UN AUTHENTIQUE PASTEUR, UN SERVITEUR FIDÈLE DE L'EGLISE S'EN VA
OPINION
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=91320
Sahag Sukiasyan, diacre de l'Eglise armenienne nous faire parvenir
cette tribune signee par un groupe de fidèles du diocèse de France
de l'Eglise armenienne
Au nom de l'avenir de notre Eglise
Mercredi 3 Juillet, nous apprenions la nouvelle qui a attriste des
milliers de fidèles de notre diocèse, la demission de notre Primat,
son Eminence l'archeveque Norvan Zakarian. Cette nouvelle nous est
parvenue sur un arrière-fond de crise dont notre jeune diocèse
n'avait nul besoin. Il est rapidement apparu que cette nouvelle
etait liee a la condamnation par un tribunal pour " violence sur
personne " du père Vatche, ancien pretre de la paroisse de Nice et
que la demission de notre Primat avait ete provoquee par un differend
entre le Catholicos de tous les Armeniens et lui-meme au sujet de ce
pretre. Le choc et l'incomprehension sont d'autant plus grands que
Monseigneur Norvan est un ecclesiastique d'une grande humilite, qui
a toujours ete conscient de ses devoirs, aime et respecte des fidèles
de son diocèse, qui jouit d'une grande autorite auprès de ses frères
en episcopat et dans tous les milieux ~\cumeniques. En outre, il est
connu en France et dans toutes nos communautes a travers le monde comme
un authentique intellectuel passionne de litterature et des autres
formes d'expressions artistiques, comme un defenseur infatigable de la
langue armenienne et un hardi promoteur de son enseignement. Son depart
est donc pour tous les fidèles de son diocèse une mauvaise nouvelle,
mais c'est la decision qu'il a lui-meme prise. Et a ce titre, nous
la respectons.
L'objectif des auteurs de ces lignes n'est nullement d'ecrire un
panegyrique de Monseigneur Norvan. Il n'en n'est aucun besoin :
les quarante-cinq annees de son ministère depuis son ordination en
1968 en notre eglise cathedrale de Paris temoignent très largement
en sa faveur.
La dernière de ses missions, et non la moindre, aura ete la fondation
du diocèse de France, fondation decidee il y a près de 90 ans par
le Catholicos Kevork V, d'heureuse memoire, mais qu'aucun des legats
catholicossaux qui s'etaient succede dans notre pays n'avait reussi a
concretiser. Les noms de sa Saintete Karekine II, Patriarche supreme et
Catholicos de tous les Armeniens, et de Monseigneur Norvan resteront
donc eternellement associes a la realisation de ce projet qui, malgre
les critiques de certains de ses detracteurs, etait et demeure d'une
imperieuse necessite pour l'avenir de notre communaute.
Dans le domaine educatif, après des annees de travaux preparatoires
ardus, Monseigneur Norvan venait de lancer le chantier tant attendu
de l'ecole d'Alfortville.
L'homme par lequel le scandale est arrive.
La nouvelle qui avait ete diffusee la veille de cette demission nous
avait deja tous profondement blesses.
Pour la première fois dans l'histoire presque seculaire de la
communaute armenienne de France, l'un de nos ecclesiastiques etait
condamne par un tribunal. Si la condamnation de cet homme d'Eglise
est avant tout une tache sur son honneur personnel, elle l'est aussi
pour sa communaute, son Eglise, son eveque et evidemment pour son
Patriarche. Après avoir ete condamne par la Justice de la Republique
francaise, il lui faudra donc aussi affronter le jugement de sa
hierarchie. On peut imaginer que le père Vatche sera pour le moins
invite a se retirer dans un monastère pendant quelques mois pour
faire librement son examen de conscience. Notre intention n'est pas
ici de demander la mort du pecheur car :" Quel est l'homme qui vit
et ne peche pas ? " (Rituel de l'Eglise armenienne).
Un debat incontournable, un engagement indispensable de tous pour
remettre les fidèles au c~\ur de l'Eglise et l'Eglise dans le c~\ur
des fidèles.
