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Génocide arménien : l'analyse de l'éditeur turc Ragip Zarakolu

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    Génocide arménien : l'analyse de l'éditeur turc Ragip Zarakolu

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=67539
    Publié le : 28-09-2012


    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - « La seule méthode pour
    empêcher la formation d'un État arménien était de nettoyer ce peuple
    de son territoire historique. » Ragip Zarakolu qui, après avoir passé
    récemment plusieurs mois dans une prison turque de haute sécurité,
    risque toujours une condamnation de 15 ans d'emprisonnement, a publié
    un article courageux : il y décrit l'anéantissement programmé des
    Arméniens de l'Empire ottoman en 1915 comme étant le moyen d'éradiquer
    toute possibilité d'auto-détermination pour eux, leur extermination
    étant destinée à favoriser la création de l'Etat-nation turc sous sa
    forme actuelle. Zarokolu doit comparaître ce lundi 1er octobre 2012 à
    Silivri lors de la nouvelle audience du procès intenté par l'Etat turc
    à son encontre dans le cadre des « Procès KCK ». Pourtant, l'éditeur
    turc, pressenti pour le Prix Nobel, n'hésite pas à dénoncer les propos
    tenus par l'ancien ministre turc de la Défense Vecdi Gönül à
    l'Ambassade de Turquie à Bruxelles en 2008, à l'occasion du 70e
    anniversaire de la mort de Mustafa Kemal, propos qui sont - ni plus ni
    moins - de l'apologie de génocide.

    Gönül justifiait en effet l'anéantissement des chrétiens de Turquie en
    ces termes : « Serait-il possible aujourd'hui de maintenir le même
    Etat national si l'existence de Grecs dans la région égéenne et
    d'Arméniens dans plusieurs régions de Turquie avait continué comme
    avant ? Souvenez-vous : avant la République, Ankara était constitué de
    quatre secteurs, juif, musulman, arménien et grec... Quand j'étais
    gouverneur à Izmir, je me suis rendu compte que la Chambre de commerce
    avait été fondée uniquement par des non-musulmans. Il n'y avait pas un
    seul Turc parmi eux. »

    Le Collectif VAN vous propose la traduction de l'article de Ragip
    Zarakolu, paru en anglais sur le site The Armenian Weekly le 9 août
    2012.


    Légende photo : L'éditeur turc Ragip Zarakolu comparaîtra ce lundi 1er
    octobre 2012 à Silivri (Turquie). Il risque jusqu'à 15 ans de prison.
    Pour « terrorisme ». C'est-à-dire, en Turquie, pour avoir utilisé son
    droit à la liberté d'expression...


    Armenian Weekly

    Zarakolu : Le génocide arménien, ou comment empêcher
    l'autodétermination d'un peuple

    Posté par Ragip Zarakolu le 9 août 2012 dans Opinion

    L'attitude officielle par rapport au génocide arménien et à la
    pratique systématique des purifications ethniques en Anatolie, a
    atteint un nouveau stade avec une déclaration récente de Vecdi Gonul,
    l'ancien ministre turc de la Défense nationale, comme quoi si ces
    événements tragiques n'avaient pas eu lieu, l'actuelle République de
    Turquie n'aurait pas pu voir le jour. Si répugnants que soient ces
    propos, nous devons admettre qu'ils sont beaucoup plus honnêtes que la
    « négation » totale et qu'ils impliquent un « aveu » de ce qu'il s'est
    passé.

    Cependant, le fait que ces tragédies soient considérées comme étant
    nécessaires, et même indispensables à la « construction d'un
    État-nation », déclaration accompagnée d'un défi du genre « C'est à
    prendre ou à laisser », comprend aussi un élément implicite « de
    menace » : « Nous l'avons déjà fait, donc, vous feriez mieux de faire
    attention, sinon nous le referons ! »

    Si cet « aveu » avait été complété par une excuse, comme l'écrit Ahmet
    Insel dans le journal Radikal, il aurait pu offrir une ouverture
    positive.

    « Aujourd'hui, il incombe à l'État turc de présenter des excuses »,
    écrit-il. « Nous qui continuons à vivre sur ce territoire, devons
    présenter des excuses, car ce serait un acte d'humanité envers les
    Arméniens [et d'autres - RZ] pour ce qu'il s'est passé (`An Apology Is
    Now a Must,' Radikal Iki, Nov. 16, 2008, p. 1).

