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Le Genocide Armenien Et Le Dialogue Turco-Armenien

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    LE GéNOCIDE ARMéNIEN ET LE DIALOGUE TURCO-ARMéNIEN

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74256
    Publié le : 10-07-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
    invite a lire cet article de Hilda Tchoboian, conseillère Régionale
    Rhône-Alpes, publié sur le site Repair - Réparer le futur [ONG Yerkir
    en partenariat avec Anadolu Kultur] le jeudi 13 juin 2013.

    Légende photo: Les présidents turc (Abdullah Gul) et arménien (Serge Sargsian)

    Repair - Réparer le futur

    jeudi 13 juin 2013

    Débat : Avant et après Hrant Dink
    Point de vue de la Diaspora Arménienne

    Un dialogue "cache-négationnisme" est forcément voué a l'échec

    Hilda Tchoboian, conseillère Régionale Rhône-Alpes

    Née a Alep, en Syrie, Hilda Tchoboian fait ses études en France. En
    1978, elle prend la direction de la Maison de la Culture arménienne de
    Décines (France) jusqu'en 2010, tout en militant en faveur de la
    reconnaissance du génocide des Arméniens par les instances
    internationales (ONU, Parlement européen). Présidente de la Fédération
    Euro-Arménienne pour la Justice et la Démocratie basée a Bruxelles de
    2002 a 2011. Elle a été consultante auprès du Haut-Commissariat des
    Nations unies aux Droits de l'Homme.

    Le dialogue entre Turcs et Arméniens a indiscutablement été, ces
    dernières années, un des faits marquants de leurs relations dont la
    nature et le statut ont marqué un tournant. Cependant, aussi
    spontanées qu'apparaissent ces initiatives, l'observation attentive du
    discours dominant de ce Â" dialogue Â", et l'examen des relations
    turco-arméniennes depuis plus d'une dizaine d'années, montrent
    clairement qu'il s'agit d'un processus pensé et maîtrisé par le
    pouvoir turc. Celui-ci a ainsi réussi a déléguer a la société civile
    le traitement d'une question plus qu'embarrassante, qui encombre
    depuis une vingtaine d'années ses relations avec les pays occidentaux,
    et en premier lieu perturbe son adhésion a l'Union européenne. Le
    processus de dialogue mis en place vise a désamorcer les
    revendications légitimes de reconnaissance et de réparations portées
    par la collectivité arménienne en Diaspora comme en Arménie. A la
    veille de chaque décision internationale touchant les intérêts de la
    Turquie, une nouvelle initiative de dialogue est initiée par la
    Turquie. Et a chaque fois, le dialogue turco-arménien a nourri une
    nouvelle stratégie turque d'évitement du Génocide des Arméniens, sans
    toutefois remettre en cause la politique étatique négationniste
    structurée, renforcée et étendue géographiquement.

    Du côté arménien les motivations des dialoguistes ne relèvent pas de
    la réflexion politique mais plutôt des sentiments d'humanité. 0n
    remarque aussi une certaine lassitude devant l'impasse créée par le
    négationnisme turc, avec parfois une recherche de nouvelles voies pour
    se débarrasser d'un fardeau psychologique. En revanche, de nombreux
    exemples donnent a penser que certains dialoguistes turcs considèrent
    le dialogue avec les Arméniens comme une négociation, une transaction
    qui ne peut fonctionner que grâce aux concessions qui s'imposent de
    manière égale aux deux parties. On le sait, une transaction a le
    devoir d'aboutir a une solution gagnant/gagnant qui caractérise toute
    négociation réussie.

    Ainsi, pour dialoguer, il faut respecter la dignité et les convictions
    de l'interlocuteur turc en légitimant l'éducation négationniste qui
    fait partie de sa formation. Pour preuve, l'ouvrage commun d'Ahmed
    Insel et de Michel Marian Dialogue sur le tabou arménien, qui relate
    le cas emblématique de l'écrivain Ahmed Insel, intellectuel turc
    francophone, brillant et médiatique, qui tente d'expliquer son refus
    du terme Â" génocide Â" comme une émanation de son éducation recue dans
    une famille kémaliste et nationaliste.

    Si, pour certains dialoguistes, l'objectif sous-tendu est de trouver
    un terrain d'entente sur la réalité même du Génocide, on comprend
    alors la raison du rejet du terme de Â" génocide Â" remplacé par des
    termes acrobatiques tels que le Â" G word Â". La règle est de substituer
    a la reconnaissance publique des termes qui relèvent du domaine du
    privé : le texte de la campagne d'excuses auprès des Arméniens en est
    l'exemple l'édifiant : Â" Ma conscience ne peut accepter que l'on reste
    indifférent a la Grande Catastrophe que les Arméniens ottomans ont
    subie en 1915, et qu'on la nie. Je rejette cette injustice et, pour ma
    part, je partage les sentiments et les peines de mes sÅ"urs et frères
    arméniens et je leur demande pardon Â". On ne peut pas nier le courage
    des initiateurs de cette campagne compte tenu de l'atmosphère délétère
    bien connue en Turquie de racisme et de violence généralisée envers
    les Arméniens. Cependant, les mots surlignés ci-dessus mettent en
    évidence la volonté délibérée de supprimer le Génocide du domaine
    publique et politique, ce qui donne a l'ensemble du texte un caractère
    incompréhensible lorsqu'on évoque la demande de pardon.

