TALAAT PACHA : LE GRAND ORDONNATEUR
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74841
Publie le : 07-08-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information publiee sur le site Imprescriptible.
Imprescriptible
Troisième partie: l'organisation du mensonge
Chapitre III Le grand ordonnateur : Talaat Pacha
L'acte d'accusation presente a la Cour martiale de Constantinople le
12 avril 1919 considère que le comportement criminel de Talaat est
prouve par sa connaissance massacres et ses ordres les concernant,
et le declare principal co-responsable de ces massacres. Il cite
pour nontrer cette affirmation un telegramme chiffre date du juillet
[1]331 [1915] adresse par Talaat aux vali et mutessarif de Diarbekir,
Kharpout, Ourfa et Deir-ez-Zor, et " concernant l'ordre de faire
enterrer les morts restes sur routes au lieu de jeter les cadavres
dans les ravins, lacs fleuves, et de brûler les effets abandonnes par
eux sur chemins1 ". En fait le ministre de l'Interieur du gouvernement
Saïd Halim apparaît a toutes les phases de l'operation comme l'homme
cle sans lequel aucune mesure n'aurait pu etre adoptee ni aucun
ordre execute. Il affirma publiquement son intention d'aneantir les
Armeniens de l'Empire ottoman. Il organisa et premedita ce crime. Il en
surveilla les phases d'execution et prit a l'egard des fonctionnaires
recalcitrants des mesures de retorsion. Tout au long du processus,
Talaat apparut a ses interlocuteurs et ses correspondants, un homme
double, celui qui affirme ici ce qu'il nie la, qui publie un decret
officiel pour cacher une operation secrète, qui promet pour mieux se
retracter. Bref, un menteur consomme.
On ne saurait toutefois demeurer sur cette conception sommaire
de l'homme qui fut, avec Enver, le veritable chef du Comite Union
et Progrès. Enver pacha s'efforca d'occuper le devant de la scène
politique. Il porte la responsabilite d'avoir fait entrer la Turquie
dans la Guerre mondiale. Il fut un partisan fanatique du touranisme,
mais sa position s'affaiblit au cours de la guerre avec les defaites
des armees ottomanes. Talaat, au contraire, demeura un conciliateur,
celui vers lequel se tournaient les differentes factions du Comite
central du Parti pour etablir un consensus. Talaat joua donc le rôle
de l'element fixe, du noyau du Parti.
Le troisième membre du triumvirat, Djemal, eut une responsabilite
moindre. De meme, le premier Ministre, Saïd Halim, fut un pantin entre
les mains du Comite central. En effet, les forces qui animaient le
Comite Union et Progrès s'exprimaient au sein du Comite central où
Talaat intervint comme moderateur. Le cercle du pouvoir se retrecit
en fait regulièrement de la fin de 1915 au debut de 1917. Saïd Halim
demissionna le 21 janvier 1917 et sa demission fut acceptee par
le secretaire du Comite Union et Progrès, Midhat Choukrou. Talaat
refusa de continuer a occuper le poste de ministre de l'Interieur,
pretextant les difficultes qu'il avait eues avec l'armee. Il devint
Grand vizir et Ismaïl Djambolat, un ancien militaire, occupa le poste
de ministre de l'Interieur2.
Ainsi Talaat, lorsqu'il decidait, decidait en son nom propre,
avec l'aval tacite du Comite central. Il n'avait pas a persuader
ses collègues de le laisser agir: il exprimait leur desir. De 1908 a
1915, Talaat fut progressivement gagne a l'ideologie panturquiste. Il
n'y fut pas toutefois pousse par un fanatisme aveugle mais par une
vision froide de la situation politique qui exigeait la disparition
de la communaute armenienne en tant que force politique et economique
de l'Empire.
Talaat avait au cours des congrès du Comite Union et Progrès tenus a
Salonique en 1910 et 1911 precise ses positions nationalistes. Lors
de la reunion secrète tenue en août 1910 il aurait declare : " Vous
n'ignorez pas que la Constitution affirmait l'egalite des musulmans
et des giavours, mais vous savez et estimez tous que c'est un ideal
irrealisable3. " Le congrès aurait adopte un programme centraliste
inspire du panturquisme, visant a supprimer - au besoin par la force
- les elements non-turcs de l'Empire. Lors du congrès d'octobre
1911 du Comite Union et Progrès a Salonique, les memes principes de
centralisation et de panturquisme furent reaffirmes4. Talaat conduisit
en mai 1914 la mission turque qui se rendit a Livadia en Crimee, après
la signature de l'accord russo-turc du 8 fevrier 1914 par lequel la
Turquie s'engageait envers la Russie a realiser des reformes dans
les provinces orientales. Il signa le 23 mai 1914 les contrats des
Inspecteurs generaux nommes par cet accord : le Norvegien Hoff et le
Hollandais Westenenk5.
Les rapports des diplomates allemands confirment la volonte de Talaat
d'aneantir les Armeniens : " Le ministre de l'Interieur Talaat bey,
a recemment declare (au docteur Mordtmann, en poste a l'ambassade
allemande de Constantinople que la Porte voulait profiter de la Guerre
mondiale pour en finir radicalement avec ses ennemis interieurs sans
etre genee par l'intervention diplomatique de l'etranger ", ecrit
le 17 juin 1915 le baron von Wangenheim6. Six semaines plus tard,
Talaat affirme a l'ambassadeur par interim, Hohenlohe : " La Question
armenienne n'existe plus7 ". Dans un entretien au journal allemand
Berliner Tageblatt, il aurait declare a propos des massacres armeniens
: " Nos actes nous ont ete dictes par une necessite historique et
nationale. Le principe de garantir l'existence de la Turquie doit
passer avant toute autre considerations8. " Dans un long rapport
adresse en octobre 1915 au ministre des Affaires etrangères allemand,
Ernst Jackh, partisan de l'amitie germano-turque, parle du " sentiment
inebranlable de confiance politique qu'exprimait Talaat au sujet de
la destruction du peuple armenien9 ".
Pourtant Talaat niait obstinement devant les ambassadeurs allemand et
autrichien avoir organise la destruction des Armeniens. L'ambassadeur
allemand considerait les deportations comme un pretexte a
l'extermination. Une semaine avant sa mort, le baron von Wangenheim
avisait en effet Berlin que les dementis de Talaat a propos des
massacres etaient un bluff. Son successeur, le comte Wolff-Metternich,
considerait Talaat comme un personnage " sans scrupules ", un "
homme double " (Doppelganger) : " Les protestations sont sans effet
et les dementis turcs sans valeur ", avait-il ecrit. L'ambassadeur
autrichien, Pallavicini, se plaignait a Vienne que Talaat " jetait de
la poudre aux yeux ". Il le decrivait egalement menant un double-jeu
(Doppelspiel) 10. Les consuls allemands etaient plus vehements
a l'egard des dementis de la Sublime Porte. Le consul d'Adana,
Buge, les qualifiait de " tromperie ehontee ", et celui de Mossoul,
Holstein, de " mensonges flagrants 11 ". Le consul d'Alep, Rossler,
s'indignait: " En verite, je ne peux pas en croire mes yeux lorsque je
lis cette declaration de dementi et je ne trouve pas d'expression pour
qualifier cet insondable mensonge12 ". Dans ses confidences faites en
prive a l'ambassadeur americain Morgenthau, Talaat s'exprimait plus
franchement : " Je vous ai demande de venir aujourd'hui, desirant
vous expliquer notre attitude a l'egard des Armeniens ; elle est
basee sur trois points distincts : en premier lieu, les Armeniens se
sont enrichis aux depens des Turcs ; secondement, ils ont resolu de
se soustraire a notre domination et de creer un Etat independant ;
enfin ils ont ouvertement aide nos ennemis, secouru les Russes dans le
Caucase et par la cause nos revers. Nous avons donc pris la decision
irrevocable de les rendre impuissants avant la fin de la guerre. [...]