Peu d'entre nous connaissent le pretre qui est a l'origine de
ce different entre notre Catholicos et notre Primat mais, a notre
grand regret, nous n'avons pas ouï dire a ce jour qu'il ait beaucoup
contribue a la vie spirituelle des fidèles de notre Eglise en France.
S'il l'a fait ailleurs, nous aimerions que des voix s'elèvent pour
temoigner pour lui et nous dire " Voici l'homme ". Nous serions
alors rassures et heureux de le voir readmis dans notre communion
comme un frère. Pour l'heure, nous nous contenterons de dire que les
tensions et antagonismes qu'il a provoques vont peut etre permettre
l'ouverture d'un vrai debat sur les reformes necessaires pour une
meilleure organisation de notre vie ecclesiale et aussi, par dela
cette question, sur la forme que doit revetir le dialogue entre
l'Armenie et la Diaspora. Certains de nos " anciens " qui avaient
souvent peu d'instruction mais beaucoup de sagesse aimaient a repeter
" il y a du bon dans tout mal ". L'opportunite qui nous est offerte
doit donc etre recue comme une veritable Grâce.
Nombreux sont les membres de notre clerge regulièrement interpelles
sur les reponses que notre Eglise devrait apporter aux " grands
defis du 21ème siècle ". Un colloque de deux jours s'etait d'ailleurs
tenu a Marseille l'annee dernière a cette meme epoque, preside par
sa Saintete le Catholicos en personne. Notre grand dilemme est que,
collectivement, nous ne sommes simplement toujours pas encore sortis
du 20ème siècle. Nous n'avons pas, par exemple, encore apporte une
reponse morale aux grands cataclysmes qu'ont ete le Genocide et la
sovietisation et que partout, en Diaspora comme en Armenie, l'Eglise
a dû, a l'image de la nation, se reconstruire dans l'urgence, en
repartant de zero.
Pour ne parler que de notre situation en France, nous devons a la fois
renouer avec notre tradition ecclesiale perdue : son ecclesiologie,
son heritage spirituel, son rite, sa langue liturgique, le tout dans
le contexte très particulier de la France laïque et apporter aux
jeunes nes dans ce pays des reponses aux questions qu'ils se posent
comme nombre de leurs concitoyens de leur generation. Mais l'approche
de certaines questions, par exemple celles liees a la bioethique,
peut elle entraîner les memes reponses de notre Eglise alors que
nous avons en heritage l'experience singulière de l'extermination
? L'Eglise armenienne n'a-t-elle pas des reponses propres a nous
donner dans un certain nombre de domaines ?
Vers une nouvelle experience de vie ecclesiale
L'independance de l'Armenie, l'effondrement de l'Union sovietique, etat
" occupant " et athee, nous permettent enfin aujourd'hui d'imaginer et
de construire de nouvelles relations entre l'Armenie et la Diaspora -
ou plus exactement l'Armenie et les diasporas - mais aussi au sein
de l'Eglise. Laïcs et religieux, nous ne ferons pas l'economie de
ces debats et de la redefinition de ces relations. Les divisions
du passe qui conditionnaient et oberaient les relations entre "
Armeniens Occidentaux " et " Armeniens Orientaux " n'ont plus lieu
d'etre. La Guerre froide qui a ete l'occasion de nouvelles desunions
et d'une veritable " guerre civile " fratricide, en particulier au
Proche et au Moyen-Orient est maintenant desormais oubliee. Nous
sommes maintenant libres, les uns comme les autres.
Libres de realiser ensemble les ideaux de generations d'armeniens,
mais aussi libres d'echouer ensemble. Notre complementarite, si
elle est ontologiquement un postulat de base, n'en est pas pour
autant ni unanimement admise ni facile a materialiser. Il faut, nous
semble-t-il, avant tout admettre cette realite et ~\uvrer patiemment
au rapprochement des deux composantes de la nation dans une relation
d'egal a egal. " Personne ne sauvera personne ", surtout sans le
consentement de " l'autre " et sans la Charite qui l'accompagne.
