AYSE GUNAYSU: MA SOEUR SILENCIEUSE
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=71177
Publie le : 08-02-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
presente un article traduit le 11 janvier 2013 par Georges Festa
pour le site "Armenian Trends - Mes Armenies", d'après un article en
anglais de Ayse Gunaysu publie sur le site The Armenian Weekly.
Legende photo: L'eglise Saint-Antoine de Padoue, Wroclaw, Pologne. Les
gens venus d'Afrique du Sud, du Danemark, d'Espagne, de Pologne et
d'autres nations, en train de chanter des hymnes armeniens avec Aram,
Virginie Kerovpyan et le baron Nishan Chalgician.
Armenian Trends - Mes Armenies
vendredi 11 janvier 2013
Ayse Gunaysu : My Silent Sister / Ma soeur silencieuse
© www.voicencounters.art.pl
Ma s~\ur silencieuse
par Ayse Gunaysu
The Armenian Weekly, 02.01.2013
Le cadre est une petite ville, belle et historique, au sud de la
Pologne, Wroclaw. Il fait nuit, ce 11 novembre 2012. L'eglise
Saint-Antoine de Padoue est bondee. Les gens ecoutent un petit
ch~\ur qui chante des chants liturgiques armeniens. A ma gauche,
j'entends Talin en train de chanter de concert, a voix basse, des
chants qu'elle connaît depuis son enfance, très doucement et si bas que
j'arrive difficilement a la distinguer du chant du ch~\ur, une rumeur
mysterieuse qui emplit l'air. Observant le petit groupe de chanteurs,
je decouvre des visages irradiant une lumière interieure, qui ajoute
quelque chose de très particulier aux illuminations de l'eglise. Des
visages de jeunes gens venus d'Afrique du Sud, du Danemark,
d'Espagne, de Pologne et d'autres nations, en train de chanter des
hymnes armeniens. Qu'accompagne cette famille très inhabituelle
d'Aram et Virgina Kerovpian, avec leurs deux filles et leur fils,
lesquels se consacrent tous au chant monophonique et modal armenien
traditionnel ; et Baron Nisan Calgiciyan, un maître-chanteur venu de
l'eglise armenienne de la Sainte-Trinite d'Istanbul, et ses elèves,
Murat Iclinalca et Altug Yilmaz, eux aussi d'Istanbul, un musicologue
qui travaille depuis deux ans avec la famille Kerovpian. Les ecouter
constitue une experience hors du commun, tout a fait exceptionnelle,
qui fait souhaiter qu'ils ne cessent de continuer.
Ce concert est l'ultime manifestation d'un echange de deux jours, sous
les auspices de l'Institut Grotowski, intitule " My Silent Sister "
[Ma s~\ur silencieuse], l'edition 2012 du projet VoicEncounters,
organise par le groupe de theâtre de l'Institut, le Teatr ZAR,
un groupe multinational compose d'elèves de l'Institut Grotowski,
fonde et dirige par Jaroslav Fret. Depuis 2011, ils travaillent sur
un nouveau projet de performance, intitule " Armine, ma s~\ur ", qui
explore la culture et l'histoire armeniennes. Lors de deplacements
a Istanbul, en Armenie Occidentale, a Erevan et a Jerusalem, les
membres du ZAR ont rencontre des chanteurs, des chefs de ch~\ur, des
musiciens et des chercheurs. " My Silent Sister " entend preparer le
terrain pour un evenement a venir au printemps 2013 qui, disent-ils,
aura pour centre le patrimoine de l'Armenie et sa diaspora.
Mon sejour de deux jours a Wroclaw fut comme un reve. Je me
suis retrouvee avec un groupe de jeunes gens, tant Polonais que
d'autres regions du monde, a l'Institut et au Theâtre ZAR, qui
etaient differents - je veux dire, appartenant a une espèce humaine
differente. Ils se soucient veritablement d'autrui, consacrent du temps
a comprendre, sentir et atteindre autrui, veulent veritablement savoir
ce que d'autres, a l'autre bout du monde, ont vecu et continuent
de vivre. Ce qui leur conferait a tous, sans exception, une aura
differente, une sorte de transparence difficile a rendre, un visage
empreint de sens et de comprehension.
