SERGE AVEDIKIAN : "LE DIALOGUE TURCO-ARMENIEN EST EN STAGNATION"
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74298
Publie le : 11-07-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
invite a lire cette interview de Serge Avedikian, comedien et
realisateur francais, publiee sur le site Repair - Reparer le futur
[ONG Yerkir en partenariat avec Anadolu Kultur] le jeudi 13 juin 2013.
Repair - Reparer le futur
Debat : Avant et après Hrant Dink
Point de vue de la Diaspora Armenienne
Cette stagnation doit conduire a quelque chose de plus profond
Interview de Serge Avedikian, Comedien et realisateur francais
Comedien et realisateur francais, Serge Avedikian est un des premiers
artistes de la diaspora armenienne a defendre la necessite de parler
avec les Turcs. Il constate aujourd'hui que le processus de dialogue
est en stagnation et que le resultat des differentes initiatives reste
mitige. Pour en sortir, le realisateur compte sur une parole neuve
venant d'une nouvelle generation d'intellectuels et d'artistes turcs.
Comment avez-vous rencontre Hrant Dink ?
Notre première rencontre a eu lieu dans les bureaux d'Agos. Quand
j'etais de passage a Istanbul, en 1998, pour me rendre dans un
festival a Bodrum, un premier article sur moi etait paru dans Agos.
Mais on s'etait rate avec Hrant car il n'etait pas en ville. Quand je
suis revenu en 2003 a l'occasion du festival de Boursa et pour les
reperages de Nous avons bu la meme eau, j'ai ete convie a donner une
interview. Je me rappelle très bien de ses premiers mots. Il m'a dit
en armenien, en se levant et en me prenant dans ses bras : "Tu etais
devenu un mythe pour moi, mais la, tu es une realite". Ca m'a
evidemment un peu secoue, je me suis dit : "Mais qu'est-ce qu'il pense
de moi pour dire ca ?". Je lui ai donne une interview a propos du
festival de Boursa et surtout de la redecouverte de Soloz (Ndlr. le
village du grand-père de Serge Avedikian situe près de Boursa et où il
a tourne le documentaire, Nous avons bu la meme eau) pour la deuxième
fois en 13 ans. Il etait très etonne, ce qui m'a surpris car avec tout
le savoir qu'il avait sur la communaute armenienne et son histoire, il
ne connaissait pas Soloz. Ce qui veut dire que bien des histoires ont
eu lieu, pas si loin que cela d'Istanbul, que les Armeniens eux-memes
ne connaissent pas. Ce qui est normal, tout cela etait cache. Et il a
poursuivi : " C'est incroyable l'histoire de ce village. Il faut que
tu m'en parles plus ". Notre lien a continue. Je l'ai rencontre avant
d'aller en tournage a Soloz, après le tournage et quand le film a ete
monte. Une fois, on est alle au restaurant avec Hrant, Cengiz Aktar,
Ali Bayramoglu et Taner Akcam, de passage a Istanbul, qu'il m'a
presentes
Vous avez connu ces intellectuels d'Istanbul par le biais de Hrant Dink ?
Exactement. Parce qu'a Istanbul, a part quelques personnes d'origine
armenienne, je ne connaissais pas grand monde dans les milieux
cinematographiques ni intellectuels. C'est lui qui m'a fait connaître
lors d'une soiree au restaurant " Chez Boncuk " au premier etage,
comme il se doit, toutes ces personnes qui l'entouraient.
Vous avez visionne avec Hrant Dink, a Istanbul, une des premières
versions de Nous avons bu la meme eau ?
Oui, c'etait six mois avant sa mort. J'etais venu a Istanbul au
festival du cinema du court metrage. Pendant ce temps-la, on avait
monte une première version du film. Valerie Terranova, une des
conseillères de Jacques Chirac, etait de passage et m'avait demande de
lui presenter Hrant. Comme je voulais lui montrer un premier montage
du film, pour faire d'une pierre deux coups, on a fait cette
projection. C'etait très emouvant. D'ailleurs les liens sont
particuliers puisque c'est Valerie Terranova qui m'a appele pour
m'annoncer la mort de Hrant.
Hrant Dink avait dit : " Mais c'est ce film qu'il faut montrer en
diaspora. Il montre qu'il faut aller en Turquie et parler avec les
gens ".
La où on etait complètement en phase avec Hrant, c'etait sur la
necessite de montrer une ouverture d'esprit et une capacite d'aller
vers la Turquie d'aujourd'hui, toutes tendances confondues - sauf les
fascistes - de parler aux gens, leur dire qu'on etait la et d'autre
part, le besoin de partager notre propre decouverte, le chemin qui
etait en train de se faire en diaspora sur la Turquie. C'est
exactement le travail que Hrant faisait avec Agos, avec les articles
sur les villages en Anatolie, sur les auteurs armeniens, sur la vie
avant le Genocide. Et sur l'ignorance de la Turquie après le Genocide.
