TURQUIE
En Turquie, les avocats, nouvelles cibles de la lutte anti-terroriste
Avec la récente arrestation de neuf avocats engagés dans la lutte
contre les violences policières, le nombre de ces juristes emprisonnés
en Turquie approche désormais la cinquantaine, un bilan qui scandalise
les barreaux et laisse les cabinets proches des milieux kurdes ou
d'extrême gauche totalement exsangues.
`Ca suffit ! Ces attaques, qui visent les droits de la défense et les
avocats de manière systématique et délibérée, ont atteint une
dimension qui n'est plus supportable.`
Dans la salle de réunion du barreau d'Istanbul, c'est le branlebas de
combat. Des centaines d'avocats se sont réunis et applaudissent à tout
rompre leur btonnier, Ümit Kocasakal, qui vient de lancer cet appel à
la résistance.
Vendredi dernier, neuf de leurs confrères ont été arrêtés puis placés
en détention préventive pour `appartenance à une organisation
terroriste`, le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple
(DHKP-C), dont ils avaient assuré la défense de plusieurs membres
présumés.
Proches des milieux d'extrême gauche, ces juristes se sont surtout
illustrés en défendant les victimes de violences policières et
carcérales comme Engin Ceber, un militant de gauche décédé en prison
en 2008 des suites de tortures, ou Festus Okay, un immigré clandestin
nigérian mort en 2007 dans un commissariat.
`Ces avocats ont accompli un travail incroyable en matière de droits
de l'Homme. Personne ne se serait occupé de ces dossiers. Et sans eux,
quelle attention ces affaires auraient-elles reçu ?`, commente Emma
Webb-Sinclair, de l'association Human Rights Watch (HRW).
Les neuf juristes ont rejoint en prison 36 autres avocats - 33 sont
soupçonnés de liens avec les rebelles kurdes du Parti des travailleurs
du Kurdistan (PKK) et trois autres sont accusés d'avoir participé à un
complot contre le gouvernement islamo-conservateur, selon un décompte
publié par le barreau de Diyarbakir (sud-est).
Cabinets exsangues
Avec 45 membres de la profession incarcérés, les avocats approchent
ainsi le record des journalistes emprisonnés : 46 selon le Comité pour
la protection des journalistes (CPJ), qui a décerné en décembre à la
Turquie le titre de championne du monde dans cette discipline.
Ces rafles ont surtout vidé de leur personnel les cabinets d'avocats
impliqués dans la défense des militants d'extrême gauche et kurdes.
Le 22 novembre 2011, le cabinet juridique Asrin, qui défend les
intérêts du chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, a ainsi perdu
cinq de ses six avocats, arrêtés à l'aube dans le cadre d'un vaste
coup de filet parmi les juristes kurdes. Seul un jeune stagiaire y a
échappé.
Depuis, ce sont trois jeunes juristes tout juste sortis de leur école
qui suivent les dossiers du prisonnier le plus célèbre de Turquie.
`En fait, j'ai obtenu ma licence d'avocat la semaine où mes confrères
du cabinet Asrin ont été arrêtés, pendant qu'ils étaient en garde à
vue`, se souvient Me Rezan Sarica, avocat d'Abdullah Öcalan à 25 ans.
Avant de rejoindre le cabinet Asrin, il a d'abord travaillé pendant
quelques mois dans une autre étude. `Mais là aussi, l'avocat a été
arrêté et incarcéré. Le bureau est resté complètement vide. C'est moi
qui ai dû tout gérer tout seul`, y compris des plaidoiries en cour
d'assises une semaine seulement après son entrée dans la vie
professionnelle, ajoute le jeune homme.
Me Sarica a désormais pour principale activité, outre le suivi du
dossier Öcalan, de défendre ses collègues emprisonnés.
Pour lui, cela ne fait pas de doute : `ces avocats sont en prison
parce qu'ils sont les avocats d'Öcalan. Il n'y a pas de respect de
l'Etat de droit et des droits de la défense dans ce pays`.
