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Genocide Armenien : Vilayet De Bitlis

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  • Genocide Armenien : Vilayet De Bitlis

    GENOCIDE ARMENIEN : VILAYET DE BITLIS

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74448
    Publie le : 18-07-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le Collectif VAN vous
    propose cette information publiee sur le site Imprescriptible.

    Imprescriptible

    Le vilayet de Bitlis comptait, sur ses 398.000 habitants, 195.000
    chretiens, c'est-a-dire 180.000 Armeniens et 15.000 Syriens. Sur les
    200.000 restants, 40.000 sont Turcs. Le reste est compose de 45.000
    Kurdes sedentaires, 48.000 Kurdes nomades, 47.000 Kurdes zaza, 10.000
    Tcherkesses, 8.000 Kizilbaches et 5.000 Yezidis. Les Armeniens se
    rencontrent dans toutes les regions du vilayet, mais ils sont surtout
    fortement representes dans les environs de Bitlis et dans la plaine
    de Mouche avec 2 ou 300 villages. La plaine de Mouche est limitee au
    sud par la chaîne du Taurus. Sur les plateaux du Taurus, au sud de
    cette chaîne, est situee la region de Sassoun qui fut, depuis 1890,
    le theâtre des premiers massacres armeniens, sous Abd-ul-hamid.

    Les evenements du vilayet de Bitlis sont en rapport avec ceux du
    vilayet de Van. La catastrophe finale eut lieu après que les Russes
    eurent evacue de nouveau Van. Mais deja, depuis le mois de fevrier,
    avant meme que les Armeniens de Van se soient jamais doute qu'ils
    auraient a se defendre contre un massacre imminent, la situation
    paraissait assez dangereuse dans le vilayet de Bitlis.

    Depuis le debut de la guerre, les villes et les villages armeniens
    etaient remplis de bandes turques et kurdes, qui etaient incorporees a
    l'armee comme milices. Les gendarmes, sous pretexte de requisitions,
    s'occupaient a voler et a piller. On prit aux Armeniens tous les
    vivres reserves pour l'hiver et l'on craignait une famine pour
    le printemps. Outre les Armeniens enrôles dans l'armee, on en leva
    d'autres, a volonte, pour construire les routes et porter des fardeaux,
    Les portefaix avaient a transporter pendant tout l'hiver, jusqu'au
    front du Caucase, a travers les montagnes neigeuses, des colis pesant
    jusqu'a 70 livres. Mal nourris, sans defense contre les attaques des
    Kurdes, la moitie d'entre eux perirent sur les routes ; souvent meme
    un quart seulement revenaient vivants. Lorsque, après les combats de
    Sarikamisch et d'Ardahan, l'armee du Caucase etait bloquee dans la
    neige et la glace, beaucoup de soldats desertèrent. Mais pour cinq
    deserteurs turcs, il n'y avait au plus qu'un seul Armenien.

    Quelques deserteurs retournèrent a leurs villages. Les gendarmes
    allèrent alors de village en village, avec des listes de deserteurs,
    pour exiger qu'on les leur livrât. Ils entreprirent en meme temps des
    perquisitions pour chercher des armes. Dans le cas où on ne trouvait
    pas les deserteurs, on brûlait leurs maisons et on confisquait
    leurs champs. Ces razzias, organisees par les gendarmes, donnèrent
    lieu quelquefois a des conflits. Ainsi au commencement de mars, le
    Commissaire Nazim bey et le Mulazim Djevded bey arrivèrent au village
    armenien de Zrouk avec 40 zaptiehs. Dans un echange de balles avec
    unfuyard, un gendarme perdit un cheval tue sous lui. Il retourne donc
    au village, prend un bon cheval aux paysans, se fait payer 40 l.t.

    comme prix du cheval mort, incendie 25 maisons, passe au fil de
    l'epee les hommes du village et confisqua les champs. A Armedan, des
    volontaires turcs sont places en logement dans des maisons armeniennes
    ; comme remerciement pour les soins recus, le chef viole la belle-fille
    de ses hôtes. Des faits pareils se repetèrent dans d'autres villages.

