Actualitté.com
25 nov 2013
Sur la route de l'exil : un témoignage du génocide arménien
Le lundi 25 novembre 2013
Au soir du 11 avril 1915, dans tous les quartiers de Constantinople,
les forces de police Jeunes-Turcs font converger tous les Arméniens
qu'elles ont pu identifier vers des lieux de rassemblement à partir
desquels elles organisent un vaste processus d'exil qui va conduire au
génocide de toute une population.
Issus de tous les métiers et de tous les milieux sociaux, ces hommes
sont emmenés, sous couvert de rassurantes paroles, qui à pied, qui en
bateau, qui en charrette tirée par des mules, qui en train, vers des
destinations qui s'éloignent chaque instant un peu plus, qui les
éloignent de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs familles.
Ces rassemblements, qui sont diversement appréciés par tous ces hommes
plus ou moins bien, plus ou moins mal traités par leurs gardes,
avaient été pressentis quand, quelques jours auparavant, traînaient,
dans les rues de Constantinople, des rumeurs de listes de noms
dressées avec le concours de collaborateurs eux-mêmes parfois
arméniens.
Ballottés de lieux en lieux qui ne portent pas ouvertement le nom de
prisons, encadrés sévèrement par des foules d'hommes en armes, ces
colonnes de détenus, dont il semble que tout soit fait pour ne pas les
appeler explicitement ainsi, subissent ce qui va devenir une véritable
déportation dans une ambiance qui, parfois, ressemble à une joyeuse
foire même si certains perçoivent intuitivement le destin funeste qui
attend la grande majorité d'entre eux.
Aram ANDONIAN est de ces hommes raflés !
Des années après, survivant de cet exil où nombre de ses amis ont
laissé la vie, il raconte les premiers jours de ces déplacements de
populations vers leur enfer.
Ce livre est le recueil de deux textes d'Aram ANDONIAN qui
apparaissent comme la transcription de souvenirs de cet épisode
dramatique de sa vie, de sa « nation » comme il le dit.
Lien de cause à effet ? Le premier texte n'a pas de fin véritable et
se termine sur des pointillés qui interdisent de savoir comment et
pourquoi il a réussi à survivre là où tant d'autres ont péri.
Le texte est factuel,, sans ornement ni fioriture. Juste une sorte de
journal intime qu'il aurait complété chaque jour afin de consigner les
évènements de la journée.
Mais c'est cette application quasi adolescente (évocation de
fous-rires, absence persistante de prise au sérieux des évènements,
comportements de potaches, de gamins en vacances loin de leur famille,
...) qui rend encore plus froide cette marche vers l'horreur qu'un
lecteur du XXIème siècle ne peut plus ignorer.
Au delà d'un épisode historique d'un grand intérêt pour moi puisque je
n'en connais que la partie émergée de l'iceberg, plusieurs choses
m'ont marqué dans cette lecture.
D'abord le fait que cet exil soit exclusivement consacré aux hommes
qui tentent, à chaque occasion possible, d'envoyer un mot rassurant
aux membres de la famille qui n'ont pas été emmenés.
Ensuite une certaine incohérence dans les victimes de cette rafle qui
sont parfois vues comme les seuls membres de l'intelligentsia
arménienne de Turquie alors que d'évidence, toute les couches de la
population constituent ces colonies de déportés.
Enfin un étonnement profond devant le mépris et la haine dont
l'orateur fait preuve à l'égard des Turcs et dont il est évident
qu'ils sont bien antérieurs et donc ne sont pas une conséquence de
cette journée du 11 avril 1915. Ce constat m'a profondément troublé au
point de brouiller un peu la qualité du témoignage.
C'est cela cependant qu'il convient de retenir : un témoignage !
Envoyé du c`ur d'une opération de destruction massive.
Comme l'exprime avec beaucoup plus de talent que moi R.H. KEVORKIAN
dans la préface de ce livre, de « nombreux matériaux d'archives (...)
montrent avec évidemment plus de rigueur » une situation qui était
inaccessible à l'auteur car « il lui manquait le recul nécessaire, le
savoir-faire de l'historien (...). Ce qui n'enlève rien à la force de
son travail ».
