TURQUIE
Turquie. Il est temps de débarrasser les libertés fondamentales de
leurs entraves
Le paquet de réformes examiné par le Parlement turc risque d'être une
occasion manquée de mettre la législation du pays en conformité avec
les normes internationales en matière de droits humains, et laissera
les citoyens à la merci de diverses violations dont des
emprisonnements abusifs pour avoir simplement exprimé une opinion,
écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public
mercredi 27 mars.
« Le droit à la liberté d'expression est battu en brèche en Turquie.
Des centaines de militants, de journalistes, d'écrivains et d'avocats
font l'objet de poursuites abusives. C'est là l'un des problèmes les
plus profondément enracinés sur le terrain des droits humains dans ce
pays », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et
Asie centrale d'Amnesty International.
Le rapport d'Amnesty International, intitulé Decriminalize dissent :
Time to deliver on the right to freedom of expression, analyse les
dispositions en vigueur et les pratiques découlant des 10 articles de
loi turcs les plus problématiques en matière de liberté d'expression.
L'ensemble de réformes en question, connu sous le nom de « Quatrième
paquet juridique », ne prévoit pas les changements requis afin de
rendre le droit turc conforme aux normes internationales en matière de
droits humains.
« Les inculpations et incarcérations de personnes ayant simplement
exprimé leurs opinions doivent cesser. Il est désormais temps pour le
gouvernement de faire la preuve de son engagement en faveur de la
liberté d'expression », a souligné John Dalhuisen.
« Les séries de mesures précédentes n'ont pas permis de s'attaquer au
c`ur du problème. La Turquie doit désormais modifier la définition de
certaines infractions dans le Code pénal et notamment dans le cadre de
la loi sur la lutte contre le terrorisme. »
« La plupart des poursuites engagées de manière abusive visent des
personnes ayant critiqué des représentants de l'État ou exprimé des
opinions légitimes sur des questions politiques sensibles. Les
autorités turques doivent accepter la critique et respecter le droit à
la liberté d'expression », a résumé Andrew Gardner, spécialiste de la
Turquie à Amnesty International.
Le tristement célèbre article 301 du Code pénal, relatif au «
dénigrement de la nation turque », notamment invoqué afin de
poursuivre et condamner Hrant Dink, un journaliste et défenseur des
droits humains assassiné par la suite, est toujours en vigueur. De
même, l'article 318, qui érige en infraction le fait de « susciter
l'hostilité de la population à l'égard du service militaire »,
continue à être utilisé afin de sanctionner ceux qui soutiennent le
droit à l'objection de conscience. Ils doivent tous deux être abrogés.
Nous avons constaté ces dernières années un recours de plus en plus
arbitraire aux lois antiterroristes dans le but de sévir contre des
activités légitimes (discours politiques, écrits critiques,
participation à des manifestations et association avec des groupes et
organisations politiques reconnus), ce qui va à l'encontre des droits
à la liberté d'expression, d'association et de réunion.
« Il est indispensable de réviser la définition, trop large et vague,
du terrorisme dans la législation turque. C'est la seule manière de
mettre un terme aux poursuites injustifiées pour « appartenance à une
organisation terroriste » et autres infractions de ce type », a
poursuivi Andrew Gardner.
Des discussions pacifiques portant sur les droits des Kurdes et les
politiques dans ce domaine ont donné lieu à des poursuites, en vertu
de dispositions visant à sanctionner la propagande terroriste. Les
analyses effectuées sur ces questions, mais aussi les slogans
accompagnant les manifestations pro-kurdes débouchent fréquemment sur
des poursuites pour « propagande terroriste ».
« Une société où les citoyens peuvent librement exprimer leurs
opinions, où ils peuvent débattre de questions d'actualité sans avoir
à craindre d'être poursuivis, est une société en bonne santé, ce à
quoi la Turquie doit aspirer », a ajouté John Dalhuisen.
« Une réforme juridique en profondeur, qui débarrasserait de ses
entraves la liberté d'expression, d'association et de réunion,
apaisera les tensions en Turquie. C'est une étape essentielle sur la
voie d'une Turquie pacifique et démocratique », a conclu Andrew
Gardner.
Exemples de cas
Temel Demirer a été poursuivi pour avoir affirmé que Hrant Dink avait
été tué parce qu'il était arménien, et pour avoir formulé des
allégations sur le rôle joué par l'État dans l'homicide de ce
journaliste. Temel Demirer a également évoqué les massacres
d'Arméniens commis en Turquie après 1915.
L'objecteur de conscience Halil Savda a été condamné à plusieurs
reprises pour avoir publiquement soutenu le droit à l'objection de
conscience. Il a été accusé d'avoir « suscité l'hostilité de la
population à l'égard du service militaire ».
L'avocat Selçuk Kozaðaçlý a été inculpé en février 2010, après avoir
réclamé justice pour des homicides de détenus, survenus lors d'une
opération remontant à 2000 durant laquelle l'armée a envahi 20 prisons
à travers le pays afin de mettre fin à une grève de la faim prolongée.
