24 avril 2013
Alexis Govciyan était à Istanbul le 24 avril. Interview avec le
président de l'UGAB Europe
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89218
Alexis Govciyan, conseiller régional (UDI) d'Ile-de-France et
président de l'UGAB Europe a assisté pour la première fois à la
commémoration du génocide en Turquie, sur la place de Taksim à
Istanbul. Cet événement, organisé depuis cinq ans par des
organisations de la société civile turque et des droits de l'homme
semble prendre de plus en plus d'ampleur.
Nouvelles d'Arménie magazine : Pourquoi avez-vous décidé cette année
d'être à Istanbul plutôt qu'à Paris ?
Alexis Govciyan : Cette année, l'UGAB Europe et EGAM (Mouvement
Antiraciste Européen) ont été invités par les organisations turques et
une délégation a été constituée avec des représentants de plusieurs
pays européens. Dans ce cadre, un appel à la reconnaissance du
génocide par la Turquie a été lancé en trois langues (turc, anglais,
français) pour recueillir la signature de personnalités.
Pour ma part, après en avoir préparé les contours avec Benjamin Abtan,
président de l'EGAM et Nicolas Tavitian qui a dirigé la délégation de
l'UGAB Europe, j'ai souhaité rejoindre Istanbul uniquement pour la
journée du 24 avril. Il s'agissait pour moi de marquer mon attachement
à cette initiative historique et surtout de confirmer notre soutien et
notre solidarité à tous ces citoyens turcs, de plus en plus nombreux,
qui se battent au quotidien pour rappeler la réalité du génocide et
pour demander à leur Etat de le reconnaître. Nous savons à quel point
il est difficile de faire ce travail en Turquie, ceux qui le font sont
des femmes et des hommes de courage, de détermination et il m'a donc
paru normal d'être à leurs côtés.
Par ailleurs, je suis également convaincu que pour les Arméniens de la
diaspora, deux perspectives, deux horizons existent : nos regards
doivent se tourner vers la République d'Arménie et de l'Artsakh qui
représentent la mère-patrie, et vers la Turquie d'aujourd'hui car il
s'agit de nos racines et nous avons beaucoup de choses à faire dans ce
cadre-là.
NAM : Quelle était l'ambiance sur place ?
A. G. : Beaucoup d'émotion et une sincère envie de se souvenir, de
commémorer dans la dignité et le respect. Il y a eu des rappels
historiques, une lecture des noms des déportés du 24 avril et des
textes qui définissaient clairement le caractère génocidaire ainsi que
la politique d'Etat négationniste. Des intellectuels et des militants
turcs se sont retrouvés. Il y a eu enfin et je dirais surtout, la
rencontre avec les parents de Sevag Balikci, dernière victime récente
du processus génocidaire. Vous savez, je crois être suffisamment
blindé depuis le temps que je m'occupe de ces questions mais force est
de constater que sur place, il y avait une telle atmosphère que je
n'ai pas pu m'empêcher d'être dans une grande émotion et d'être
submergé par des pensées de partage et de communion avec cette société
civile turque, les parents de Sevag et tous ceux présents qui
bravaient l'interdit ici en Turquie. Une contre-manifestation des
nationalistes, apparemment de gauche, était d'ailleurs là pour nous le
rappeler, à quelques mètres de là où nous étions rassemblés.
NAM : Pouvez-vous confirmer la présence de Turcs qui ne sont pas
d'origine arménienne et quelle part des manifestants représentent-ils
?
A. G. : Je confirme sans hésitation. Il y avait peu d'Arméniens
d'Istanbul même si, là aussi, les lignes commencent à bouger. La
grande majorité des personnes présentes étaient des citoyens turcs et
kurdes. D'ailleurs, la cérémonie s'est déroulée, en ce qui concerne
les discours et rappel des faits, en langue turque.
NAM : Est-ce que, chaque année, le nombre de manifestants va croissant ?
A. G. : C'est effectivement ce qui est constaté sur place par les
organisateurs et aussi par les responsables et militants avec lesquels
j'ai pu échanger après la cérémonie, tard dans la nuit.