Nous avons deja liquide la situation des trois-quarts des Armeniens ;
il n'y en a plus a Bitlis, ni a Van, ni a Erzeroum. La haine entre les
deux races est si intense qu'il nous faut en finir avec eux, sinon nous
devrons craindre leur vengeance13. " Cet aveu cynique etait interesse.
Talaat voulait se procurer la liste des Armeniens assures sur la
vie auprès de compagnies americaines afin de faire beneficier le
gouvernement turc de ces assurances, leurs titulaires ayant disparu
sans heritiers14. Le 19 septembre 1915, le Patriarche armenien de
Constantinople, Monseigneur Zaven, s'entretint avec Talaat. Celui-ci
lui expliqua que les Armeniens etaient responsables de la situation.
Il protesta de ses sentiments pro-armeniens : " Moi, j'aimais les
Armeniens, car je les savais utiles en tant qu'elements du pays, mais
c'est le contraire qui fut. Il est normal que j'aime encore plus ma
patrie que les Armeniens15. "
Quelques mois auparavant, Talaat avait ete plus franc avec le depute
armenien Vartkes qui pouvait se vanter d'etre son ami: " Aux jours de
notre faiblesse, après la reprise d'Andrinople, vous nous avez saute
a la gorge et avez ouvert la question des reformes armeniennes. Voila
pourquoi nous profiterons de la situation favorable dans laquelle
nous nous trouvons, pour disperser tellement votre peuple que vous
vous ôterez de la tete pour cinquante ans toute idee de reforme16. "
L'ambassadeur allemand Johann Bernstorff qui, en poste a Washington de
1908 a 1917 avait d'abord nie categoriquement les massacres armeniens,
les qualifiant de " pretendues atrocites ", reconnut que Talaat lui
avait dit plus tard, pour lever ses scrupules - a lui, Bernstorff -:
" Que diable voulez-vous ? La Question armenienne est resolue. Il n'y
a plus d'Armeniens17. " Bernstorff avait ete le dernier ambassadeur
allemand dans l'Empire ottoman (du 7 septembre 1917 au 27 octobre
1918). Talaat avait, on l'a vu, fait la meme declaration a son
predecesseur, le prince Hohenlohe18.
Ces declarations d'intention, contradictoires, demontrent le double-jeu
mais ne permettent pas d'impliquer directement Talaat. En revanche,
des telegrammes chiffres de Talaat ont ete produits au cours des
procès devant les Cours Martiales turques et des declarations
de fonctionnaires turcs ont corrobore les faits evoques dans ces
telegrammes. Le Ministre de l'Interieur tenait en effet deux langages.
L'un officiel où il presentait les edits imperiaux, les lois et les
mesures gouvernementales comme autant de preuves des bonnes intentions
du pouvoir a l'egard des Armeniens.
L'autre, secret, a son domicile personnel qui contrastait avec le
somptueux palais d'Enver. La, dans son bureau modestement meuble,
etait installe un appareil telegraphique qu'il pianotait19. Le
personnage officiel presentait aux requetes des diplomates la loi sur
la deportation promulguee le 19 mai 1915 (dont seuls quatre articles
sur huit furent publies20), ou des telegrammes qu'il adressait aux
autorites provinciales et qui prouvaient que le gouvernement central
etait soucieux de prevenir les excès dont les Armeniens etaient
victimes et de veiller au ravitaillement des deportes ) pendant leur
voyage21, tandis que le militant de l'Ittihad organisait dans l'ombre
l'extermination d'un peuple.
Le 2 avril 1919, le ministre de l'Interieur du gouvernement )
Damad Ferid pacha, Djemal, faisait remettre au procureur general du
Tribunal militaire quarante-deux telegrammes envoyes aux differentes
prefectures entre le 1er mai 1915 et avril 1917 par le ministère de
l'Interieur. Ces documents, adresses sur requete de la Commission
Mazhar par la prefecture d'Angora, etaient des copies portant la
mention "Conforme a l'original" et, sur certaines, figuraient deux
signatures, l'une de Talaat, l'autre d'un de ses secretaires de
cabinet22. Ils traitaient, comme les documents Andonian, des mesures
a prendre contre les Armeniens.
Plus tard, Talaat adressa des circulaires aux fonctionnaires des
provinces, exigeant que lui soient renvoyes tous les originaux et les
copies des documents officiels concernant les ordres de deportation
et d'extermination des Armeniens, ainsi que les informations
transmises aux fonctionnaires subalternes et le recensement des
Armeniens massacres. Certains vali n'executèrent pas cet ordre et se
contentèrent de renvoyer les copies en conservant les originaux par
devers eux - ou meme des copies qu'ils avaient fait etablir - afin de
pouvoir se disculper ulterieurement en pretextant qu'ils n'avaient
fait que se conformer aux ordres recus. D'autres telegrammes ayant
echappe a la destruction furent decouverts lors de la perquisition
au siège central de Nouri Osmanie23. En 1915, le sous-secretaire au
ministère de l'Interieur, Ali Munif, forma une commission a laquelle
participèrent plusieurs dirigeants unionistes, dont Ismaïl Djambolat,
chef de la Securite interieure. Cette commission confia au docteur
Tewfik Rouchdou, beau-frère du docteur Nazim et membre du Conseil
supreme de la Sante, la mission de se rendre dans les provinces
orientales afin de detruire les cadavres entasses. Le docteur Rouchdou
examina les lieux et se procura plusieurs tonnes de chaux. Les puits
furent remplis de cadavres ; au-dessus on placa des couches de chaux
recouvertes de terre. Le docteur Rouchdou mit six mois pour accomplir
cette tâche macabre24.
Talaat regnait en maître sur le corps administratif qu'il contrôlait.
Il en deplacait ou en sanctionnait les membres a sa guise. Il avait,
comme le confirment les telegrammes remis a Andonian, garanti aux
fonctionnaires l'impunite dans les massacres d'Armeniens, et il tint
parole. L'ancien depute de Trebizonde, Hafiz Mehmed bey, declara dans
sa deposition devant la Commission Mazhar que, bien qu'il ait tenu
Talaat au courant de la noyade dans la mer Noire des Armeniens de
cette ville, aucune mesure ne fut entreprise contre le vali, Djemal
Azmi25. Les minutes du procès de Yozgad permettent de comprendre les
decisions administratives que prenait le ministère de l'Interieur a
l'egard des fonctionnaires recalcitrants et comment les fonctionnaires
qui appliquaient les ordres d'extermination se sentaient couverts
par leurs superieurs. Nous avons vu que le vali d'Angora, Mazhar bey,
avait ete demis de son poste et remplace par Atif bey, delegue special
de l'Ittihad a Angora.
