JUGEMENT ERGENEKON EN TURQUIE
TURQUIE
Le 5 aoĂ"t, le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, a Ă©mis son
verdict dans l'affaire Ergenekon. Il s'agissait, selon le pouvoir,
d'un complot nationaliste destiné a renverser le gouvernement
islamo-conservateur de Recep Tayyp Erdogan dans les années 2000. Une
décision aussi marquante que controversée, estime la presse turque.
Le "procès du siècle", tel que les journaux l'ont présenté, s'est
conclu par la condamnation a la réclusion a perpétuité pour une
vingtaine de prévenus, dont plusieurs militaires de haut rang, des
journalistes et des hommes politiques de l'opposition kémaliste. Plus
de 250 autres personnes ont été condamnées a des peines de prison,
tandis que 21 ont été acquittées.
Dans le quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak, l'Ă©ditorialiste
Abdulkadir Selvi se félicite des peines prononcées mais se demande si
"le procès Ergenekon est bien fini ?", et si on doit en rester la.
Selvi rappelle en effet qu'en 1997, l'armée avait renversé le
gouvernement de coalition mené par le parti Refah, l'ancêtre de
l'AKP d'Erdogan. Et qu'en 2007, l'armée encore elle, avait fait une
tentative de "coup d'Etat Ă©lectronique", en publiant sur le site
de l'Etat-major une mise en garde contre l'Ă©lection attendue du
candidat de l'AKP, Abdullah Gul, a la présidence de la République :
Yeni Ĺ~^afak, Istanbul
Il y a eu chez nous pléthore de coups d'Etats, mais par contre,
il n'y avait jamais eu de poursuites contre ces putschs. C'est ce
qui a changé aujourd'hui. En effet, la Turquie, victime des coups
d'Etat militaires, demande désormais des comptes. Dans ce contexte,
le verdict du procès Ergenekon revêt une importance historique
particulière. Mais il manque néanmoins des pièces a ce tableau. En
effet, dès lors que le gĂ©nĂ©ral BaĹ~_bug a Ă©tĂ© condamnĂ© a la
perpétuité, ne devrait-on pas aussi juger le général Buyukanit,
qui a fait rédiger la mise en garde du 27 avril 2007, ainsi que le
général Evren [chef de la junte issue du coup d'Etat de 1980] ? Sans
parler des coups d'Etat de mai 1960 et de mars 1971. La question n'est
pas ici de juger des vieillards ou des morts, mais de punir le fait
de réaliser un coup d'Etat.
Sur le site indépendant T24, Aydin Engin explique qu'il y a
effectivement parmi les suspects jugés au procès Ergenekon des
personnes qui, afin de créer les conditions d'un véritable coup
d'Etat, avaient organisé des actions légales (par exemple des
manifestations appelant l'armée "a faire son devoir") et illégales
(notamment l'assassinat de missionnaires chrétiens a Malatya en avril
2007, les caches d'armes ou encore l'attentat contre le Conseil d'Etat
en 2006). Il s'agit évidemment la de crimes graves qui méritaient
d'être jugés [...], mais il convient aussi de voir l'autre aspect de
ce procès. En effet, la Justice turque s'est discréditée dans ce
procès par un excès de revanchisme primaire. Ainsi, en même temps
qu'étaient jugées des personnes ayant commis des crimes avérés, la
procédure contre le réseau Ergenekon a été sérieusement entachée
par des procès d'intention, par le procès d'une facon de penser.
Le quotidien kémaliste Cumhuriyet, dont l'un des journalistes, Mustafa
Balbay a été condamné a trente-quatre ans et huit mois de prison,
considère d'ailleurs que ce procès n'est qu'une revanche politique,
orchestrée par le gouvernement AKP.
Dans Vatan enfin, l'Ă©crivain et Ă©ditorialiste Zulfu Livanelli, ancien
détenu politique et exilé dans les années 1970, dénonce également
un verdict "qui a frappé bon nombre d'innocents, condamnés sur la
base de témoignages anonymes et d'affirmations jamais prouvées",
ce qui "jette une ombre terrible sur le verdict" : Vatan, Istanbul
" La justice n'a pas été faite, car des innocents ont été punis a
côté des coupables. J'espère que les juges de la Cour de Cassation
rétabliront la Justice".
jeudi 15 aoĂ"t 2013, StĂ©phane ©armenews.com
TURQUIE
Le 5 aoĂ"t, le tribunal de Silivri, près d'Istanbul, a Ă©mis son
verdict dans l'affaire Ergenekon. Il s'agissait, selon le pouvoir,
d'un complot nationaliste destiné a renverser le gouvernement
islamo-conservateur de Recep Tayyp Erdogan dans les années 2000. Une
décision aussi marquante que controversée, estime la presse turque.