NAM : Avez-vous senti un changement des mentalités à Istanbul, comme
le dit Benjamin Abtan, président du Mouvement européen antiraciste
(EGAM) ?
A. G. : Quelque chose est très certainement en train de bouger. On
parle de plus en plus du génocide, même si les crispations ou les
attitudes négationnistes sont encore très fortement présentes. La
parole semble se libérer, et les jeunes comme une partie de la
population semblent vouloir faire face à ces pages sombres de leur
histoire pour mieux s'en délivrer et pour construire autre chose. Cela
semble une évidence. Attention, rien n'est gagné, ils ne sont tout de
même pas très très nombreux, ce n'est pas la majorité mais les
mentalités évoluent, c'est certain. Aussi, nous nous devons d'être
avec eux, dans un esprit d'ouverture, de travail commun et de
promotion de valeurs.
NAM : Pour la première fois, les Arméniens de la région du Dersim ont
commémoré le génocide. Est-ce également le signe d'un avancement en
Turquie ?
A. G. : On le disait, cela bouge, la parole se libère, le mouvement
est lancé et cela vient de la société civile qui semble vouloir
prendre les choses en main. Mais pour Dersim, ce qui est aussi très
significatif, c'est que ce sont les Arméniens qui ont ouvertement,
publiquement commémoré cette année le génocide. C'est historique, et
ici en France ou ailleurs, nous devons saluer ces initiatives pleines
de courage et de perspectives.
Alexis Govcyan, avec Ali Bayramoglu, d'autres intellectuels et membres
de la délégation et au premier plan le père de Sevag Balikci.
Crédit photo : Ari TASH-JAMANAK
NAM : Pensez-vous que la reconnaissance du génocide est devenue
possible par la Turquie, comme l'indique Benjamin Abtan ?
A. G. : Dans la société civile, il y a une évolution, dans certains
journaux et différents cercles aussi. Vous savez, en Turquie, tout le
monde ou presque sait que ce qui s'est passé en 1915 est une `uvre
d'extermination du peuple Arménien. Certains d'entre eux arrivent à le
qualifier de génocide, d'autres le voudraient bien mais et enfin une
large partie, parce qu'ignorante, ayant subi l'histoire officielle,
rejette encore la réalité et s'enferme dans le déni. Pourtant, au fond
d'eux-mêmes ils le savent bien, y compris et surtout les autorités
encore empêtrées dans leur mensonge d'Etat. Si aujourd'hui le
mouvement prend de l'ampleur, c'est parce qu'on s'approche
inexorablement de 2015. Aussi, pour répondre clairement à votre
question, les choses continuent de bouger, il pourrait un jour y avoir
la reconnaissance du génocide. Mais quand, comment, dans quelles
conditions ? Tellement de paramètres qui sont encore inconnus, ce qui
ne nous empêche pas d'y travailler sans relche.
NAM : Quel traitement les médias turcs font-ils de cet événement dans
l'ensemble ?
A. G. : Dans l'ensemble, ce n'est pas encore cela. Ils me paraissent
encore, plutôt frileux dans le traitement de l'information, même si là
encore des tentatives de mieux comprendre sont observées. Il y avait
plusieurs caméras, je ne sais pas s'il s'agissait majoritairement de
medias turcs mais il y en avait. D'autres journalistes turcs étaient
aussi en recherche d'informations et de réactions par rapport aux
cérémonies de commémoration et plus globalement au génocide.
NAM : Avez-vous l'occasion de retourner régulièrement sur les lieux de
votre enfance ?
A. G. : Non je n'en ai pas eu l'occasion, encore moins l'envie. En 40
ans, je n'y suis retourné qu'un seul jour pour assister aux obsèques
de Hrant Dink. Mais depuis ce 24 avril 2013, j'avoue changer d'avis et
vraisemblablement j'y retournerai le plus possible pour poursuivre le
travail de construction de relations de solidarité et de partage avec
la société civile turque, avec tous ceux qui voudront le faire et
aussi, bien entendu, avec la communauté arménienne de Turquie.
samedi 27 avril 2013,
Laetitia ©armenews.com
Alexis Govciyan était à Istanbul le 24 avril. Interview avec le
président de l'UGAB Europe
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89218
Alexis Govciyan, conseiller régional (UDI) d'Ile-de-France et
président de l'UGAB Europe a assisté pour la première fois à la
commémoration du génocide en Turquie, sur la place de Taksim à
Istanbul. Cet événement, organisé depuis cinq ans par des
organisations de la société civile turque et des droits de l'homme
semble prendre de plus en plus d'ampleur.
