LA COLèRE TURQUE SE FAIT ENTENDRE JUSQU'A PARIS
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=90327
Reportage Des centaines de personnes se sont réunies mardi soir en
soutien aux manifestants qui occupent les rues de Turquie depuis une
semaine.
Par AMANDINE CAILHOL
Â" Her yer Taksim, her yer direniÅ~_ ! Â", scande en turc, la foule
rassemblée ce mardi soir dans le centre de Paris. Â" Résistance a
Taksim, résistance partout ! Â" Sympathisants et organisations de
défense des droits de l'homme sont réunis pour soutenir la rébellion
en Turquie. Une banderole accrochée a une facade accueille le
rassemblement : Â" Merhaba capulcular Â" (Â" Bonjour les fauteurs de
trouble Â"), en référence aux mots employés par le Premier ministre
turc a l'encontre des opposants de la place Taksim. Des slogans
francais prennent le relais : Â" Tayyip t'es foutu, la Turquie est dans
la rue Â", Â" Gaze toi pov' con Â" ou encore Â" Touche pas a ma liberté Â".
Dès 19 heures, la communauté franco-turque se presse autour de la
fontaine des Innocents pour demander la démission de Recep Tayyip
Erdogan : des jeunes principalement, d'origine turque, des étudiants
en échange universitaire a Paris, mais aussi des familles. Le drapeau
rouge frappé d'un croissant de lune et d'une étoile flotte sur le ciel
parisien, a côté d'une diversité de bannières : Â" Occupy Gezi Â", Front
populaire en Turquie, syndicat ADHK, mais aussi Front de Gauche, PCF,
Nouveau parti anticapitaliste ou encore Amnesty International et la
Ligue des droits de l'homme.
A l'angle de la fontaine, des jeunes sont regroupés dans une grande
ronde, improvisant un halay, danse traditionnelle, au rythme des
tambours. Les uns s'embrassent, les autres se prennent en photo. A
quelques mètres, des militants de groupes communistes révolutionnaires
turcs, plus âgés, plus politisés, font répéter des slogans a la foule
: Â" Erdogan assassin ! Â", Â" Tous contre le fascisme ! Â". Plus loin, un
autre groupe reprend en chÅ"ur : Â" Mustafa Kemal'in askerleriyiz ! Nous
sommes tous des soldats de Mustafa Kemal ! Â"
Plusieurs groupes, mais un seul mot d'ordre : l'union. Â" Le
gouvernement nous a divisés pendant dix ans, mais en faisant cela il
nous a réunis, explique un homme d'une cinquantaine d'années.
Aujourd'hui, aucun parti n'a pu récupérer le mouvement, mais il faut
faire attention et garder la spontanéité de la place Taksim Â". A Paris
comme a Ankara, les manifestants revendiquent la présence de toutes
les communautés ethniques et culturelles, alévis, musulmans,
orthodoxes, Arméniens, juifs, communistes, Kurdes, et l'absence de
récupération politique. Un propos nuancé par une jeune étudiante
d'origine kurde, un peu en retrait de la manifestation : Â" Nous sommes
la car nous sommes opposés a Erdogan. Cependant, nous sommes aussi
inquiets de voir le mouvement perdre son sens a cause de quelques
partis politiques qui cherchent a se l'approprier. Â" Â" Les médias
turcs ne jouent pas leur rôle Â"
Tous partagent toutefois la même colère, exacerbée par les violences
policières de ces derniers jours. Â" C'est difficile d'être ici, a
Paris, et de savoir que nos amis subissent une telle violence chez
nous en Turquie Â", témoigne une étudiante de 20 ans en échange
universitaire en France. Â" On se lève en sursaut le matin, on a peur
pour notre pays Â", ajoute son amie. Pour témoigner de la répression
policière, bras tendus, une autre jeune femme brandit un assemblage de
photos des manifestations en Turquie : des hommes blessés, des tirs de
gaz lacrymogène, mais aussi des scènes de militants offrant des
gâteaux ou un peu de lecture aux forces de l'ordre. Des photos qui
circulent également sur les pages Facebook et Tumblr des
sympathisants. Â" Les médias ne jouent pas leur rôle en Turquie. Il
faut montrer ces images qui prouvent que le gouvernement est dans un
excès de violence dangereux et injustifié Â", s'énerve-t-elle.