    Dans ce contexte, je voudrais attirer l'attention sur deux livres
    publiés récemment [NdT. en turc], qui facilitent tous les deux l'étude
    et la compréhension du génocide arménien - l'un des événements les
    plus tragiques de l'histoire de l'homme - et qui touchent à la
    question nationale et à l'exercice du droit à l'autodétermination : il
    s'agit de l'`uvre maîtresse de Vahakn N. Dadrian, The History of the
    Armenian Genocide: Ethnic Conflict from the Balkans to Anatolia to the
    Caucasus* (publié en turc sous le titre Ermeni Soykirimi
    Tarihi/Balkanlardan Anadolu ve Kafkasya'ya Etnik Catisma, éditions
    Belge Uluslararasi Yayincilik en 2008) et The Turks and Us (les Turcs
    et nous) de Shahan Natalie, célèbre pour « l'Opération Nemesis » (le
    livre a été publié en turc sous le titre Biz Ermeniler ve Turkler par
    Peri Yayinlari, également en 2008). Ces ouvrages ne fournissent pas
    seulement une occasion de comprendre 1915, mais également les périodes
    antérieure et postérieure. La remarque de Shahan Natalie « Les Turcs
    ont réussi à construire une nation », est intéressante, pourvu que
    l'on se pose la question « À quel prix ? »

    En étudiant la tragédie arménienne de 1915, il serait utile, si l'on
    souhaite mieux appréhender le sujet, d'examiner la question du point
    de vue « de la construction des nations », de « l'autodétermination »
    et des articles fondamentaux de la Convention sur les génocides.

    « La question arménienne » illustre au mieux la méthode consistant à
    laisser pourrir un problème plutôt que de le résoudre. Dans un certain
    sens, c'est l'un des derniers d'une longue liste, nés de la
    dissolution de l'Empire ottoman qui a duré deux siècles.

    Si les peuples des Balkans sont entrés dans le processus de formation
    de leurs nations plus tôt, c'est-à-dire à partir du début du XIXe
    siècle, en partie sous l'influence de la Révolution française, ce
    processus a été d'actualité beaucoup plus tard pour les Arméniens et
    les Turcs eux-mêmes. Cependant, dans ce dernier cas, la réussite de
    l'un, en un sens, a été obtenue au prix de la disparition de l'autre.

    Ainsi, alors que le processus arménien de formation de la nation a
    commencé avant celui des Turcs, il a été tardif comparé à celui des
    Grecs, des Serbes et des Bulgares. D'autre part, une difficulté
    importante est venue du fait que le peuple arménien était déchiré
    entre deux empires despotiques [Nota CVAN : l'Empire ottoman et
    l'Empire tsariste]. Cette division a eu un impact jusque sur la langue
    : la langue arménienne s'est développée en deux branches différentes,
    l'arménien occidental et l'arménien oriental.

    Le modèle de la construction de la nation arménienne était celui en
    cours dans les Balkans, modèle qui devait, en pratique, servir aussi à
    la construction de la nation turque. De ce fait, le caractère tragique
    des relations entre les peuples des Balkans devait atteindre son
    apogée sur le territoire anatolien, et un ancien peuple autochtone
    allait presque être arraché de force de ses espaces de vie et être
    soumis à une purge. Cette purge ne resterait pas limitée à la
    purification ethnique, mais en viendrait à inclure tout l'espace
    culturel.

    Le résultat désiré était de prouver que le peuple arménien n'avait
    jamais vécu sur ce territoire.

    Ceci, bien sûr, constitue un cas typique de génocide avec purification
    ethnique.

    À la suite de la révolution de 1908 - tentative de révolution
    démocratique qui allait néanmoins s'arrêter à mi-parcours - les
    leaders politiques et les organisations du peuple arménien ont opté
    pour la « coexistence ». Ils ont établi des alliances politiques avec
    des partis ottomans et se sont présentés aux élections sur des listes
    communes. Cependant, la fragilité des projets en vue d'un avenir
    commun dans l'arène politique ottomane et l'impossibilité de les
    transformer en réalité, ont fait resurgir les anciens problèmes.