Nouvelles d'Arménie magazine : Pourquoi avez-vous décidé cette année
d'être à Istanbul plutôt qu'à Paris ?
Alexis Govciyan : Cette année, l'UGAB Europe et EGAM (Mouvement
Antiraciste Européen) ont été invités par les organisations turques et
une délégation a été constituée avec des représentants de plusieurs
pays européens. Dans ce cadre, un appel à la reconnaissance du
génocide par la Turquie a été lancé en trois langues (turc, anglais,
français) pour recueillir la signature de personnalités.
Pour ma part, après en avoir préparé les contours avec Benjamin Abtan,
président de l'EGAM et Nicolas Tavitian qui a dirigé la délégation de
l'UGAB Europe, j'ai souhaité rejoindre Istanbul uniquement pour la
journée du 24 avril. Il s'agissait pour moi de marquer mon attachement
à cette initiative historique et surtout de confirmer notre soutien et
notre solidarité à tous ces citoyens turcs, de plus en plus nombreux,
qui se battent au quotidien pour rappeler la réalité du génocide et
pour demander à leur Etat de le reconnaître. Nous savons à quel point
il est difficile de faire ce travail en Turquie, ceux qui le font sont
des femmes et des hommes de courage, de détermination et il m'a donc
paru normal d'être à leurs côtés.
Par ailleurs, je suis également convaincu que pour les Arméniens de la
diaspora, deux perspectives, deux horizons existent : nos regards
doivent se tourner vers la République d'Arménie et de l'Artsakh qui
représentent la mère-patrie, et vers la Turquie d'aujourd'hui car il
s'agit de nos racines et nous avons beaucoup de choses à faire dans ce
cadre-là.
NAM : Quelle était l'ambiance sur place ?
A. G. : Beaucoup d'émotion et une sincère envie de se souvenir, de
commémorer dans la dignité et le respect. Il y a eu des rappels
historiques, une lecture des noms des déportés du 24 avril et des
textes qui définissaient clairement le caractère génocidaire ainsi que
la politique d'Etat négationniste. Des intellectuels et des militants
turcs se sont retrouvés. Il y a eu enfin et je dirais surtout, la
rencontre avec les parents de Sevag Balikci, dernière victime récente
du processus génocidaire. Vous savez, je crois être suffisamment
blindé depuis le temps que je m'occupe de ces questions mais force est
de constater que sur place, il y avait une telle atmosphère que je
n'ai pas pu m'empêcher d'être dans une grande émotion et d'être
submergé par des pensées de partage et de communion avec cette société
civile turque, les parents de Sevag et tous ceux présents qui
bravaient l'interdit ici en Turquie. Une contre-manifestation des
nationalistes, apparemment de gauche, était d'ailleurs là pour nous le
rappeler, à quelques mètres de là où nous étions rassemblés.
NAM : Pouvez-vous confirmer la présence de Turcs qui ne sont pas
d'origine arménienne et quelle part des manifestants représentent-ils
?
A. G. : Je confirme sans hésitation. Il y avait peu d'Arméniens
d'Istanbul même si, là aussi, les lignes commencent à bouger. La
grande majorité des personnes présentes étaient des citoyens turcs et
kurdes. D'ailleurs, la cérémonie s'est déroulée, en ce qui concerne
les discours et rappel des faits, en langue turque.
NAM : Est-ce que, chaque année, le nombre de manifestants va croissant ?
A. G. : C'est effectivement ce qui est constaté sur place par les
organisateurs et aussi par les responsables et militants avec lesquels
j'ai pu échanger après la cérémonie, tard dans la nuit.