Pour une nouvelle et authentique Vie en Eglise : religieux et laïcs
au service du meme Seigneur et de son Eglise.
Ce qui est vrai pour la societe civile doit l'etre plus encore
dans l'Eglise où la Charite, autre terme pour designer l'amour du
prochain, est le fondement de toute relation. Le clerge doit donc etre
exemplaire en la matière. Et s'il est vrai que nous avons toujours
les pretres et les eveques que nous meritons, souvenons-nous aussi
que c'est de nos rangs qu'ils sont issus et qu'il nous revient de
les accompagner constamment dans leur vocation et l'accomplissement
de leur ministère par nos prières, nos conseils et aussi parfois nos
requetes exigeantes. Si le pretre porte soutane, ce ne doit etre ni
un phenomène de mode, ni pour se singulariser gratuitement, mais pour
qu'a chaque instant il se souvienne de son etat et de sa mission.
C'est aussi pour que le fidèle puisse, respectueusement, le lui
rappeler lorsque celui-ci peut, dans un moment d'egarement, s'eloigner
de sa vocation et de sa mission.
Dans une analyse un peu hâtive et sommaire, mais très largement
repandue, beaucoup d'entre nous considèrent que la cause du detachement
des jeunes generations envers l'Eglise armenienne est une consequence
du hiatus culturel existant entre les fidèles de France et le clerge
autrefois originaire du Proche et du Moyen Orient, mais aujourd'hui
presque uniquement d'Armenie. De leur côte, nombre d'ecclesiastiques
jugent que " les Armeniens de France sont totalement assimiles et
depourvus de toute volonte de redecouvrir leur heritage spirituel
et culturel ". Ces explications sont naturellement superficielles
et sans doute la verite se situe-t-elle quelque part entre les deux
positions. Mais nous ne pouvons pas pour autant esquiver la question de
la nature de l'adhesion des Armeniens de France a ce qu'ils appellent
de manière subtile - et revelatrice - " la Foi de leurs ancetres ",
transformant du meme coup leur adhesion a l'Eglise armenienne en un
element, certes important, mais depouille de son veritable sens, de
leur " panoplie identitaire " a trois tiroirs : Genocide - Religion -
Armenie. Pour etre un peu direct : qui d'entre nous souhaiterait voir
aujourd'hui un de ses fils renoncer a la perspective de brillantes
etudes superieures pour entrer dans les ordres et servir son prochain ?
La aussi, la reponse est affûtee, toute prete : " l'Eglise armenienne
ne fait rien pour nous interesser et pour s'adapter a nous ". On
pourrait naturellement ecrire d'innombrables pages sur ces thèmes.
Mais on peut egalement se demander pourquoi ces jeunes, mais aussi
ces generations de moins jeunes, ne se retrouvent pas en plus grand
nombre dans les rangs d'autres Eglises qu'on ne manque pas de nous
presenter comme très proselytes a la difference de l'Eglise armenienne.
L'Armenien de France serait il intrinsèquement " non compatible "
avec la foi et donc definitivement prive de toute perspective de
salut ou bien ne serait-il pas tout bonnement hermetique a toute
interrogation d'ordre metaphysique ? Et que dire de ces responsables
laïcs de nos paroisses qui, en toute innocence, se declarent athees
ou agnostiques et s'engagent au service de l'Eglise au nom de leur
appartenance ethnique ou culturelle ? Le risque de " communautarisme "
tant redoute par les opposants a la nouvelle organisation diocesaine
n'est-il pas justement embusque dans ce positionnement pour le moins
ambigu ?