    Les Kurdes, sur leurs montagnes, n'avaient aucune envie d'aller a la
    guerre. Ils preferaient piller les villages armeniens. C'etait moins
    dangereux et donnait plus de profits. Le mutessarif de Mouche parut
    d'abord vouloir punir les Kurdes, mais il declara ensuite qu'il ne
    pouvait rien faire. La tribu kurde d'Ab-ul-Medjed, de Melaschkert,
    occupait les montagnes de Tchour, pillait les villages armeniens et
    en massacrait les habitants. Un autre Kurde, frère du cheikh kurde
    Moussabbey, ne voulut pas laisser faire les pillages par d'autres
    Kurdes dans sa propre region. D'autres cheikhs resistèrent aussi au
    gouvernement, mais lorsque l'independance de leurs aschirets (tribus)
    leur fut garantie, ils s'entendirent avec le gouvernement pour se
    dedommager aux depens des Armeniens.

    Malgre toutes les tribulations, les Armeniens se tenaient tranquilles,
    supportaient les attaques et ne se laissaient entraîner a aucune
    resistance. Ils se plaignirent auprès du gouvernement et, pour quelque
    temps, celui-ci parut vouloir les proteger. A Mouche sejournait alors
    un chef armenien connu, Vahan Papazian, depute au Parlement pour le
    district de Mouche. Il representait les interets des Armeniens auprès
    du mutessarif de Mouche et du vali de Bitlis.

    Comme a Van, on s'efforcait de maintenir l'entente, avec le
    gouvernement pour arranger les differends et maintenir l'ordre,
    autant que l'etat d'anarchie le permettait.

    A la fin d'avril le vali, par suite des evenements de Van, changea,
    envers les Armeniens, son attitude jusque la bienveillante en
    apparence, Le premier mai, 3 Armeniens furent pendus a Mouche, et le
    quartier armenien investi, sans aucun motif, par des soldats turcs,
    Le vali menaca publiquement de faire un Massacre, En meme temps, tous
    les Armeniens encore valides furent leves pour la construction des
    routes et pour former des colonnes de portefaix (hammallar-tabouri), Et
    l'on n'avait aucun egard envers les familles qui restaient ainsi sans
    personne pour les nourrir. Ainsi, par exemple, le chef du village de
    Gomss, dans la plaine de Mouche, recut l'ordre de presenter 50 boufs et
    50 hommes pour les transports. Bien que le village ne comptât, en tout,
    que 70 hommes, y compris les vieillards, il amena 50 boufs et 45 hommes
    et, pour les 5 hommes qui manquaient, il paya la taxe d'exoneration. Le
    mudir d'Agdjemak, qui s'etait rendu a Gomss, voulait s'en contenter ;
    mais son compagnon, le kurde Hedmed Amin, ennemi du chef du village,
    prit pretexte du manque des 5 hommes pour le fouetter et pour tuer
    7 autres Armeniens. On en vint a une collision, où 7 gendarmes et
    20 autres Armeniens furent tues. Quelques jours après ce conflit,
    un incident se passa dans le cloître d'Arakelotz. 80 Armeniens s'y
    etaient refugies. Des troupes de Mouche, qui perquisitionnaient dans le
    couvent, cherchèrent querelle et cela finit dans le sang. Le mutessarif
    de Mouche, envoya d'autres troupes, exigeant qu'on livrât les fuyards,
    mais il lesretira après quelques negociations. Malgre cela, il fit
    emmener a Mouche les cadavres des Turcs tues dans la première melee
    et declara, dans une oraison funèbre : " Pour un cheveu de votre tete,
    je veux faire tuer mille Armeniens ".

    On apprit, vers le meme temps, que les Armeniens travaillant sur les
    routes avaient ete tues par leurs compagnons musulmans armes. Comme
    cela continuait de facon systematique, les Armeniens se dirent que
    ces mefaits avaient leur fondement, non pas dans le fanatisme de
    leurs compagnons mahometans, mais dans les ordres du gouvernement
    qui etait resolu a l'extermination des Armeniens. Les plaintes de
    l'eveque furent rejetees avec des sarcasmes.

    Les Armeniens etaient desesperes. Que devaient-ils faire ? Il
    ne restait plus guère d'Armeniens capables de lutter. Les femmes
    et les enfants etaient laisses en proie aux troupes turques, aux
    Kurdes-hamidiehs et a la populace fanatisee. A leur grand etonnement,
    Turcs et Kurdes commencèrent un jour a feindre soudain de l'amitie
    pour eux, et a les bien traiter. L'explication de ce changement ne
    se fit pas attendre. Les Russes etaient arrives deja au nord du lac
    de Van jusqu'a Gob et Akhlat ; et, au sud du lac, ils marchaient sur
    Bitlis. Mais l'occupation de Bitlis n'eut, pas lieu. Et meme l'avance
    dans la plaine de Mouche fut arretee. Les Russes ne vinrent pas,
    et par la sombrait le dernier espoir de delivrance...

