Sud Ouest, France
Jeudi 22 Août 2013
GERS EDITION
Une famille d Arméniens dort dans sa voiture
SOCIÉTÉ La préfecture leur refuse autorisation de travail et statut de
réfugiés politiques
par BLANDINE PHILIPPON
Mais s ils rentrent chez eux, ils s attendent à être exécutés
Mardi soir dernier, Elena, trois ans et Artur, deux ans, ont mangé une
banane en lieu et place du dîner. Et si le biberon de lait était
chaud, c est uniquement parce que les fonctionnaires du commissariat
ont accepté de prêter le micro-ondes de l hôtel de police quelques
minutes. Car depuis deux nuits, Elena, son petit frère et leurs
parents Ruzanna et Avetis Markosyan n ont plus d autre choix que de
dormir dans leur voiture.
Une situation dramatique à laquelle Avetis s était habitué depuis
plusieurs mois, mais qui devient intenable avec deux enfants en bas
ge. Si les Markosyan se retrouvent ainsi à la rue, c est que leur
demande de statut de réfugiés politiques leur a été refusée. En
Aveyron pourtant, la soeur d Avetis a obtenu les précieux papiers qui
reconnaissent qu elle est en danger dans son pays d origine. Le jeune
père de famille ne comprend pas : " Nous avions le même dossier ".
Partir ou mourir
S il a quitté l Arménie en 2011, avec sa mère, son frère, sa soeur, sa
petite fille et sa jeune épouse enceinte, c est qu Avetis et sa
famille n étaient plus en sécurité.
" Mon père était un opposant au président Serge Sarkisyan. Nous avons
subi des violences et des menaces, ma femme a fait deux fausses
couches à cause des coups qu elle a reçus lors de descentes chez nous.
Un jour, mon père a été arrêté et conduit au commissariat pour y être
interrogé. Le président voulait savoir où se trouvaient les rotatives
qui servaient à imprimer le journal d opposition dans lequel
travaillait mon père. Il n est pas ressorti vivant ".
Après le décès de son père, " l assassinat ", insiste Avetis, l
ultimatum est sans appel : " Soit on quittait le pays, soit ils
tuaient toute ma famille ".
Les Markosyan s envolent donc précipitamment pour la France en juillet
2011. Ruzanna est enceinte jusqu aux yeux. Elle accouche d ailleurs le
jour même où elle pose les pieds sur le sol français. Le petit Artur
est donc français. Mais pour sa grande soeur et ses parents, commence
un long parcours du combattant pour obtenir titres de séjour et statut
de réfugiés politiques.
En début d année, Ruzanna, qui était infirmière en Arménie, mais qui
faute de papiers ne peut faire valider son diplôme en France, parvient
néanmoins à décrocher un emploi d aide-soignante chez les Petites
Soeurs des pauvres à Auch. " Elle s est très bien adaptée dans notre
établissement, tant avec ses collègues qu avec les pensionnaires. Elle
a fait beaucoup d efforts pour apprendre à parler correctement le
français ", certifie la mère supérieure.
Également directrice de l établissement des Petites Soeurs des
pauvres, elle atteste dans un courrier du 22 mars dernier qu elle lui
réserve un contrat à durée indéterminée pour la rentrée.
Pas de moyen de cuisson
Las, en juin, la préfecture lui refuse l autorisation de travail.
Empêchée de travailler et donc de gagner un salaire, Ruzanna et ses
deux petits ne peuvent plus être hébergés dans des centres d accueil,
encore moins louer un appartement. Et faute de papiers, elle ne peut
pas toucher le chômage en dépit de l emploi qu elle a exercé chez les
Petites Soeurs des pauvres.
" C est insoluble ", se désole son mari, maçon de métier, qui lui non
plus ne peut pas travailler. " La préfecture nous a intimé de quitter
le territoire. Nous avons déposé un recours devant le tribunal
administratif de Pau qui, à ce jour, n a pas été jugé ".
En attendant, sans argent, ni toit, leur voiture est donc leur seul
refuge. Et les colis alimentaires des associations locales, leur seul
moyen de survivre. " Heureusement que c est l été, car nous mangeons
froid puisque nous n avons rien pour faire chauffer ou cuire les
aliments ", ironise tristement Ruzanna.
