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L'antiterrorisme, Une Histoire Europeenne

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    L'ANTITERRORISME, UNE HISTOIRE EUROPEENNE

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=71290
    Publie le : 13-02-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Quinze prevenus turcs ou
    d'origine turque, refugies pour la plupart, accuses d'etre lies a un
    groupe politique marxiste-leniniste (le DHKP-C), classifie terroriste
    par la Turquie (pays où tout opposant est systematiquement accuse de
    terrorisme), ont ete juges a Paris. Le procès antiterroriste s'est
    tenu a la Xe chambre correctionnelle de Paris en novembre dernier et
    le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est passe inapercu sauf pour
    ceux qui ont ete juges et ont ecope de lourdes peine de prison ferme.

    Le collectif Angles Morts decrypte, dans un texte très documente,
    la cooperation franco-turque dans le domaine judiciaire et policier.

    C'est ce que l'on pourrait intituler " Chroniques de l'antiterrorisme
    ordinaire "... Le Collectif VAN vous propose de decouvrir cet article
    que nous avons scinde en 5 parties, et qui a ete publie a l'origine
    sur le site Article11 le 8 janvier 2013. Partie 3.

    Article11

    MARDI 8 JANVIER 2013

    Sur le terrain

    Collectif Angles morts

    Partie 2.

    Suite de :

    " Antiterrorisme ordinaire : le procès du DHKP-C " et

    " France-Turquie : cooperation et sous-traitance de la repression "

    " Au lieu de nous juger, il vaut mieux que vous jugiez votre democratie
    et votre droit "24

    Le procès contre les militants presumes du DHKP-C qui vient de se
    clore en France est, comme l'antiterrorisme, une histoire europeenne,
    une histoire allemande, italienne, et plus precisement belge. Une
    histoire de cooperation et d'interets entre les Etats turc et belge.

    En 1999, a Knokke en Belgique, une militante du DHKP-C, Fehriye Erdal,
    est arretee en possession d'armes et de faux passeports et placee
    en detention. Elle etait recherchee pour triple meurtre depuis 1996
    par les autorites turques25. Au terme de la duree legale maximale de
    detention preventive, en 2000, le tribunal ordonne qu'elle soit liberee
    dans l'attente de son procès. Le gouvernement belge passe outre et la
    maintient en detention. C'est aussi le moment que choisit le ministre
    de l'interieur pour annoncer son intention de l'extrader alors que
    sa demande d'asile politique avait recu un premier avis favorable.

    La Turquie avait deja adresse a la Belgique trois demandes
    d'extradition, car Erdal aurait participe en janvier 1996 a
    l'assassinat d'un des plus grands industriels du pays. Le problème,
    comme le rappelle un de ses soutiens, est que " dans ses premières
    mises en demeure a l'adresse des autorites belges, la Turquie n'a
    jamais incrimine explicitement Erdal pour complicite de meurtre mais
    pour " tentative de renverser l'ordre constitutionnel " "26. L'Etat
    turc va alterner appels a la legalite et intimidations, menacant
    notamment d'enlever Erdal comme ils le firent avec Abdullah Ocalan
    (un dirigeant du PKK kidnappe par les services secrets turcs a
    l'ambassade grecque de Nairobi), et accusent la Belgique, cette "
    republique bananière " de devenir le " parapluie du terrorisme ".

    Tout au long des episodes de cette affaire, on va assister a la
    coexistence, parfois contradictoire, de deux logiques : " Dans un
    premier temps, Bruxelles a refuse l'extradition mais, d'un autre côte,
    plusieurs services d'Etat ainsi que des responsables de haut rang
    appartenant aux deux pays ont continue d'alimenter leurs relations
    de bonne entente et de parfaite intelligence. "27 Il est avere que
    depuis les annees 1990 au moins, une cooperation existe entre les
    polices belge et turque. En 1996 par exemple, les Belges decouvrirent
    l'existence du programme " Rebel " de la gendarmerie belge qui avait
    pour but de ficher, sans finalite administrative ou judiciaire precise,
    des dizaines de milliers de Turcs et de Belges d'origine turque.