Pour la mémoire, celle-là et toutes les autres qui ont vu l'homme
s'acharner sur l'Homme en génocidaire, cette lecture est utile.
http://www.actualitte.com/critiques/sur-la-route-de-l-exil-un-temoignage-du-genocide-armenien-2254.htm
From: Baghdasarian
25 nov 2013
Sur la route de l'exil : un témoignage du génocide arménien
Le lundi 25 novembre 2013
Au soir du 11 avril 1915, dans tous les quartiers de Constantinople,
les forces de police Jeunes-Turcs font converger tous les Arméniens
qu'elles ont pu identifier vers des lieux de rassemblement à partir
desquels elles organisent un vaste processus d'exil qui va conduire au
génocide de toute une population.
Issus de tous les métiers et de tous les milieux sociaux, ces hommes
sont emmenés, sous couvert de rassurantes paroles, qui à pied, qui en
bateau, qui en charrette tirée par des mules, qui en train, vers des
destinations qui s'éloignent chaque instant un peu plus, qui les
éloignent de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs familles.
Ces rassemblements, qui sont diversement appréciés par tous ces hommes
plus ou moins bien, plus ou moins mal traités par leurs gardes,
avaient été pressentis quand, quelques jours auparavant, traînaient,
dans les rues de Constantinople, des rumeurs de listes de noms
dressées avec le concours de collaborateurs eux-mêmes parfois
arméniens.
Ballottés de lieux en lieux qui ne portent pas ouvertement le nom de
prisons, encadrés sévèrement par des foules d'hommes en armes, ces
colonnes de détenus, dont il semble que tout soit fait pour ne pas les
appeler explicitement ainsi, subissent ce qui va devenir une véritable
déportation dans une ambiance qui, parfois, ressemble à une joyeuse
foire même si certains perçoivent intuitivement le destin funeste qui
attend la grande majorité d'entre eux.
Aram ANDONIAN est de ces hommes raflés !
Des années après, survivant de cet exil où nombre de ses amis ont
laissé la vie, il raconte les premiers jours de ces déplacements de
populations vers leur enfer.
Ce livre est le recueil de deux textes d'Aram ANDONIAN qui
apparaissent comme la transcription de souvenirs de cet épisode
dramatique de sa vie, de sa « nation » comme il le dit.
Lien de cause à effet ? Le premier texte n'a pas de fin véritable et
se termine sur des pointillés qui interdisent de savoir comment et
pourquoi il a réussi à survivre là où tant d'autres ont péri.
Le texte est factuel,, sans ornement ni fioriture. Juste une sorte de
journal intime qu'il aurait complété chaque jour afin de consigner les
évènements de la journée.
Mais c'est cette application quasi adolescente (évocation de
fous-rires, absence persistante de prise au sérieux des évènements,
comportements de potaches, de gamins en vacances loin de leur famille,
...) qui rend encore plus froide cette marche vers l'horreur qu'un
lecteur du XXIème siècle ne peut plus ignorer.
Au delà d'un épisode historique d'un grand intérêt pour moi puisque je
n'en connais que la partie émergée de l'iceberg, plusieurs choses
m'ont marqué dans cette lecture.
D'abord le fait que cet exil soit exclusivement consacré aux hommes
qui tentent, à chaque occasion possible, d'envoyer un mot rassurant
aux membres de la famille qui n'ont pas été emmenés.
Ensuite une certaine incohérence dans les victimes de cette rafle qui
sont parfois vues comme les seuls membres de l'intelligentsia
arménienne de Turquie alors que d'évidence, toute les couches de la
population constituent ces colonies de déportés.
Enfin un étonnement profond devant le mépris et la haine dont
l'orateur fait preuve à l'égard des Turcs et dont il est évident
qu'ils sont bien antérieurs et donc ne sont pas une conséquence de
cette journée du 11 avril 1915. Ce constat m'a profondément troublé au
point de brouiller un peu la qualité du témoignage.
C'est cela cependant qu'il convient de retenir : un témoignage !
Envoyé du c`ur d'une opération de destruction massive.
Comme l'exprime avec beaucoup plus de talent que moi R.H. KEVORKIAN
dans la préface de ce livre, de « nombreux matériaux d'archives (...)
montrent avec évidemment plus de rigueur » une situation qui était
inaccessible à l'auteur car « il lui manquait le recul nécessaire, le
savoir-faire de l'historien (...). Ce qui n'enlève rien à la force de
son travail ».
Pour la mémoire, celle-là et toutes les autres qui ont vu l'homme
s'acharner sur l'Homme en génocidaire, cette lecture est utile.
http://www.actualitte.com/critiques/sur-la-route-de-l-exil-un-temoignage-du-genocide-armenien-2254.htm
From: Baghdasarian