Les grands bouleversements du siècle dernier qu'ont ete le Genocide
et la sovietisation ont desoriente au sens propre du terme le
peuple armenien tout entier, en Anatolie et dans le Caucase, puis
dans la Dispersion. Bien que ne au c~\ur du plateau armenien, loin
de tout rivage maritime, saint Mesrop Mashtots invoque sans cesse
dans ses hymnes de penitence le " Bon capitaine " (navabed pari)
qui seul peut conduire le navire a bon port. Ces " capitaines "
sont evidemment nos ecclesiastiques depuis le plus humble des diacres
jusqu'au Catholicos de tous les Armeniens, mais les laïcs ne doivent ni
observer la man~\uvre depuis la jetee ni etre empeches de contribuer a
la progression du vaisseau de la Foi des Armeniens. C'est la vocation
de chaque chretien, independamment de son etat, puisque " nous tous
qui avons ete baptises en Christ, nous avons revetu le Christ "
(Ga 3,26-27).
Toutes les societes et institutions, et l'Eglise est, en meme temps
que le corps mystique du Christ, une institution, une societe humaine,
progressent aussi grâce aux crises qu'elles traversent. Celle qui
s'est invitee a notre corps defendant dans notre vie ecclesiale doit
nous aider a grandir dans la Foi, l'Esperance et la Charite. Le titre
d'un chant populaire armenien proclame " Rien n'est plus doux que
le nom de frère ". Notre histoire la plus recente ne peut d'ailleurs
que nous en convaincre.
Notre unique et humble supplique aux deux frères en episcopat que sont
sa Saintete Karekine II et Monseigneur Norvan est de se rememorer ces
paroles du Seigneur : " Si donc tu presentes ton offrande a l'autel,
et que tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi,
laisse la ton offrande devant l'autel et va d'abord te reconcilier
avec ton frère puis, viens presenter ton offrande " (Evangile selon
saint Matthieu : V, 23-24).
Successeurs des Apôtres, nous avons besoin de votre Charite et de
vos benedictions pour ~\uvrer pour la gloire de Dieu et la vigueur
de son Eglise.
Avec vous, nous donnerons une nouvelle vie a notre Eglise et nous
vivrons d'une vie nouvelle.
Un groupe de fidèles du diocèse de France de l'Eglise armenienne
mardi 16 juillet 2013, Ara ©armenews.com
OPINION
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=91320
Sahag Sukiasyan, diacre de l'Eglise armenienne nous faire parvenir
cette tribune signee par un groupe de fidèles du diocèse de France
de l'Eglise armenienne
Au nom de l'avenir de notre Eglise
Mercredi 3 Juillet, nous apprenions la nouvelle qui a attriste des
milliers de fidèles de notre diocèse, la demission de notre Primat,
son Eminence l'archeveque Norvan Zakarian. Cette nouvelle nous est
parvenue sur un arrière-fond de crise dont notre jeune diocèse
n'avait nul besoin. Il est rapidement apparu que cette nouvelle
etait liee a la condamnation par un tribunal pour " violence sur
personne " du père Vatche, ancien pretre de la paroisse de Nice et
que la demission de notre Primat avait ete provoquee par un differend
entre le Catholicos de tous les Armeniens et lui-meme au sujet de ce
pretre. Le choc et l'incomprehension sont d'autant plus grands que
Monseigneur Norvan est un ecclesiastique d'une grande humilite, qui
a toujours ete conscient de ses devoirs, aime et respecte des fidèles
de son diocèse, qui jouit d'une grande autorite auprès de ses frères
en episcopat et dans tous les milieux ~\cumeniques. En outre, il est
connu en France et dans toutes nos communautes a travers le monde comme
un authentique intellectuel passionne de litterature et des autres
formes d'expressions artistiques, comme un defenseur infatigable de la
langue armenienne et un hardi promoteur de son enseignement. Son depart
est donc pour tous les fidèles de son diocèse une mauvaise nouvelle,
mais c'est la decision qu'il a lui-meme prise. Et a ce titre, nous
la respectons.
L'objectif des auteurs de ces lignes n'est nullement d'ecrire un
panegyrique de Monseigneur Norvan. Il n'en n'est aucun besoin :
les quarante-cinq annees de son ministère depuis son ordination en
1968 en notre eglise cathedrale de Paris temoignent très largement
en sa faveur.