    Les efforts de socialistes des Balkans tels que Benaroya, pour mettre
    à l'ordre du jour des modèles tels qu'une « fédération », afin
    d'ouvrir la voie à un avenir commun, et la défense de l'idée de «
    décentralisation », (c'est-à-dire, l'autonomie de certains groupes)
    n'ont malheureusement pas eu grand écho dans le pays. C'était la
    période de la construction des nations, de la construction d'États
    unitaires, quel qu'en fût le coût. Certains intellectuels arméniens
    ont adopté une attitude amicale envers l'approche de l'association
    Turc Ocaklari (les Foyers turcs) dont l'objectif était la construction
    de la nation. Le grand musicien Komitas a essayé, par exemple,
    d'étendre à ces milieux le soutien à la recherche d'une identité
    nationale par la musique, car ces gens croyaient que des identités
    distinctes pouvaient coexister. Jusqu'à cette année maudite de 1914.
    Pourtant, dans un empire multinational où la cohabitation géographique
    était la règle, la formation d'un État national unitaire ne pouvait se
    fonder que sur des campagnes de purification ethnique. Et pour la
    défense du droit à l'autodétermination et à la séparation, il fallait
    qu'un groupe ait une certaine taille au sein de la population, une
    majorité.

    La guerre russo-ottomane et les guerres balkaniques ont abouti à des
    vagues de migration forcée du Caucase et des Balkans vers l'Anatolie.
    Les États balkaniques nouvellement formés, en particulier, étaient
    fondés sur des politiques de renforcement du tissu national en forçant
    les « autres » à l'émigration par le biais de politiques de massacres
    et de violence, et en assimilant les populations restantes.

    En Macédoine, aucun groupe ethnique n'avait de pluralité décisive.
    C'était une région convoitée par trois États-nations différents,
    serbe, bulgare et grec. Le fait que les différentes ethnies ont
    chacune formé leur propre groupe de partisans a mené non seulement à
    des luttes entre l'État ottoman et ces groupes, mais aussi entre eux.
    À la fin, la Macédoine a été divisée entre ces trois États et chaque
    groupe a chassé les autres, dissolvant ce qu'il en restait dans le
    creuset national.

    Le manque total d'ordre public dans les Balkans a forcé les Ottomans à
    accepter que les puissances européennes assument le rôle de gendarme
    sur la péninsule. Une situation d'anarchie similaire existait aussi en
    Anatolie orientale, en ce qui concernait les Arméniens.

    En 1914, le gouvernement ottoman a consenti, sous la pression des
    grandes puissances et en particulier de la Russie, à initier en
    Anatolie orientale, densément peuplée par les Arméniens, un programme
    de réformes semblable à celui mis en `uvre en Macédoine. Ceci a
    déclenché la panique dans le gouvernement ottoman : l'Anatolie
    elle-même allait être perdue. D'autre part, il y avait un besoin
    d'espace pour la grande vague de migrations des Balkans.

    Le pays était ravagé par une crise économique suite aux guerres
    balkaniques, et le gouvernement était en faillite. Pour sa part, la
    grande armée ottomane, qui avait récemment été modernisée, avait subi
    des défaites humiliantes infligées par les États balkaniques
    nouvellement formés, défaites qui avaient même déconcerté l'Occident.
    Le fait que les Albanais, qui comptaient parmi les sujets les plus
    loyaux du sultan, aient surmonté leur division religieuse pour se
    révolter, et ce pour la première fois, avait donné à ces petits États
    la possibilité de regrouper leurs forces et le courage d'agir.

    Le Comité Union et Progrès (CUP) a confié aux Allemands la tche de
    réorganiser l'armée ottomane dévastée, et, en instaurant une politique
    de violence impitoyable dans l'armée, a essayé d'établir une
    discipline apparentée aux méthodes prussiennes.

    Les Arabes, suivant l'exemple des Albanais, ont également commencé à
    exprimer leurs exigences avec véhémence. Les Kurdes, quant à eux, ont
    persisté à rester loyaux au califat.

    Le CUP s'est extirpé de ces problèmes entremêlés en entrant dans la
    Première Guerre mondiale, sous le commandement militaire allemand.
    C'est un fait avéré que les leaders arméniens ont essayé de persuader
    ceux du CUP d'abandonner cette orientation, simplement parce que
    celle-ci devait nécessairement mettre les Arméniens dans une situation
    difficile. Entretemps, les leaders du CUP ont suspendu les réformes
    concernant les Arméniens, en prenant l'effort de guerre comme excuse.
    Les Arméniens, selon l'argument avancé, pouvaient forcer la population
    musulmane à émigrer et pourraient alors imposer leur droit à
    l'autodétermination.