    Des questions restent alors en suspens :

    - Qui doit demander pardon pour un crime d'Etat ?

    - Qui a le droit de pardonner dans un cas de crime de génocide ?

    Quant au pardon, c'est un concept très ancien. Si l'on doit appeler
    pardon les gestes de réconciliation par lesquels la victime accepte de
    cesser de vouloir se venger, il se retrouve partout où un prix du sang
    est accepté. On peut distinguer le Â" pardon-transaction Â" du Â"
    pardon-renoncement Â" pour l'offenseur qui avoue sa faute et se
    repentit. Le pardon est un don qui délie d'une faute passée. Il libère
    le futur de la lourdeur du passé.

    Ainsi, deux traditions occidentales du pardon se contredisent :

    - D'une part, on ne peut pardonner que si le coupable avoue, demande
    pardon, se repent et donc change. Mais alors celui qui s'expose ainsi
    est déja dans une certaine mesure un autre. On ne pardonne donc pas le
    coupable en tant que tel.

    - D'autre part, le pardon s'accorde comme un geste gratuit et
    généreux, une grâce absolue, sans échange ni contrepartie attendus,
    sans repentir ni demande de pardon. Il est alors accordé au coupable
    en tant que coupable. C'est le pardon dans toute sa pureté.

    Quel est le statut d'une demande de pardon qui évite soigneusement de
    nommer les coupables et l'objet du pardon ?

    En l'absence de ces précisions qui clarifient et qualifient l'acte, on
    ne peut classer cette demande dans aucune des deux catégories que les
    philosophes du pardon nous offrent :

    - Le coupable implore le pardon de sa victime et prouve qu'il a changé, ou

    - L'acte de pardon gratuit.

    En revanche, ce sont les Arméniens qui ont remercié les auteurs turcs
    qui présentent toutes les caractéristiques du pardon unilatéral, sans
    contrepartie, en l'absence d'une véritable demande de pardon.

    Genèse :

    C'est en 2001, a la suite des succès remportés par la diaspora
    arménienne en 2000 (reconnaissance par le Sénat francais, le Parlement
    italien, le Vatican, premier rapport sur la Turquie du Parlement
    européen demandant a la Grande Assemblée turque de reconnaître le
    Génocide, vote avorté in extremis au Sénat américain par
    l'intervention du président Clinton), que les services du ministère
    des Affaires étrangères ont proposé au gouvernement turc, apparemment
    avec l'aide de conseillers américains, une nouvelle approche pour
    désamorcer les revendications grandissantes de reconnaissance du
    Génocide des Arméniens : le dialogue.

    Financée par le Département d'Etat américain, présidé par David
    Philips, est née la Commission de réconciliation turco-arménienne
    (CRAT), réunissant d'anciens diplomates, des universitaires et
    personnalités turques et arméniennes d'Arménie et de Diaspora. La
    Commission préconisait des échanges entre les deux sociétés civiles
    dans les domaines des médias, de la culture, de l'économie, de
    l'éducation, du partenariat entre femmes arméniennes et turques, de
    leaders arméniens et turcs ; seul était exclu le thème du Génocide des
    Arméniens. Dans la CRAT, comme dans la demande de pardon en 2008,
    quelques déclarations en marge des initiatives ont confirmé la vision
    machiavélique de la partie turque.

    Ozdem Sanberk, ancien diplomate turc, a propos de la CRAT : Â" Aussi
    longtemps que nous dialoguons avec les Arméniens la question du
    génocide ne viendra pas a l'ordre du jour du Congrès américain Â".

    Baskin Oran a propos de la demande de pardon : Â" Le Premier ministre
    devrait prier pour notre campagne. Les Parlements du monde entier
    étaient en train d'adopter des résolutions. Maintenant, ils
    arrêteront. La Diaspora s'est adoucie. Les médias internationaux
    commencent a ne plus utiliser le terme de génocide Â". (Milliyet
    19.12.2008). De plus, plusieurs membres turcs du TARC ont démissionné
    lorsqu'a la demande des membres arméniens le Centre international pour
    la Justice transitionnelle (ICTJ) a été saisie sur l'applicabilité de
    la Convention de 1948 au cas du Génocide des Arméniens.

    Si l'on veut lui donner le sens d'une réconciliation, il manque au
    dialogue turco-arménien au moins deux éléments essentiels qu'on
    retrouve dans tous les cas précédents de processus de réconciliation
    dans le monde, de l'Afrique du Sud a l'Argentine, en passant par le
    Pérou, l'Australie et le Togo : la Vérité /Reconnaissance, et la
    Justice /réparations. Aujourd'hui, un dialogue Â" cache-négationnisme
    Â", exploité pour les intérêts stratégiques de l'Etat turc est
    forcément voué a l'échec.

    Même si le chemin est long pour la reconnaissance, les intellectuels
    turcs devraient s'engager dans le sillage des Zarakolu, Sait Cetinoglu
    et autre Dogan Ozguden qui prennent des risques importants mais dont
    la quête de justice inspire confiance.

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    Source/Lien : Repair - Réparer le futur

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