DESCENDANTS D'ARMENIENS ISLAMISES EN TURQUIE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=72598
Publie le : 04-04-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - " Zorarslan fait partie
d'un petit nombre, qui va croissant, d'âmes courageuses en Turquie,
provenant principalement du sud-est kurde, qui ont decide d'accepter
leurs origines armeniennes, enhardies par le tabou armenien qui se
brise en Turquie ces dernières annees et le message de pluralisme
repandu par le mouvement politique dans la region. Cette re-connexion
est un processus douloureux - en raison non seulement de ces craintes
profondement enracinees concernant les massacres de 1915-17, mais
egalement parce que le sud-est rural et pauvre possède un tissu
social specifique où des normes patriarcales strictes gouvernent
les clans soudes et où l'Islam reste un ciment social puissant. "
Le Collectif VAN vous propose la traduction d'un article en anglais
paru sur le site Al Monitor le 27 mars 2013.
Legende : Consecration de l'eglise armenienne Sourp Giragos de
Diyarbakir le 22 octobre 2011, après sa renovation et son abandon
depuis le genocide de 1915
Les Armeniens islamises de Turquie aux prises avec des racines
tragiques
De: Sibel Utku Bila pour Al-Monitor Turkey Pulse. Poste le 27 mars
DIYARBAKIR, Turquie- Le monde d'Abdurrahim Zorarslan a bascule a l'âge
de 25 ans, lorsque son clan kurde lui a revele qu'il etait armenien.
Son père, un survivant des massacres ottomans, sauve et islamise par
un couple kurde, est decede sans avoir dit un seul mot sur sa reelle
identite. Après un grand examen de conscience, Zorarslan " a ecoute
quelque chose en lui " et a " secrètement " accepte son identite
armenienne. Âge aujourd'hui de 53 ans, il parle sans detour et se
presente comme un chretien avec un prenom typiquement armenien, Armen.
-------------------------------
À propos de cet article
Resume :
Les descendants des Armeniens islamises qui ont survecu aux massacres
ottomans pendant la Première Guerre mondiale, ont commence a " sortir
" en Turquie, bravant des prejuges vieux d'un siècle et les peurs,
pour accepter leurs racines armeniennes, rapporte Sibel Utku Bila
de Diyarbakir.
Auteur: Sibel Utku Bila Poste le 27 mars 2013
-------------------------------
Toutefois, la redecouverte de soi a un prix. Le chauffeur a la
retraite est desormais brouille avec ses enfants et sa femme kurde,
une musulmane fervente portant le tchador noir, mais il pense toujours
que " personne ne peut avancer en ayant peur de ses racines. "
Zorarslan fait partie d'un petit nombre, qui va croissant, d'âmes
courageuses en Turquie, provenant principalement du sud-est kurde,
qui ont decide d'accepter leurs origines armeniennes, enhardies par
le tabou armenien qui se brise en Turquie ces dernières annees et
le message de pluralisme repandu par le mouvement politique dans
la region.
Cette re-connexion est un processus douloureux -en raison non seulement
de ces craintes profondement enracinees concernant les massacres de
1915-17, mais egalement parce que le sud-est rural et pauvre possède un
tissu social specifique où des normes patriarcales strictes gouvernent
les clans soudes et où l'Islam reste un ciment social puissant.
Au debut du 20e siècle, les Kurdes et les Armeniens dominaient la
population de l'Anatolie orientale. Lies aux Turcs par une fraternite
islamique, les Kurdes ont participe aux massacres orchestres par les
dirigeants ottomans et se sont empares des proprietes de leurs voisins
armeniens massacres ou deportes. De nombreux enfants armeniens ont
echappe a la mort en trouvant refuge dans des foyers musulmans :
certains enfants ont ete sauves par compassion, d'autres ont ete
enleves pour devenir des esclaves ou des epouses. Les enfants adoptes
ont ete islamises et assimiles dans la culture kurde ou turque. On
ignore combien de survivants ont vecu en tant que musulmans, les
estimations allant de dizaines de milliers a plusieurs centaines
de milliers.