Un notable turc d'Angora, Radi bey, intervint auprès d'Atif en faveur
d'un notable armenien de cette ville. Il recut cette reponse d'Atif:
" J'ai l'ordre de mon superieur. [...] Les Armeniens ne doivent pas
vivre. " Radi bey declara egalement que Nedjati bey qui avait remplace
Atif comme secretaire responsable de l'Ittihad a Angora presida une
commission chargee de juger le chef de la police, Behaeddine bey,
accuse d'avoir vole des bijoux appartenant a des Armeniens26. A la
onzième session du procès de Yozgad, le 5 mars 1919, le mutessarif de
cette ville, Djemal, affirma sous serment que Nedjati bey lui montra
en 1915 un ordre secret ecrit de la main d'Atif sur lequel il lui
etait prescrit selon la volonte de l'Ittihad d'organiser le massacre
des Armeniens du vilayet . Djemal refusa de prendre ses ordres de
l'Ittihad. Il fut demis de ses fonctions dans les deux semaines. Le
principal accuse du procès de Yozgad, Kemal, qui succeda plus tard
a Djemal, et qui etait alors kaïmakam de Boghazlian - donc sous
les ordres de Djemal - affirma que les ordres d'extermination des
Armeniens venaient du gouvernement central.
A l'occasion de la celebration de la constitution, le 23juin 1915, un
grand banquet fut organise a Yozgad. Y assistaient Nedjati bey et tous
les fonctionnaires mililitaires et civils de la ville, ainsi que des
personnalites unionistes et des Turcs influents. Au cours du banquet,
Nedjati bey, rappela au capitaine albanais Selim bey, commandant de
la garnison, qu'il devait obeir aux ordres et instructions provenant
du ministère de l'Interieur et du gouvernement d'Angora d'exterminer
les Armeniens de la region de Yozgad. Selim bey refusa. Devenu
vice-mutessarif de Yozgad, le 6 août 1915, Kemal menaca Selim bey de
pendaison car il s'obstinait a refuser de signer l'ordre de massacrer
les Armeniens. Peu après, Selim bey fut revoque par decision du
ministère de l'Interieur, sur plainte du Comite Union et Progrès27.
Les fonctionnaires qui n'executaient pas les ordres furent en effet
rapidement destitues. Outre Mazhar, Djemal et Selim (dans le vilayet
d'Angora), Rechid, vali de Kastamouni, Djelal, vali d'Alep, Ali Souad,
mutessarif de Deir-ez-Zor. Le caïmakam de Midiat fut assassine par
les soins du vali de Diarbekir, le docteur Rechid. Faïz el-Ghocein,
qui avait exerce les fonction de kaïmakam dans le vilayet de Kharpout,
puis dans celui de Damas, avait ete emprisonne a Diarbekir comme
nationaliste arabe. Il obtint des revelations sur les crimes commis
par le docteur Rechid. Il apprit que deux fonctionnaires arabes avaient
ete destitues par le vali puis assassines lors de leur transfert. Ces
fonctionnaires s'etaient opposes a ses ordres28. Le meme Rechid,
ce " fauve dechaîne " dont le consul allemand Holstein demandait la
revocation immediate29, fut en effet arrete et juge en 1916 non pour
ses activites criminelles mais pour avoir detourne a son profit le
butin pris a ses victimes30.
Talaat, rappelait le 30 septembre 1915 le correspondant de presse
allemand V. Tyszka, etait anime " d'une volonte de fer " : " Il ne
recule pas devant les mesures les plus extremes pourvu que lui-meme
les trouve justes. [II ne] se laisse influencer par personne [et]
considère que la fin justifie les moyens31 ". Ainsi Talaat n'hesitait
pas a ordonner des fraudes: photographies falsifiees et caches
d'armes fabriquees. EI-Ghocein rapporte le recit d'un militaire
turc, Chahin bey, qui avait participe au massacre d'un convoi de
deportes a Diarbekir. Dès que les gendarmes eurent tue plusieurs
hommes armeniens, ils leur mirent des turbans et amenèrent des femmes
kurdes pour pleurer et se lamenter sur les cadavres. Chahin bey fit
alors venir un photographe pour prendre un cliche de la scène afin
de convaincre l'Europe que les Armeniens avaient attaque les Kurdes
et les avaient tues, et que si les tribus kurdes se vengeaient,
ce n'etait pas le problème du gouvernement32. L'ancien vice-consul
britannique de Diarbekir, en poste dans cette ville pendant dix-neuf
ans avant la guerre, affirme que cette photographie etait falsifiee.
Il precise le lieu où le crime fut commis et detaille les methodes
de propagande gouvernementale33.
Andonian cite un autre cas de falsification de photographies. Il parle
d'un volume publie par le gouvernement et qui contient des documents
apocryphes sur la culpabilite armenienne. Il cite un exemple : " Dans
ce volume se trouvent trois photographies, lesquelles, soi-disant,
reproduisent les cadavres de Kurdes qui auraient ete tues près de
Diarbekir par des bandits armeniens. Mais ce sont en realite des
cadavres d'Armeniens massacres revetus de costumes kurdes après leur
egorgement et photographies. On y a ajoute, avec une delicatesse
raffinee, quelques femmes kurdes pleurant sur les cadavres34. "
Naïm bey rappelle, a propos d'un ordre secret, qu'on demandait aux
fonctionnaires d'extorquer de faux aveux de preparatifs de revolte dans
la region de Deurt-Yol, Hadjin et de Mersine35. De meme, les ordres du
ministère de l'Interieur concernant les photographies prises par les
etrangers sont confirmes par une lettre, en francais, du commissaire
militaire a l'ingenieur en chef du chemin de fer de Bagdad exigeant que
soient remis sous quarante-huit heures les cliches des photographies
et les doubles36. Rafaël de Nogalès, officier venezuelien attache
a l'armee turque durant la guerre, rapporte dans son livre, Cuatro
años bajo la media luna [Quatre ans sous le Croissant], des scènes
de massacres dans les regions de Van et de Bitlis37. Il revèle qu'a
Diarbekir furent prises deux photographies montrant " un empilement
d'armes supposees trouvees dans des maisons armeniennes et meme dans
des eglises armeniennes. Un examen attentif de ces photographies
revelait a l'evidence que l'ensemble tait compose de fusils de chasse
recouverts par une couche d'armes de guerre38. " " Pour ce qui est
des armes que les Turcs ont trouvees chez les Armeniens, c'etait,
dans la plupart des cas, celles-la meme qu'ils avaient recues des
Turcs en 1908 pour aider le Comite a lutter contre la reaction39. "
Lorsqu'en 1922, le Haut-commissaire britannique, Sir Nevil Henderson,
transmit a Londres des telegrammes officiels de Talaat où ce
dernier apparaissait soucieux de reloger les deportes, il ajouta
ce commentaire: " Ils meritent l'etre lus et conserves comme une
illustration eclatante des methodes et de la mentalite turques,
Se demander s'ils etaient contremandes par des ordres secrets ou
simplement rediges par ce qu'il etait certain que la sauvagerie
et la durete naturelle [sous-entendu de ceux qui les recevaient]
les rendraient sans valeur, serait une speculation academique40. "
Talaat decommandait regulièrement ses ordres fictifs. Dans les
documents du Foreign Office se trouvent les recits de quatre
officiers arabes ayant servi dans l'armee turque. L'un d'eux,
le lieutenant Saïd Ahmed Moukhtar Ba'aj, qui avait fait partie de
la Cour martiale a Trebizonde en juillet 1915 declare : " Un ordre
fut recu de deporter vers l'interieur tous les Armeniens se trouvant
dans la province de Trebizonde, Etant un membre de la Cour martiale,
je savais que deportation signifiait massacres. " Et il ajoute :
" Outre l'ordre de deportation [...] il fut emis un irade imperial
exigeant que tous les deserteurs repris soient fusilles sans procès,
L'ordre secret dit "Armeniens" a la place de "deserteurs". "
Ce document confirme que le gouvernement emettait des ordres a
deux niveaux : des commandements publics, a titre de propagande ;
des commandements prives, qui revelaient ses intentions veritables,
qu'il avait toujours eu l'habitude de cacher aux yeux des etrangers,
et meme de ses amis41. On s'explique ainsi que les responsables du
Comite Union et Progrès aient pris soin de faire disparaître ces
documents au cours de la guerre.