La dernière de ses missions, et non la moindre, aura ete la fondation
du diocèse de France, fondation decidee il y a près de 90 ans par
le Catholicos Kevork V, d'heureuse memoire, mais qu'aucun des legats
catholicossaux qui s'etaient succede dans notre pays n'avait reussi a
concretiser. Les noms de sa Saintete Karekine II, Patriarche supreme et
Catholicos de tous les Armeniens, et de Monseigneur Norvan resteront
donc eternellement associes a la realisation de ce projet qui, malgre
les critiques de certains de ses detracteurs, etait et demeure d'une
imperieuse necessite pour l'avenir de notre communaute.
Dans le domaine educatif, après des annees de travaux preparatoires
ardus, Monseigneur Norvan venait de lancer le chantier tant attendu
de l'ecole d'Alfortville.
L'homme par lequel le scandale est arrive.
La nouvelle qui avait ete diffusee la veille de cette demission nous
avait deja tous profondement blesses.
Pour la première fois dans l'histoire presque seculaire de la
communaute armenienne de France, l'un de nos ecclesiastiques etait
condamne par un tribunal. Si la condamnation de cet homme d'Eglise
est avant tout une tache sur son honneur personnel, elle l'est aussi
pour sa communaute, son Eglise, son eveque et evidemment pour son
Patriarche. Après avoir ete condamne par la Justice de la Republique
francaise, il lui faudra donc aussi affronter le jugement de sa
hierarchie. On peut imaginer que le père Vatche sera pour le moins
invite a se retirer dans un monastère pendant quelques mois pour
faire librement son examen de conscience. Notre intention n'est pas
ici de demander la mort du pecheur car :" Quel est l'homme qui vit
et ne peche pas ? " (Rituel de l'Eglise armenienne).
Un debat incontournable, un engagement indispensable de tous pour
remettre les fidèles au c~\ur de l'Eglise et l'Eglise dans le c~\ur
des fidèles.
Peu d'entre nous connaissent le pretre qui est a l'origine de
ce different entre notre Catholicos et notre Primat mais, a notre
grand regret, nous n'avons pas ouï dire a ce jour qu'il ait beaucoup
contribue a la vie spirituelle des fidèles de notre Eglise en France.
S'il l'a fait ailleurs, nous aimerions que des voix s'elèvent pour
temoigner pour lui et nous dire " Voici l'homme ". Nous serions
alors rassures et heureux de le voir readmis dans notre communion
comme un frère. Pour l'heure, nous nous contenterons de dire que les
tensions et antagonismes qu'il a provoques vont peut etre permettre
l'ouverture d'un vrai debat sur les reformes necessaires pour une
meilleure organisation de notre vie ecclesiale et aussi, par dela
cette question, sur la forme que doit revetir le dialogue entre
l'Armenie et la Diaspora. Certains de nos " anciens " qui avaient
souvent peu d'instruction mais beaucoup de sagesse aimaient a repeter
" il y a du bon dans tout mal ". L'opportunite qui nous est offerte
doit donc etre recue comme une veritable Grâce.
Nombreux sont les membres de notre clerge regulièrement interpelles
sur les reponses que notre Eglise devrait apporter aux " grands
defis du 21ème siècle ". Un colloque de deux jours s'etait d'ailleurs
tenu a Marseille l'annee dernière a cette meme epoque, preside par
sa Saintete le Catholicos en personne. Notre grand dilemme est que,
collectivement, nous ne sommes simplement toujours pas encore sortis
du 20ème siècle. Nous n'avons pas, par exemple, encore apporte une
reponse morale aux grands cataclysmes qu'ont ete le Genocide et la
sovietisation et que partout, en Diaspora comme en Armenie, l'Eglise
a dû, a l'image de la nation, se reconstruire dans l'urgence, en
repartant de zero.