Selon les recits de descendants a Diyarbakir, la plus grande ville
kurde de Turquie, certains survivants ont garde des souvenirs de leur
identite armenienne, ont recherche d'autres Armeniennes islamisees
a epouser et ont fait savoir a leurs enfants qu'elles etaient leurs
racines. D'autres ont sombre dans le silence et ont essaye d'effacer
complètement leur passe, hantes par l'horreur des massacres et soucieux
de proteger leur progeniture des persecutions.
Les voisins, cependant, n'ont jamais oublie. Un souvenir d'enfance
commun aux descendants est que leurs pairs les traitaient de " gavour
" ou " infidèles " lorsqu'ils jouaient dans les rues. Souvent, les
membres de la famille revelaient le secret dans le feu d'une dispute
familiale, appelant un père ou une grand-mère " sale Armenien(ne) ".
Certains se plaignent qu'en raison de leur foi musulmane, ils sont
souvent ostracises par les Armeniens chretiens de Turquie aussi,
qui sont concentres dans la ville cosmopolite d'Istanbul et dont le
nombre s'elève a environ 60.000 personnes.
" Les [descendants des] Armeniens islamises sont assimiles a 100%.
Mais il y a toujours quelqu'un pour leur rappeler qui ils sont. Ils
ne sont pas complètement acceptes d'un côte comme de l'autre. C'est
dramatique. ", a declare a Al-Monitor Gafur Turkay, le petit-fils d'un
survivant armenien, dans la cour de l'ancienne eglise Sourp Giragos
de Diyarbakir, un monumental rappel de l'existence de la communaute
armenienne qui fut un jour prospère dans cette ville.
Après des decennies de silence delibere, Turkay se presente desormais
directement comme " un Armenien ". Son père reste un musulman fervent
qui a fait le pèlerinage Hadj a la Mecque. Sur 18 frères et s~\urs,
seul lui et un de ses frères se sont convertis au christianisme.
Cet assureur de 47 ans est egalement membre du Conseil de la fondation
qui gère l'eglise de Sourp Giragos : en ruines, elle a ete reconstruite
et rouverte au culte en octobre.
Il estime qu'au moins 1 million de personnes dans le sud-est de la
Turquie ont du sang armenien aujourd'hui, meme si les mariages mixtes
et la croissance demographique naturelle ont dilue les origines
armeniennes. L'acceptation de racines armeniennes, explique-t-il,
est un sujet difficile, car les descendants restent fortement lies
a l'Islam et assimilent l'armenite au christianisme.
" Très souvent, ces personnes sont des musulmans inflexibles - un
trait qu'ils ont certainement developpe afin d'etre acceptes et pour
dissiper les suspicions. Qu'ils restent musulmans, mais j'aimerais au
moins qu'ils acceptent leurs origines armeniennes ", dit Turkay. "
Mais je n'arrive meme pas a convaincre ma propre s~\ur. 'Dieu m'en
garde! Tu ne peux pas me faire dire que je suis une Armenienne',
c'est tout ce qu'elle dit. "
Pour Zorarslan, le ressentiment de sa propre famille ne correspond pas
a sa volonte de redecouvrir ses racines. Sur son telephone portable,
qui sonne en jouant une musique armenienne, il affiche fièrement
des photos de ses cousins qu'il a retrouves en France, en Hollande,
aux Etats-Unis et a Istanbul. Ses yeux brillent de plaisir, puis
se remplissent de larmes en racontant que certains de ses parents
ont ete heureux de se remettre en contact, mais d'autres ont refuse
de repondre a ses lettres ou de le rappeler. " Est-ce a cause de la
religion? Est-ce qu'ils s'inquiètent que nous ne soyons pas reellement
de la meme famille ou est-ce qu'ils pensent que j'en veux a leur
argent ? Je suis toujours en train d'essayer de comprendre ", dit-il.