Plus tard, l'ambassade britannique a Constantinople revela que la
disparition de documents impliquant les Turcs refugies en Allemagne ou
en Suisse, ou les detenus de Malte, avait ete arrangee par des leaders
nationalistes locaux. Raouf bey avait demande de facon urgente la
destruction des documents compromettants. Il est evident que Raouf
bey avait deja organise la destruction des documents l'impliquant
lui-meme ainsi qu'Enver pacha42.
" D'après mon experience et celle de tous ceux qui connaissent un
tant soit peu la Turquie, aucun massacre ne se produit en Turquie,
sauf lorsque le gouvernement fait savoir qu'il desire un massacre "
ecrivait a Lloyd Georges en septembre 1915 Philip Graves, correspondant
du Times a Constantinople43. Il est certain que tous les ordres
exigeant la deportation et le massacre des Armeniens vinrent d'en
haut, c'est-a-dire qu'ils furent emis par le ministre de l'Interieur,
Talaat pacha. De meme, aucun fonctionnaire turc ne fut pendant ces
annees de guerre reprimande ou puni pour avoir outrepasse ces ordres,
mais certains pour ne pas les avoir executes.
Le ministre des Affaires etrangères russe, Sazonov, se souvenait avoir
rencontre Talaat a Livadia en mai 1914 : " Cela me permit d'observer
cet homme qui peut etre considere sans exageration comme un des
plus grands scelerats de l'histoire du monde. Monsieur de Giers,
notre ambassadeur a Constantinople, [...], [m'avait averti] que je
ne devais pas croire un seul mot de tout ce que pourrait me dire ce
personnage44. " retour sommaire suite
1) Justicier..., op. cit., p. 266
2) On voit mal comment Talaat aurait continue a adresser en fèvrier
et mars 1917 des telegrammes comme ministre de l'Interieur ainsi que
le supposeraient les corrections de dates proposees par Dadrian.
3) B. LEWIS cite cette declaration mais precise que les editeurs
anglais qui publient le rapport de ce congrès doutent de son
authenticite {op. cit., p. 192).
4) J. LEPSIUS, op. cit., p. 247.
5) Y. TERNON, Les Armeniens, histoire d'un genocide, Paris, Seuil,
1979, pp. 188-190.
6) Archives du genocide des Armeniens, op. cit., p. 57 (sera cite
plus loin sous la reference Archives...).
7) DAD[1], note 36, pp.348-349.
8) Z. MESSERLIAN, The Premeditated Nature of the Genocide Perpetrated
on the Armenians, Beyrouth, 1980, p. 158. Cette citation se refère au
rapport d'A. TOYNBEE dans le Livre bleu anglais : The Treatment of
Armenians in the Ottoman Empire, 1915-1916, Londres, 1916 (reed. :
Beyrouth, 1972) ; traduction francaise Laval, 1916 (reed. Paris,
Payot, 1987).
9) DAD.[1], note 36, p.349.
10) Ibid., note 37
11) Archives..., op. cit., p. 145, pour la première citation, et
DAD[1], note 38, p. 349, pour la seconde.
12) DAD[1], ibid.
13) H. MORGENTHAU, Memoires, Paris, 1919, pp. 290-291 (reed .Paris,
Flammarion,1984).
14) Ibid., p. 292.
15) Entretiens du patriarche Zaven avec Talaat, Saïd Halim et Ibrahim
bey (ministre de la Justice) parus dans 1915-1965 Houshamadian Medz
Yeghernee [Memorial du grand crime], op. cit., pp.259-265.
16) J. LEPSIUS, op. cit., p.220.
17) DAD[1], p.343.
18) Cf. supra, note 7 de ce chapitre. Le prince Hohenlohe avait
precise que c'est en invoquant les soucis du gouvernement de proteger
les deportes que Talaat avait fait cette declaration.
19) H. MORGENTHAU, op. cit., pp. 130-131 et p. 134.
20) Le crime de silence, op. cit., pp. 81-82
21) Archives..., op. cit., p. 144 (rapport du prince Hohenlohe du
4 septembre 1915) C'est ce type de pièces, dûment archivees, que
ressortent les membres de la Societe turque d'Histoire pour affirmer
qu'ils detiennent des preuves " authentiques " de l'innocence du
gouvernement jeune-turc.
22) KRI.[1], doc. J.
23) KRI [2], doc. K, L et P..
24) V DADRIAN, " The Role of Turkish Physicians in the World War
I Genocide of Ottoman Armenians ", Holocaust and Genocide Studies
(New York), vol.I, n° 2, 1986, pp. 169-192 (cet article sera cite
plus loin sous la reference DAD[2])
25) Acte d'accusation du procès des Unionistes, Justicier..., op. cit.,
p. 267
26) KRI.[2], p. 387.
27) La Renaissance (Constantinople), 20 fevrier 1919.
28) F. EL GHOCEIN, Les massacres en Armenie turque, Beyrouth, 1917,
p.47.
29) Archives..., op. cit., pp. 107-108.
30) DAD[2], p. 175 Rechid fut ensuite nomme vali d'Angora. Puis il
fut arrete après la guerre et il se suicida en prison en fevrier 1919.
31) Archives..., op. cit., p. 152
32) F. EL GHOCEIN, op. cit., pp. 37-38.
33) DAD.[1], p. 318
34) A. ANDONIAN, op. cit., p. 152
35) Ibid., p. 153.
36) Lettre du 10 septembre 1915 (Archive..., op. cit., p. 146)
37) Cite par H. VIERBuCHER, Armenie 1915 [Hambourg, 1930-1934],
traduction francaise :L. Gessarentz, Montelimar, 1987, pp. 78-79
38) R. DE NOGALES, Cuatro años bajo la media luna, Buenos Aires, 1924 ;
traduction anglaise Four Years Beneath the Crescent, New York, 1926,
pp. 139-140 de cette traduction.
39) Archives..., op. cit., p. 153
40) Document du Foreign Office FO 371/ 9158, folio 106-7, 22 mai 1923.
41) FO 371/2781, cite dans Le crime de silence, op. cit., pp.93-95.
42) FO 371/51663206, cite dans Le crime de silence, op. cit., p. 96.
43) Ibid., p. 92
44) S. SAZONOV, Les annees fatales, Paris, Payot, 1927, pp. 141-142.
Sources/References
Ternon, Yves. Enquete sur la negation d'un genocide, Marseille,
Parenthèses, 1989 Description : 229 p. couv. ill. 24 cm ISBN
: 2-86364-052-6 72, cours Julien 13006 Marseille (France)
[email protected]
Mentions
© Editions Parenthèses. Reproduction interdite sauf pour usage
personnel.
Nous remercions Yves Ternon et les editions Parenthèsed de nous avoir
autorises a reproduire ce livre
Retour a la rubrique
Source/Lien : Imprescriptible.fr
From: A. Papazian
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74841
Publie le : 07-08-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette information publiee sur le site Imprescriptible.
