RETOUR A MARSEILLE DE "GIB" HEROS NATIONAL ARMENIEN
La Provence, France
09 aout 2013
Gilbert Minassian a fait reconnaître la prescription d'une vieille
condemnation
Derrière la "bourde juridique" et la polemique entre Christiane
Taubira et la droite qui s'en est suivie, c'est une incroyable
histoire marseillaise qui refait surface. Les nouvelles règles
juridiques edictees par la Cour de cassation sur la prescription
des condamnations - ce qui entraîne actuellement la verification
sourcilleuse du dossier de 3 500 detenus - l'ont ete sur la base d'un
vieux dossier judiciaire, celui de Gilbert Minassian. Condamne en
mai 1989 par contumace a la perpetuite, ce Marseillais de 57 ans vit
en exil en Armenie depuis 27 ans où il est devenu un heros national
après sa participation a la guerre contre les Azeris au Haut-Karabagh,
une enclave armenienne d'Azerbaïdjan. Mais avant devenir l'un des six
colonels de l'armee armenienne - aujourd'hui a la retraite -, Gilbert
Minassian, qu'a Marseille on surnommait "Le Gib" ou "Minus" - sans
que plus personne ne puisse expliquer ce surnom qui ne correspond en
rien a son physique - etait un militant communiste bien connu. Repute
pour ne jamais avoir froid aux yeux.
Retour en 1984. Le 27 juillet, un fourgon postal transportant des
valeurs est attaque aux Pennes-Mirabeau.
Butin : 150 000 francs quand ses auteurs, un CRS "defroque" et des
postiers esperaient en tirer un ou deux millions de francs. L'enquete
conduit a Gilbert Minassian et a un soupcon de financement de l'Armee
secrète armenienne de liberation de l'Armenie-Mouvement revolutionnaire
(Asala-MR) dont Gilbert Minassian est une figure francaise. Membre des
Jeunesses Communistes a la fac d'Aix-en-Provence a la fin des annees
1970, on le voyait a la tete des manifestations etudiantes et dans
les confrontations alors frequentes et musclees entre ces jeunes
marxistes-leninistes et les etudiants militants d'extreme-droite
du GUD.
En haut de la Canebière, le 7 avril 1976, on prete meme a Gilbert
Minassian le coup de couteau que Bernard Marandat, responsable du
groupuscule etudiant d'extreme droite avait recu dans la cuisse. Son
militantisme armenien l'avait conduit a epouser la cause de l'Asala et
de faire partie de la scission qui avait denonce la violence aveugle
de l'organisation après l'attentat de la Turkisch Airlines a Orly en
juillet 1978 qui avait fait huit morts.
"Liberez Minassian" sur les murs de la ville
La justice aixoise "inculpe" Gilbert Minassian pour le braquage du
fourgon, l'incarcère pendant neuf mois, soulevant a Marseille une
vague de soutien. Qui n'a pas en memoire un "Liberez Minassian" peint
sur un mur ou un pont d'autoroute ? Le militant est libere sur la
base du temoignage des deux fondateurs mondiaux de l'Asala-MR, Monte
Melkonian et David Davoudian, qui assurent que, le soir du braquage,
le Marseillais dînait avec eux. Mais avant que la justice se ravise,
Gilbert Minassian a quitte la France. C'est en Armenie, sa terre
d'exil, qu'il apprend sa condamnation par contumace a la reclusion
criminelle a perpetuite. Il prend part aux combats au Haut Karabagh,
inscrit dans les premiers commandos de volontaires armeniens. Les
actions qu'il mène sont glorieuses, heroïques. Il les raconte dans un
livre qui vient de paraître a Erevan - en francais et en armenien :
Karvadjar, notre dette d'honneur.
Ce passe de gloire en fait, en 1991, annee de l'independance de
l'Armenie, l'un de ceux qui vont construire l'armee de ce pays ne de
la glasnost.
Mais la nostalgie de Marseille ne le quitte jamais. Tous ceux qui
l'ont vu en Armenie disent comment "les etincelles s'allument dans
ses yeux sitôt qu'on parle de Marseille".
"Gib", devenu Levon Minassian ou le commandant Hovsep Hovsepian, est
salue dans la rue a Erevan comme un heros. Marie, père de deux enfants
âges de 14 et 15 ans, Gilbert Minassian ouvrira dans la capitale
armenienne un restaurant "Le Monte-Cristo" dont les murs arborent
une vue panoramique du Vieux-Port. Il installe le premier boulodrome
d'Erevan. "Il est un trait d'union entre la communaute armenienne
francaise et l'Armenie", dira un jour un ambassadeur de France.
Ambassade où il ne pourra jamais mettre les pieds, au risque d'etre
interpelle.
Condamnation prescrite
Un groupe d'amis avocats armeniens le defend lorsqu'après septembre
2009, il pourrait, selon la loi francaise, regagner Marseille en raison
de la prescription de sa condamnation au bout de vingt ans. Le parquet
general d'Aix-en-Provence assurera toujours l'inverse, soutenant qu'un
mandat d'arret europeen emis en mai 2004 ou une demande d'extradition
adressee en 2005 aux autorites armeniennes interrompent la prescription
de sa peine. La Cour de cassation vient de dire le contraire, donnant
raison a "Gib" dont le passeport est arrive hier a l'ambassade de
France a Erevan. Il sera sur le Vieux-Port dans quelques jours,
embrassera sa mère qui habite aux Olives mais pas son père, decede
en mai dernier. Gilbert Minassian comptait revenir discrètement a
Marseille. Mais son arrivee se fera par la grande porte.