Nous avons bu la meme eau faisait aussi ce travail, c'est-a-dire aller
a la rencontre d'un village, des citoyens turcs qui ignoraient
eux-memes, en partie, l'histoire de ce village. C'est vrai que
symboliquement c'etait très fort, que ce soit des Pomaques qui
occupent l'espace qu'avaient occupe les Armeniens, qui racontent ce
qu'ils avaient ressenti en tant qu'immigre eux-memes dans cette
histoire d'echange de populations et qui portent un regard sur ce que
les Armeniens avaient construit et laisse comme trace. Ca a ete un des
points forts pour nouer un dialogue un peu different. Je pense que
Hrant etait non seulement solidaire de cela, mais il etait en plein, a
sa facon, avec son equipe, dans ce travail. Il y a eu une vrai
rencontre entre le travail que Hrant faisait avec Agos et notre
travail.
C'etait une epoque où la plupart des Armeniens de la diaspora
n'imaginaient meme pas venir en Turquie ou parler avec les Turcs.
En tout cas, ceux qui le faisaient, le faisaient un peu en cachette.
Ils venaient par exemple chercher un souvenir. A Soloz, on a appris
que des Armeniens etaient passes recuperer un objet ou une pierre
tombale. Mais tout cela se faisait en cachette parce que c'etait un
tabou. Je pense qu'on a dans cette demarche casse ce tabou. Alors
qu'il n'y a pas de reconnaissance de son histoire, comment un Armenien
pouvait-il aujourd'hui dialoguer avec des Turcs, en Turquie-meme, sur
le lieu precis où il y avait eu des deportations et le Genocide. Ce
tabou est tombe avec le film et avec le travail que faisait Hrant.
Il y a eu beaucoup de critiques envers le film a cause de cela.
Il y a eu une frange de la diaspora francaise très sceptique, qui
disait : " Mais tu te fais avoir, tu ne peux pas dialoguer avec des
gens qui ne reconnaissent rien ". Je pense que c'etait une periode de
transition pour beaucoup, notamment les jeunes.
On peut dire qu'après ce film et plusieurs autres projets, des
Armeniens de la diaspora ont commence a venir en Turquie. D'une
certaine manière, vous avez ouvert la voie, qu'est-ce que ce processus
a change, a la fois chez les Armeniens et les Turcs ?
Les gens ont commence tout d'abord a reellement parler, a poser de
vraies questions. Comment faire pour sortir de l'impasse du non
dialogue ? Comment faire pour sortir des tabous de part et d'autre ?
En fait, les deux parties sont coincees par leurs extremes. Côte turc,
pour le gouvernement et les nationalistes, c'est : " Comment
pouvez-vous dialoguer avec des Armeniens qui vous obligent a
reconnaître un genocide qui n'existe pas ". Et côte armenien : "
Comment pouvez-vous parler avec des gens qui ne reconnaissent meme pas
que c'est un Genocide. C'est un dialogue de sourds ". Je pense que
c'est ce barrage qui a ete force, mais pas pour tout le monde. A mon
sens, le resultat est un peu mitige. Il ne faut pas oublier que
lorsque l'appel a la signature de la demande de pardon a ete lance par
des intellectuels turcs - qui a fait aussi tomber des tabous - le
resultat escompte n'a pas ete aussi brillant que le pensaient les
organisateurs. Ils imaginaient un raz de maree, l'esperaient en tout
cas, et moi aussi avec eux. Cela aurait pu donner lieu a une prise de
parole democratique de ceux qui, jusqu'a maintenant, se taisaient. Ils
pensaient qu'il y aurait un million de signatures. Je crois que ca n'a
pas depasse 30 000, ce qui est deja pas mal, mais c'est quand meme
très loin des esperances. Je dirai que ce processus a ouvert une
brèche, a permis a beaucoup de jeunes de faire des voyages en
Anatolie, il y en avait eu auparavant, mais cette fois-ci de facon
ouverte. Il y a eu des rapprochements et des debats avec des
intellectuels turcs comme Ali Bayramoglu, Cengiz Aktar, Ahmet Insel et
Taner Akcam, en particulier en France. J'ai assiste a presque tous. Il
y a eu aussi des livres de dialogues entre Armeniens et Turcs. J'ai
l'impression que cette periode s'est un peu calmee, car maintenant il
y a des initiatives a plus long terme, un peu plus perennisees et
approfondies qui vont naître de ce mouvement. Des films aussi, j'en
suis sûr. Quand on est pionnier malgre soi, on voit venir les choses
car on tâte la temperature. Ca ne va peut-etre pas se faire tout de
suite. Il y a des temps d'inertie, des scepticismes qui reviennent. Il
ne faut pas oublier qu'il y a eu la mort de Hrant, qui a ete a double
tranchant.
Quand ces initiatives ont commence a se multiplier, Hrant Dink
devenait dangereux en Turquie. A votre avis, qu'est-ce qui le rendait
si dangereux ?