Imprescriptible
Troisième partie: l'organisation du mensonge
Chapitre III Le grand ordonnateur : Talaat Pacha
L'acte d'accusation presente a la Cour martiale de Constantinople le
12 avril 1919 considère que le comportement criminel de Talaat est
prouve par sa connaissance massacres et ses ordres les concernant,
et le declare principal co-responsable de ces massacres. Il cite
pour nontrer cette affirmation un telegramme chiffre date du juillet
[1]331 [1915] adresse par Talaat aux vali et mutessarif de Diarbekir,
Kharpout, Ourfa et Deir-ez-Zor, et " concernant l'ordre de faire
enterrer les morts restes sur routes au lieu de jeter les cadavres
dans les ravins, lacs fleuves, et de brûler les effets abandonnes par
eux sur chemins1 ". En fait le ministre de l'Interieur du gouvernement
Saïd Halim apparaît a toutes les phases de l'operation comme l'homme
cle sans lequel aucune mesure n'aurait pu etre adoptee ni aucun
ordre execute. Il affirma publiquement son intention d'aneantir les
Armeniens de l'Empire ottoman. Il organisa et premedita ce crime. Il en
surveilla les phases d'execution et prit a l'egard des fonctionnaires
recalcitrants des mesures de retorsion. Tout au long du processus,
Talaat apparut a ses interlocuteurs et ses correspondants, un homme
double, celui qui affirme ici ce qu'il nie la, qui publie un decret
officiel pour cacher une operation secrète, qui promet pour mieux se
retracter. Bref, un menteur consomme.
On ne saurait toutefois demeurer sur cette conception sommaire
de l'homme qui fut, avec Enver, le veritable chef du Comite Union
et Progrès. Enver pacha s'efforca d'occuper le devant de la scène
politique. Il porte la responsabilite d'avoir fait entrer la Turquie
dans la Guerre mondiale. Il fut un partisan fanatique du touranisme,
mais sa position s'affaiblit au cours de la guerre avec les defaites
des armees ottomanes. Talaat, au contraire, demeura un conciliateur,
celui vers lequel se tournaient les differentes factions du Comite
central du Parti pour etablir un consensus. Talaat joua donc le rôle
de l'element fixe, du noyau du Parti.
Le troisième membre du triumvirat, Djemal, eut une responsabilite
moindre. De meme, le premier Ministre, Saïd Halim, fut un pantin entre
les mains du Comite central. En effet, les forces qui animaient le
Comite Union et Progrès s'exprimaient au sein du Comite central où
Talaat intervint comme moderateur. Le cercle du pouvoir se retrecit
en fait regulièrement de la fin de 1915 au debut de 1917. Saïd Halim
demissionna le 21 janvier 1917 et sa demission fut acceptee par
le secretaire du Comite Union et Progrès, Midhat Choukrou. Talaat
refusa de continuer a occuper le poste de ministre de l'Interieur,
pretextant les difficultes qu'il avait eues avec l'armee. Il devint
Grand vizir et Ismaïl Djambolat, un ancien militaire, occupa le poste
de ministre de l'Interieur2.
Ainsi Talaat, lorsqu'il decidait, decidait en son nom propre,
avec l'aval tacite du Comite central. Il n'avait pas a persuader
ses collègues de le laisser agir: il exprimait leur desir. De 1908 a
1915, Talaat fut progressivement gagne a l'ideologie panturquiste. Il
n'y fut pas toutefois pousse par un fanatisme aveugle mais par une
vision froide de la situation politique qui exigeait la disparition
de la communaute armenienne en tant que force politique et economique
de l'Empire.
Talaat avait au cours des congrès du Comite Union et Progrès tenus a
Salonique en 1910 et 1911 precise ses positions nationalistes. Lors
de la reunion secrète tenue en août 1910 il aurait declare : " Vous
n'ignorez pas que la Constitution affirmait l'egalite des musulmans
et des giavours, mais vous savez et estimez tous que c'est un ideal
irrealisable3. " Le congrès aurait adopte un programme centraliste
inspire du panturquisme, visant a supprimer - au besoin par la force
- les elements non-turcs de l'Empire. Lors du congrès d'octobre
1911 du Comite Union et Progrès a Salonique, les memes principes de
centralisation et de panturquisme furent reaffirmes4. Talaat conduisit
en mai 1914 la mission turque qui se rendit a Livadia en Crimee, après
la signature de l'accord russo-turc du 8 fevrier 1914 par lequel la
Turquie s'engageait envers la Russie a realiser des reformes dans
les provinces orientales. Il signa le 23 mai 1914 les contrats des
Inspecteurs generaux nommes par cet accord : le Norvegien Hoff et le
Hollandais Westenenk5.
Les rapports des diplomates allemands confirment la volonte de Talaat
d'aneantir les Armeniens : " Le ministre de l'Interieur Talaat bey,
a recemment declare (au docteur Mordtmann, en poste a l'ambassade
allemande de Constantinople que la Porte voulait profiter de la Guerre
mondiale pour en finir radicalement avec ses ennemis interieurs sans
etre genee par l'intervention diplomatique de l'etranger ", ecrit
le 17 juin 1915 le baron von Wangenheim6. Six semaines plus tard,
Talaat affirme a l'ambassadeur par interim, Hohenlohe : " La Question
armenienne n'existe plus7 ". Dans un entretien au journal allemand
Berliner Tageblatt, il aurait declare a propos des massacres armeniens
: " Nos actes nous ont ete dictes par une necessite historique et
nationale. Le principe de garantir l'existence de la Turquie doit
passer avant toute autre considerations8. " Dans un long rapport
adresse en octobre 1915 au ministre des Affaires etrangères allemand,
Ernst Jackh, partisan de l'amitie germano-turque, parle du " sentiment
inebranlable de confiance politique qu'exprimait Talaat au sujet de
la destruction du peuple armenien9 ".
Pourtant Talaat niait obstinement devant les ambassadeurs allemand et
autrichien avoir organise la destruction des Armeniens. L'ambassadeur
allemand considerait les deportations comme un pretexte a
l'extermination. Une semaine avant sa mort, le baron von Wangenheim
avisait en effet Berlin que les dementis de Talaat a propos des
massacres etaient un bluff. Son successeur, le comte Wolff-Metternich,
considerait Talaat comme un personnage " sans scrupules ", un "
homme double " (Doppelganger) : " Les protestations sont sans effet
et les dementis turcs sans valeur ", avait-il ecrit. L'ambassadeur
autrichien, Pallavicini, se plaignait a Vienne que Talaat " jetait de
la poudre aux yeux ". Il le decrivait egalement menant un double-jeu
(Doppelspiel) 10. Les consuls allemands etaient plus vehements
a l'egard des dementis de la Sublime Porte. Le consul d'Adana,
Buge, les qualifiait de " tromperie ehontee ", et celui de Mossoul,
Holstein, de " mensonges flagrants 11 ". Le consul d'Alep, Rossler,
s'indignait: " En verite, je ne peux pas en croire mes yeux lorsque je
lis cette declaration de dementi et je ne trouve pas d'expression pour
qualifier cet insondable mensonge12 ". Dans ses confidences faites en
prive a l'ambassadeur americain Morgenthau, Talaat s'exprimait plus
franchement : " Je vous ai demande de venir aujourd'hui, desirant
vous expliquer notre attitude a l'egard des Armeniens ; elle est
basee sur trois points distincts : en premier lieu, les Armeniens se
sont enrichis aux depens des Turcs ; secondement, ils ont resolu de
se soustraire a notre domination et de creer un Etat independant ;
enfin ils ont ouvertement aide nos ennemis, secouru les Russes dans le
Caucase et par la cause nos revers. Nous avons donc pris la decision
irrevocable de les rendre impuissants avant la fin de la guerre. [...]