Behcet Sayan, 47 ans, se souvient que son grand-père etait ami avec
six autres survivants de leur village natal près de Diyarbakir et
que ces hommes âges discutaient en armenien. Ex-ouvrier du bâtiment,
qui accueille desormais les visiteurs a l'eglise Sourp Giragos, Sayan
dit qu'il a embrasse la foi chretienne " dans son c~\ur ". Il espère
que d'autres membres de la famille suivront son exemple, mais il est
pessimiste. " Mon frère aîne est un hadji. On ne pourra pas changer
sa mentalite, meme si on le decoupe en morceaux. J'espère que mes
enfants me suivront, mais je sais que la vie sera difficile pour eux
s'ils le font. Que chacun prenne sa propre decision. ", dit-il.
Sourp Giragos, l'une des plus grandes eglises du Moyen-Orient, n'a
toujours pas de pretre ni de congregation. Nichee derrière des murs
en pierre dans une petite rue pavee du c~\ur historique de Diyarbakir,
l'edifice sert essentiellement d'attraction touristique.
L'interview d'Al-Monitor avec Turkay dans la cour de l'eglise a parfois
ete interrompue par des jeunes, qui, après avoir visite l'eglise,
ont voulu nous dire bonjour et nous confier qu'eux aussi avaient des
ancetres armeniens. Certains s'etaient renseignes sur les cours de
langue armenienne, lances l'an dernier dans la ville.
Kevork Calis, le professeur d'armenien qui vient d'Istanbul en avion
toute les semaines pour enseigner, a poliment refuse la requete
du journaliste d'assister a l'un de ses cours. " J'ai environ 20
etudiants. Ce sont tous des descendants d'Armeniens islamises. Nombre
d'entre eux viennent au cours en secret. ", a-t-il explique.
Compares aux Turcs, les Kurdes ont ete plus disposes a faire des
efforts pour se reconcilier avec les Armeniens, mus par leurs propres
souffrances dans la Turquie post-ottomane et desireux de faire avancer
leur cause de pluralisme democratique. L'administration locale kurde
de Diyarbakir, par exemple, a fourni une aide financière pour la
renovation de l'eglise de Sourp Giragos et a sponsorise les cours
d'armenien dans la ville.
En fevrier, l'homme politique kurde important, Ahmet Turk a admis que "
nos grands-pères ont du sang sur les mains " et il s'est excuse auprès
des Armeniens. Ces excuses, cependant, ont eu un effet contraire,
lorsqu'un ancien legislateur a semble rejeter une responsabilite kurde
directe dans les massacres, en disant que les Kurdes avaient ete "
manipules " par les Turcs.
Les leaders d'opinion armeniens ont emis des doutes quant a la
sincerite kurde, agaces par les commentaires du chef rebelle kurde
emprisonne, Abdullah Ocalan, lors son recent processus de paix avec
Ankara. Dans une transcription fuitee dans les medias en fevrier
dernier, Ocalan a souligne l'importance des liens islamiques entre les
Kurdes et les Turcs, et il a parle en termes hostiles des Armeniens
et autres non musulmans.
C'est dans ce climat aigri, que la municipalite de Diyarbakir est
en train de preparer un geste rafraichissant : un monument dedie
aux communautes qui ont souffert des persecutions en Anatolie doit
etre inaugure dans la ville a la veille du 24 avril, le jour de la
commemoration du genocide armenien.