Pour ne parler que de notre situation en France, nous devons a la fois
renouer avec notre tradition ecclesiale perdue : son ecclesiologie,
son heritage spirituel, son rite, sa langue liturgique, le tout dans
le contexte très particulier de la France laïque et apporter aux
jeunes nes dans ce pays des reponses aux questions qu'ils se posent
comme nombre de leurs concitoyens de leur generation. Mais l'approche
de certaines questions, par exemple celles liees a la bioethique,
peut elle entraîner les memes reponses de notre Eglise alors que
nous avons en heritage l'experience singulière de l'extermination
? L'Eglise armenienne n'a-t-elle pas des reponses propres a nous
donner dans un certain nombre de domaines ?
Vers une nouvelle experience de vie ecclesiale
L'independance de l'Armenie, l'effondrement de l'Union sovietique, etat
" occupant " et athee, nous permettent enfin aujourd'hui d'imaginer et
de construire de nouvelles relations entre l'Armenie et la Diaspora -
ou plus exactement l'Armenie et les diasporas - mais aussi au sein
de l'Eglise. Laïcs et religieux, nous ne ferons pas l'economie de
ces debats et de la redefinition de ces relations. Les divisions
du passe qui conditionnaient et oberaient les relations entre "
Armeniens Occidentaux " et " Armeniens Orientaux " n'ont plus lieu
d'etre. La Guerre froide qui a ete l'occasion de nouvelles desunions
et d'une veritable " guerre civile " fratricide, en particulier au
Proche et au Moyen-Orient est maintenant desormais oubliee. Nous
sommes maintenant libres, les uns comme les autres.
Libres de realiser ensemble les ideaux de generations d'armeniens,
mais aussi libres d'echouer ensemble. Notre complementarite, si
elle est ontologiquement un postulat de base, n'en est pas pour
autant ni unanimement admise ni facile a materialiser. Il faut, nous
semble-t-il, avant tout admettre cette realite et ~\uvrer patiemment
au rapprochement des deux composantes de la nation dans une relation
d'egal a egal. " Personne ne sauvera personne ", surtout sans le
consentement de " l'autre " et sans la Charite qui l'accompagne.
Pour une nouvelle et authentique Vie en Eglise : religieux et laïcs
au service du meme Seigneur et de son Eglise.
Ce qui est vrai pour la societe civile doit l'etre plus encore
dans l'Eglise où la Charite, autre terme pour designer l'amour du
prochain, est le fondement de toute relation. Le clerge doit donc etre
exemplaire en la matière. Et s'il est vrai que nous avons toujours
les pretres et les eveques que nous meritons, souvenons-nous aussi
que c'est de nos rangs qu'ils sont issus et qu'il nous revient de
les accompagner constamment dans leur vocation et l'accomplissement
de leur ministère par nos prières, nos conseils et aussi parfois nos
requetes exigeantes. Si le pretre porte soutane, ce ne doit etre ni
un phenomène de mode, ni pour se singulariser gratuitement, mais pour
qu'a chaque instant il se souvienne de son etat et de sa mission.
C'est aussi pour que le fidèle puisse, respectueusement, le lui
rappeler lorsque celui-ci peut, dans un moment d'egarement, s'eloigner
de sa vocation et de sa mission.
Dans une analyse un peu hâtive et sommaire, mais très largement
repandue, beaucoup d'entre nous considèrent que la cause du detachement
des jeunes generations envers l'Eglise armenienne est une consequence
du hiatus culturel existant entre les fidèles de France et le clerge
autrefois originaire du Proche et du Moyen Orient, mais aujourd'hui
presque uniquement d'Armenie. De leur côte, nombre d'ecclesiastiques
jugent que " les Armeniens de France sont totalement assimiles et
depourvus de toute volonte de redecouvrir leur heritage spirituel
et culturel ". Ces explications sont naturellement superficielles
et sans doute la verite se situe-t-elle quelque part entre les deux
positions. Mais nous ne pouvons pas pour autant esquiver la question de
la nature de l'adhesion des Armeniens de France a ce qu'ils appellent
de manière subtile - et revelatrice - " la Foi de leurs ancetres ",
transformant du meme coup leur adhesion a l'Eglise armenienne en un
element, certes important, mais depouille de son veritable sens, de
leur " panoplie identitaire " a trois tiroirs : Genocide - Religion -
Armenie. Pour etre un peu direct : qui d'entre nous souhaiterait voir
aujourd'hui un de ses fils renoncer a la perspective de brillantes
etudes superieures pour entrer dans les ordres et servir son prochain ?