Nous avons deja liquide la situation des trois-quarts des Armeniens ;
il n'y en a plus a Bitlis, ni a Van, ni a Erzeroum. La haine entre les
deux races est si intense qu'il nous faut en finir avec eux, sinon nous
devrons craindre leur vengeance13. " Cet aveu cynique etait interesse.
Talaat voulait se procurer la liste des Armeniens assures sur la
vie auprès de compagnies americaines afin de faire beneficier le
gouvernement turc de ces assurances, leurs titulaires ayant disparu
sans heritiers14. Le 19 septembre 1915, le Patriarche armenien de
Constantinople, Monseigneur Zaven, s'entretint avec Talaat. Celui-ci
lui expliqua que les Armeniens etaient responsables de la situation.
Il protesta de ses sentiments pro-armeniens : " Moi, j'aimais les
Armeniens, car je les savais utiles en tant qu'elements du pays, mais
c'est le contraire qui fut. Il est normal que j'aime encore plus ma
patrie que les Armeniens15. "
Quelques mois auparavant, Talaat avait ete plus franc avec le depute
armenien Vartkes qui pouvait se vanter d'etre son ami: " Aux jours de
notre faiblesse, après la reprise d'Andrinople, vous nous avez saute
a la gorge et avez ouvert la question des reformes armeniennes. Voila
pourquoi nous profiterons de la situation favorable dans laquelle
nous nous trouvons, pour disperser tellement votre peuple que vous
vous ôterez de la tete pour cinquante ans toute idee de reforme16. "
L'ambassadeur allemand Johann Bernstorff qui, en poste a Washington de
1908 a 1917 avait d'abord nie categoriquement les massacres armeniens,
les qualifiant de " pretendues atrocites ", reconnut que Talaat lui
avait dit plus tard, pour lever ses scrupules - a lui, Bernstorff -:
" Que diable voulez-vous ? La Question armenienne est resolue. Il n'y
a plus d'Armeniens17. " Bernstorff avait ete le dernier ambassadeur
allemand dans l'Empire ottoman (du 7 septembre 1917 au 27 octobre
1918). Talaat avait, on l'a vu, fait la meme declaration a son
predecesseur, le prince Hohenlohe18.
Ces declarations d'intention, contradictoires, demontrent le double-jeu
mais ne permettent pas d'impliquer directement Talaat. En revanche,
des telegrammes chiffres de Talaat ont ete produits au cours des
procès devant les Cours Martiales turques et des declarations
de fonctionnaires turcs ont corrobore les faits evoques dans ces
telegrammes. Le Ministre de l'Interieur tenait en effet deux langages.
L'un officiel où il presentait les edits imperiaux, les lois et les
mesures gouvernementales comme autant de preuves des bonnes intentions
du pouvoir a l'egard des Armeniens.
L'autre, secret, a son domicile personnel qui contrastait avec le
somptueux palais d'Enver. La, dans son bureau modestement meuble,
etait installe un appareil telegraphique qu'il pianotait19. Le
personnage officiel presentait aux requetes des diplomates la loi sur
la deportation promulguee le 19 mai 1915 (dont seuls quatre articles
sur huit furent publies20), ou des telegrammes qu'il adressait aux
autorites provinciales et qui prouvaient que le gouvernement central
etait soucieux de prevenir les excès dont les Armeniens etaient
victimes et de veiller au ravitaillement des deportes ) pendant leur
voyage21, tandis que le militant de l'Ittihad organisait dans l'ombre
l'extermination d'un peuple.
Le 2 avril 1919, le ministre de l'Interieur du gouvernement )
Damad Ferid pacha, Djemal, faisait remettre au procureur general du
Tribunal militaire quarante-deux telegrammes envoyes aux differentes
prefectures entre le 1er mai 1915 et avril 1917 par le ministère de
l'Interieur. Ces documents, adresses sur requete de la Commission
Mazhar par la prefecture d'Angora, etaient des copies portant la
mention "Conforme a l'original" et, sur certaines, figuraient deux
signatures, l'une de Talaat, l'autre d'un de ses secretaires de
cabinet22. Ils traitaient, comme les documents Andonian, des mesures
a prendre contre les Armeniens.
Plus tard, Talaat adressa des circulaires aux fonctionnaires des
provinces, exigeant que lui soient renvoyes tous les originaux et les
copies des documents officiels concernant les ordres de deportation
et d'extermination des Armeniens, ainsi que les informations
transmises aux fonctionnaires subalternes et le recensement des
Armeniens massacres. Certains vali n'executèrent pas cet ordre et se
contentèrent de renvoyer les copies en conservant les originaux par
devers eux - ou meme des copies qu'ils avaient fait etablir - afin de
pouvoir se disculper ulterieurement en pretextant qu'ils n'avaient
fait que se conformer aux ordres recus. D'autres telegrammes ayant
echappe a la destruction furent decouverts lors de la perquisition
au siège central de Nouri Osmanie23. En 1915, le sous-secretaire au
ministère de l'Interieur, Ali Munif, forma une commission a laquelle
participèrent plusieurs dirigeants unionistes, dont Ismaïl Djambolat,
chef de la Securite interieure. Cette commission confia au docteur
Tewfik Rouchdou, beau-frère du docteur Nazim et membre du Conseil
supreme de la Sante, la mission de se rendre dans les provinces
orientales afin de detruire les cadavres entasses. Le docteur Rouchdou
examina les lieux et se procura plusieurs tonnes de chaux. Les puits
furent remplis de cadavres ; au-dessus on placa des couches de chaux
recouvertes de terre. Le docteur Rouchdou mit six mois pour accomplir
cette tâche macabre24.
Talaat regnait en maître sur le corps administratif qu'il contrôlait.
Il en deplacait ou en sanctionnait les membres a sa guise. Il avait,
comme le confirment les telegrammes remis a Andonian, garanti aux
fonctionnaires l'impunite dans les massacres d'Armeniens, et il tint
parole. L'ancien depute de Trebizonde, Hafiz Mehmed bey, declara dans
sa deposition devant la Commission Mazhar que, bien qu'il ait tenu
Talaat au courant de la noyade dans la mer Noire des Armeniens de
cette ville, aucune mesure ne fut entreprise contre le vali, Djemal
Azmi25. Les minutes du procès de Yozgad permettent de comprendre les
decisions administratives que prenait le ministère de l'Interieur a
l'egard des fonctionnaires recalcitrants et comment les fonctionnaires
qui appliquaient les ordres d'extermination se sentaient couverts
par leurs superieurs. Nous avons vu que le vali d'Angora, Mazhar bey,
avait ete demis de son poste et remplace par Atif bey, delegue special
de l'Ittihad a Angora.