Luc Leroux
From: A. Papazian
La Provence, France
09 aout 2013
Gilbert Minassian a fait reconnaître la prescription d'une vieille
condemnation
Derrière la "bourde juridique" et la polemique entre Christiane
Taubira et la droite qui s'en est suivie, c'est une incroyable
histoire marseillaise qui refait surface. Les nouvelles règles
juridiques edictees par la Cour de cassation sur la prescription
des condamnations - ce qui entraîne actuellement la verification
sourcilleuse du dossier de 3 500 detenus - l'ont ete sur la base d'un
vieux dossier judiciaire, celui de Gilbert Minassian. Condamne en
mai 1989 par contumace a la perpetuite, ce Marseillais de 57 ans vit
en exil en Armenie depuis 27 ans où il est devenu un heros national
après sa participation a la guerre contre les Azeris au Haut-Karabagh,
une enclave armenienne d'Azerbaïdjan. Mais avant devenir l'un des six
colonels de l'armee armenienne - aujourd'hui a la retraite -, Gilbert
Minassian, qu'a Marseille on surnommait "Le Gib" ou "Minus" - sans
que plus personne ne puisse expliquer ce surnom qui ne correspond en
rien a son physique - etait un militant communiste bien connu. Repute
pour ne jamais avoir froid aux yeux.
Retour en 1984. Le 27 juillet, un fourgon postal transportant des
valeurs est attaque aux Pennes-Mirabeau.
Butin : 150 000 francs quand ses auteurs, un CRS "defroque" et des
postiers esperaient en tirer un ou deux millions de francs. L'enquete
conduit a Gilbert Minassian et a un soupcon de financement de l'Armee
secrète armenienne de liberation de l'Armenie-Mouvement revolutionnaire
(Asala-MR) dont Gilbert Minassian est une figure francaise. Membre des
Jeunesses Communistes a la fac d'Aix-en-Provence a la fin des annees
1970, on le voyait a la tete des manifestations etudiantes et dans
les confrontations alors frequentes et musclees entre ces jeunes
marxistes-leninistes et les etudiants militants d'extreme-droite
du GUD.
En haut de la Canebière, le 7 avril 1976, on prete meme a Gilbert
Minassian le coup de couteau que Bernard Marandat, responsable du
groupuscule etudiant d'extreme droite avait recu dans la cuisse. Son
militantisme armenien l'avait conduit a epouser la cause de l'Asala et
de faire partie de la scission qui avait denonce la violence aveugle
de l'organisation après l'attentat de la Turkisch Airlines a Orly en
juillet 1978 qui avait fait huit morts.
"Liberez Minassian" sur les murs de la ville
La justice aixoise "inculpe" Gilbert Minassian pour le braquage du
fourgon, l'incarcère pendant neuf mois, soulevant a Marseille une
vague de soutien. Qui n'a pas en memoire un "Liberez Minassian" peint
sur un mur ou un pont d'autoroute ? Le militant est libere sur la
base du temoignage des deux fondateurs mondiaux de l'Asala-MR, Monte
Melkonian et David Davoudian, qui assurent que, le soir du braquage,
le Marseillais dînait avec eux. Mais avant que la justice se ravise,
Gilbert Minassian a quitte la France. C'est en Armenie, sa terre
d'exil, qu'il apprend sa condamnation par contumace a la reclusion
criminelle a perpetuite. Il prend part aux combats au Haut Karabagh,
inscrit dans les premiers commandos de volontaires armeniens. Les
actions qu'il mène sont glorieuses, heroïques. Il les raconte dans un
livre qui vient de paraître a Erevan - en francais et en armenien :
Karvadjar, notre dette d'honneur.
Ce passe de gloire en fait, en 1991, annee de l'independance de
l'Armenie, l'un de ceux qui vont construire l'armee de ce pays ne de
la glasnost.
Mais la nostalgie de Marseille ne le quitte jamais. Tous ceux qui
l'ont vu en Armenie disent comment "les etincelles s'allument dans
ses yeux sitôt qu'on parle de Marseille".
"Gib", devenu Levon Minassian ou le commandant Hovsep Hovsepian, est
salue dans la rue a Erevan comme un heros. Marie, père de deux enfants
âges de 14 et 15 ans, Gilbert Minassian ouvrira dans la capitale
armenienne un restaurant "Le Monte-Cristo" dont les murs arborent
une vue panoramique du Vieux-Port. Il installe le premier boulodrome
d'Erevan. "Il est un trait d'union entre la communaute armenienne
francaise et l'Armenie", dira un jour un ambassadeur de France.
Ambassade où il ne pourra jamais mettre les pieds, au risque d'etre
interpelle.
Condamnation prescrite
Un groupe d'amis avocats armeniens le defend lorsqu'après septembre
2009, il pourrait, selon la loi francaise, regagner Marseille en raison
de la prescription de sa condamnation au bout de vingt ans. Le parquet
general d'Aix-en-Provence assurera toujours l'inverse, soutenant qu'un
mandat d'arret europeen emis en mai 2004 ou une demande d'extradition
adressee en 2005 aux autorites armeniennes interrompent la prescription
de sa peine. La Cour de cassation vient de dire le contraire, donnant
raison a "Gib" dont le passeport est arrive hier a l'ambassade de
France a Erevan. Il sera sur le Vieux-Port dans quelques jours,
embrassera sa mère qui habite aux Olives mais pas son père, decede
en mai dernier. Gilbert Minassian comptait revenir discrètement a
Marseille. Mais son arrivee se fera par la grande porte.
Luc Leroux
From: A. Papazian