PARTIR, REVENIR...PAR MAITRE HATOUG CHAMLIAN
Alors donc, la dernière mode en cours, dans l'etrange monde armenien
- village d'Asterixian, fragmente et eparpille autour de la planète
entière -, c'est d'ouvrir grand la bouche et des yeux horrifies, et
de se taper les genoux avec ses paumes, en pleurant que l'Armenie se
vide de sa population, pour cause d'emigration massive.
Le paradoxe, dans cette industrie des lamentations, c'est qu'elle
chevauche de Grandes Idees et de Grands Principes, qui n'ont rien a
envier au Tour Guedzagui de Sassountsi Tavit, mais elle pretend en
meme temps se situer au niveau le plus realiste, lucide et proche
du peuple. La contradiction, c'est que pour les pleureurs de service
concernes, lesdits Idees et Principes doivent surtout exclure toute
notion de patriotisme ; laquelle serait donc non seulement demodee,
ringarde et risible, mais carrement hors de propos.
Dans ce faux debat extreme, intellectuellement fratricide, dont les
Armeniens ont la recette secrète (comme celle de la potion magique),
il manque une analyse sereine, fondee sur des realites historiques
modernes et contemporaines, sur des faits irrefutables.
Liban, 1975 a 1984. Une guerre civile interminable, infernale. Faute
d'une Armenie alors independante, la communaute armenienne de ce pays -
qui n'en etait plus un - a decide, resolument, d'y rester.
Peut-on vraiment pretendre que les conditions de vie de la majorite
(la quasi-totalite en fait) des Armeniens du Liban, durant cette
periode, etaient meilleures que celles des Armeniens d'Armenie,
aujourd'hui ? Pas de travail, pas d'ecole, penurie de tout - incluant
souvent le pain meme -, manque d'eau et d'electricite, tirs et
bombardements continuels, enlèvements, torture, viols, invasion de
proprietes, pillage, avenir totalement noir et bouche... Ils sont
restes. L'ecrasante majorite a tenu le coup, et a choisi sciemment
de ne pas partir, de ne pas fuir, de ne pas abandonner.
Pourquoi ? Parce qu'ils estimaient que la survie et l'avenir de la
nation l'exigeaient. Eu egard a la specificite particulière de cette
communaute, a l'epoque, c'etait vrai, a plusieurs egards.
Aujourd'hui encore, le meme phenomène se produit en Syrie. La logique
est moins vraie, helas, etant donne qu'il y a l'Armenie. Mais c'est
la meme idee, c'est le meme principe, la meme conviction profonde.
Quelque part entre stoïcisme et patriotisme. Lorsque le sens de
l'interet collectif l'emporte sur l'individualisme obtus. En depit de
conditions effroyables, des risques et dangers ultimes et quotidiens,
beaucoup s'y accrochent, et sont determinee a y rester. Quitte a y
rester, au sens funèbre de l'expression.
En etudiant le sujet de l'emigration de l'Armenie sous cet angle,
au nom de ceux et celles qui, dans tous les sens du terme, ont
sacrifie leur vie en Diaspora, par amour pour la nation armenienne,
et aussi au nom de ceux et celles qui choisissent de renoncer a une
partie substantielle de leur quietude, leur confort, leurs plaisirs,
leurs affaires - personnelles et commerciales -, leur carrière, leurs
loisirs et leur reussite financière, dans des pays etrangers où ils
pourraient fort bien profiter de la vie et prosperer sans se soucier de
rien d'autres, pour se devouer et se consacrer plutôt au redressement -
penible et laborieux - de la Mère Patrie, nous avons merite le droit
de dire a certains de nos compatriotes d'Armenie : allez, ca suffit
maintenant, les pleurnicheries. Aimez-la, ou quittez-la.
Haytoug Chamlian, Montreal
jeudi 6 juin 2013, Ara ©armenews.com
Alors donc, la dernière mode en cours, dans l'etrange monde armenien
- village d'Asterixian, fragmente et eparpille autour de la planète
entière -, c'est d'ouvrir grand la bouche et des yeux horrifies, et
de se taper les genoux avec ses paumes, en pleurant que l'Armenie se
vide de sa population, pour cause d'emigration massive.
Le paradoxe, dans cette industrie des lamentations, c'est qu'elle
chevauche de Grandes Idees et de Grands Principes, qui n'ont rien a
envier au Tour Guedzagui de Sassountsi Tavit, mais elle pretend en
meme temps se situer au niveau le plus realiste, lucide et proche
du peuple. La contradiction, c'est que pour les pleureurs de service
concernes, lesdits Idees et Principes doivent surtout exclure toute
notion de patriotisme ; laquelle serait donc non seulement demodee,
ringarde et risible, mais carrement hors de propos.
Dans ce faux debat extreme, intellectuellement fratricide, dont les
Armeniens ont la recette secrète (comme celle de la potion magique),
il manque une analyse sereine, fondee sur des realites historiques
modernes et contemporaines, sur des faits irrefutables.
Liban, 1975 a 1984. Une guerre civile interminable, infernale. Faute
d'une Armenie alors independante, la communaute armenienne de ce pays -
qui n'en etait plus un - a decide, resolument, d'y rester.
Peut-on vraiment pretendre que les conditions de vie de la majorite
(la quasi-totalite en fait) des Armeniens du Liban, durant cette
periode, etaient meilleures que celles des Armeniens d'Armenie,
aujourd'hui ? Pas de travail, pas d'ecole, penurie de tout - incluant
souvent le pain meme -, manque d'eau et d'electricite, tirs et
bombardements continuels, enlèvements, torture, viols, invasion de
proprietes, pillage, avenir totalement noir et bouche... Ils sont
restes. L'ecrasante majorite a tenu le coup, et a choisi sciemment
de ne pas partir, de ne pas fuir, de ne pas abandonner.
Pourquoi ? Parce qu'ils estimaient que la survie et l'avenir de la
nation l'exigeaient. Eu egard a la specificite particulière de cette
communaute, a l'epoque, c'etait vrai, a plusieurs egards.
Aujourd'hui encore, le meme phenomène se produit en Syrie. La logique
est moins vraie, helas, etant donne qu'il y a l'Armenie. Mais c'est
la meme idee, c'est le meme principe, la meme conviction profonde.
Quelque part entre stoïcisme et patriotisme. Lorsque le sens de
l'interet collectif l'emporte sur l'individualisme obtus. En depit de
conditions effroyables, des risques et dangers ultimes et quotidiens,
beaucoup s'y accrochent, et sont determinee a y rester. Quitte a y
rester, au sens funèbre de l'expression.
En etudiant le sujet de l'emigration de l'Armenie sous cet angle,
au nom de ceux et celles qui, dans tous les sens du terme, ont
sacrifie leur vie en Diaspora, par amour pour la nation armenienne,
et aussi au nom de ceux et celles qui choisissent de renoncer a une
partie substantielle de leur quietude, leur confort, leurs plaisirs,
leurs affaires - personnelles et commerciales -, leur carrière, leurs
loisirs et leur reussite financière, dans des pays etrangers où ils
pourraient fort bien profiter de la vie et prosperer sans se soucier de
rien d'autres, pour se devouer et se consacrer plutôt au redressement -
penible et laborieux - de la Mère Patrie, nous avons merite le droit
de dire a certains de nos compatriotes d'Armenie : allez, ca suffit
maintenant, les pleurnicheries. Aimez-la, ou quittez-la.
Haytoug Chamlian, Montreal
jeudi 6 juin 2013, Ara ©armenews.com