Un notable turc d'Angora, Radi bey, intervint auprès d'Atif en faveur
d'un notable armenien de cette ville. Il recut cette reponse d'Atif:
" J'ai l'ordre de mon superieur. [...] Les Armeniens ne doivent pas
vivre. " Radi bey declara egalement que Nedjati bey qui avait remplace
Atif comme secretaire responsable de l'Ittihad a Angora presida une
commission chargee de juger le chef de la police, Behaeddine bey,
accuse d'avoir vole des bijoux appartenant a des Armeniens26. A la
onzième session du procès de Yozgad, le 5 mars 1919, le mutessarif de
cette ville, Djemal, affirma sous serment que Nedjati bey lui montra
en 1915 un ordre secret ecrit de la main d'Atif sur lequel il lui
etait prescrit selon la volonte de l'Ittihad d'organiser le massacre
des Armeniens du vilayet . Djemal refusa de prendre ses ordres de
l'Ittihad. Il fut demis de ses fonctions dans les deux semaines. Le
principal accuse du procès de Yozgad, Kemal, qui succeda plus tard
a Djemal, et qui etait alors kaïmakam de Boghazlian - donc sous
les ordres de Djemal - affirma que les ordres d'extermination des
Armeniens venaient du gouvernement central.
A l'occasion de la celebration de la constitution, le 23juin 1915, un
grand banquet fut organise a Yozgad. Y assistaient Nedjati bey et tous
les fonctionnaires mililitaires et civils de la ville, ainsi que des
personnalites unionistes et des Turcs influents. Au cours du banquet,
Nedjati bey, rappela au capitaine albanais Selim bey, commandant de
la garnison, qu'il devait obeir aux ordres et instructions provenant
du ministère de l'Interieur et du gouvernement d'Angora d'exterminer
les Armeniens de la region de Yozgad. Selim bey refusa. Devenu
vice-mutessarif de Yozgad, le 6 août 1915, Kemal menaca Selim bey de
pendaison car il s'obstinait a refuser de signer l'ordre de massacrer
les Armeniens. Peu après, Selim bey fut revoque par decision du
ministère de l'Interieur, sur plainte du Comite Union et Progrès27.
Les fonctionnaires qui n'executaient pas les ordres furent en effet
rapidement destitues. Outre Mazhar, Djemal et Selim (dans le vilayet
d'Angora), Rechid, vali de Kastamouni, Djelal, vali d'Alep, Ali Souad,
mutessarif de Deir-ez-Zor. Le caïmakam de Midiat fut assassine par
les soins du vali de Diarbekir, le docteur Rechid. Faïz el-Ghocein,
qui avait exerce les fonction de kaïmakam dans le vilayet de Kharpout,
puis dans celui de Damas, avait ete emprisonne a Diarbekir comme
nationaliste arabe. Il obtint des revelations sur les crimes commis
par le docteur Rechid. Il apprit que deux fonctionnaires arabes avaient
ete destitues par le vali puis assassines lors de leur transfert. Ces
fonctionnaires s'etaient opposes a ses ordres28. Le meme Rechid,
ce " fauve dechaîne " dont le consul allemand Holstein demandait la
revocation immediate29, fut en effet arrete et juge en 1916 non pour
ses activites criminelles mais pour avoir detourne a son profit le
butin pris a ses victimes30.
Talaat, rappelait le 30 septembre 1915 le correspondant de presse
allemand V. Tyszka, etait anime " d'une volonte de fer " : " Il ne
recule pas devant les mesures les plus extremes pourvu que lui-meme
les trouve justes. [II ne] se laisse influencer par personne [et]
considère que la fin justifie les moyens31 ". Ainsi Talaat n'hesitait
pas a ordonner des fraudes: photographies falsifiees et caches
d'armes fabriquees. EI-Ghocein rapporte le recit d'un militaire
turc, Chahin bey, qui avait participe au massacre d'un convoi de
deportes a Diarbekir. Dès que les gendarmes eurent tue plusieurs
hommes armeniens, ils leur mirent des turbans et amenèrent des femmes
kurdes pour pleurer et se lamenter sur les cadavres. Chahin bey fit
alors venir un photographe pour prendre un cliche de la scène afin
de convaincre l'Europe que les Armeniens avaient attaque les Kurdes
et les avaient tues, et que si les tribus kurdes se vengeaient,
ce n'etait pas le problème du gouvernement32. L'ancien vice-consul
britannique de Diarbekir, en poste dans cette ville pendant dix-neuf
ans avant la guerre, affirme que cette photographie etait falsifiee.
Il precise le lieu où le crime fut commis et detaille les methodes
de propagande gouvernementale33.
Andonian cite un autre cas de falsification de photographies. Il parle
d'un volume publie par le gouvernement et qui contient des documents
apocryphes sur la culpabilite armenienne. Il cite un exemple : " Dans
ce volume se trouvent trois photographies, lesquelles, soi-disant,
reproduisent les cadavres de Kurdes qui auraient ete tues près de
Diarbekir par des bandits armeniens. Mais ce sont en realite des
cadavres d'Armeniens massacres revetus de costumes kurdes après leur
egorgement et photographies. On y a ajoute, avec une delicatesse
raffinee, quelques femmes kurdes pleurant sur les cadavres34. "
Naïm bey rappelle, a propos d'un ordre secret, qu'on demandait aux
fonctionnaires d'extorquer de faux aveux de preparatifs de revolte dans
la region de Deurt-Yol, Hadjin et de Mersine35. De meme, les ordres du
ministère de l'Interieur concernant les photographies prises par les
etrangers sont confirmes par une lettre, en francais, du commissaire
militaire a l'ingenieur en chef du chemin de fer de Bagdad exigeant que
soient remis sous quarante-huit heures les cliches des photographies
et les doubles36. Rafaël de Nogalès, officier venezuelien attache
a l'armee turque durant la guerre, rapporte dans son livre, Cuatro
años bajo la media luna [Quatre ans sous le Croissant], des scènes
de massacres dans les regions de Van et de Bitlis37. Il revèle qu'a
Diarbekir furent prises deux photographies montrant " un empilement
d'armes supposees trouvees dans des maisons armeniennes et meme dans
des eglises armeniennes. Un examen attentif de ces photographies
revelait a l'evidence que l'ensemble tait compose de fusils de chasse
recouverts par une couche d'armes de guerre38. " " Pour ce qui est
des armes que les Turcs ont trouvees chez les Armeniens, c'etait,
dans la plupart des cas, celles-la meme qu'ils avaient recues des
Turcs en 1908 pour aider le Comite a lutter contre la reaction39. "
Lorsqu'en 1922, le Haut-commissaire britannique, Sir Nevil Henderson,
transmit a Londres des telegrammes officiels de Talaat où ce
dernier apparaissait soucieux de reloger les deportes, il ajouta
ce commentaire: " Ils meritent l'etre lus et conserves comme une
illustration eclatante des methodes et de la mentalite turques,
Se demander s'ils etaient contremandes par des ordres secrets ou
simplement rediges par ce qu'il etait certain que la sauvagerie
et la durete naturelle [sous-entendu de ceux qui les recevaient]
les rendraient sans valeur, serait une speculation academique40. "
Talaat decommandait regulièrement ses ordres fictifs. Dans les
documents du Foreign Office se trouvent les recits de quatre
officiers arabes ayant servi dans l'armee turque. L'un d'eux,
le lieutenant Saïd Ahmed Moukhtar Ba'aj, qui avait fait partie de
la Cour martiale a Trebizonde en juillet 1915 declare : " Un ordre
fut recu de deporter vers l'interieur tous les Armeniens se trouvant
dans la province de Trebizonde, Etant un membre de la Cour martiale,
je savais que deportation signifiait massacres. " Et il ajoute :
" Outre l'ordre de deportation [...] il fut emis un irade imperial
exigeant que tous les deserteurs repris soient fusilles sans procès,
L'ordre secret dit "Armeniens" a la place de "deserteurs". "
Ce document confirme que le gouvernement emettait des ordres a
deux niveaux : des commandements publics, a titre de propagande ;
des commandements prives, qui revelaient ses intentions veritables,
qu'il avait toujours eu l'habitude de cacher aux yeux des etrangers,
et meme de ses amis41. On s'explique ainsi que les responsables du
Comite Union et Progrès aient pris soin de faire disparaître ces
documents au cours de la guerre.