    D'autre part, des forces importantes de l'armée ottomane ont été
    décimées en raison des dures conditions hivernales dans les montagnes
    Allahuekber, suite à une campagne menée par Enver Pacha lui-même. La
    seule méthode pour empêcher la formation d'un État arménien était de
    nettoyer ce peuple de son territoire historique. Cela a signifié la
    déportation d'un peuple dans son entier, y compris les femmes, les
    personnes gées et les enfants, envoyés en exil dans le désert syrien.
    L'excuse fournie pour cet exil obligatoire était « les
    révolutionnaires arméniens » ; autrement dit, ce sont « les
    révolutionnaires » qui ont été tenus pour responsables de ce qui est
    arrivé à leur propre population. Il est intéressant de noter que
    l'explication officielle fournie au monde entier en 1916, a constitué,
    et constitue encore aujourd'hui, la substance générale de ce que la
    Turquie présente pour sa défense.

    Bien sûr, il est vrai que quelques organisations arméniennes avaient
    leurs groupes de partisans et que ceux-ci ont organisé des actions.
    Mais, contrairement à ce que la position officielle prétend jusqu'à
    aujourd'hui, cela ne pourra jamais légitimer l'anéantissement total
    des civils. Aujourd'hui, même des forces insurgées, sans parler des
    civils, ont des droits et un statut dans le cadre des Conventions de
    Genève.

    D'autre part, nous connaissons l'existence de soldats arméniens et
    d'officiers qui ont servi dans l'armée ottomane jusqu'à la fin de la
    guerre ou qui sont morts à Gallipoli ou dans les montagnes
    Allahuekber. À tel point qu'à son retour à Istanbul après la débcle,
    Enver Pacha a publié une déclaration louant l'héroïsme des soldats
    arméniens.

    L'accusation de « trahison » lancée contre un peuple entier, sur la
    base d'agissements de certains groupes, et la déportation forcée de ce
    peuple, effectuée d'une manière qui le détruirait nécessairement, ne
    peut pas être comprise sans la logique de purification ethnique qui se
    cache derrière.

    Pour citer un exemple simple, on n'a pas, en utilisant les actions du
    PKK comme excuse, soumis la population kurde entière à un type de
    déportation qui ne laisserait qu'une poignée de survivants. Même ce
    simple exemple montre que tenir les révolutionnaires arméniens pour
    responsables de la déportation de 1915 n'est guère convaincant.

    Construire une nation est le processus qui produit le nombre le plus
    élevé de victimes dans ce monde. C'est aussi la création d'une seule
    identité dans un creuset, une chose fictive. Benedict Anderson analyse
    les processus de construction des nations, en particulier dans le
    contexte post-Seconde Guerre mondiale, et ce qu'il en a coûté. La
    souffrance, l'exil et les massacres subis pendant la formation des
    États-nations des Balkans en témoignent. Dans un certain sens, c'est
    le peuple arménien qui a payé au prix fort tout ce processus dans les
    Balkans.

    Sur la base d'une perspective mécanique de l'histoire, les dirigeants
    de la Turquie pensaient que le processus en `uvre dans les Balkans
    allait être suivi par la construction de la nation arménienne. Les
    responsables avaient accepté l'idée de pertes humaines et de
    massacres, mais personne n'imaginait que cela allait se transformer en
    génocide.

    Les leaders du CUP ont voulu exclure la possibilité de l'établissement
    de l'Arménie, au cas où l'État ottoman perdrait la guerre. Mais
    comment un peuple qui a été physiquement décimé fonderait-il un État ?

    D'autre part, on considérait l'Arménie comme une « nuisance » au
    milieu de l'empire convoité, appelé Touran. Le Traité de Sèvres, signé
    après la guerre, comprenait une Arménie plus grande à côté d'un petit
    Kurdistan.

    Mais comment établir un État sans son peuple ? De fait, ceci est la
    réelle raison expliquant pourquoi le Traité de Sèvres était mort-né.

    Par conséquent, la méthode du CUP pour résoudre la question arménienne
    a été, dans les limites de sa propre logique, fructueuse. Et elle a
    aussi ouvert la voie à la fondation de l'État-nation turc. À un
    ambassadeur qui parlait toujours de la question arménienne en 1916, la
    réponse de Talaat Pacha a été « Une telle question n'existe plus »
    (Cf. Taner Akcam, Ermeni Meselesi Hallolunmustur, Iletisim Yayinlari,
    2008). On peut se demander si c'était une méthode basée sur
    l'intuition contre le droit à l'autodétermination, ou si les leçons
    des Balkans et les massacres commis par l'impérialisme allemand en
    Afrique occidentale avaient servi de modèle.