Cette manifestation comptait aussi des projections de films, Histoire
de chiens [The Barking Island] (2011) de Serge Avedikian, I Hate Dogs
[Je hais les chiens] (2005) de Suzanne Khardalian, Back to Ararat
(1988) de Peo Holmquist, et l'inoubliable Grandma's Tattoos (2011)
de Suzanne Khardalian. Figurait aussi un atelier intitule " Chant
modal : un voyage avec les sons ", avec Aram et Virginia Kerovpian,
la presentation d'un projet de film, Winds of Armine : Expedition to
Anatolia [Les Ailes d'Armine : expedition en Anatolie] de Nathalie
Rossetti et Turi Finochiaro (un couple d'exception, tout de chaleur
et d'energie sensible) ; et l'exposition " Images d'Anatolie " de
Magdalena Madra, une collection dechirante de photographies d'eglises,
de monastères, de cimetières armeniens, et ainsi de suite.
Le 10 novembre [2012], l'historien Ara Sarafian, de l'Institut
Komitas de Londres, presenta une conference intitulee " Une histoire
du genocide : memoire, continuite et defi, " accompagnee de cartes
illustrant de manière frappante l'ampleur des destructions. Son expose
aborda la negation officielle de la Turquie, toujours en cours, du
genocide armenien, prenant en exemple le British Parliamentary Blue
Book [Livre Bleu du Gouvernement britannique], publie en 1916. Durant
son intervention, il souligna le caractère choquant de ce processus
negationniste, dans lequel des institutions de l'Etat turc et leurs
soutiens (en l'espèce, le Parlement turc et les institutions qui
l'appuient) cherchent activement a defendre l'argument selon lequel
les Anglais auraient fabrique la thèse du genocide armenien durant la
Première Guerre mondiale et que ces memes Anglais devraient s'excuser
pour cette outrage. " Bien qu'il s'agisse d'un argument risible,
comme cela a ete maintes fois demontre, l'entreprise de la Turquie
illustre le caractère belliqueux de la Turquie officielle dans sa
negation du genocide des Armeniens, tant en Turquie qu'a l'etranger,
" a-t-il declare.
Le meme jour, j'ai participe avec Talin Suciyan, de l'universite
de Munich, avec Ara Sarafian comme moderateur, a une table ronde,
organisee a l'Institut, intitulee " Temoigner après temoigner :
histoire d'un deni. "
Suciyan livra le tableau frappant, des plus personnel, et neanmoins
très representatif, d'un jeune Armenien grandissant dans un
environnement negationniste. " Qu'il s'agisse d'un cimetière, de
tel parc public d'Ukraine [bâti sur un cimetière armenien detruit],
de la demeure des Dadian, des baraques en lieu et place de cette
meme demeure, de la maison de mon cousin, de celle occupee de mes
grands-parents dans cette petite banlieue d'Istanbul, des routes que
des gens comme mon grand-père ont construit partout en Turquie [en
plus de leur service militaire obligatoire, en realite une campagne
de travaux forces visant en 1941 exclusivement les non musulmans],
ou l'espace public où les gens avaient interdiction de parler dans
leur langue maternelle, il y a une chose que nous avons en commun : le
labeur, le travail, les maisons, le cimetière, le quartier, la langue,
notre existence meme, est une affaire de tenèbres, " a-t-elle dit.
Le tout - les spectacles, les conferences, la generosite de l'Institut,
l'approche chaleureuse, la gentillesse et la proximite de ses membres
; la population polonaise de Wroclaw qui, bien que naturellement
peu familière du genocide armenien ou de la situation en Turquie,
faisait salle comble a chaque manifestation - fut incroyablement
emouvant, enrichissant et encourageant. La generosite de l'Institut,
en premier lieu de son directeur, Jaroslaw Fret, et des chers Ditte,
Magda, Nini, Dan, Tornek, Maite (qui prit soin de nous lors de cette
fraîche soiree, nous apportant - a Talin et moi - de la soupe chaude
et nous donnant l'impression de rencontrer un s~\ur dont nous n'avions
pas connaissance jusqu'alors), ainsi que tous les autres dont je ne me
rappelle pas les noms, fut une grâce. Le simple fait de les connaître,
avoir simplement connaissance de leur existence et de leurs efforts
sans faille, fait que je me sens plus en securite dans ce monde peu
sûr, tout en renforcant ma conviction dans ce que je fais.
Pour le texte integral de l'intervention d'Ayse Gunaysu,
lors de la table ronde citee plus haut, cliquez ici :
http://www.armenianweekly.com/2013/01/02/gunaysu-my-views-on-post-genocidal-turkey.
__________
Source :
http://www.armenianweekly.com/2013/01/02/gunaysu-my-silent-sister/
Traduction : © Georges Festa - 01.2013.
Avec l'aimable autorisation de Khatchig Mouradian, redacteur en chef
de The Armenian Weekly.