    Le Consul allemand de Mossoul etait intervenu une fois auprès des
    autorites turques, a cause des pillages et des massacres du vilayet
    de Bitlis. Cela parut faire impression quelque temps ; mais cela ne
    dura pas longtemps et tout reprit de plus belle.

    Le gouverneur de Bitlis etait Moustafa Khalil, beau-frère du Ministre
    de l'Interieur, Talaat bey. Il avait deja, dans la ville et dans
    les environs, leve tous les Armeniens âges de 20 a 45 ans, pour le
    service de l'armee (c'est-a-dire pour construire les routes et porter
    des fardeaux). Les eglises et les maisons des Armeniens devaient etre
    evacuees pour loger les soldats. Après la declaration de la Djlhad, les
    mollahs, les cheiks, et les bandes menees par des brigands celèbres,
    commencèrent a s'agiter. Les Mahometans etaient armes et, dans les
    mosquees, on prechait la haine des chretiens. Deja pendant les mois
    de decembre et de janvier, plusieurs mefaits avaient ete commis. Des
    Turcs de Bitlis avaient forme une bande kurde et assiegeaient le
    village d'Ourdap. Ils se saisirent d'un paysan nomme Pallabech Karapet
    et de quelques autres, les conduisirent tout ligotes en ville et les
    soumirent a la torture en leur arrachant les poils de la barbe. Une
    autre bande de 300 hommes, sous la direction de Koumadji Farso (un
    descendant du celèbre Cheik kurde Djelaleddin) et de l'emir Medmed,
    attaqua 10 villages dans la region de Gargar, les mit a sac et les
    incendia. Ceux qui ne furent pas tues s'enfuirent a Van.

    En juin, un massacre eut lieu a Bitlis. Les Armeniens de Bitlis et
    des villages des alentours furent transportes dans la direction de
    Diarbekir. Les hommes furent tues, 200 femmes et enfants furent noyes
    en chemin quand on arriva au bord du Tigre. Dans cette deportation a dû
    aussi trouver la mort le depute Vramian de Bitlis. La version turque
    pretend que les Armeniens voulurent se delivrer, et que, par suite,
    les gendarmes furent obliges de les tuer.

    LA PLAINE DE MOUCHE

    Le matin du 3 juillet commenca le massacre a Mouche.

    Les canons furent pointes contre la ville haute, de telle sorte que
    les maisons s'y ecroulèrent et un incendie eclata. Les Armeniens
    quittèrent les maisons et se refugièrent dans un autre quartier,
    où ils furent en partie massacres dans les rues. La ville haute fut
    complètement aneantie. On dirigea alors l'attaque contre le quartier de
    " Brout ". Les Armeniens s'y etaient rassembles et virent leurs femmes
    violees et leurs frères tues. Après la destruction de ce quartier,
    les attaques furent dirigees contre celui de " Smareni ".

    La, des cruautes inouïes furent commises. Comme c'etait le dernier
    refuge, les Armeniens cherchaient a se tuer eux-memes. Ainsi, Tigrane
    Sinoïaa rassembla tous les membres de sa famille, 70 personnes en tout,
    et leur donna du poison. Après qu'ils eurent succombe sous l'effet du
    poison, il mit le feu a la maison, et les passa encore par les armes.

    D'autres familles mirent le feu a leurs maisons pour perir dans les
    flammes ; beaucoup tuèrent a coups de fusil leurs femmes et leurs
    enfants, pour leur epargner d'etre violees et de devenir musulmanes.

    Hadji Hagop tomba durant un assaut, mais ses compagnons continuèrent
    la resistance. Cependant, tous les autres quartiers, excepte " Zov ",
    avaient ete aneantis, et le reste de la population, environ de 10 a
    12.000 personnes, s'etaient rassemblees dans cette partie de la ville,
    a l'extremite de celle-ci.