Sibel Utku Bila est une journaliste free-lance basee a Ankara, et qui
a couvert la Turquie pendant 15 ans. Elle a ete correspondante pour
l'Agence France-Presse (AFP) de 1999 a 2011, et les articles qu'elle a
ecrits pendant cette periode ont ete publies dans de nombreux journaux
dans le monde. Elle a aussi travaille en tant qu'editrice au Hurriyet
Daily News, le plus ancien journal de langue anglaise en Turquie.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 3 avril
2013 - 06:30 - www.collectifvan.org
Retour a la rubrique
Source/Lien : Al-Monitor
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=72598
Publie le : 04-04-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - " Zorarslan fait partie
d'un petit nombre, qui va croissant, d'âmes courageuses en Turquie,
provenant principalement du sud-est kurde, qui ont decide d'accepter
leurs origines armeniennes, enhardies par le tabou armenien qui se
brise en Turquie ces dernières annees et le message de pluralisme
repandu par le mouvement politique dans la region. Cette re-connexion
est un processus douloureux - en raison non seulement de ces craintes
profondement enracinees concernant les massacres de 1915-17, mais
egalement parce que le sud-est rural et pauvre possède un tissu
social specifique où des normes patriarcales strictes gouvernent
les clans soudes et où l'Islam reste un ciment social puissant. "
Le Collectif VAN vous propose la traduction d'un article en anglais
paru sur le site Al Monitor le 27 mars 2013.
Legende : Consecration de l'eglise armenienne Sourp Giragos de
Diyarbakir le 22 octobre 2011, après sa renovation et son abandon
depuis le genocide de 1915
Les Armeniens islamises de Turquie aux prises avec des racines
tragiques
De: Sibel Utku Bila pour Al-Monitor Turkey Pulse. Poste le 27 mars
DIYARBAKIR, Turquie- Le monde d'Abdurrahim Zorarslan a bascule a l'âge
de 25 ans, lorsque son clan kurde lui a revele qu'il etait armenien.
Son père, un survivant des massacres ottomans, sauve et islamise par
un couple kurde, est decede sans avoir dit un seul mot sur sa reelle
identite. Après un grand examen de conscience, Zorarslan " a ecoute
quelque chose en lui " et a " secrètement " accepte son identite
armenienne. Âge aujourd'hui de 53 ans, il parle sans detour et se
presente comme un chretien avec un prenom typiquement armenien, Armen.
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À propos de cet article
Resume :
Les descendants des Armeniens islamises qui ont survecu aux massacres
ottomans pendant la Première Guerre mondiale, ont commence a " sortir
" en Turquie, bravant des prejuges vieux d'un siècle et les peurs,
pour accepter leurs racines armeniennes, rapporte Sibel Utku Bila
de Diyarbakir.
Auteur: Sibel Utku Bila Poste le 27 mars 2013
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Toutefois, la redecouverte de soi a un prix. Le chauffeur a la
retraite est desormais brouille avec ses enfants et sa femme kurde,
une musulmane fervente portant le tchador noir, mais il pense toujours
que " personne ne peut avancer en ayant peur de ses racines. "
Zorarslan fait partie d'un petit nombre, qui va croissant, d'âmes
courageuses en Turquie, provenant principalement du sud-est kurde,
qui ont decide d'accepter leurs origines armeniennes, enhardies par
le tabou armenien qui se brise en Turquie ces dernières annees et
le message de pluralisme repandu par le mouvement politique dans
la region.
Cette re-connexion est un processus douloureux -en raison non seulement
de ces craintes profondement enracinees concernant les massacres de
1915-17, mais egalement parce que le sud-est rural et pauvre possède un
tissu social specifique où des normes patriarcales strictes gouvernent
les clans soudes et où l'Islam reste un ciment social puissant.
Au debut du 20e siècle, les Kurdes et les Armeniens dominaient la
population de l'Anatolie orientale. Lies aux Turcs par une fraternite
islamique, les Kurdes ont participe aux massacres orchestres par les
dirigeants ottomans et se sont empares des proprietes de leurs voisins
armeniens massacres ou deportes. De nombreux enfants armeniens ont
echappe a la mort en trouvant refuge dans des foyers musulmans :
certains enfants ont ete sauves par compassion, d'autres ont ete
enleves pour devenir des esclaves ou des epouses. Les enfants adoptes
ont ete islamises et assimiles dans la culture kurde ou turque. On
ignore combien de survivants ont vecu en tant que musulmans, les
estimations allant de dizaines de milliers a plusieurs centaines
de milliers.
