Agence France Presse
21 février 2013 jeudi 5:16 AM GMT
Azerbaïdjan: un écrivain persécuté pour avoir tendu la main à l'Arménie
BAKOU 21 fév 2013
Ses livres sont brûlés, son oreille est mise à prix et le président du
pays l'a privé de ses décorations: l'écrivain azerbaïdjanais Akram
Aylisli, un des plus connus dans son pays, est frappé d'anathème pour
un roman prônant la réconciliation entre Arméniens et Azerbaïdjanais.
C'est la publication en décembre, dans une revue en Russie, du roman
"Les rêves de pierre", qui décrit les relations entre Arméniens et
Azerbaïdjanais, qui a mis le feu aux poudres.
Les deux nations, forcées à vivre ensemble dans l'URSS, sont des
ennemis jurés depuis le conflit sanglant du début des années 1990
autour du Nagorny Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens en territoire
azerbaïdjanais.
"J'ai écrit le roman en 2007 et j'ai décidé de le publier maintenant
parce que la haine contre les Arméniens est très élevée. C'était ma
réaction contre cela", a expliqué l'écrivain, 75 ans, dans une
interview à l'AFP.
L'écrivain assure avoir voulu "tendre une main amie vers les
Arméniens", précisant que "c'est un roman contre la politique (qui
attise) la haine entre les peuples".
Mais les hommes politiques à Bakou ne l'entendent pas de cette
oreille. Le parti au pouvoir Yeni Azerbaïdjan a exigé fin janvier que
l'écrivain renie son texte et demande pardon à la Nation.
Un haut responsable de l'administration présidentielle a jugé que "le
peuple azerbaïdjanais devait exprimer sa haine" à l'égard de
l'écrivain, honoré jusque-là.
Tests ADN
Depuis, des groupes se rassemblent régulièrement à Bakou et dans son
village natal pour brûler sa photo et ses livres en clamant "Honte!"
ou "Akram, quitte le pays".
Début février, le Parlement a condamné le roman, certains députés
allant jusqu'à demander à l'écrivain, lui-même ancien député, de faire
des tests ADN pour prouver son appartenance ethnique.
D'un trait de plume, le président Ilham Aliev a privé l'écrivain de
son titre honorifique d'"écrivain du peuple", de ses décorations et de
sa retraite.
Son épouse et son fils ont été contraints de démissionner de leur emploi.
Le leader du parti pro-gouvernemental Yeni Musavat, Hafiz Gadjiyev, a
promis une récompense de 12.000 dollars à celui qui lui couperait
l'oreille, alors que la télévision publique passe des reportages sur
des autodafés de ses livres à travers le pays.
L'écrivain envisage l'exil: "Je n'ai pas encore pris de décision
définitive, mais vu l'évolution de la situation je vais devoir
demander l'asile politique", a-t-il confié à l'AFP.
"Je raconte l'histoire d'un Azerbaïdjanais qui tente de sauver un
Arménien et devient une victime. Il s'agit de valeurs morales et de
qualités humaines", explique-t-il, récusant les accusations de manque
de patriotisme.
L'ONG Human Rights Watch a appelé la semaine dernière le gouvernement
azerbaïdjanais à faire respecter la liberté d'expression et assurer la
sécurité de l'écrivain.
"Les autorités ont le devoir de protéger Akram Aylisli", mais elles
"font en sorte de l'intimider, le mettant en danger avec une campagne
de dénigrement et de déclarations hostiles", a souligné HRW.
Le roman décrit les violences ethniques contre les Arméniens,
chrétiens, en Azerbaïdjan, pays turcophone à majorité musulmane, dans
les années 1920, lorsque le Karabakh a été rattaché à l?Azerbaïdjan,
et à la fin du XXe siècle.
Les critiques sont venues aussi de l'opposition, qui reproche à
Aylisli de ne décrire que les souffrances des Arméniens et d'ignorer
des atrocités commises par ceux-ci contre les Azéris.
"Le roman d'Aylisli nous éloigne de la réconciliation. Une oeuvre
unilatérale comme celle-ci n'aidera pas à résoudre le conflit", estime
le leader du parti d'opposition Musavat Isa Gambar.
Rare voix discordante, l'écrivain azerbaïdjanais Chingiz Guseynov a
pris sa défense, estimant que ce roman "prouve au monde entier que
nous ne sommes pas des sauvages".