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Source/Lien : Armenian Trends - Mes Armenies
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=71177
Publie le : 08-02-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
presente un article traduit le 11 janvier 2013 par Georges Festa
pour le site "Armenian Trends - Mes Armenies", d'après un article en
anglais de Ayse Gunaysu publie sur le site The Armenian Weekly.
Legende photo: L'eglise Saint-Antoine de Padoue, Wroclaw, Pologne. Les
gens venus d'Afrique du Sud, du Danemark, d'Espagne, de Pologne et
d'autres nations, en train de chanter des hymnes armeniens avec Aram,
Virginie Kerovpyan et le baron Nishan Chalgician.
Armenian Trends - Mes Armenies
vendredi 11 janvier 2013
Ayse Gunaysu : My Silent Sister / Ma soeur silencieuse
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Ma s~\ur silencieuse
par Ayse Gunaysu
The Armenian Weekly, 02.01.2013
Le cadre est une petite ville, belle et historique, au sud de la
Pologne, Wroclaw. Il fait nuit, ce 11 novembre 2012. L'eglise
Saint-Antoine de Padoue est bondee. Les gens ecoutent un petit
ch~\ur qui chante des chants liturgiques armeniens. A ma gauche,
j'entends Talin en train de chanter de concert, a voix basse, des
chants qu'elle connaît depuis son enfance, très doucement et si bas que
j'arrive difficilement a la distinguer du chant du ch~\ur, une rumeur
mysterieuse qui emplit l'air. Observant le petit groupe de chanteurs,
je decouvre des visages irradiant une lumière interieure, qui ajoute
quelque chose de très particulier aux illuminations de l'eglise. Des
visages de jeunes gens venus d'Afrique du Sud, du Danemark,
d'Espagne, de Pologne et d'autres nations, en train de chanter des
hymnes armeniens. Qu'accompagne cette famille très inhabituelle
d'Aram et Virgina Kerovpian, avec leurs deux filles et leur fils,
lesquels se consacrent tous au chant monophonique et modal armenien
traditionnel ; et Baron Nisan Calgiciyan, un maître-chanteur venu de
l'eglise armenienne de la Sainte-Trinite d'Istanbul, et ses elèves,
Murat Iclinalca et Altug Yilmaz, eux aussi d'Istanbul, un musicologue
qui travaille depuis deux ans avec la famille Kerovpian. Les ecouter
constitue une experience hors du commun, tout a fait exceptionnelle,
qui fait souhaiter qu'ils ne cessent de continuer.
Ce concert est l'ultime manifestation d'un echange de deux jours, sous
les auspices de l'Institut Grotowski, intitule " My Silent Sister "
[Ma s~\ur silencieuse], l'edition 2012 du projet VoicEncounters,
organise par le groupe de theâtre de l'Institut, le Teatr ZAR,
un groupe multinational compose d'elèves de l'Institut Grotowski,
fonde et dirige par Jaroslav Fret. Depuis 2011, ils travaillent sur
un nouveau projet de performance, intitule " Armine, ma s~\ur ", qui
explore la culture et l'histoire armeniennes. Lors de deplacements
a Istanbul, en Armenie Occidentale, a Erevan et a Jerusalem, les
membres du ZAR ont rencontre des chanteurs, des chefs de ch~\ur, des
musiciens et des chercheurs. " My Silent Sister " entend preparer le
terrain pour un evenement a venir au printemps 2013 qui, disent-ils,
aura pour centre le patrimoine de l'Armenie et sa diaspora.
Mon sejour de deux jours a Wroclaw fut comme un reve. Je me
suis retrouvee avec un groupe de jeunes gens, tant Polonais que
d'autres regions du monde, a l'Institut et au Theâtre ZAR, qui
etaient differents - je veux dire, appartenant a une espèce humaine
differente. Ils se soucient veritablement d'autrui, consacrent du temps
a comprendre, sentir et atteindre autrui, veulent veritablement savoir
ce que d'autres, a l'autre bout du monde, ont vecu et continuent
de vivre. Ce qui leur conferait a tous, sans exception, une aura
differente, une sorte de transparence difficile a rendre, un visage
empreint de sens et de comprehension.