Plus tard, l'ambassade britannique a Constantinople revela que la
disparition de documents impliquant les Turcs refugies en Allemagne ou
en Suisse, ou les detenus de Malte, avait ete arrangee par des leaders
nationalistes locaux. Raouf bey avait demande de facon urgente la
destruction des documents compromettants. Il est evident que Raouf
bey avait deja organise la destruction des documents l'impliquant
lui-meme ainsi qu'Enver pacha42.
" D'après mon experience et celle de tous ceux qui connaissent un
tant soit peu la Turquie, aucun massacre ne se produit en Turquie,
sauf lorsque le gouvernement fait savoir qu'il desire un massacre "
ecrivait a Lloyd Georges en septembre 1915 Philip Graves, correspondant
du Times a Constantinople43. Il est certain que tous les ordres
exigeant la deportation et le massacre des Armeniens vinrent d'en
haut, c'est-a-dire qu'ils furent emis par le ministre de l'Interieur,
Talaat pacha. De meme, aucun fonctionnaire turc ne fut pendant ces
annees de guerre reprimande ou puni pour avoir outrepasse ces ordres,
mais certains pour ne pas les avoir executes.
Le ministre des Affaires etrangères russe, Sazonov, se souvenait avoir
rencontre Talaat a Livadia en mai 1914 : " Cela me permit d'observer
cet homme qui peut etre considere sans exageration comme un des
plus grands scelerats de l'histoire du monde. Monsieur de Giers,
notre ambassadeur a Constantinople, [...], [m'avait averti] que je
ne devais pas croire un seul mot de tout ce que pourrait me dire ce
personnage44. " retour sommaire suite
1) Justicier..., op. cit., p. 266
2) On voit mal comment Talaat aurait continue a adresser en fèvrier
et mars 1917 des telegrammes comme ministre de l'Interieur ainsi que
le supposeraient les corrections de dates proposees par Dadrian.
3) B. LEWIS cite cette declaration mais precise que les editeurs
anglais qui publient le rapport de ce congrès doutent de son
authenticite {op. cit., p. 192).
4) J. LEPSIUS, op. cit., p. 247.
5) Y. TERNON, Les Armeniens, histoire d'un genocide, Paris, Seuil,
1979, pp. 188-190.
6) Archives du genocide des Armeniens, op. cit., p. 57 (sera cite
plus loin sous la reference Archives...).
7) DAD[1], note 36, pp.348-349.
8) Z. MESSERLIAN, The Premeditated Nature of the Genocide Perpetrated
on the Armenians, Beyrouth, 1980, p. 158. Cette citation se refère au
rapport d'A. TOYNBEE dans le Livre bleu anglais : The Treatment of
Armenians in the Ottoman Empire, 1915-1916, Londres, 1916 (reed. :
Beyrouth, 1972) ; traduction francaise Laval, 1916 (reed. Paris,
Payot, 1987).
9) DAD.[1], note 36, p.349.
10) Ibid., note 37
11) Archives..., op. cit., p. 145, pour la première citation, et
DAD[1], note 38, p. 349, pour la seconde.
12) DAD[1], ibid.
13) H. MORGENTHAU, Memoires, Paris, 1919, pp. 290-291 (reed .Paris,
Flammarion,1984).
14) Ibid., p. 292.
15) Entretiens du patriarche Zaven avec Talaat, Saïd Halim et Ibrahim
bey (ministre de la Justice) parus dans 1915-1965 Houshamadian Medz
Yeghernee [Memorial du grand crime], op. cit., pp.259-265.
16) J. LEPSIUS, op. cit., p.220.
17) DAD[1], p.343.
18) Cf. supra, note 7 de ce chapitre. Le prince Hohenlohe avait
precise que c'est en invoquant les soucis du gouvernement de proteger
les deportes que Talaat avait fait cette declaration.
19) H. MORGENTHAU, op. cit., pp. 130-131 et p. 134.
20) Le crime de silence, op. cit., pp. 81-82
21) Archives..., op. cit., p. 144 (rapport du prince Hohenlohe du
4 septembre 1915) C'est ce type de pièces, dûment archivees, que
ressortent les membres de la Societe turque d'Histoire pour affirmer
qu'ils detiennent des preuves " authentiques " de l'innocence du
gouvernement jeune-turc.
22) KRI.[1], doc. J.
23) KRI [2], doc. K, L et P..
24) V DADRIAN, " The Role of Turkish Physicians in the World War
I Genocide of Ottoman Armenians ", Holocaust and Genocide Studies
(New York), vol.I, n° 2, 1986, pp. 169-192 (cet article sera cite
plus loin sous la reference DAD[2])
25) Acte d'accusation du procès des Unionistes, Justicier..., op. cit.,
p. 267
26) KRI.[2], p. 387.
27) La Renaissance (Constantinople), 20 fevrier 1919.
28) F. EL GHOCEIN, Les massacres en Armenie turque, Beyrouth, 1917,
p.47.
29) Archives..., op. cit., pp. 107-108.
30) DAD[2], p. 175 Rechid fut ensuite nomme vali d'Angora. Puis il
fut arrete après la guerre et il se suicida en prison en fevrier 1919.
31) Archives..., op. cit., p. 152
32) F. EL GHOCEIN, op. cit., pp. 37-38.
33) DAD.[1], p. 318
34) A. ANDONIAN, op. cit., p. 152
35) Ibid., p. 153.
36) Lettre du 10 septembre 1915 (Archive..., op. cit., p. 146)
37) Cite par H. VIERBuCHER, Armenie 1915 [Hambourg, 1930-1934],
traduction francaise :L. Gessarentz, Montelimar, 1987, pp. 78-79
38) R. DE NOGALES, Cuatro años bajo la media luna, Buenos Aires, 1924 ;
traduction anglaise Four Years Beneath the Crescent, New York, 1926,
pp. 139-140 de cette traduction.
39) Archives..., op. cit., p. 153
40) Document du Foreign Office FO 371/ 9158, folio 106-7, 22 mai 1923.
41) FO 371/2781, cite dans Le crime de silence, op. cit., pp.93-95.
42) FO 371/51663206, cite dans Le crime de silence, op. cit., p. 96.
43) Ibid., p. 92
44) S. SAZONOV, Les annees fatales, Paris, Payot, 1927, pp. 141-142.
Sources/References
Ternon, Yves. Enquete sur la negation d'un genocide, Marseille,
Parenthèses, 1989 Description : 229 p. couv. ill. 24 cm ISBN
: 2-86364-052-6 72, cours Julien 13006 Marseille (France)
[email protected]
Mentions
© Editions Parenthèses. Reproduction interdite sauf pour usage
personnel.
Nous remercions Yves Ternon et les editions Parenthèsed de nous avoir
autorises a reproduire ce livre
Retour a la rubrique
Source/Lien : Imprescriptible.fr
From: A. Papazian