Autre combat, celui de la liberté et de la laïcité. Une mère de
famille, bercant son nourrisson qui fait Â" sa première manifestation
Â", affirme : Â" Nous sommes venus dire aux manifestants de Taksim que
nous sommes avec eux et que nous condamnons aussi ce gouvernement
liberticide qui impose des cours de Coran a l'école et revient sur des
droits acquis depuis des décennies. D'ici, je veux aussi me battre
pour continuer a garder ma liberté quand je vais la-bas, en vacances
dans ma famille. Â" Â" La France a une part de responsabilité Â"
De l'autre côté de la place, un drapeau turc sur leurs épaules, deux
trentenaires, une bière a la main, s'inquiètent des discours du
Premier ministre sur l'interdiction de l'alcool. Sur leurs vestes, des
autocollants : Â" Yeni ayran Â", pastiche du message publicitaire Yeni
Raki pour une boisson alcoolisée traditionnelle turque. Â" Erdogan veux
faire de l'ayran (une sorte de yaourt liquide) l'unique boisson du
pays. C'est ridicule ! Â", explique l'un d'entre eux. Mais l'alcool
n'est pas leur unique préoccupation : Â" On veut une Turquie libre et
laïque, comme l'a laissée Ataturk Â". Le réformateur des années 20
n'est d'ailleurs pas loin. A quelques pas, son portrait est dressé sur
un kiosque, entouré de drapeaux turc et francais. Â" On compte beaucoup
sur la France, notamment sur les médias francais Â", concluent les deux
trentenaires.
Sur place, Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, venue
soutenir le mouvement, s'interroge aussi sur la position de la France.
Â" Il y a trois semaines, j'étais a Ankara, j'ai vu de mes propres yeux
les libertés bafouées, déclare-t-elle. La France a une part de
responsabilité. Depuis que la Turquie a perdu tout espoir d'entrer
dans l'Union européenne, Erdogan a montré son vrai visage. Si on
n'avait pas fermé les portes, les réformes pour plus de libertés et de
démocratie seraient peut-être allées jusqu'au bout en Turquie. Â" A ses
côtés, Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice PCF des Hauts-de-Seine,
estime également que la France doit agir au niveau diplomatique.
Esther Benbassa promet a ce titre de poser, jeudi, une question au
gouvernement, pour une intervention rapide de la France en Turquie.
Jeudi après-midi, au Sénat, deux jours après la manifestation, Esther
Benbassa a demandé au ministre des affaires européennes de préciser la
position de la France au sujet de la Turquie, l'invitant a Â"
intervenir, comme Angela Merkel et John Kerry, auprès du gouvernement
turc pour que cessent les violences policières, et pour l'inciter a
respecter les valeurs et les principes chers a l'Union européenne,
incluant les libertés de manifestation et de réunion, d'expression et
d'opinion. Â"
http://www.liberation.fr/monde/2013/06/05/la-colere-turque-se-fait-entendre-jusqu-a-paris_908488
vendredi 7 juin 2013,
Stéphane ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=90327
Reportage Des centaines de personnes se sont réunies mardi soir en
soutien aux manifestants qui occupent les rues de Turquie depuis une
semaine.
Par AMANDINE CAILHOL
Â" Her yer Taksim, her yer direniÅ~_ ! Â", scande en turc, la foule
rassemblée ce mardi soir dans le centre de Paris. Â" Résistance a
Taksim, résistance partout ! Â" Sympathisants et organisations de
défense des droits de l'homme sont réunis pour soutenir la rébellion
en Turquie. Une banderole accrochée a une facade accueille le
rassemblement : Â" Merhaba capulcular Â" (Â" Bonjour les fauteurs de
trouble Â"), en référence aux mots employés par le Premier ministre
turc a l'encontre des opposants de la place Taksim. Des slogans
francais prennent le relais : Â" Tayyip t'es foutu, la Turquie est dans
la rue Â", Â" Gaze toi pov' con Â" ou encore Â" Touche pas a ma liberté Â".
Dès 19 heures, la communauté franco-turque se presse autour de la
fontaine des Innocents pour demander la démission de Recep Tayyip
Erdogan : des jeunes principalement, d'origine turque, des étudiants
en échange universitaire a Paris, mais aussi des familles. Le drapeau
rouge frappé d'un croissant de lune et d'une étoile flotte sur le ciel
parisien, a côté d'une diversité de bannières : Â" Occupy Gezi Â", Front
populaire en Turquie, syndicat ADHK, mais aussi Front de Gauche, PCF,
Nouveau parti anticapitaliste ou encore Amnesty International et la
Ligue des droits de l'homme.