Je pense que c'est son audace et sa prise de parole franche. Tant
qu'un intellectuel reste demonstratif intellectuellement, il n'est pas
dangereux. Il ne devient dangereux que quand il arrete d'etre
intellectuel, quand il mène une vraie bataille avec des mots
ressentis, avec des mots que tout le monde peut entendre et qui
peuvent etre entendus par beaucoup. Je pense que c'est a ce moment que
les autorites ont senti que cet homme etait genant. Il prenait trop de
place, et surtout avec son charisme il entraînait des intellectuels
turcs. Au lieu d'etre devant lui, ils etaient derrière lui. Je pense
que c'est ca qui a fait très mal dans cet assassinat. Car encore une
fois, c'est un Armenien qu'on a tue et non pas un opposant turc, ce
qui a change beaucoup de choses et souleve une grande partie de la
population qui l'ecoutait. Des centaines de milliers de personnes
etaient dans la rue a son enterrement.
Est-ce que vous vous attendiez a une telle reaction en Turquie ?
Non. Je pensais que ce serait solennel et recupere par le
gouvernement, ce qui a ete d'ailleurs en partie le cas, mais je ne
pensais pas qu'il y aurait autant de monde dans la rue. Personne
n'avait prevu une telle levee de boucliers de la part des gens avec
leurs pancartes. Cette manifestation ne s'oubliera jamais, elle se
perpetue, de facon moindre, mais quand meme importante, a chaque
anniversaire, elle est devenue une sorte de symbole. D'un autre côte,
il n'est plus la. Il n'y a plus de meneur. Ca fait atomiser aussi.
Chacun reste dans son coin, de facon desordonnee. Il y a la fondation,
il y a des initiatives et tout cela est relativement positif, mais
n'empeche que c'est une bataille qui a ete amputee de sa tete.
Il faut peut-etre trouver cette fois-ci une " tete " parmi les
intellectuels turcs ?
Absolument. A la tete d'un mouvement reellement contestataire, pour
une democratie plus grande, pour la reconnaissance d'un certain nombre
de choses en Turquie, il faut que ce ne soit pas un Armenien. Hrant
etait un citoyen turc, mais il faut un citoyen a qui on ne puisse pas
reprocher d'etre un " sperme d'Armenien " ou de Kurde. C'est aussi ce
qui est difficile en Turquie parce que tout de suite on est accuse,
des reflexes d'antan et des ostracismes reviennent, alors que si c'est
un Turc, ce sera autant de moins en tous cas.
Il y aura une autre signification aussi.
Oui. Cela voudra dire une maturation de la societe civile en Turquie,
qui ose se devoiler. Elle existe, sans aucun doute parmi les
journalistes, les intellectuels, les artistes. J'en suis convaincu.
Osman Kavala le fait a sa facon, en tant qu'entrepreneur dans le
domaine culturel : des choses immenses et incroyables. Et il
continuera a le faire. Il en faut d'autres.
Six ans plus tard, comment voyez-vous la situation generale et
politique en Turquie ? Est-ce que la prise de conscience sur ces
sujets a avance ?
Je pense qu'il ne peut y avoir de recul. Mais il y a des temps
d'arret, de maturation, de comprehension et de digestion. Je pense
aussi que le temps d'elaboration de la replique a donner est en train
de se faire. Sous quelles formes elle va apparaître ? J'en connais
quelques unes, mais pas toutes. Les artistes vont s'exprimer dans les
mois a venir. Il y a une nouvelle generation d'intellectuels, plus
jeunes, mûrs, qui ne sont pas des professeurs d'universite, des
journalistes ou des vedettes reconnues, et qui ont les mains un peu
plus libres. Parce que moi aussi j'ai un certain âge, je sais ce que
ca veut dire de jouer avec sa renommee, d'avoir peur de perdre sa
place. Il y a une autocensure. Il faut des gens qui ne font pas
d'autocensure parce qu'ils n'ont rien a perdre. C'est pour cela que je
mets en place un nouveau projet où je souhaite donner la parole a de
tout jeunes cineastes, dans des pays très differents, pour parler de
l'idee de la diaspora par exemple.
Vous etiez assez critique a un moment donne concernant le fait que le
processus de dialogue en Turquie n'avancait pas vraiment. Qu'est-ce
que vous en pensez aujourd'hui ?
C'est facile de critiquer ou de constater. Mais il faut surtout
essayer de comprendre les raisons, en particulier les raisons
souterraines. Quand des grandes choses naissent, il faut un certain
temps pour les digerer et trouver un nouveau langage, parce que se
repeter ad vitam aeternam lasse les gens et n'apporte pas grand-chose.
C'est pour cela que j'ai parle de nouvelles generations. Ceux qui
actuellement s'expriment ont plus de 50 ans. Ils ont vecu des periodes
charnières, d'ouverture, d'assassinat et autres, très importantes
politiquement. Mais aujourd'hui, la nouvelle generation percoit cela a
sa facon. Evidemment, ces intellectuels doivent continuer a
s'exprimer. Mais je pense que leur rôle veritable, ce que je me donne
comme rôle aussi, c'est de passer le flambeau. C'est d'inciter les
jeunes, c'est-a-dire ceux qui ont entre 25 et 35 ans, avec une vraie
conscience et qui etudient les choses, d'acceder a une nouvelle
parole. Il faut que les intellectuels arretent de monopoliser
l'espace. Nous, on n'arrete pas de repeter les memes choses. La
decouverte vient d'une parole neuve, innocente. Cette stagnation doit
conduire a plus de reflexion. Il faut inciter les gens a ecrire et a
prendre la parole sur des sujets plus profonds.