    Vint le 4 juillet. Le bombardement et les attaques des hordes turques
    avaient atteint la plus grande violence. Mais les Armeniens, peu
    nombreux, qui se defendaient, redoublaient aussi de resistance, et
    tuaient des centaines de Kurdes. Mais quelle importance cela pouvait-il
    avoir ? Les maisons de Zov etaient reduites partout en ruines ; et
    tous les Armeniens qui restaient encore en vie resolurent de franchir
    la nuit suivante le fleuve qui confine a Zov et de s'enfuir sur les
    montagnes de Goghou-Glouk, dans l'espoir d'atteindre Sassoun. a 11
    heures de la nuit, la masse du peuple se mit en mouvement dans la
    direction du fleuve. Mais les maisons en flammes eclairaient toute
    la region jusqu'a une distance de 8 a 10 kilomètres.

    Ils furent remarques par leur persecuteurs et pris sous le feu
    des fusils. Beaucoup perirent sous les balles, d'autres etouffes
    dans la presse, d'autres encore dans les flots ; 5 a 6.000 seulement
    parvinrent a l'autre rive et s'enfuirent sur les montagnes. Les Kurdes
    rassemblèrent alors tous les blesses et les quelques Armeniens qui
    s'etaient caches en ville, et les brûlèrent sur un immense bûcher.

    Tous ceux qui purent encore s'echapper de la plaine de Mouche
    s'enfuirent sur les montagnes de Sassoun.

    Sassoun

    Sassoun n'etait pas facile a dompter. Les Turcs le savaient depuis les
    massacres de 1894 a 1896. Au debut de la guerre, les Kurdes avaient
    comble de flatteries les Armeniens et leur avaient promis de conserver
    intactes les relations de bon voisinage. Les Armeniens, de leur côte,
    assurèrent les Kurdes de leur amities. Ainsi les relations restèrent
    quelque temps sans etre troublees. - Au debut de 1915, le gouvernement
    se mit a desarmer les localites où la population armenienne est
    moins dense (comme les villages de Silivan, Bescherik, Miafarkin,
    etc.), a maltraiter les Armeniens, a les tuer ou a les expulser. Il
    faisait cela si adroitement que la nouvelle de ces mefaits n'arriva
    pas jusqu'aux centres armeniens. Au commencement de mars seulement,
    le gouvernement se mit a proceder aussi contre ces derniers Il
    envoya ses gens dans le district du Zovasar et ceux-ci digèrent
    aussitôt du village d'Agri la livraison immediate dos armes. Les
    paysans luttèrent pour conserver leurs armes et 50 d'entre eux furent
    tues. Le gouvernement proceda de la meme facon dans les districts de
    Khiank et Koulp1. Les fonctionnaires turcs s'y rendirent, accompagnes
    de beaucoup de Kurdes et de gendarmes, et exigèrent les armes. Les
    paysans de ces districts objectèrent qu'ils n'etaient pas des rebelles
    mais des sujets fidèles et devoues au gouvernement et qu'ils ne
    possedaient pas d'armes. Comme les Turcs menacaient de les massacrer,
    la jeunesse armenienne prit la fuite et se rassembla dans les villages
    de Khiank, Ischkhenzor, Ardjonk et Sevite. La-dessus, les gendarmes
    et les Kurdes s'elancèrent sur ces villages et reclamèrent qu'on leur
    livrât aussi les fuyards en plus des armes. Finalement, les femmes
    furent violees et 3000 hommes emmenes pour le " Hammallar-Tabouri "
    (regiment de portefaix). Ceux-ci furent conduits a la ville doe Lidjeh,
    puis transportes plus loin et tues entre Kharpout et Palou.

    Trois personnes seulement purent echapper au massacre, et raconter
    a Dalvorik ce qui leur etait arrive. Sur cette nouvelle, tous les
    Armeniens quittèrent Khiank et Koulp et s'enfuirent a Sassoun. Les
    memes faits se renouvelèrent dans le district de Psank. Les Kurdes
    de Checo, Beder, Bosek, Modkan, Djallal et Guendjo attaquèrent,
    sous les ordres du caïmacan, les Armeniens de Psank.

    Au milieu de mai, le gouvernement declara rebelles les Armeniens de
    Psank et exigea d'eux de livrer leurs armes. Puis des femmes furent
    enlevees de quelques villages. Une grande partie des Armeniens,
    environ 4000 personnes, furent conduites par Slepau Vartabed au couvent
    de Mardin-Arakelotz, où ils se fortifièrent et où il furent cernes
    par les Kurdes. Le 20 mai, on en vint a une lutte sanglante entre
    assiegeants et assieges. Ceux-ci purent resister pendant un mois et
    demi, malgre leurs faibles moyens de defense, jusqu'a ce qu'on leur
    coupât l'eau. Ils envoyèrent demander du secours a Sassoun ; mais
    le secours ne vint pas. Ils tentèrent alors de se frayer un chemin a
    travers les assiegeants. Ils y perdirent 2000 des leurs ; le reste,
    avec le Vartabed a leur tete, put passer.