Cette manifestation comptait aussi des projections de films, Histoire
de chiens [The Barking Island] (2011) de Serge Avedikian, I Hate Dogs
[Je hais les chiens] (2005) de Suzanne Khardalian, Back to Ararat
(1988) de Peo Holmquist, et l'inoubliable Grandma's Tattoos (2011)
de Suzanne Khardalian. Figurait aussi un atelier intitule " Chant
modal : un voyage avec les sons ", avec Aram et Virginia Kerovpian,
la presentation d'un projet de film, Winds of Armine : Expedition to
Anatolia [Les Ailes d'Armine : expedition en Anatolie] de Nathalie
Rossetti et Turi Finochiaro (un couple d'exception, tout de chaleur
et d'energie sensible) ; et l'exposition " Images d'Anatolie " de
Magdalena Madra, une collection dechirante de photographies d'eglises,
de monastères, de cimetières armeniens, et ainsi de suite.
Le 10 novembre [2012], l'historien Ara Sarafian, de l'Institut
Komitas de Londres, presenta une conference intitulee " Une histoire
du genocide : memoire, continuite et defi, " accompagnee de cartes
illustrant de manière frappante l'ampleur des destructions. Son expose
aborda la negation officielle de la Turquie, toujours en cours, du
genocide armenien, prenant en exemple le British Parliamentary Blue
Book [Livre Bleu du Gouvernement britannique], publie en 1916. Durant
son intervention, il souligna le caractère choquant de ce processus
negationniste, dans lequel des institutions de l'Etat turc et leurs
soutiens (en l'espèce, le Parlement turc et les institutions qui
l'appuient) cherchent activement a defendre l'argument selon lequel
les Anglais auraient fabrique la thèse du genocide armenien durant la
Première Guerre mondiale et que ces memes Anglais devraient s'excuser
pour cette outrage. " Bien qu'il s'agisse d'un argument risible,
comme cela a ete maintes fois demontre, l'entreprise de la Turquie
illustre le caractère belliqueux de la Turquie officielle dans sa
negation du genocide des Armeniens, tant en Turquie qu'a l'etranger,
" a-t-il declare.
Le meme jour, j'ai participe avec Talin Suciyan, de l'universite
de Munich, avec Ara Sarafian comme moderateur, a une table ronde,
organisee a l'Institut, intitulee " Temoigner après temoigner :
histoire d'un deni. "
Suciyan livra le tableau frappant, des plus personnel, et neanmoins
très representatif, d'un jeune Armenien grandissant dans un
environnement negationniste. " Qu'il s'agisse d'un cimetière, de
tel parc public d'Ukraine [bâti sur un cimetière armenien detruit],
de la demeure des Dadian, des baraques en lieu et place de cette
meme demeure, de la maison de mon cousin, de celle occupee de mes
grands-parents dans cette petite banlieue d'Istanbul, des routes que
des gens comme mon grand-père ont construit partout en Turquie [en
plus de leur service militaire obligatoire, en realite une campagne
de travaux forces visant en 1941 exclusivement les non musulmans],
ou l'espace public où les gens avaient interdiction de parler dans
leur langue maternelle, il y a une chose que nous avons en commun : le
labeur, le travail, les maisons, le cimetière, le quartier, la langue,
notre existence meme, est une affaire de tenèbres, " a-t-elle dit.
Le tout - les spectacles, les conferences, la generosite de l'Institut,
l'approche chaleureuse, la gentillesse et la proximite de ses membres
; la population polonaise de Wroclaw qui, bien que naturellement
peu familière du genocide armenien ou de la situation en Turquie,
faisait salle comble a chaque manifestation - fut incroyablement
emouvant, enrichissant et encourageant. La generosite de l'Institut,
en premier lieu de son directeur, Jaroslaw Fret, et des chers Ditte,
Magda, Nini, Dan, Tornek, Maite (qui prit soin de nous lors de cette
fraîche soiree, nous apportant - a Talin et moi - de la soupe chaude
et nous donnant l'impression de rencontrer un s~\ur dont nous n'avions
pas connaissance jusqu'alors), ainsi que tous les autres dont je ne me
rappelle pas les noms, fut une grâce. Le simple fait de les connaître,
avoir simplement connaissance de leur existence et de leurs efforts
sans faille, fait que je me sens plus en securite dans ce monde peu
sûr, tout en renforcant ma conviction dans ce que je fais.
Pour le texte integral de l'intervention d'Ayse Gunaysu,
lors de la table ronde citee plus haut, cliquez ici :
http://www.armenianweekly.com/2013/01/02/gunaysu-my-views-on-post-genocidal-turkey.
__________
Source :
http://www.armenianweekly.com/2013/01/02/gunaysu-my-silent-sister/
Traduction : © Georges Festa - 01.2013.
Avec l'aimable autorisation de Khatchig Mouradian, redacteur en chef
de The Armenian Weekly.
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