A l'approche de 2015, quelle tendance va le plus peser : celle des
milliers de personnes qui commemorent 6 ans plus tard Hrant Dink ou
celle des manifestations où on porte des pancartes : " Vous etes tous
Armeniens, vous etes tous des bâtards " ? Quel est votre sentiment ?
Je sens que ca va etre important. Mais j'ai un peu peur que ce soit
une bataille de facade et qu'on perde la reflexion en profondeur. La
placardisation d'une cause revèle aussi certaines choses a des gens
qui n'entendent rien. Mais la où la bataille risque d'etre
interessante, c'est lorsque ces jeunes realisateurs turcs de Turquie
ou d'Allemagne reveleront leur film de fiction ou de documentaire a la
face du monde. C'est cette parole qui va faire la difference. Et pas
celle des Armeniens. C'est celle d'une Turquie dans le sens global du
terme, c'est-a-dire des gens qui se disent Turcs mais qui vivent ici
et la, qui vont reveler leur positionnement vis-a-vis de cette
histoire de facon plus forte que d'habitude. Ca peut etre de la
peinture, du cinema, de la litterature, un essai politique ou
philosophique, ou une forme de prise de parole politique. Il y a
beaucoup de projets en Armenie et en diaspora, mais ce n'est pas cela
qui sera interessant. Ce qui serait inattendu, c'est le film d'un
jeune realisateur turc reconnu, ou l'ouvrage d'un jeune ecrivain, et
dans les deux cas quelqu'un qui vit a Istanbul. C'est ca qui fera la
difference. Peut etre aussi des manifestations un peu differentes en
Turquie que celles du 24-Avril. Avec un vrai positionnement, des
colloques... Ca a deja eu lieu, il ne faut pas l'oublier. Mais il faut
que ce soit de facon plus visible et par le plus grand nombre.
Un des reves de Hrant Dink etait de voir des artistes armeniens et
turcs chanter ensemble sur la meme scène. Est-ce que ce reve se
realisera si on a l'occasion de voir l'opera Anouch sur lequel vous
travaillez a Istanbul ?
Ce sera un des elements. Anouch est un projet reve pour montrer
certaines choses. Il est ecrit par un Armenien a la base comme poème,
un compositeur armenien qui est entre Erevan, Tbilissi, Alexandropole
et Istanbul, et il a deja ete joue en turc. Je n'ai pas encore mis la
main sur le texte en turc, mais je suis sûr qu'on y arrivera. C'est un
projet reve pour dire : ca a eu lieu avant le Genocide, ca a eu lieu
après le Genocide et ca a lieu maintenant et de facon ouverte pour
tout le monde. C'est un type qui n'habite plus ni a Erevan ni a
Istanbul, mais habite a Paris, qui a pris l'initiative d'un renouveau,
d'un depoussierage d'une ~\uvre populaire, qui parle absolument a tout
le monde. Ca parle a la Turquie aussi bien qu'a l'Armenie. L'opera
Anouch relate des histoires de crimes d'honneur qui pourraient se
passer en Anatolie ou dans le Caucase et qui se deroulent dans des
montagnes qui ne portent pas de nom. Je souhaiterais très vivement
qu'en 2014, Anouch arrive a Istanbul et dans d'autres villes, par
exemple a Diyarbekir. Ca parlera aussi aux Kurdes. Il sera presente
fin avril a Erevan. J'espère qu'ensuite on pourra le programmer a
Istanbul et ailleurs.
Istanbul est maintenant dans presque tous vos projets ?
Absolument. Le film sur Paradjanov est presque pret et on sera a
Istanbul au printemps ou a l'automne prochain, pour des festivals.
Paradjanov va aussi faire parler de lui a Istanbul. C'est un type qui
a fait un film en armenien sur un Georgien, un Azeri, en pleine guerre
azero-armenienne. Les artistes doivent etre transfrontaliers, doivent
depasser les clivages. Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
problème, mais ces ~\uvres pointent les problèmes. Le film sur
Paradjanov sera aussi politique, meme si c'est a travers l'art, le
cinema et le collage. L'opera Anouch le sera a sa facon. Et pour Le
Dernier round a Istanbul, j'espère qu'on sera pret en 2015. Donc 2013,
2014 et 2015 vont porter trois gros projets toujours vers Istanbul. De
toute facon, c'est un des lieux de ma naissance spirituelle. Mon
grand-père est ne a quelques kilomètres d'Istanbul, c'est par Istanbul
que son bateau est reparti vers l'Armenie, et c'est par Istanbul qu'on
est revenu. Istanbul est au centre.