Selon les recits de descendants a Diyarbakir, la plus grande ville
kurde de Turquie, certains survivants ont garde des souvenirs de leur
identite armenienne, ont recherche d'autres Armeniennes islamisees
a epouser et ont fait savoir a leurs enfants qu'elles etaient leurs
racines. D'autres ont sombre dans le silence et ont essaye d'effacer
complètement leur passe, hantes par l'horreur des massacres et soucieux
de proteger leur progeniture des persecutions.
Les voisins, cependant, n'ont jamais oublie. Un souvenir d'enfance
commun aux descendants est que leurs pairs les traitaient de " gavour
" ou " infidèles " lorsqu'ils jouaient dans les rues. Souvent, les
membres de la famille revelaient le secret dans le feu d'une dispute
familiale, appelant un père ou une grand-mère " sale Armenien(ne) ".
Certains se plaignent qu'en raison de leur foi musulmane, ils sont
souvent ostracises par les Armeniens chretiens de Turquie aussi,
qui sont concentres dans la ville cosmopolite d'Istanbul et dont le
nombre s'elève a environ 60.000 personnes.
" Les [descendants des] Armeniens islamises sont assimiles a 100%.
Mais il y a toujours quelqu'un pour leur rappeler qui ils sont. Ils
ne sont pas complètement acceptes d'un côte comme de l'autre. C'est
dramatique. ", a declare a Al-Monitor Gafur Turkay, le petit-fils d'un
survivant armenien, dans la cour de l'ancienne eglise Sourp Giragos
de Diyarbakir, un monumental rappel de l'existence de la communaute
armenienne qui fut un jour prospère dans cette ville.
Après des decennies de silence delibere, Turkay se presente desormais
directement comme " un Armenien ". Son père reste un musulman fervent
qui a fait le pèlerinage Hadj a la Mecque. Sur 18 frères et s~\urs,
seul lui et un de ses frères se sont convertis au christianisme.
Cet assureur de 47 ans est egalement membre du Conseil de la fondation
qui gère l'eglise de Sourp Giragos : en ruines, elle a ete reconstruite
et rouverte au culte en octobre.
Il estime qu'au moins 1 million de personnes dans le sud-est de la
Turquie ont du sang armenien aujourd'hui, meme si les mariages mixtes
et la croissance demographique naturelle ont dilue les origines
armeniennes. L'acceptation de racines armeniennes, explique-t-il,
est un sujet difficile, car les descendants restent fortement lies
a l'Islam et assimilent l'armenite au christianisme.
" Très souvent, ces personnes sont des musulmans inflexibles - un
trait qu'ils ont certainement developpe afin d'etre acceptes et pour
dissiper les suspicions. Qu'ils restent musulmans, mais j'aimerais au
moins qu'ils acceptent leurs origines armeniennes ", dit Turkay. "
Mais je n'arrive meme pas a convaincre ma propre s~\ur. 'Dieu m'en
garde! Tu ne peux pas me faire dire que je suis une Armenienne',
c'est tout ce qu'elle dit. "
Pour Zorarslan, le ressentiment de sa propre famille ne correspond pas
a sa volonte de redecouvrir ses racines. Sur son telephone portable,
qui sonne en jouant une musique armenienne, il affiche fièrement
des photos de ses cousins qu'il a retrouves en France, en Hollande,
aux Etats-Unis et a Istanbul. Ses yeux brillent de plaisir, puis
se remplissent de larmes en racontant que certains de ses parents
ont ete heureux de se remettre en contact, mais d'autres ont refuse
de repondre a ses lettres ou de le rappeler. " Est-ce a cause de la
religion? Est-ce qu'ils s'inquiètent que nous ne soyons pas reellement
de la meme famille ou est-ce qu'ils pensent que j'en veux a leur
argent ? Je suis toujours en train d'essayer de comprendre ", dit-il.