Jeudi 22 Août 2013
GERS EDITION
Une famille d Arméniens dort dans sa voiture
SOCIÉTÉ La préfecture leur refuse autorisation de travail et statut de
réfugiés politiques
par BLANDINE PHILIPPON
Mais s ils rentrent chez eux, ils s attendent à être exécutés
Mardi soir dernier, Elena, trois ans et Artur, deux ans, ont mangé une
banane en lieu et place du dîner. Et si le biberon de lait était
chaud, c est uniquement parce que les fonctionnaires du commissariat
ont accepté de prêter le micro-ondes de l hôtel de police quelques
minutes. Car depuis deux nuits, Elena, son petit frère et leurs
parents Ruzanna et Avetis Markosyan n ont plus d autre choix que de
dormir dans leur voiture.
Une situation dramatique à laquelle Avetis s était habitué depuis
plusieurs mois, mais qui devient intenable avec deux enfants en bas
ge. Si les Markosyan se retrouvent ainsi à la rue, c est que leur
demande de statut de réfugiés politiques leur a été refusée. En
Aveyron pourtant, la soeur d Avetis a obtenu les précieux papiers qui
reconnaissent qu elle est en danger dans son pays d origine. Le jeune
père de famille ne comprend pas : " Nous avions le même dossier ".
Partir ou mourir
S il a quitté l Arménie en 2011, avec sa mère, son frère, sa soeur, sa
petite fille et sa jeune épouse enceinte, c est qu Avetis et sa
famille n étaient plus en sécurité.
" Mon père était un opposant au président Serge Sarkisyan. Nous avons
subi des violences et des menaces, ma femme a fait deux fausses
couches à cause des coups qu elle a reçus lors de descentes chez nous.
Un jour, mon père a été arrêté et conduit au commissariat pour y être
interrogé. Le président voulait savoir où se trouvaient les rotatives
qui servaient à imprimer le journal d opposition dans lequel
travaillait mon père. Il n est pas ressorti vivant ".
Après le décès de son père, " l assassinat ", insiste Avetis, l
ultimatum est sans appel : " Soit on quittait le pays, soit ils
tuaient toute ma famille ".
Les Markosyan s envolent donc précipitamment pour la France en juillet
2011. Ruzanna est enceinte jusqu aux yeux. Elle accouche d ailleurs le
jour même où elle pose les pieds sur le sol français. Le petit Artur
est donc français. Mais pour sa grande soeur et ses parents, commence
un long parcours du combattant pour obtenir titres de séjour et statut
de réfugiés politiques.
En début d année, Ruzanna, qui était infirmière en Arménie, mais qui
faute de papiers ne peut faire valider son diplôme en France, parvient
néanmoins à décrocher un emploi d aide-soignante chez les Petites
Soeurs des pauvres à Auch. " Elle s est très bien adaptée dans notre
établissement, tant avec ses collègues qu avec les pensionnaires. Elle
a fait beaucoup d efforts pour apprendre à parler correctement le
français ", certifie la mère supérieure.
Également directrice de l établissement des Petites Soeurs des
pauvres, elle atteste dans un courrier du 22 mars dernier qu elle lui
réserve un contrat à durée indéterminée pour la rentrée.
Pas de moyen de cuisson
Las, en juin, la préfecture lui refuse l autorisation de travail.
Empêchée de travailler et donc de gagner un salaire, Ruzanna et ses
deux petits ne peuvent plus être hébergés dans des centres d accueil,
encore moins louer un appartement. Et faute de papiers, elle ne peut
pas toucher le chômage en dépit de l emploi qu elle a exercé chez les
Petites Soeurs des pauvres.
" C est insoluble ", se désole son mari, maçon de métier, qui lui non
plus ne peut pas travailler. " La préfecture nous a intimé de quitter
le territoire. Nous avons déposé un recours devant le tribunal
administratif de Pau qui, à ce jour, n a pas été jugé ".
En attendant, sans argent, ni toit, leur voiture est donc leur seul
refuge. Et les colis alimentaires des associations locales, leur seul
moyen de survivre. " Heureusement que c est l été, car nous mangeons
froid puisque nous n avons rien pour faire chauffer ou cuire les
aliments ", ironise tristement Ruzanna.