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Source/Lien : Repair - Reparer le futur
From: Baghdasarian
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Publie le : 11-07-2013
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realisateur francais, publiee sur le site Repair - Reparer le futur
[ONG Yerkir en partenariat avec Anadolu Kultur] le jeudi 13 juin 2013.
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Debat : Avant et après Hrant Dink
Point de vue de la Diaspora Armenienne
Cette stagnation doit conduire a quelque chose de plus profond
Interview de Serge Avedikian, Comedien et realisateur francais
Comedien et realisateur francais, Serge Avedikian est un des premiers
artistes de la diaspora armenienne a defendre la necessite de parler
avec les Turcs. Il constate aujourd'hui que le processus de dialogue
est en stagnation et que le resultat des differentes initiatives reste
mitige. Pour en sortir, le realisateur compte sur une parole neuve
venant d'une nouvelle generation d'intellectuels et d'artistes turcs.
Comment avez-vous rencontre Hrant Dink ?
Notre première rencontre a eu lieu dans les bureaux d'Agos. Quand
j'etais de passage a Istanbul, en 1998, pour me rendre dans un
festival a Bodrum, un premier article sur moi etait paru dans Agos.
Mais on s'etait rate avec Hrant car il n'etait pas en ville. Quand je
suis revenu en 2003 a l'occasion du festival de Boursa et pour les
reperages de Nous avons bu la meme eau, j'ai ete convie a donner une
interview. Je me rappelle très bien de ses premiers mots. Il m'a dit
en armenien, en se levant et en me prenant dans ses bras : "Tu etais
devenu un mythe pour moi, mais la, tu es une realite". Ca m'a
evidemment un peu secoue, je me suis dit : "Mais qu'est-ce qu'il pense
de moi pour dire ca ?". Je lui ai donne une interview a propos du
festival de Boursa et surtout de la redecouverte de Soloz (Ndlr. le
village du grand-père de Serge Avedikian situe près de Boursa et où il
a tourne le documentaire, Nous avons bu la meme eau) pour la deuxième
fois en 13 ans. Il etait très etonne, ce qui m'a surpris car avec tout
le savoir qu'il avait sur la communaute armenienne et son histoire, il
ne connaissait pas Soloz. Ce qui veut dire que bien des histoires ont
eu lieu, pas si loin que cela d'Istanbul, que les Armeniens eux-memes
ne connaissent pas. Ce qui est normal, tout cela etait cache. Et il a
poursuivi : " C'est incroyable l'histoire de ce village. Il faut que
tu m'en parles plus ". Notre lien a continue. Je l'ai rencontre avant
d'aller en tournage a Soloz, après le tournage et quand le film a ete
monte. Une fois, on est alle au restaurant avec Hrant, Cengiz Aktar,
Ali Bayramoglu et Taner Akcam, de passage a Istanbul, qu'il m'a
presentes
Vous avez connu ces intellectuels d'Istanbul par le biais de Hrant Dink ?
Exactement. Parce qu'a Istanbul, a part quelques personnes d'origine
armenienne, je ne connaissais pas grand monde dans les milieux
cinematographiques ni intellectuels. C'est lui qui m'a fait connaître
lors d'une soiree au restaurant " Chez Boncuk " au premier etage,
comme il se doit, toutes ces personnes qui l'entouraient.
Vous avez visionne avec Hrant Dink, a Istanbul, une des premières
versions de Nous avons bu la meme eau ?
Oui, c'etait six mois avant sa mort. J'etais venu a Istanbul au
festival du cinema du court metrage. Pendant ce temps-la, on avait
monte une première version du film. Valerie Terranova, une des
conseillères de Jacques Chirac, etait de passage et m'avait demande de
lui presenter Hrant. Comme je voulais lui montrer un premier montage
du film, pour faire d'une pierre deux coups, on a fait cette
projection. C'etait très emouvant. D'ailleurs les liens sont
particuliers puisque c'est Valerie Terranova qui m'a appele pour
m'annoncer la mort de Hrant.
Hrant Dink avait dit : " Mais c'est ce film qu'il faut montrer en
diaspora. Il montre qu'il faut aller en Turquie et parler avec les
gens ".
La où on etait complètement en phase avec Hrant, c'etait sur la
necessite de montrer une ouverture d'esprit et une capacite d'aller
vers la Turquie d'aujourd'hui, toutes tendances confondues - sauf les
fascistes - de parler aux gens, leur dire qu'on etait la et d'autre
part, le besoin de partager notre propre decouverte, le chemin qui
etait en train de se faire en diaspora sur la Turquie. C'est
exactement le travail que Hrant faisait avec Agos, avec les articles
sur les villages en Anatolie, sur les auteurs armeniens, sur la vie
avant le Genocide. Et sur l'ignorance de la Turquie après le Genocide.