Il compare Akram Aylisli au Turc Orhan Pamuk, Prix Nobel de
littérature, qui a dû s'exiler aux Etats-Unis après des menaces pour
ses prises de position sur le conflit kurde et la question arménienne.
eg-im-neo/lpt/cac
21 février 2013 jeudi 5:16 AM GMT
Azerbaïdjan: un écrivain persécuté pour avoir tendu la main à l'Arménie
BAKOU 21 fév 2013
Ses livres sont brûlés, son oreille est mise à prix et le président du
pays l'a privé de ses décorations: l'écrivain azerbaïdjanais Akram
Aylisli, un des plus connus dans son pays, est frappé d'anathème pour
un roman prônant la réconciliation entre Arméniens et Azerbaïdjanais.
C'est la publication en décembre, dans une revue en Russie, du roman
"Les rêves de pierre", qui décrit les relations entre Arméniens et
Azerbaïdjanais, qui a mis le feu aux poudres.
Les deux nations, forcées à vivre ensemble dans l'URSS, sont des
ennemis jurés depuis le conflit sanglant du début des années 1990
autour du Nagorny Karabakh, enclave peuplée d'Arméniens en territoire
azerbaïdjanais.
"J'ai écrit le roman en 2007 et j'ai décidé de le publier maintenant
parce que la haine contre les Arméniens est très élevée. C'était ma
réaction contre cela", a expliqué l'écrivain, 75 ans, dans une
interview à l'AFP.
L'écrivain assure avoir voulu "tendre une main amie vers les
Arméniens", précisant que "c'est un roman contre la politique (qui
attise) la haine entre les peuples".
Mais les hommes politiques à Bakou ne l'entendent pas de cette
oreille. Le parti au pouvoir Yeni Azerbaïdjan a exigé fin janvier que
l'écrivain renie son texte et demande pardon à la Nation.
Un haut responsable de l'administration présidentielle a jugé que "le
peuple azerbaïdjanais devait exprimer sa haine" à l'égard de
l'écrivain, honoré jusque-là.
Tests ADN
Depuis, des groupes se rassemblent régulièrement à Bakou et dans son
village natal pour brûler sa photo et ses livres en clamant "Honte!"
ou "Akram, quitte le pays".
Début février, le Parlement a condamné le roman, certains députés
allant jusqu'à demander à l'écrivain, lui-même ancien député, de faire
des tests ADN pour prouver son appartenance ethnique.
D'un trait de plume, le président Ilham Aliev a privé l'écrivain de
son titre honorifique d'"écrivain du peuple", de ses décorations et de
sa retraite.
Son épouse et son fils ont été contraints de démissionner de leur emploi.
Le leader du parti pro-gouvernemental Yeni Musavat, Hafiz Gadjiyev, a
promis une récompense de 12.000 dollars à celui qui lui couperait
l'oreille, alors que la télévision publique passe des reportages sur
des autodafés de ses livres à travers le pays.
L'écrivain envisage l'exil: "Je n'ai pas encore pris de décision
définitive, mais vu l'évolution de la situation je vais devoir
demander l'asile politique", a-t-il confié à l'AFP.
"Je raconte l'histoire d'un Azerbaïdjanais qui tente de sauver un
Arménien et devient une victime. Il s'agit de valeurs morales et de
qualités humaines", explique-t-il, récusant les accusations de manque
de patriotisme.
L'ONG Human Rights Watch a appelé la semaine dernière le gouvernement
azerbaïdjanais à faire respecter la liberté d'expression et assurer la
sécurité de l'écrivain.
"Les autorités ont le devoir de protéger Akram Aylisli", mais elles
"font en sorte de l'intimider, le mettant en danger avec une campagne
de dénigrement et de déclarations hostiles", a souligné HRW.
Le roman décrit les violences ethniques contre les Arméniens,
chrétiens, en Azerbaïdjan, pays turcophone à majorité musulmane, dans
les années 1920, lorsque le Karabakh a été rattaché à l?Azerbaïdjan,
et à la fin du XXe siècle.
Les critiques sont venues aussi de l'opposition, qui reproche à
Aylisli de ne décrire que les souffrances des Arméniens et d'ignorer
des atrocités commises par ceux-ci contre les Azéris.
"Le roman d'Aylisli nous éloigne de la réconciliation. Une oeuvre
unilatérale comme celle-ci n'aidera pas à résoudre le conflit", estime
le leader du parti d'opposition Musavat Isa Gambar.
Rare voix discordante, l'écrivain azerbaïdjanais Chingiz Guseynov a
pris sa défense, estimant que ce roman "prouve au monde entier que
nous ne sommes pas des sauvages".
Il compare Akram Aylisli au Turc Orhan Pamuk, Prix Nobel de
littérature, qui a dû s'exiler aux Etats-Unis après des menaces pour
ses prises de position sur le conflit kurde et la question arménienne.
eg-im-neo/lpt/cac