Le "procès du siècle", tel que les journaux l'ont présenté, s'est
conclu par la condamnation a la réclusion a perpétuité pour une
vingtaine de prévenus, dont plusieurs militaires de haut rang, des
journalistes et des hommes politiques de l'opposition kémaliste. Plus
de 250 autres personnes ont été condamnées a des peines de prison,
tandis que 21 ont été acquittées.
Dans le quotidien pro-gouvernemental Yeni Safak, l'Ă©ditorialiste
Abdulkadir Selvi se félicite des peines prononcées mais se demande si
"le procès Ergenekon est bien fini ?", et si on doit en rester la.
Selvi rappelle en effet qu'en 1997, l'armée avait renversé le
gouvernement de coalition mené par le parti Refah, l'ancêtre de
l'AKP d'Erdogan. Et qu'en 2007, l'armée encore elle, avait fait une
tentative de "coup d'Etat Ă©lectronique", en publiant sur le site
de l'Etat-major une mise en garde contre l'Ă©lection attendue du
candidat de l'AKP, Abdullah Gul, a la présidence de la République :
Yeni Ĺ~^afak, Istanbul
Il y a eu chez nous pléthore de coups d'Etats, mais par contre,
il n'y avait jamais eu de poursuites contre ces putschs. C'est ce
qui a changé aujourd'hui. En effet, la Turquie, victime des coups
d'Etat militaires, demande désormais des comptes. Dans ce contexte,
le verdict du procès Ergenekon revêt une importance historique
particulière. Mais il manque néanmoins des pièces a ce tableau. En
effet, dès lors que le gĂ©nĂ©ral BaĹ~_bug a Ă©tĂ© condamnĂ© a la
perpétuité, ne devrait-on pas aussi juger le général Buyukanit,
qui a fait rédiger la mise en garde du 27 avril 2007, ainsi que le
général Evren [chef de la junte issue du coup d'Etat de 1980] ? Sans
parler des coups d'Etat de mai 1960 et de mars 1971. La question n'est
pas ici de juger des vieillards ou des morts, mais de punir le fait
de réaliser un coup d'Etat.
Sur le site indépendant T24, Aydin Engin explique qu'il y a
effectivement parmi les suspects jugés au procès Ergenekon des
personnes qui, afin de créer les conditions d'un véritable coup
d'Etat, avaient organisé des actions légales (par exemple des
manifestations appelant l'armée "a faire son devoir") et illégales
(notamment l'assassinat de missionnaires chrétiens a Malatya en avril
2007, les caches d'armes ou encore l'attentat contre le Conseil d'Etat
en 2006). Il s'agit évidemment la de crimes graves qui méritaient
d'être jugés [...], mais il convient aussi de voir l'autre aspect de
ce procès. En effet, la Justice turque s'est discréditée dans ce
procès par un excès de revanchisme primaire. Ainsi, en même temps
qu'étaient jugées des personnes ayant commis des crimes avérés, la
procédure contre le réseau Ergenekon a été sérieusement entachée
par des procès d'intention, par le procès d'une facon de penser.
Le quotidien kémaliste Cumhuriyet, dont l'un des journalistes, Mustafa
Balbay a été condamné a trente-quatre ans et huit mois de prison,
considère d'ailleurs que ce procès n'est qu'une revanche politique,
orchestrée par le gouvernement AKP.
Dans Vatan enfin, l'Ă©crivain et Ă©ditorialiste Zulfu Livanelli, ancien
détenu politique et exilé dans les années 1970, dénonce également
un verdict "qui a frappé bon nombre d'innocents, condamnés sur la
base de témoignages anonymes et d'affirmations jamais prouvées",
ce qui "jette une ombre terrible sur le verdict" : Vatan, Istanbul
" La justice n'a pas été faite, car des innocents ont été punis a
côté des coupables. J'espère que les juges de la Cour de Cassation
rétabliront la Justice".
jeudi 15 aoĂ"t 2013, StĂ©phane ©armenews.com