Nous avons bu la meme eau faisait aussi ce travail, c'est-a-dire aller
a la rencontre d'un village, des citoyens turcs qui ignoraient
eux-memes, en partie, l'histoire de ce village. C'est vrai que
symboliquement c'etait très fort, que ce soit des Pomaques qui
occupent l'espace qu'avaient occupe les Armeniens, qui racontent ce
qu'ils avaient ressenti en tant qu'immigre eux-memes dans cette
histoire d'echange de populations et qui portent un regard sur ce que
les Armeniens avaient construit et laisse comme trace. Ca a ete un des
points forts pour nouer un dialogue un peu different. Je pense que
Hrant etait non seulement solidaire de cela, mais il etait en plein, a
sa facon, avec son equipe, dans ce travail. Il y a eu une vrai
rencontre entre le travail que Hrant faisait avec Agos et notre
travail.
C'etait une epoque où la plupart des Armeniens de la diaspora
n'imaginaient meme pas venir en Turquie ou parler avec les Turcs.
En tout cas, ceux qui le faisaient, le faisaient un peu en cachette.
Ils venaient par exemple chercher un souvenir. A Soloz, on a appris
que des Armeniens etaient passes recuperer un objet ou une pierre
tombale. Mais tout cela se faisait en cachette parce que c'etait un
tabou. Je pense qu'on a dans cette demarche casse ce tabou. Alors
qu'il n'y a pas de reconnaissance de son histoire, comment un Armenien
pouvait-il aujourd'hui dialoguer avec des Turcs, en Turquie-meme, sur
le lieu precis où il y avait eu des deportations et le Genocide. Ce
tabou est tombe avec le film et avec le travail que faisait Hrant.
Il y a eu beaucoup de critiques envers le film a cause de cela.
Il y a eu une frange de la diaspora francaise très sceptique, qui
disait : " Mais tu te fais avoir, tu ne peux pas dialoguer avec des
gens qui ne reconnaissent rien ". Je pense que c'etait une periode de
transition pour beaucoup, notamment les jeunes.
On peut dire qu'après ce film et plusieurs autres projets, des
Armeniens de la diaspora ont commence a venir en Turquie. D'une
certaine manière, vous avez ouvert la voie, qu'est-ce que ce processus
a change, a la fois chez les Armeniens et les Turcs ?
Les gens ont commence tout d'abord a reellement parler, a poser de
vraies questions. Comment faire pour sortir de l'impasse du non
dialogue ? Comment faire pour sortir des tabous de part et d'autre ?
En fait, les deux parties sont coincees par leurs extremes. Côte turc,
pour le gouvernement et les nationalistes, c'est : " Comment
pouvez-vous dialoguer avec des Armeniens qui vous obligent a
reconnaître un genocide qui n'existe pas ". Et côte armenien : "
Comment pouvez-vous parler avec des gens qui ne reconnaissent meme pas
que c'est un Genocide. C'est un dialogue de sourds ". Je pense que
c'est ce barrage qui a ete force, mais pas pour tout le monde. A mon
sens, le resultat est un peu mitige. Il ne faut pas oublier que
lorsque l'appel a la signature de la demande de pardon a ete lance par
des intellectuels turcs - qui a fait aussi tomber des tabous - le
resultat escompte n'a pas ete aussi brillant que le pensaient les
organisateurs. Ils imaginaient un raz de maree, l'esperaient en tout
cas, et moi aussi avec eux. Cela aurait pu donner lieu a une prise de
parole democratique de ceux qui, jusqu'a maintenant, se taisaient. Ils
pensaient qu'il y aurait un million de signatures. Je crois que ca n'a
pas depasse 30 000, ce qui est deja pas mal, mais c'est quand meme
très loin des esperances. Je dirai que ce processus a ouvert une
brèche, a permis a beaucoup de jeunes de faire des voyages en
Anatolie, il y en avait eu auparavant, mais cette fois-ci de facon
ouverte. Il y a eu des rapprochements et des debats avec des
intellectuels turcs comme Ali Bayramoglu, Cengiz Aktar, Ahmet Insel et
Taner Akcam, en particulier en France. J'ai assiste a presque tous. Il
y a eu aussi des livres de dialogues entre Armeniens et Turcs. J'ai
l'impression que cette periode s'est un peu calmee, car maintenant il
y a des initiatives a plus long terme, un peu plus perennisees et
approfondies qui vont naître de ce mouvement. Des films aussi, j'en
suis sûr. Quand on est pionnier malgre soi, on voit venir les choses
car on tâte la temperature. Ca ne va peut-etre pas se faire tout de
suite. Il y a des temps d'inertie, des scepticismes qui reviennent. Il
ne faut pas oublier qu'il y a eu la mort de Hrant, qui a ete a double
tranchant.
Quand ces initiatives ont commence a se multiplier, Hrant Dink
devenait dangereux en Turquie. A votre avis, qu'est-ce qui le rendait
si dangereux ?
