignifiant. Tout propos,
    tout acte a caractère antisemite ou raciste est inacceptable. D'où
    l'obligation pour nous tous et au sommet de l'Etat encore davantage,
    d'une vigilance sans faille. Le devoir de ne rien admettre de ce qui
    est inadmissible, voila le premier enseignement de Drancy.

    Ce n'est pas le seul. Parce qu'il y en a aussi un plus beau qui permet,
    non pas d'effacer l'autre, mais de donner espoir. Car si la lâchete
    et la cruaute peuvent exister dans chaque etre humain, il en est de
    meme du courage et de l'honneur.

    Permettez-moi de rendre hommage a ceux qui ont permis de sauver les
    trois quarts des juifs de notre pays. Je salue la memoire des Justes
    de France. Je rappelle les Resistants qui, au nom de la France libre,
    se sont leves, a Londres et dans les maquis. Mais aussi la memoire de
    toutes ces femmes et de tous ces hommes qui ont su, jour après jour,
    et ils etaient nombreux et soyons fiers d'eux, garder le sens de
    la dignite, parfois par de petits gestes qui etaient des bravoures,
    de petites choses qui etaient des prouesses dont ils n'avaient pas
    toujours conscience. Au camp des Milles se dresse le " Mur des actes
    justes ", c'est une belle formule " les actes justes ". Ce mur atteste
    que les plus humbles comportements d'une vie peuvent suffire a situer
    un etre du côte de l'honneur face a l'horreur. A la banalite du mal
    s'oppose la modestie du bien. Le bien n'a pas besoin d'etre reconnu,
    il ne cherche pas la gratification. Le bien, il donne, il ne recoit
    pas. C'est aussi une belle lecon de Drancy. Elle doit etre transmise
    aussi aux generations, la lecon du bien.

    Enseigner le passe, c'est la seule facon de l'empecher de se
    reproduire. C'est aussi l'unique arme dont nous disposons contre
    l'indifference, l'oubli et, pire encore, le negationnisme.

    Dans cette perspective, le partenariat etroit qui unit le memorial
    de la Shoah au ministère de l'Education nationale doit accompagner
    l'inauguration de ce nouveau bâtiment.

    Je demande au ministre de faire en sorte que partout, dans tous
    les etablissements, non seulement soit enseignee la Shoah, du CM2,
    a la troisième et a la première, qu'elle soit enseignee partout,
    sans aucune restriction. Ses lecons doivent etre meditees dans chaque
    etablissement. Sa singularite ne doit jamais pouvoir etre remise en
    cause ni meme etre contestee. Je fais confiance aux enseignants.

    La memoire de la Shoah est bien sûr celle des juifs, qui, depuis 1945,
    sont des survivants et des temoins.

    Mais la memoire de la Shoah, c'est aussi l'histoire et donc l'affaire
    de l'Europe et de la France.

    L'ecole de la Republique c'est le lieu où notre recit collectif se
    construit, où les memoires s'additionnent, se confondent pour faire ce
    qu'on appelle le recit national, ce qui nous unit tous. Il n'y a pas de
    concurrence entre les memoires. Il n'y a pas de hierarchie entre elles.

    Tout nous oblige.

    Les etablissements scolaires de Drancy sont un exemple reussi de
    cette exigence : des elèves issus de familles venues du monde entier
    ont fait de ce lieu une part de leur histoire et donc de leur identite.

    L'ecole doit faire encore davantage. Les enfants doivent disposer
    des moyens intellectuels et moraux de se reperer dans leur vie,
    a partir d'un socle de valeurs qui nous unissent tous : des valeurs
    rationnelles, des valeurs universelles.

    Cela passe par l'enseignement de l'histoire, dont la place, et je
    salue le ministre pour cette decision, sera retablie et confortee.

    Cela passe aussi par ce que le ministre appelle la morale laïque. Il ne
    s'agit pas d'assener des maximes, ou d'imposer des rites ou des idees
    preconcues. Ce n'est pas cela la morale. C'est ce qui doit permettre
    a chaque enfant de la Republique, quelles que soient ses origines
    ou sa condition, d'avoir de l'objectivite, de l'esprit critique,
    d'etre capable de s'elever, de construire une pensee qui lui soit
    personnelle et en meme temps qui ne l'oppose pas a d'autres.

    La jeunesse est la grande affaire des annees qui viennent, pas
    simplement pour mettre notre pays en capacite d'affronter la
    competition. Ce n'est pas seulement de permettre aux enfants des
    categories modestes, ce qui est une noble ambition, de pouvoir reussir
    leur vie avec les memes conditions que d'autres. La priorite que nous
    accordons a l'education a travers la jeunesse, c'est aussi pour la
    cohesion nationale. Cette capacite a vivre ensemble.

    Nous devons lutter toujours, encore, contre l'obscurantisme.

    Contre la haine, contre cette volonte de detruire, contre le fanatisme,
    toujours pret a s'organiser et a vouloir aneantir nos libertes. Face
    a ces tentatives, une nouvelle fois, je le dis haut et fort, la
    Republique ne cedera pas, jamais, sur ses valeurs, sur son histoire.

    Ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement le droit tout a fait
    necessaire a assurer la securite et la liberte qui est un droit
    fondamental et qui vaut pour tous les citoyens de la Republique.

    Ce qui est en cause, c'est la democratie.

    La democratie doit etre fière de ses principes. Elle doit aussi les
    defendre, lorsque c'est necessaire et c'est necessaire.

    Des forces sont a l'~\uvre, dans le monde, contre les droits de
    l'Homme ; elles n'ont plus le meme visage qu'hier, mais elles ont
    le meme dessein. Elles placent toujours l'antisemitisme, la haine de
    l'autre, au centre de leurs obsessions. Et elles veulent abattre cet
    edifice de tolerance que nous avons herite de notre histoire.

    Enfants de France, ne cedez jamais a ces passions, luttez avec toute
    votre energie contre l'antisemitisme et le racisme.

    C'est le message que je vous passe a Drancy : la liberte ne souffre
    aucune negligence, aucun abandon.

    Tel est ce que je pourrais dire etre l'appel de Drancy : faire que
    de la souffrance, qui, ici a ete vecue au plus profond des chairs des
    victimes, faire que de la souffrance naisse une vigilance, la nôtre,
    et que de la vigilance sorte une esperance, celle, toujours inachevee,
    de la Republique et de l'egalite.

    Merci.

    Voir le discours ici

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    Source/Lien : Elysee.fr

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