    Jusque la, Sassoun meme n'avait pas eu a souffrir des attaques. Les
    gens de Sassoun se montraient d'une loyaute stricte, et le gouvernement
    hesitait aussi a proceder contre eux. Ils avaient accueilli amicalement
    chez eux beaucoup de familles kurdes qui s'etaient enfuies du front
    russe, leur avaient fourni des vetements et des vivres et les avaient
    conduites dans d'autres localites kurdes.

    Les Sassouniotes ne pensaient pas a un soulèvement, ils n'avaient pas
    d'armes et pas assez de vivres. Mais le gouvernement avait peur d'eux
    et se mit a l'oeuvre avec beaucoup de prudence. Ce n'est qu'après
    avoir en partie extermine et en partie deporte les Armeniens des
    villages de Zronk, GomssI, Avsoud, Mouche-Gaschen et autres, et des
    district de Khiank, Koulp, Psank et Zovatar, qu'il se mit a proceder
    contreSassoun. L'agha kurde de Khiank, le mudir Kor-Slo, envoya des
    gendarmes a Dalvorik pour exiger qu'on livrât les armes. Les habitants
    repondirent qu'ils n'ajoutaient aucune foi aux assurances donnees
    par le gouvernement de laisser en paix le peuple après qu'il aurait
    livre ses armes, après que tous les villages qui avaient livre leurs
    armes avaient ete aneantis. Les gendarmes retournèrent donc auprès
    du mudir amis avoir obtenu aucun resultat, Kor-Slo essaya encore une
    fois de prendre les Armeniens par la ruse. Comme il ne reussissait pas
    davantage, le mutessarif de Mouche prit la chose sur lui. Il envoya le
    Vartabed Vartan, le pretre Khatchadour, les effendis Gasem, Moussa,
    Moustafa et dix autres Mahometans, pour persuader aux Armeniens de
    se rendre au village de Dapek où le caïmacan a son siège. Celui-ci
    envoya des messagers a Sassoun pour prier les chefs des districts de
    venir le trouver. Ils vinrent et furent très aimablement recus. Les
    effendis celebrèrent leur loyaute et leur fidelite. Mais lorsqu'on vint
    a la question de la remise des armes, les Armeniens declarèrent qu'ils
    n'avaient pas recu du peuple pleins pouvoirs pour cela. On s'entendit
    pour traiter l'affaire dans une reunion a Schenik où vinrent aussi
    les autres notables de Sassoun. Les representants du gouvernement y
    declarèrent que Sassoun n'etait plus autorise a fournir des soldats,
    parce que les Sassouniotes s'etaient montres traîtres. Les Armeniens
    contestèrent cela, et accusèrent a leur tour le gouvernement de ce que,
    au lieu d'envoyer les Armeniens sur le front, il les employait comme
    portefaix (hammals) et qu'il les envoyait dans des regions eloignees
    pour les exterminer. Les Turcs essayèrent de le nier et assurèrent
    que la gouvernement n'avait que bienveillance pour les Armeniens ;
    en consideration de la situation miserable des Sassouniotes, ceux-ci
    n'auraient plus a fournir de soldats. On exigeait seulement d'eux
    des vivres et des vetements pour les troupes.

    Les Sassouniotes promirent de fournir ce qu'on desirait, et meme
    plus ; la promesse fut faite par les notables de Schenik, Senal,
    Guelia-gousan et Dalouvor.

    La-dessus, des representants du gouvernement vinrent affirmer que le
    gouvernement savait que les Sassouniotes cachaient des Cosaques sur
    leurs montagne . on devait les livrer et remettre aussi toutes les
    armes. Les Armeniens contestèrent avoir jamais vu des Cosaques. Quant
    aux armes ils declaraient qu'ils n'avaient jamais pense a se rebeller
    contre le gouvernement. Pourquoi donc ne desarmait-on pas les Kurdes?

    Ils disaient n'avoir que des fusils a pierre, necessaires pour
    les proteger contre les animaux sauvages. Aussi les effendis s'en
    retournèrent-ils a Mouche sans avoir rien obtenu.

    Lorsque le gouvernement vit qu'il ne pouvait parvenir par ruse a
    desarmer les gens de Sassoun, il reunit toutes les tribus kurdes du
    voisinage. A la fin de juin, Sassoun fut cerne par eux ; a l'est par
    les Kurdes de Cheko, Bedor, Bosek et Djalall ; a l'ouest par les Kurdes
    de Koulp et leurs cheikhs Hussein et Hassan et les Kurdes de Guenache
    et Lidjeh ; au sud par les Kurdes de Khian, Badkan et Bazran, sous
    leurs chefs Khaldi bey de Meafarkin et Hadji Mouchi agha ; au nord
    par les bandes kurdes rassemblees sur les hauteurs de Kosdouk.

    Outre cela, on fit venir des troupes turques de Diarbekir et de
    Kharpout.

    La population de Sassoun compte 20.000 âmes ; en outre environ
    30.000 femmes, enfants et vieillards s'yetaient refugies des regions
    voisines. Comme Sassoun lui-meme produit peu de cereales, l'entretien
    de ces refugies etait très difficile. Deja pendant l'hiver, on avait
    senti le manque de vivres, mais le gouvernement n'avait pas permis
    aux Sassouniotes de s'acheter des provisions a Mouche. Depuis mai,
    les vivres devinrent toujours plus rares.

    Les Kurdes attaquèrent d'abord le village d'Aghbi (dans le district
    de Zovasar) et en emportèrent les troupeaux de moutons. Ensuite ils
    attaquèrent du côte de l'est les villages de Kop et Guerman, tuèrent
    les habitants qui leur resistaient, et enlevèrent leurs troupeaux. Les
    Armeniens se retirèrent alors dans un reduit etroit sur le mont Antok,
    Ils envoyèrent de la une plainte au gouvernement au sujet du traitement
    illegal auquel on les soumettait. Leurs chefs Roubenn et Vahan Papazian
    gardèrent le bon ordre et s'efforcèrent d'eviter tout ce qui pourrait
    fournir au gouvernement un pretexte pour proceder contre eux.

    En reponse a leur plainte, les troupes turques attaquèrent, le 18
    juillet, les Armeniens, qui se retirèrent sur de meilleures positions
    pour se defendre. Mais comme ils n'avaient qu'un petit nombre de
    gens armes et peu de munitions, ils durent finalement se retirer
    sur le mont Gueben. Le 20 Juillet, leurs munitions etaient epuisees,
    tandis que les troupes turques mettaient en position de l'artillerie
    contre eux. L'après-midi du 21 juillet, on donna l'ordre a tous les
    Armeniens de se retirer avec leurs femmes et leurs enfants dans la
    plaine d'Andoka, où se trouvait deja la majeure partie de la population
    et des refugies. Ils etaient reunis la, au nombre d'environ 50.000. On
    y decida de se partager en divers groupes et de passer a travers
    les Kurdes assiegeants, par des chemins de montagne impraticables,
    dans differentes directions. Une partie s'enfuit sur les montagnes
    de Dalvorik, une autre par Zovazav. Une partie passa a Khan par
    Krnkan-Geul, où ils rencontrèrent les Armeniens echappes de Mouche.

    Les gens de Chenek et Semai entrèrent par Kordouk dans la vallee d'Amre
    et Zizern, où ils furent extermines par les Kurdes, a l'exception
    de 87 personnes qui purent s'echapper. Les gens d'Agho parvinrent
    avec peu de pertes a Zovasar et s'y cachèrent dans les creux des
    rochers. Les gens de Guelyegutzan et d'Ischkhanzor furent extermines
    a moitie. Ainsi la population de Sassoun fut en partie aneantie, et
    en partie dispersee sur les montagnes. Kurdes et Turcs rôdaient dans
    la region pour tirer sur les disperses, Parmi les chefs, tombèrent
    Korion, Tigrane et Hadji. Restèrent en vie Roubenn et Vahan Papazian
    qui, accompagnes de petits detachements, passèrent dans la region de
    Van. Ils arrivèrent a Erivan a la fin de septembre. Ils estimaient
    que le nombre des survivants disperses de differents côtes etait
    alors d'environ 30.000. Mais comme ceux-ci ne disposaient plus de
    vivres que pour un temps très court, on doit supposer qu'ils ont ete,
    depuis lors, aneantis par les Kurdes, ou qu'ils sont morts de faim.

    1) Ces deux districts, bien que rattaches au sandjak de Guendj,
    font geographiquement partie du Sassoun.

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    Source/Lien : Imprescriptible

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