Je pense que c'est son audace et sa prise de parole franche. Tant
qu'un intellectuel reste demonstratif intellectuellement, il n'est pas
dangereux. Il ne devient dangereux que quand il arrete d'etre
intellectuel, quand il mène une vraie bataille avec des mots
ressentis, avec des mots que tout le monde peut entendre et qui
peuvent etre entendus par beaucoup. Je pense que c'est a ce moment que
les autorites ont senti que cet homme etait genant. Il prenait trop de
place, et surtout avec son charisme il entraînait des intellectuels
turcs. Au lieu d'etre devant lui, ils etaient derrière lui. Je pense
que c'est ca qui a fait très mal dans cet assassinat. Car encore une
fois, c'est un Armenien qu'on a tue et non pas un opposant turc, ce
qui a change beaucoup de choses et souleve une grande partie de la
population qui l'ecoutait. Des centaines de milliers de personnes
etaient dans la rue a son enterrement.
Est-ce que vous vous attendiez a une telle reaction en Turquie ?
Non. Je pensais que ce serait solennel et recupere par le
gouvernement, ce qui a ete d'ailleurs en partie le cas, mais je ne
pensais pas qu'il y aurait autant de monde dans la rue. Personne
n'avait prevu une telle levee de boucliers de la part des gens avec
leurs pancartes. Cette manifestation ne s'oubliera jamais, elle se
perpetue, de facon moindre, mais quand meme importante, a chaque
anniversaire, elle est devenue une sorte de symbole. D'un autre côte,
il n'est plus la. Il n'y a plus de meneur. Ca fait atomiser aussi.
Chacun reste dans son coin, de facon desordonnee. Il y a la fondation,
il y a des initiatives et tout cela est relativement positif, mais
n'empeche que c'est une bataille qui a ete amputee de sa tete.
Il faut peut-etre trouver cette fois-ci une " tete " parmi les
intellectuels turcs ?
Absolument. A la tete d'un mouvement reellement contestataire, pour
une democratie plus grande, pour la reconnaissance d'un certain nombre
de choses en Turquie, il faut que ce ne soit pas un Armenien. Hrant
etait un citoyen turc, mais il faut un citoyen a qui on ne puisse pas
reprocher d'etre un " sperme d'Armenien " ou de Kurde. C'est aussi ce
qui est difficile en Turquie parce que tout de suite on est accuse,
des reflexes d'antan et des ostracismes reviennent, alors que si c'est
un Turc, ce sera autant de moins en tous cas.
Il y aura une autre signification aussi.
Oui. Cela voudra dire une maturation de la societe civile en Turquie,
qui ose se devoiler. Elle existe, sans aucun doute parmi les
journalistes, les intellectuels, les artistes. J'en suis convaincu.
Osman Kavala le fait a sa facon, en tant qu'entrepreneur dans le
domaine culturel : des choses immenses et incroyables. Et il
continuera a le faire. Il en faut d'autres.
Six ans plus tard, comment voyez-vous la situation generale et
politique en Turquie ? Est-ce que la prise de conscience sur ces
sujets a avance ?
Je pense qu'il ne peut y avoir de recul. Mais il y a des temps
d'arret, de maturation, de comprehension et de digestion. Je pense
aussi que le temps d'elaboration de la replique a donner est en train
de se faire. Sous quelles formes elle va apparaître ? J'en connais
quelques unes, mais pas toutes. Les artistes vont s'exprimer dans les
mois a venir. Il y a une nouvelle generation d'intellectuels, plus
jeunes, mûrs, qui ne sont pas des professeurs d'universite, des
journalistes ou des vedettes reconnues, et qui ont les mains un peu
plus libres. Parce que moi aussi j'ai un certain âge, je sais ce que
ca veut dire de jouer avec sa renommee, d'avoir peur de perdre sa
place. Il y a une autocensure. Il faut des gens qui ne font pas
d'autocensure parce qu'ils n'ont rien a perdre. C'est pour cela que je
mets en place un nouveau projet où je souhaite donner la parole a de
tout jeunes cineastes, dans des pays très differents, pour parler de
l'idee de la diaspora par exemple.
Vous etiez assez critique a un moment donne concernant le fait que le
processus de dialogue en Turquie n'avancait pas vraiment. Qu'est-ce
que vous en pensez aujourd'hui ?
C'est facile de critiquer ou de constater. Mais il faut surtout
essayer de comprendre les raisons, en particulier les raisons
souterraines. Quand des grandes choses naissent, il faut un certain
temps pour les digerer et trouver un nouveau langage, parce que se
repeter ad vitam aeternam lasse les gens et n'apporte pas grand-chose.
C'est pour cela que j'ai parle de nouvelles generations. Ceux qui
actuellement s'expriment ont plus de 50 ans. Ils ont vecu des periodes
charnières, d'ouverture, d'assassinat et autres, très importantes
politiquement. Mais aujourd'hui, la nouvelle generation percoit cela a
sa facon. Evidemment, ces intellectuels doivent continuer a
s'exprimer. Mais je pense que leur rôle veritable, ce que je me donne
comme rôle aussi, c'est de passer le flambeau. C'est d'inciter les
jeunes, c'est-a-dire ceux qui ont entre 25 et 35 ans, avec une vraie
conscience et qui etudient les choses, d'acceder a une nouvelle
parole. Il faut que les intellectuels arretent de monopoliser
l'espace. Nous, on n'arrete pas de repeter les memes choses. La
decouverte vient d'une parole neuve, innocente. Cette stagnation doit
conduire a plus de reflexion. Il faut inciter les gens a ecrire et a
prendre la parole sur des sujets plus profonds.