La aussi, la reponse est affûtee, toute prete : " l'Eglise armenienne
ne fait rien pour nous interesser et pour s'adapter a nous ". On
pourrait naturellement ecrire d'innombrables pages sur ces thèmes.
Mais on peut egalement se demander pourquoi ces jeunes, mais aussi
ces generations de moins jeunes, ne se retrouvent pas en plus grand
nombre dans les rangs d'autres Eglises qu'on ne manque pas de nous
presenter comme très proselytes a la difference de l'Eglise armenienne.
L'Armenien de France serait il intrinsèquement " non compatible "
avec la foi et donc definitivement prive de toute perspective de
salut ou bien ne serait-il pas tout bonnement hermetique a toute
interrogation d'ordre metaphysique ? Et que dire de ces responsables
laïcs de nos paroisses qui, en toute innocence, se declarent athees
ou agnostiques et s'engagent au service de l'Eglise au nom de leur
appartenance ethnique ou culturelle ? Le risque de " communautarisme "
tant redoute par les opposants a la nouvelle organisation diocesaine
n'est-il pas justement embusque dans ce positionnement pour le moins
ambigu ?
Les grands bouleversements du siècle dernier qu'ont ete le Genocide
et la sovietisation ont desoriente au sens propre du terme le
peuple armenien tout entier, en Anatolie et dans le Caucase, puis
dans la Dispersion. Bien que ne au c~\ur du plateau armenien, loin
de tout rivage maritime, saint Mesrop Mashtots invoque sans cesse
dans ses hymnes de penitence le " Bon capitaine " (navabed pari)
qui seul peut conduire le navire a bon port. Ces " capitaines "
sont evidemment nos ecclesiastiques depuis le plus humble des diacres
jusqu'au Catholicos de tous les Armeniens, mais les laïcs ne doivent ni
observer la man~\uvre depuis la jetee ni etre empeches de contribuer a
la progression du vaisseau de la Foi des Armeniens. C'est la vocation
de chaque chretien, independamment de son etat, puisque " nous tous
qui avons ete baptises en Christ, nous avons revetu le Christ "
(Ga 3,26-27).
Toutes les societes et institutions, et l'Eglise est, en meme temps
que le corps mystique du Christ, une institution, une societe humaine,
progressent aussi grâce aux crises qu'elles traversent. Celle qui
s'est invitee a notre corps defendant dans notre vie ecclesiale doit
nous aider a grandir dans la Foi, l'Esperance et la Charite. Le titre
d'un chant populaire armenien proclame " Rien n'est plus doux que
le nom de frère ". Notre histoire la plus recente ne peut d'ailleurs
que nous en convaincre.
Notre unique et humble supplique aux deux frères en episcopat que sont
sa Saintete Karekine II et Monseigneur Norvan est de se rememorer ces
paroles du Seigneur : " Si donc tu presentes ton offrande a l'autel,
et que tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi,
laisse la ton offrande devant l'autel et va d'abord te reconcilier
avec ton frère puis, viens presenter ton offrande " (Evangile selon
saint Matthieu : V, 23-24).
Successeurs des Apôtres, nous avons besoin de votre Charite et de
vos benedictions pour ~\uvrer pour la gloire de Dieu et la vigueur
de son Eglise.
Avec vous, nous donnerons une nouvelle vie a notre Eglise et nous
vivrons d'une vie nouvelle.
Un groupe de fidèles du diocèse de France de l'Eglise armenienne
mardi 16 juillet 2013, Ara ©armenews.com