Behcet Sayan, 47 ans, se souvient que son grand-père etait ami avec
six autres survivants de leur village natal près de Diyarbakir et
que ces hommes âges discutaient en armenien. Ex-ouvrier du bâtiment,
qui accueille desormais les visiteurs a l'eglise Sourp Giragos, Sayan
dit qu'il a embrasse la foi chretienne " dans son c~\ur ". Il espère
que d'autres membres de la famille suivront son exemple, mais il est
pessimiste. " Mon frère aîne est un hadji. On ne pourra pas changer
sa mentalite, meme si on le decoupe en morceaux. J'espère que mes
enfants me suivront, mais je sais que la vie sera difficile pour eux
s'ils le font. Que chacun prenne sa propre decision. ", dit-il.
Sourp Giragos, l'une des plus grandes eglises du Moyen-Orient, n'a
toujours pas de pretre ni de congregation. Nichee derrière des murs
en pierre dans une petite rue pavee du c~\ur historique de Diyarbakir,
l'edifice sert essentiellement d'attraction touristique.
L'interview d'Al-Monitor avec Turkay dans la cour de l'eglise a parfois
ete interrompue par des jeunes, qui, après avoir visite l'eglise,
ont voulu nous dire bonjour et nous confier qu'eux aussi avaient des
ancetres armeniens. Certains s'etaient renseignes sur les cours de
langue armenienne, lances l'an dernier dans la ville.
Kevork Calis, le professeur d'armenien qui vient d'Istanbul en avion
toute les semaines pour enseigner, a poliment refuse la requete
du journaliste d'assister a l'un de ses cours. " J'ai environ 20
etudiants. Ce sont tous des descendants d'Armeniens islamises. Nombre
d'entre eux viennent au cours en secret. ", a-t-il explique.
Compares aux Turcs, les Kurdes ont ete plus disposes a faire des
efforts pour se reconcilier avec les Armeniens, mus par leurs propres
souffrances dans la Turquie post-ottomane et desireux de faire avancer
leur cause de pluralisme democratique. L'administration locale kurde
de Diyarbakir, par exemple, a fourni une aide financière pour la
renovation de l'eglise de Sourp Giragos et a sponsorise les cours
d'armenien dans la ville.
En fevrier, l'homme politique kurde important, Ahmet Turk a admis que "
nos grands-pères ont du sang sur les mains " et il s'est excuse auprès
des Armeniens. Ces excuses, cependant, ont eu un effet contraire,
lorsqu'un ancien legislateur a semble rejeter une responsabilite kurde
directe dans les massacres, en disant que les Kurdes avaient ete "
manipules " par les Turcs.
Les leaders d'opinion armeniens ont emis des doutes quant a la
sincerite kurde, agaces par les commentaires du chef rebelle kurde
emprisonne, Abdullah Ocalan, lors son recent processus de paix avec
Ankara. Dans une transcription fuitee dans les medias en fevrier
dernier, Ocalan a souligne l'importance des liens islamiques entre les
Kurdes et les Turcs, et il a parle en termes hostiles des Armeniens
et autres non musulmans.
C'est dans ce climat aigri, que la municipalite de Diyarbakir est
en train de preparer un geste rafraichissant : un monument dedie
aux communautes qui ont souffert des persecutions en Anatolie doit
etre inaugure dans la ville a la veille du 24 avril, le jour de la
commemoration du genocide armenien.
Sibel Utku Bila est une journaliste free-lance basee a Ankara, et qui
a couvert la Turquie pendant 15 ans. Elle a ete correspondante pour
l'Agence France-Presse (AFP) de 1999 a 2011, et les articles qu'elle a
ecrits pendant cette periode ont ete publies dans de nombreux journaux
dans le monde. Elle a aussi travaille en tant qu'editrice au Hurriyet
Daily News, le plus ancien journal de langue anglaise en Turquie.
©Traduction de l'anglais C.Gardon pour le Collectif VAN - 3 avril
2013 - 06:30 - www.collectifvan.org
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