A l'approche de 2015, quelle tendance va le plus peser : celle des
milliers de personnes qui commemorent 6 ans plus tard Hrant Dink ou
celle des manifestations où on porte des pancartes : " Vous etes tous
Armeniens, vous etes tous des bâtards " ? Quel est votre sentiment ?
Je sens que ca va etre important. Mais j'ai un peu peur que ce soit
une bataille de facade et qu'on perde la reflexion en profondeur. La
placardisation d'une cause revèle aussi certaines choses a des gens
qui n'entendent rien. Mais la où la bataille risque d'etre
interessante, c'est lorsque ces jeunes realisateurs turcs de Turquie
ou d'Allemagne reveleront leur film de fiction ou de documentaire a la
face du monde. C'est cette parole qui va faire la difference. Et pas
celle des Armeniens. C'est celle d'une Turquie dans le sens global du
terme, c'est-a-dire des gens qui se disent Turcs mais qui vivent ici
et la, qui vont reveler leur positionnement vis-a-vis de cette
histoire de facon plus forte que d'habitude. Ca peut etre de la
peinture, du cinema, de la litterature, un essai politique ou
philosophique, ou une forme de prise de parole politique. Il y a
beaucoup de projets en Armenie et en diaspora, mais ce n'est pas cela
qui sera interessant. Ce qui serait inattendu, c'est le film d'un
jeune realisateur turc reconnu, ou l'ouvrage d'un jeune ecrivain, et
dans les deux cas quelqu'un qui vit a Istanbul. C'est ca qui fera la
difference. Peut etre aussi des manifestations un peu differentes en
Turquie que celles du 24-Avril. Avec un vrai positionnement, des
colloques... Ca a deja eu lieu, il ne faut pas l'oublier. Mais il faut
que ce soit de facon plus visible et par le plus grand nombre.
Un des reves de Hrant Dink etait de voir des artistes armeniens et
turcs chanter ensemble sur la meme scène. Est-ce que ce reve se
realisera si on a l'occasion de voir l'opera Anouch sur lequel vous
travaillez a Istanbul ?
Ce sera un des elements. Anouch est un projet reve pour montrer
certaines choses. Il est ecrit par un Armenien a la base comme poème,
un compositeur armenien qui est entre Erevan, Tbilissi, Alexandropole
et Istanbul, et il a deja ete joue en turc. Je n'ai pas encore mis la
main sur le texte en turc, mais je suis sûr qu'on y arrivera. C'est un
projet reve pour dire : ca a eu lieu avant le Genocide, ca a eu lieu
après le Genocide et ca a lieu maintenant et de facon ouverte pour
tout le monde. C'est un type qui n'habite plus ni a Erevan ni a
Istanbul, mais habite a Paris, qui a pris l'initiative d'un renouveau,
d'un depoussierage d'une ~\uvre populaire, qui parle absolument a tout
le monde. Ca parle a la Turquie aussi bien qu'a l'Armenie. L'opera
Anouch relate des histoires de crimes d'honneur qui pourraient se
passer en Anatolie ou dans le Caucase et qui se deroulent dans des
montagnes qui ne portent pas de nom. Je souhaiterais très vivement
qu'en 2014, Anouch arrive a Istanbul et dans d'autres villes, par
exemple a Diyarbekir. Ca parlera aussi aux Kurdes. Il sera presente
fin avril a Erevan. J'espère qu'ensuite on pourra le programmer a
Istanbul et ailleurs.
Istanbul est maintenant dans presque tous vos projets ?
Absolument. Le film sur Paradjanov est presque pret et on sera a
Istanbul au printemps ou a l'automne prochain, pour des festivals.
Paradjanov va aussi faire parler de lui a Istanbul. C'est un type qui
a fait un film en armenien sur un Georgien, un Azeri, en pleine guerre
azero-armenienne. Les artistes doivent etre transfrontaliers, doivent
depasser les clivages. Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
problème, mais ces ~\uvres pointent les problèmes. Le film sur
Paradjanov sera aussi politique, meme si c'est a travers l'art, le
cinema et le collage. L'opera Anouch le sera a sa facon. Et pour Le
Dernier round a Istanbul, j'espère qu'on sera pret en 2015. Donc 2013,
2014 et 2015 vont porter trois gros projets toujours vers Istanbul. De
toute facon, c'est un des lieux de ma naissance spirituelle. Mon
grand-père est ne a quelques kilomètres d'Istanbul, c'est par Istanbul
que son bateau est reparti vers l'Armenie, et c'est par Istanbul qu'on
est revenu. Istanbul est au centre.
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Source/Lien : Repair - Reparer le futur
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