NAM : Avez-vous senti un changement des mentalités à Istanbul, comme
le dit Benjamin Abtan, président du Mouvement européen antiraciste
(EGAM) ?
A. G. : Quelque chose est très certainement en train de bouger. On
parle de plus en plus du génocide, même si les crispations ou les
attitudes négationnistes sont encore très fortement présentes. La
parole semble se libérer, et les jeunes comme une partie de la
population semblent vouloir faire face à ces pages sombres de leur
histoire pour mieux s'en délivrer et pour construire autre chose. Cela
semble une évidence. Attention, rien n'est gagné, ils ne sont tout de
même pas très très nombreux, ce n'est pas la majorité mais les
mentalités évoluent, c'est certain. Aussi, nous nous devons d'être
avec eux, dans un esprit d'ouverture, de travail commun et de
promotion de valeurs.
NAM : Pour la première fois, les Arméniens de la région du Dersim ont
commémoré le génocide. Est-ce également le signe d'un avancement en
Turquie ?
A. G. : On le disait, cela bouge, la parole se libère, le mouvement
est lancé et cela vient de la société civile qui semble vouloir
prendre les choses en main. Mais pour Dersim, ce qui est aussi très
significatif, c'est que ce sont les Arméniens qui ont ouvertement,
publiquement commémoré cette année le génocide. C'est historique, et
ici en France ou ailleurs, nous devons saluer ces initiatives pleines
de courage et de perspectives.
Alexis Govcyan, avec Ali Bayramoglu, d'autres intellectuels et membres
de la délégation et au premier plan le père de Sevag Balikci.
Crédit photo : Ari TASH-JAMANAK
NAM : Pensez-vous que la reconnaissance du génocide est devenue
possible par la Turquie, comme l'indique Benjamin Abtan ?
A. G. : Dans la société civile, il y a une évolution, dans certains
journaux et différents cercles aussi. Vous savez, en Turquie, tout le
monde ou presque sait que ce qui s'est passé en 1915 est une `uvre
d'extermination du peuple Arménien. Certains d'entre eux arrivent à le
qualifier de génocide, d'autres le voudraient bien mais et enfin une
large partie, parce qu'ignorante, ayant subi l'histoire officielle,
rejette encore la réalité et s'enferme dans le déni. Pourtant, au fond
d'eux-mêmes ils le savent bien, y compris et surtout les autorités
encore empêtrées dans leur mensonge d'Etat. Si aujourd'hui le
mouvement prend de l'ampleur, c'est parce qu'on s'approche
inexorablement de 2015. Aussi, pour répondre clairement à votre
question, les choses continuent de bouger, il pourrait un jour y avoir
la reconnaissance du génocide. Mais quand, comment, dans quelles
conditions ? Tellement de paramètres qui sont encore inconnus, ce qui
ne nous empêche pas d'y travailler sans relche.
NAM : Quel traitement les médias turcs font-ils de cet événement dans
l'ensemble ?
A. G. : Dans l'ensemble, ce n'est pas encore cela. Ils me paraissent
encore, plutôt frileux dans le traitement de l'information, même si là
encore des tentatives de mieux comprendre sont observées. Il y avait
plusieurs caméras, je ne sais pas s'il s'agissait majoritairement de
medias turcs mais il y en avait. D'autres journalistes turcs étaient
aussi en recherche d'informations et de réactions par rapport aux
cérémonies de commémoration et plus globalement au génocide.
NAM : Avez-vous l'occasion de retourner régulièrement sur les lieux de
votre enfance ?
A. G. : Non je n'en ai pas eu l'occasion, encore moins l'envie. En 40
ans, je n'y suis retourné qu'un seul jour pour assister aux obsèques
de Hrant Dink. Mais depuis ce 24 avril 2013, j'avoue changer d'avis et
vraisemblablement j'y retournerai le plus possible pour poursuivre le
travail de construction de relations de solidarité et de partage avec
la société civile turque, avec tous ceux qui voudront le faire et
aussi, bien entendu, avec la communauté arménienne de Turquie.
samedi 27 avril 2013,
Laetitia ©armenews.com