En janvier 2013, dans une affaire distincte, Selçuk Kozaðaçlý a été
accusé d'appartenir au Parti-Front révolutionnaire de libération du
peuple (DHKP-C), une organisation de gauche interdite. Il se trouvait
toujours en détention provisoire au mois de février 2013.
En avril 2012, Fazýl Say, pianiste de renommée internationale, a été
poursuivi pour des tweets dans lesquels il se moquait de figures
religieuses et de la conception musulmane du paradis. Au mois de
février 2013, deux audiences avaient déjà eu lieu dans cette affaire ;
une troisième doit se tenir le 15 avril.
Ahmet Þýk et Nedim Þener, journalistes d'investigation, sont accusés
d'avoir soutenu les activités d'Ergenekon, un réseau criminel présumé
qui fomenterait un complot visant à renverser le gouvernement ; ils
sont poursuivis pour avoir « sciemment et de leur propre chef soutenu
une organisation terroriste ». Les faits reprochés à Ahmet Þýk sont en
grande partie en relation avec son livre, intitulé L'armée de l'imam,
selon lequel existe, au sein d'institutions de l'État et de la société
civile, un réseau composé de disciples de Fetullah Gülen, un
intellectuel turc spécialiste de l'Islam, actuellement en exil, qui
soutient le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.
Les éléments retenus contre Nedim Þener se résument à des écrits et à
des enregistrements de conversations téléphoniques avec des accusés de
l'affaire Ergenekon sur des questions sans lien avec une quelconque
infraction.
En janvier 2009, Vedat Kurþun, rédacteur en chef et propriétaire
d'Azadiya Welat, le seul journal en langue kurde du pays, a été
déclaré coupable de plusieurs chefs de « crime commis au nom d'une
organisation terroriste » et de « propagande en faveur d'une
organisation terroriste », puis condamné à un total de 166 ans et six
mois de réclusion. À l'issue d'un procès en appel, il a été acquitté
des chefs de « crime commis au nom d'une organisation terroriste » et
condamné à une peine de 10 ans et six mois de prison pour « propagande
en faveur d'une organisation terroriste ».
Sultani Acýbuca, 62 ans, membre d'un groupe de mères dont le fils est
mort ou a été emprisonné dans le cadre du conflit entre l'armée turque
et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a été déclarée
coupable d'appartenance à une organisation terroriste parce qu'elle
avait appelé à la paix et à la fin du conflit.
dimanche 31 mars 2013,
Stéphane ©armenews.com
Turquie. Il est temps de débarrasser les libertés fondamentales de
leurs entraves
Le paquet de réformes examiné par le Parlement turc risque d'être une
occasion manquée de mettre la législation du pays en conformité avec
les normes internationales en matière de droits humains, et laissera
les citoyens à la merci de diverses violations dont des
emprisonnements abusifs pour avoir simplement exprimé une opinion,
écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public
mercredi 27 mars.
« Le droit à la liberté d'expression est battu en brèche en Turquie.
Des centaines de militants, de journalistes, d'écrivains et d'avocats
font l'objet de poursuites abusives. C'est là l'un des problèmes les
plus profondément enracinés sur le terrain des droits humains dans ce
pays », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et
Asie centrale d'Amnesty International.
Le rapport d'Amnesty International, intitulé Decriminalize dissent :
Time to deliver on the right to freedom of expression, analyse les
dispositions en vigueur et les pratiques découlant des 10 articles de
loi turcs les plus problématiques en matière de liberté d'expression.
L'ensemble de réformes en question, connu sous le nom de « Quatrième
paquet juridique », ne prévoit pas les changements requis afin de
rendre le droit turc conforme aux normes internationales en matière de
droits humains.
« Les inculpations et incarcérations de personnes ayant simplement
exprimé leurs opinions doivent cesser. Il est désormais temps pour le
gouvernement de faire la preuve de son engagement en faveur de la
liberté d'expression », a souligné John Dalhuisen.
« Les séries de mesures précédentes n'ont pas permis de s'attaquer au
c`ur du problème. La Turquie doit désormais modifier la définition de
certaines infractions dans le Code pénal et notamment dans le cadre de
la loi sur la lutte contre le terrorisme. »
« La plupart des poursuites engagées de manière abusive visent des
personnes ayant critiqué des représentants de l'État ou exprimé des
opinions légitimes sur des questions politiques sensibles. Les
autorités turques doivent accepter la critique et respecter le droit à
la liberté d'expression », a résumé Andrew Gardner, spécialiste de la
Turquie à Amnesty International.
Le tristement célèbre article 301 du Code pénal, relatif au «
dénigrement de la nation turque », notamment invoqué afin de
poursuivre et condamner Hrant Dink, un journaliste et défenseur des
droits humains assassiné par la suite, est toujours en vigueur. De
même, l'article 318, qui érige en infraction le fait de « susciter
l'hostilité de la population à l'égard du service militaire »,
continue à être utilisé afin de sanctionner ceux qui soutiennent le
droit à l'objection de conscience. Ils doivent tous deux être abrogés.