    Au total, onze personnes seront inculpees dans l'affaire Erdal. Des
    divergences apparurent dès le debut entre le juge d'instruction,
    qui entendait se limiter aux faits sur le territoire belge, et le
    magistrat national du parquet federal qui tenait a collaborer avec la
    police et l'antiterrorisme turcs et communiquait des pièces issues du
    dossier aux Turcs malgre l'interdiction du juge d'instruction. Lors
    du verdict, le 28 fevrier 2006, le president du tribunal justifiera
    la condamnation de sept des onze prevenus (a des peines de quatre a
    six ans de prison) d'une facon surprenante qui montre bien la logique
    globale et les interets etatiques qui sous-tendent l'antiterrorisme :
    " Ils voulaient nuire aux responsables et aux biens de l'Etat turc. "
    Ce periple judiciaire se conclura en 2009 avec le verdict de la Cour
    d'appel de Bruxelles qui acquittera les prevenus de l'inculpation de
    terrorisme. La reaction de la Turquie a cet acquittement fut claire :
    " Cette decision est loin d'etre satisfaisante en ce qui concerne
    le respect de la cooperation internationale contre le terrorisme et
    les efforts pour se premunir contre les organisations terroristes et
    les châtier. " En octobre 2006, la Sous-direction anti-terroriste
    (SDAT) et la PJ de Lyon recoivent un ordre de recherche concernant
    Fehriye Erdal, en cavale depuis sa condamnation en fevrier 2006 ;
    Erdal se serait refugiee sur le territoire francais. Au cours de leurs
    recherches, ils croient decouvrir " une structure affiliee au DHKP-C
    sur le territoire francais ". Le rapport de la SDAT ajoute ensuite :
    " Depuis les annees 2000, l'organisation a cherche a faire de l'Europe
    occidentale une base arrière destinee a collecter des fonds, et d'autre
    part, s'est lancee parallèlement dans un intense activisme distille par
    des " institutions paravents. " " Ce rapport rassemble pele-mele une
    presentation du DHKP-C, qu'on croirait tout droit sortie des rapports
    de la police turque, un historique de ses activites " terroristes ",
    de sa " violence aveugle " contre les civils, des notes tirees de la
    surveillance en France des " appartements conspiratifs du DHKP-C ", ou
    encore l'etablissement d'un " organigramme occulte " de l'Association
    culturelle de solidarite Anatolie Paris, une association soupconnee
    d'etre la " vitrine legale " du DHKP-C en France, et frequentee
    par nombre de ceux qui vont se retrouver sur les bancs de la Xe
    chambre après avoir passe trois jours en garde a vue dans les locaux
    de la police antiterroriste. À la fin de ce rapport preliminaire,
    la SDAT recommande la tenue d'un procès pour contrer le " risque de
    sanctuarisation du territoire francais comme base arrière du DHKP-C
    ". Comme le declarait O. Gregrulka, un depute socialiste, en 2001 :
    " Nous sommes l'un des foyers de preparation du terrorisme. Ce n'est
    pas une politique securitaire mais preventive. "