Le btonnier Ümit Kocasakal s'inquiète lui aussi de cette
criminalisation des avocats : `Si on nous jette en prison, qui sera là
pour vous défendre ?`
dimanche 27 janvier 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
En Turquie, les avocats, nouvelles cibles de la lutte anti-terroriste
Avec la récente arrestation de neuf avocats engagés dans la lutte
contre les violences policières, le nombre de ces juristes emprisonnés
en Turquie approche désormais la cinquantaine, un bilan qui scandalise
les barreaux et laisse les cabinets proches des milieux kurdes ou
d'extrême gauche totalement exsangues.
`Ca suffit ! Ces attaques, qui visent les droits de la défense et les
avocats de manière systématique et délibérée, ont atteint une
dimension qui n'est plus supportable.`
Dans la salle de réunion du barreau d'Istanbul, c'est le branlebas de
combat. Des centaines d'avocats se sont réunis et applaudissent à tout
rompre leur btonnier, Ümit Kocasakal, qui vient de lancer cet appel à
la résistance.
Vendredi dernier, neuf de leurs confrères ont été arrêtés puis placés
en détention préventive pour `appartenance à une organisation
terroriste`, le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple
(DHKP-C), dont ils avaient assuré la défense de plusieurs membres
présumés.
Proches des milieux d'extrême gauche, ces juristes se sont surtout
illustrés en défendant les victimes de violences policières et
carcérales comme Engin Ceber, un militant de gauche décédé en prison
en 2008 des suites de tortures, ou Festus Okay, un immigré clandestin
nigérian mort en 2007 dans un commissariat.
`Ces avocats ont accompli un travail incroyable en matière de droits
de l'Homme. Personne ne se serait occupé de ces dossiers. Et sans eux,
quelle attention ces affaires auraient-elles reçu ?`, commente Emma
Webb-Sinclair, de l'association Human Rights Watch (HRW).
Les neuf juristes ont rejoint en prison 36 autres avocats - 33 sont
soupçonnés de liens avec les rebelles kurdes du Parti des travailleurs
du Kurdistan (PKK) et trois autres sont accusés d'avoir participé à un
complot contre le gouvernement islamo-conservateur, selon un décompte
publié par le barreau de Diyarbakir (sud-est).
Cabinets exsangues
Avec 45 membres de la profession incarcérés, les avocats approchent
ainsi le record des journalistes emprisonnés : 46 selon le Comité pour
la protection des journalistes (CPJ), qui a décerné en décembre à la
Turquie le titre de championne du monde dans cette discipline.
Ces rafles ont surtout vidé de leur personnel les cabinets d'avocats
impliqués dans la défense des militants d'extrême gauche et kurdes.
Le 22 novembre 2011, le cabinet juridique Asrin, qui défend les
intérêts du chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, a ainsi perdu
cinq de ses six avocats, arrêtés à l'aube dans le cadre d'un vaste
coup de filet parmi les juristes kurdes. Seul un jeune stagiaire y a
échappé.
Depuis, ce sont trois jeunes juristes tout juste sortis de leur école
qui suivent les dossiers du prisonnier le plus célèbre de Turquie.
`En fait, j'ai obtenu ma licence d'avocat la semaine où mes confrères
du cabinet Asrin ont été arrêtés, pendant qu'ils étaient en garde à
vue`, se souvient Me Rezan Sarica, avocat d'Abdullah Öcalan à 25 ans.
Avant de rejoindre le cabinet Asrin, il a d'abord travaillé pendant
quelques mois dans une autre étude. `Mais là aussi, l'avocat a été
arrêté et incarcéré. Le bureau est resté complètement vide. C'est moi
qui ai dû tout gérer tout seul`, y compris des plaidoiries en cour
d'assises une semaine seulement après son entrée dans la vie
professionnelle, ajoute le jeune homme.
Me Sarica a désormais pour principale activité, outre le suivi du
dossier Öcalan, de défendre ses collègues emprisonnés.
Pour lui, cela ne fait pas de doute : `ces avocats sont en prison
parce qu'ils sont les avocats d'Öcalan. Il n'y a pas de respect de
l'Etat de droit et des droits de la défense dans ce pays`.
Le btonnier Ümit Kocasakal s'inquiète lui aussi de cette
criminalisation des avocats : `Si on nous jette en prison, qui sera là
pour vous défendre ?`
dimanche 27 janvier 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress