LA CHRONIQUE INTERNATIONALE : "LORSQUE LE POUVOIR TURC PANIQUE"
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74546
Publie le : 23-07-2013
Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "La chronique
internationale", emission quotidienne de Frederic Encel du lundi au
vendredi a 7h44 sur France Inter, a ete consacree a la Turquie. Le
Collectif VAN vous invite a (Re)ecouter cette emission disponible
sur le site de France Inter jusqu'au 16/04/2016 07h44.
France-Inter
Chronique internationale
par Frederic Encel du lundi au vendredi a 7h44
l'emission du lundi 22 juillet 2013
Aujourd'hui Frederic, vous avez choisi de nous parler de la Turquie ;
avec un gouvernement qui semble mal assure depuis la recente vague
de contestations...
Une semaine après la fin des manifestations de la place Taksim
d'Istanbul, et alors que la contestation se poursuit sous d'autres
formes, un premier bilan s'impose, lourd : six morts, près de
8.000 blesses, environ 3.200 interpelles et gardes a vue dont des
dizaines d'enfants, et, comme c'est desormais la tendance sous le
premier ministre Tayyip Recep Erdogan, des pressions accrues sur les
journalistes dont plusieurs sont d'ailleurs deja en prison pour delits
d'opinion. Le moins qu'on puisse dire est que la derive autoritaire
du gouvernement islamo-conservateur (reconduit democratiquement au
pouvoir a chaque scrutin depuis 2002), s'accelère, avec semble-t-il
cette fois un debut de panique. Comme s'il craignait d'etre tout a
fait deborde, et pas seulement dans les quartiers modernes d'Istanbul.
Pourtant, Frederic, l'economie turque presente des resultats plutôt
honorables...
C'est vrai Pierre, en tout cas si l'on compare avec le debut des annees
2000 et la faillite complète de l'economie turque d'alors. Mais d'une
part la redistribution des richesses se fait inegalement, dans les
villes surtout, et par a-coups - comme au Bresil où l'on voit ce que
provoque trop de laisses pour compte en periode de forte croissance -
et d'autre part la contestation en Turquie a pour moteur le politique
et meme le philosophique davantage que le social.
Car plus que la simple defense d'un parc boise a Istanbul, c'est le
refus d'une islamisation des m~\urs et des institutions qui a mobilise
une grande partie de la jeunesse turque, ainsi que l'autoritarisme
sans cesse plus affiche du pouvoir. Or celui-ci craint comme la peste
l'avènement d'une forme de... printemps turc, plus ou moins a l'image
de ce que vit une partie du monde arabe depuis plus de deux annees
maintenant. Mais cette peur concerne aussi la diplomatie turque ;
c'est ce qu'on appellera le syndrome egyptien.
En quoi la contestation politique interne rejoindrait les
preoccupations diplomatiques d'Ankara, et qu'est-ce que ce " syndrome
egyptien " ?
Eh bien, c'est la chute recente du gouvernement de Mohamed Morsi
au Caire, qui provoque l'affolement tant des gouvernants que des
diplomates turcs, et cela pour deux raisons. D'abord, le parti au
pouvoir, l'AKP de Erdogan, est très proche des Frères musulmans et
se rejouit a chaque montee en puissance dans le monde arabe d'un
conservatisme islamique prononce. Pour lui, un pouvoir Frères en
Egypte etait une aubaine, tandis que le retour de l'armee - laïque,
pro-occidentale et très conciliante avec Israël - constitue un
cinglant revers.
Ensuite, ce qui effraie le pouvoir turc, c'est precisement le fait
que l'armee egyptienne ait destitue brutalement le pouvoir civil
elu. Car ressurgit le spectre cauchemardesque pour Erdogan - un civil
elu, lui aussi - d'un retour en force du " pays profond ", de cette
Turquie laïciste et kemaliste qui, armee en tete, l'evincerait, lui,
son gouvernement et sa majorite parlementaire. Après tout, c'est
bien l'armee turque, toute puissante depuis Ataturk, qui faisait et
defaisait les gouvernements jusqu'aux annees 1990... Certes, le premier
ministre l'a sevèrement epure a coups de procès et de limogeages, mais
Morsi lui aussi avait commence l'operation, manifestement sans succès !
Si l'on ajoute a l'angoissante deconvenue egyptienne, un Bashar el
Assad qui n'en finit pas de ne pas chuter, la montee de l'autonomisme
kurde a la frontière avec cette Syrie voisine en guerre civile,
et un isolement complet du Hamas palestinien, on comprend peut-etre
mieux l'actuelle febrilite d'Ankara et l'on se dit que decidement,
rien ne se passe au Moyen-Orient comme l'avait escompte une Turquie
que d'aucuns pretendaient un peu hâtivement incontournable.
Retour a la rubrique
Source/Lien : France-Inter
From: Baghdasarian
http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=74546
Publie le : 23-07-2013
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internationale", emission quotidienne de Frederic Encel du lundi au
vendredi a 7h44 sur France Inter, a ete consacree a la Turquie. Le
Collectif VAN vous invite a (Re)ecouter cette emission disponible
sur le site de France Inter jusqu'au 16/04/2016 07h44.
France-Inter
Chronique internationale
par Frederic Encel du lundi au vendredi a 7h44
l'emission du lundi 22 juillet 2013
Aujourd'hui Frederic, vous avez choisi de nous parler de la Turquie ;
avec un gouvernement qui semble mal assure depuis la recente vague
de contestations...
Une semaine après la fin des manifestations de la place Taksim
d'Istanbul, et alors que la contestation se poursuit sous d'autres
formes, un premier bilan s'impose, lourd : six morts, près de
8.000 blesses, environ 3.200 interpelles et gardes a vue dont des
dizaines d'enfants, et, comme c'est desormais la tendance sous le
premier ministre Tayyip Recep Erdogan, des pressions accrues sur les
journalistes dont plusieurs sont d'ailleurs deja en prison pour delits
d'opinion. Le moins qu'on puisse dire est que la derive autoritaire
du gouvernement islamo-conservateur (reconduit democratiquement au
pouvoir a chaque scrutin depuis 2002), s'accelère, avec semble-t-il
cette fois un debut de panique. Comme s'il craignait d'etre tout a
fait deborde, et pas seulement dans les quartiers modernes d'Istanbul.
Pourtant, Frederic, l'economie turque presente des resultats plutôt
honorables...
C'est vrai Pierre, en tout cas si l'on compare avec le debut des annees
2000 et la faillite complète de l'economie turque d'alors. Mais d'une
part la redistribution des richesses se fait inegalement, dans les
villes surtout, et par a-coups - comme au Bresil où l'on voit ce que
provoque trop de laisses pour compte en periode de forte croissance -
et d'autre part la contestation en Turquie a pour moteur le politique
et meme le philosophique davantage que le social.
Car plus que la simple defense d'un parc boise a Istanbul, c'est le
refus d'une islamisation des m~\urs et des institutions qui a mobilise
une grande partie de la jeunesse turque, ainsi que l'autoritarisme
sans cesse plus affiche du pouvoir. Or celui-ci craint comme la peste
l'avènement d'une forme de... printemps turc, plus ou moins a l'image
de ce que vit une partie du monde arabe depuis plus de deux annees
maintenant. Mais cette peur concerne aussi la diplomatie turque ;
c'est ce qu'on appellera le syndrome egyptien.
En quoi la contestation politique interne rejoindrait les
preoccupations diplomatiques d'Ankara, et qu'est-ce que ce " syndrome
egyptien " ?
Eh bien, c'est la chute recente du gouvernement de Mohamed Morsi
au Caire, qui provoque l'affolement tant des gouvernants que des
diplomates turcs, et cela pour deux raisons. D'abord, le parti au
pouvoir, l'AKP de Erdogan, est très proche des Frères musulmans et
se rejouit a chaque montee en puissance dans le monde arabe d'un
conservatisme islamique prononce. Pour lui, un pouvoir Frères en
Egypte etait une aubaine, tandis que le retour de l'armee - laïque,
pro-occidentale et très conciliante avec Israël - constitue un
cinglant revers.
Ensuite, ce qui effraie le pouvoir turc, c'est precisement le fait
que l'armee egyptienne ait destitue brutalement le pouvoir civil
elu. Car ressurgit le spectre cauchemardesque pour Erdogan - un civil
elu, lui aussi - d'un retour en force du " pays profond ", de cette
Turquie laïciste et kemaliste qui, armee en tete, l'evincerait, lui,
son gouvernement et sa majorite parlementaire. Après tout, c'est
bien l'armee turque, toute puissante depuis Ataturk, qui faisait et
defaisait les gouvernements jusqu'aux annees 1990... Certes, le premier
ministre l'a sevèrement epure a coups de procès et de limogeages, mais
Morsi lui aussi avait commence l'operation, manifestement sans succès !
Si l'on ajoute a l'angoissante deconvenue egyptienne, un Bashar el
Assad qui n'en finit pas de ne pas chuter, la montee de l'autonomisme
kurde a la frontière avec cette Syrie voisine en guerre civile,
et un isolement complet du Hamas palestinien, on comprend peut-etre
mieux l'actuelle febrilite d'Ankara et l'on se dit que decidement,
rien ne se passe au Moyen-Orient comme l'avait escompte une Turquie
que d'aucuns pretendaient un peu hâtivement incontournable.
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