    Ce rapport atterrira ensuite entre les mains de l'artisan du procès,
    le juge d'instruction antiterroriste Thierry Fragnoli, un juge "
    specialise ", entre autres, dans la traque des Turcs et Kurdes de
    France. Les avocats de quinze Turcs d'origine kurde, mis en examen
    en fevrier 2007 pour " financement du terrorisme ", en l'espèce du
    PKK, pouvaient bien denoncer a l'occasion du procès " un dossier
    extraordinairement vide, fabrique de toutes pièces ". C'est ce
    meme juge d'instruction, pourtant cense " instruire a charge et a
    decharge ", qui va reprendre presque mot pour mot le rapport de la
    SDAT, en ajoutant des remarques personnelles et des appreciations
    " ideologiques ", et ainsi livrer une ordonnance de renvoi28 qui
    pourrait faire sourire si ce document n'etait pas destine a pousser
    quinze personnes dans la broyeuse judiciaire. Un des prevenus dira
    a propos des questions de Fragnoli durant les interrogatoires : "
    Je n'ai rien repondu car ses questions n'appelaient pas de reponse. "
    Fragnoli evoque les " actions violentes extremes de ces militants ", et
    met sur le meme plan les " bombes dans des lieux publics " et ceux qui
    mènent " la grève de la faim jusqu'a la mort ". C'est en se montrant
    aveugle a son propre fanatisme, celui-la approuve par l'institution,
    encourage et dote de moyens puissants, que Fragnoli peut s'alarmer
    du caractère " mystique et sectaire " du DHKP-C. Ainsi, a propos de
    Tayad, un comite de soutien aux prisonniers politiques et a leurs
    familles, organisation que meme l'Etat turc n'a pas encore interdite
    mais que Fragnoli presente pourtant comme une " succursale du DHKP-C
    ", le juge y va de son appreciation : " Tayad faisait finalement peu
    de cas de la vie humaine, y compris de celle de ses propres militants
    du DHKP-C, puisqu'il les encourageait a aller au bout de leur "
    jeûne de la mort " [...]. On pourrait presque penser qu'une partie
    des activites de Tayad consisterait finalement en une entreprise
    morbide destinee a " fabriquer du martyr. " " Ce qui frappe dans
    ce document, c'est la tension constante entre d'une part le fait de
    declarer ne vouloir juger que ce qui se passe sur le sol francais,
    et d'autre part celui que tout montre que la justice a choisi son
    camp dans un affrontement dont elle ne sait rien, hormis la prise
    de partie, la prise de parti " fanatique ", pour un Etat. Fragnoli
    declare ainsi que le DHKP-C " attise une haine - aussi irrationnelle
    qu'inextinguible - des institutions turques ". Ou encore, evoquant
    les grèves de la faim dans les prisons turques contre les nouveaux
    penitenciers de type F, Fragnoli s'etonne : il s'agissait pourtant d'
    " une reforme des prisons, soutenue par l'UE [...] ce qui ne pouvait
    qu'etre favorable aux conditions de vie des detenus ". Du reste, il
    le formule on ne peut plus clairement dans ses conclusions : c'est
    de Turquie, " pays en paix reconnu par la communaute internationale,
    participant au concert des nations et où se deroulent des elections
    libres ", que viennent les informations les plus fiables, donc " c'est
    necessairement auprès de ce pays, touche par les actions meurtrières
    du DHKP-C, que l'on peut obtenir les informations precises sur ces
    actes et les membres de cette organisation ". Fragnoli ne cessant de
    questionner les prevenus sur leur " rapport a la violence ", a la "
    lutte armee ", pour etablir une predisposition a la violence ou un
    soutien ideologique a la " violence terroriste ", il se verra repondre
    par un des inculpes, a propos des actions du DHKP-C : " Elles ne sont
    pas aussi violentes que les bombes jetees par les militaires francais
    pendant la colonisation de l'Algerie. " À l'aide de documents transmis
    par l'Etat turc, dans un esprit d' " entraide penale internationale
    ", de propos accablants de temoins anonymes turcs - sans une ligne
    pour expliquer par qui, comment, et quand ils ont ete recueillis -,
    de declarations des prevenus en garde a vue, sur lesquelles tous se
    sont retractes, et d'elements a charge tels que le port de t-shirts29
    sigles DHKP-C, la participation au defile du 1er mai, l'absence de
    logement fixe, de compte en banque (" l'invisibilite bancaire ")
    ou de telephone portable, ou encore la tenue d'un stand a la Fete
    de l'humanite, le juge a tente de construire un edifice, de faire
    apparaître le spectre d'une menace. Une bonne illustration en est le
    fait que l'on trouve dans le dossier des procès verbaux rassembles
    sous le titre delirant de " coloration terroriste ". En somme, il
    etait plus facile de depeindre, a partir des " informations " de ceux
    qui les repriment, les actions " sanglantes " du DHKP-C en Turquie,
    car de leur vie en France, la surveillance policière et les filatures
    ne sont rien parvenues a tirer.

    ________________________________________

    24. C'est ce que repondra au juge d'instruction Fragnoli l'un des
    prevenus du procès contre les militants presumes du DHKP-C.

    25. Le site du Comite pour la liberte d'expression et d'association,
    un comite de soutien belge aux militants emprisonnees, contient de
    nombreuses informations sur les differentes affaires evoquees.

    26. Jean Finkler, " L'autre affaire Erdal ", art. cite.

    27. Idem.

    28. Le juge d'instruction, au terme de son enquete, delivre une
    ordonnance de non lieu s'il estime que les charges sont insuffisantes
    pour donner lieu a une mise en examen, ou une ordonnance de renvoi
    devant le tribunal correctionnel (ou de mise en accusation pour saisir
    la cour d'assises) s'il estime que les faits rassembles constituent
    un delit et doivent donc faire l'objet de poursuites. L'ordonnance
    resume les elements qui motivent la mise en examen.

    29. Ce n'est pas si etonnant, quand on sait qu'au moment où se tenait
    ce procès, un homme etait juge pour " apologie du terrorisme " après
    avoir ete vu porter un maillot du PSG floque " Ben Laden ".

    A suivre

    Lire aussi :

    France-Turquie : cooperation et sous-traitance de la repression

    Antiterrorisme ordinaire : le procès du DHKP-C

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    Source/Lien : Article11

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