    D'un point de vue militaire, la déportation arménienne ne peut qu'être
    qualifiée d'opération « excellente ». Quand vous regardez les cartes
    affichant les routes de migration forcée, vous pouvez percevoir la
    contribution du militarisme prussien à la préparation de ces plans. Vu
    leur débcle dans les Balkans, il ne paraît guère crédible que les
    aventuriers du CUP aient pu exécuter seuls une telle opération.

    On peut vraiment se demander dans quelle mesure l'expérience des
    atrocités commises par l'armée coloniale allemande en Afrique
    occidentale a eu un impact sur tout cela. Est-ce pure coïncidence si
    de nombreux officiers allemands, qui étaient commandants dans l'armée
    ottomane, ont plus tard participé à l'instauration du fascisme en
    Allemagne et au Putsch de la Brasserie mené par Hitler en 1923? Les
    militaires allemands auraient pu arrêter la déportation, s'ils
    l'avaient voulu. Au contraire, lors des opérations militaires à
    Zeitoun, Ourfa et Van, où les Arméniens ont opposé une résistance
    partielle, les soldats allemands ont activement pris part aux
    événements qui se déroulaient, et n'ont rien empêché.

    Mais la dépopulation de ce territoire était conforme aux v`ux de
    nombreuses puissances coloniales. La droite allemande voulait que
    l'Anatolie soit ouverte à l'implantation allemande à l'avenir (Cf.
    Lothar Rathmann, Alman Emperyalizminin Turkiye'ye Girisi, traduction
    Ragip Zarakolu, 2e édition, Belge Yayinlari, 1992).

    Pour sa part, quand en 1916 le tsar russe s'est emparé de l'Anatolie
    orientale, il a décidé d'installer des Cosaques dans la région, pour
    remplacer les survivants Arméniens, ce qui a bien sûr créé une grande
    consternation parmi les intellectuels arméniens.

    S'il n'y avait pas eu la Révolution soviétique, l'Arménie ne serait
    pas née. De même qu'il aurait été très difficile pour un État comme la
    Turquie de naître. Ce n'est pas la moindre des ironies de l'histoire,
    si c'est cette même révolution de 1917 et le nouvel équilibre
    international des forces qu'elle a entraîné dans son sillage, qui a
    permis à ces deux États, qui ne se reconnaissaient pas officiellement,
    d'exister.

    Pour résumer, si vous examinez la Convention de l'ONU sur les
    génocides, vous verrez nécessairement que tous les éléments
    fondamentaux se retrouvent dans le cas arménien. Les politiques menées
    par le CUP, d'autre part, rappelaient celles d'un parti
    proto-fasciste. Autrement dit, c'était un cas de fascisme avant la
    lettre. Précisément de la même façon que la perpétration de facto du
    génocide en 1915, a eu lieu avant que le concept de « génocide » ne
    soit créé.

    Le résultat final est que la région anatolienne a perdu ses filles et
    ses fils arméniens. L'opération de purification ethnique a été plus
    tard étendue à la destruction des btiments historiques et même aux
    cimetières. Comment un peuple qui n'a pas existé, qui n'a même pas
    laissé une trace derrière lui, pourrait-il réclamer ses droits ?

    Pour conclure, la base matérielle nécessaire à l'exercice du droit à
    l'autodétermination du peuple arménien a été détruite. Ce n'est pas
    pour rien qu'à la veille de l'invasion de la Pologne en 1939, Hitler a
    posé cette question lors d'une réunion : « Qui se souvient aujourd'hui
    des Arméniens ? » (Cf. Kevork Bardakciyan, Hitler ve Ermeni Soykirimi,
    éditeur : Ragip Zarakolu, Istanbul, 2006).

    * Vahakn Dadrian Histoire du génocide arménien: Conflits nationaux des
    Balkans au Caucase. Traduit de l'anglais par Marc Nichanian. Paris:
    Stock, 1996

    ©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 15 août 2012
    - 09:10 - www.collectifvan.org


    Lire aussi:

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    Liberté pour Ragip Zarakolu : Dossier complet





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    Source/Lien : Armenian Weekly

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