Nous avons constaté ces dernières années un recours de plus en plus
arbitraire aux lois antiterroristes dans le but de sévir contre des
activités légitimes (discours politiques, écrits critiques,
participation à des manifestations et association avec des groupes et
organisations politiques reconnus), ce qui va à l'encontre des droits
à la liberté d'expression, d'association et de réunion.
« Il est indispensable de réviser la définition, trop large et vague,
du terrorisme dans la législation turque. C'est la seule manière de
mettre un terme aux poursuites injustifiées pour « appartenance à une
organisation terroriste » et autres infractions de ce type », a
poursuivi Andrew Gardner.
Des discussions pacifiques portant sur les droits des Kurdes et les
politiques dans ce domaine ont donné lieu à des poursuites, en vertu
de dispositions visant à sanctionner la propagande terroriste. Les
analyses effectuées sur ces questions, mais aussi les slogans
accompagnant les manifestations pro-kurdes débouchent fréquemment sur
des poursuites pour « propagande terroriste ».
« Une société où les citoyens peuvent librement exprimer leurs
opinions, où ils peuvent débattre de questions d'actualité sans avoir
à craindre d'être poursuivis, est une société en bonne santé, ce à
quoi la Turquie doit aspirer », a ajouté John Dalhuisen.
« Une réforme juridique en profondeur, qui débarrasserait de ses
entraves la liberté d'expression, d'association et de réunion,
apaisera les tensions en Turquie. C'est une étape essentielle sur la
voie d'une Turquie pacifique et démocratique », a conclu Andrew
Gardner.
Exemples de cas
Temel Demirer a été poursuivi pour avoir affirmé que Hrant Dink avait
été tué parce qu'il était arménien, et pour avoir formulé des
allégations sur le rôle joué par l'État dans l'homicide de ce
journaliste. Temel Demirer a également évoqué les massacres
d'Arméniens commis en Turquie après 1915.
L'objecteur de conscience Halil Savda a été condamné à plusieurs
reprises pour avoir publiquement soutenu le droit à l'objection de
conscience. Il a été accusé d'avoir « suscité l'hostilité de la
population à l'égard du service militaire ».
L'avocat Selçuk Kozaðaçlý a été inculpé en février 2010, après avoir
réclamé justice pour des homicides de détenus, survenus lors d'une
opération remontant à 2000 durant laquelle l'armée a envahi 20 prisons
à travers le pays afin de mettre fin à une grève de la faim prolongée.
En janvier 2013, dans une affaire distincte, Selçuk Kozaðaçlý a été
accusé d'appartenir au Parti-Front révolutionnaire de libération du
peuple (DHKP-C), une organisation de gauche interdite. Il se trouvait
toujours en détention provisoire au mois de février 2013.
En avril 2012, Fazýl Say, pianiste de renommée internationale, a été
poursuivi pour des tweets dans lesquels il se moquait de figures
religieuses et de la conception musulmane du paradis. Au mois de
février 2013, deux audiences avaient déjà eu lieu dans cette affaire ;
une troisième doit se tenir le 15 avril.
Ahmet Þýk et Nedim Þener, journalistes d'investigation, sont accusés
d'avoir soutenu les activités d'Ergenekon, un réseau criminel présumé
qui fomenterait un complot visant à renverser le gouvernement ; ils
sont poursuivis pour avoir « sciemment et de leur propre chef soutenu
une organisation terroriste ». Les faits reprochés à Ahmet Þýk sont en
grande partie en relation avec son livre, intitulé L'armée de l'imam,
selon lequel existe, au sein d'institutions de l'État et de la société
civile, un réseau composé de disciples de Fetullah Gülen, un
intellectuel turc spécialiste de l'Islam, actuellement en exil, qui
soutient le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.
Les éléments retenus contre Nedim Þener se résument à des écrits et à
des enregistrements de conversations téléphoniques avec des accusés de
l'affaire Ergenekon sur des questions sans lien avec une quelconque
infraction.
En janvier 2009, Vedat Kurþun, rédacteur en chef et propriétaire
d'Azadiya Welat, le seul journal en langue kurde du pays, a été
déclaré coupable de plusieurs chefs de « crime commis au nom d'une
organisation terroriste » et de « propagande en faveur d'une
organisation terroriste », puis condamné à un total de 166 ans et six
mois de réclusion. À l'issue d'un procès en appel, il a été acquitté
des chefs de « crime commis au nom d'une organisation terroriste » et
condamné à une peine de 10 ans et six mois de prison pour « propagande
en faveur d'une organisation terroriste ».
Sultani Acýbuca, 62 ans, membre d'un groupe de mères dont le fils est
mort ou a été emprisonné dans le cadre du conflit entre l'armée turque
et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a été déclarée
coupable d'appartenance à une organisation terroriste parce qu'elle
avait appelé à la paix et à la fin du conflit.
dimanche 31 mars 2013,
Stéphane ©armenews.com