Le Figaro, France
4 avril 2013
La Turquie et le fantôme arménien
Par Pierre Rousselin le 4 avril 2013
DANS DEUX ANS, en avril 2015, cent ans auront passé et, sauf surprise
malheureusement bien improbable, la Turquie n'aura toujours pas trouvé
le moyen d'assumer son lourd passé Ã l'égard du peuple arménien.
Pourtant, le fantôme du génocide rôde. Il risque de se montrer très
présent à l'occasion du centenaire des événements dramatiques. Cela
incitera-t-il les Turcs et leur gouvernement à se confronter enfin Ã
leur histoire??
Dans la perspective des commémorations, et du débat qu'elles vont
relncer,le livre de Laure Marchand et Guillaume Perrier publié chez
Acte Sud et intitulé La Turquie et le fantôme arménien. Sur les traces
du génocide permet à chacun de se forger son opinion. C'est une
enquête de terrain menée par les correspondants en Turquie du Figaro
et du Monde, multipliant les rencontres et les - témoignages, les
visites d'églises, de sites et de villages qui ont survécu aux
destructions, aux spoliations et à l'oubli.
Le récit donne la parole à des rescapés, à des convertis de force, Ã
des «?justes?» qui ont sauvé des persécutés. L'enquête décrit
l'obstination des autorités à refuser d'abord le mot «?génocide?»,
mais aussi à nier des faits historiques avérés. Sans doute, la
restitution des avoirs ou l'indemnisation des descendants des
victimes, revendication essentielle de la diaspora, est-elle une
explication d'un déni érigé en fondement de la nation turque.
Quel que soit le point de vue de départ que l'on ait sur la question
arménienne, l'on prend, Ã la lecture de ce livre, la mesure de la
détermination de l'État turc à en minimiser la portée. à l'heure où la
Turquie souhaite devenir membre d'une Europe qui s'est btie justement
sur un travail de mémoire exemplaire, il est utile de rassembler les
pièces du dossier.
Après l'assassinat du journaliste turc d'origine arménienne Hrant
Dink, en janvier 2007, un examen de conscience a paru s'amorcer. Il y
a même eu des tentatives de rapprochement avec l'Arménie, comme en
témoigne le voyage d'Abdullah Gül à Erevan pour un match de football
en 2008. Mais l'essai est resté sans suite, victime d'une reprise en
main de la diplomatie turque dans un sens plus nationaliste par le
premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Le livre de Laure Marchand et Guillaume Perrier rend compte de ces
épisodes et explique pourquoi la question arménienne restera au cÅ`ur
des relations entre la France et la Turquie, quoi qu'on pense des lois
mémorielles adoptées par notre Parlement.
[Cette note de lecture a été publié dans Le Figaro du Samedi 30 mars 2013]
http://blog.lefigaro.fr/geopolitique/2013/04/la-turquie-et-le-fantome-armen.html
4 avril 2013
La Turquie et le fantôme arménien
Par Pierre Rousselin le 4 avril 2013
DANS DEUX ANS, en avril 2015, cent ans auront passé et, sauf surprise
malheureusement bien improbable, la Turquie n'aura toujours pas trouvé
le moyen d'assumer son lourd passé Ã l'égard du peuple arménien.
Pourtant, le fantôme du génocide rôde. Il risque de se montrer très
présent à l'occasion du centenaire des événements dramatiques. Cela
incitera-t-il les Turcs et leur gouvernement à se confronter enfin Ã
leur histoire??
Dans la perspective des commémorations, et du débat qu'elles vont
relncer,le livre de Laure Marchand et Guillaume Perrier publié chez
Acte Sud et intitulé La Turquie et le fantôme arménien. Sur les traces
du génocide permet à chacun de se forger son opinion. C'est une
enquête de terrain menée par les correspondants en Turquie du Figaro
et du Monde, multipliant les rencontres et les - témoignages, les
visites d'églises, de sites et de villages qui ont survécu aux
destructions, aux spoliations et à l'oubli.
Le récit donne la parole à des rescapés, à des convertis de force, Ã
des «?justes?» qui ont sauvé des persécutés. L'enquête décrit
l'obstination des autorités à refuser d'abord le mot «?génocide?»,
mais aussi à nier des faits historiques avérés. Sans doute, la
restitution des avoirs ou l'indemnisation des descendants des
victimes, revendication essentielle de la diaspora, est-elle une
explication d'un déni érigé en fondement de la nation turque.
Quel que soit le point de vue de départ que l'on ait sur la question
arménienne, l'on prend, Ã la lecture de ce livre, la mesure de la
détermination de l'État turc à en minimiser la portée. à l'heure où la
Turquie souhaite devenir membre d'une Europe qui s'est btie justement
sur un travail de mémoire exemplaire, il est utile de rassembler les
pièces du dossier.
Après l'assassinat du journaliste turc d'origine arménienne Hrant
Dink, en janvier 2007, un examen de conscience a paru s'amorcer. Il y
a même eu des tentatives de rapprochement avec l'Arménie, comme en
témoigne le voyage d'Abdullah Gül à Erevan pour un match de football
en 2008. Mais l'essai est resté sans suite, victime d'une reprise en
main de la diplomatie turque dans un sens plus nationaliste par le
premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Le livre de Laure Marchand et Guillaume Perrier rend compte de ces
épisodes et explique pourquoi la question arménienne restera au cÅ`ur
des relations entre la France et la Turquie, quoi qu'on pense des lois
mémorielles adoptées par notre Parlement.
[Cette note de lecture a été publié dans Le Figaro du Samedi 30 mars 2013]
http://blog.lefigaro.fr/geopolitique/2013/04/la-turquie-et-le-fantome-armen.html