A l'angle de la fontaine, des jeunes sont regroupés dans une grande
ronde, improvisant un halay, danse traditionnelle, au rythme des
tambours. Les uns s'embrassent, les autres se prennent en photo. A
quelques mètres, des militants de groupes communistes révolutionnaires
turcs, plus âgés, plus politisés, font répéter des slogans a la foule
: Â" Erdogan assassin ! Â", Â" Tous contre le fascisme ! Â". Plus loin, un
autre groupe reprend en chÅ"ur : Â" Mustafa Kemal'in askerleriyiz ! Nous
sommes tous des soldats de Mustafa Kemal ! Â"
Plusieurs groupes, mais un seul mot d'ordre : l'union. Â" Le
gouvernement nous a divisés pendant dix ans, mais en faisant cela il
nous a réunis, explique un homme d'une cinquantaine d'années.
Aujourd'hui, aucun parti n'a pu récupérer le mouvement, mais il faut
faire attention et garder la spontanéité de la place Taksim Â". A Paris
comme a Ankara, les manifestants revendiquent la présence de toutes
les communautés ethniques et culturelles, alévis, musulmans,
orthodoxes, Arméniens, juifs, communistes, Kurdes, et l'absence de
récupération politique. Un propos nuancé par une jeune étudiante
d'origine kurde, un peu en retrait de la manifestation : Â" Nous sommes
la car nous sommes opposés a Erdogan. Cependant, nous sommes aussi
inquiets de voir le mouvement perdre son sens a cause de quelques
partis politiques qui cherchent a se l'approprier. Â" Â" Les médias
turcs ne jouent pas leur rôle Â"
Tous partagent toutefois la même colère, exacerbée par les violences
policières de ces derniers jours. Â" C'est difficile d'être ici, a
Paris, et de savoir que nos amis subissent une telle violence chez
nous en Turquie Â", témoigne une étudiante de 20 ans en échange
universitaire en France. Â" On se lève en sursaut le matin, on a peur
pour notre pays Â", ajoute son amie. Pour témoigner de la répression
policière, bras tendus, une autre jeune femme brandit un assemblage de
photos des manifestations en Turquie : des hommes blessés, des tirs de
gaz lacrymogène, mais aussi des scènes de militants offrant des
gâteaux ou un peu de lecture aux forces de l'ordre. Des photos qui
circulent également sur les pages Facebook et Tumblr des
sympathisants. Â" Les médias ne jouent pas leur rôle en Turquie. Il
faut montrer ces images qui prouvent que le gouvernement est dans un
excès de violence dangereux et injustifié Â", s'énerve-t-elle.
Autre combat, celui de la liberté et de la laïcité. Une mère de
famille, bercant son nourrisson qui fait Â" sa première manifestation
Â", affirme : Â" Nous sommes venus dire aux manifestants de Taksim que
nous sommes avec eux et que nous condamnons aussi ce gouvernement
liberticide qui impose des cours de Coran a l'école et revient sur des
droits acquis depuis des décennies. D'ici, je veux aussi me battre
pour continuer a garder ma liberté quand je vais la-bas, en vacances
dans ma famille. Â" Â" La France a une part de responsabilité Â"
De l'autre côté de la place, un drapeau turc sur leurs épaules, deux
trentenaires, une bière a la main, s'inquiètent des discours du
Premier ministre sur l'interdiction de l'alcool. Sur leurs vestes, des
autocollants : Â" Yeni ayran Â", pastiche du message publicitaire Yeni
Raki pour une boisson alcoolisée traditionnelle turque. Â" Erdogan veux
faire de l'ayran (une sorte de yaourt liquide) l'unique boisson du
pays. C'est ridicule ! Â", explique l'un d'entre eux. Mais l'alcool
n'est pas leur unique préoccupation : Â" On veut une Turquie libre et
laïque, comme l'a laissée Ataturk Â". Le réformateur des années 20
n'est d'ailleurs pas loin. A quelques pas, son portrait est dressé sur
un kiosque, entouré de drapeaux turc et francais. Â" On compte beaucoup
sur la France, notamment sur les médias francais Â", concluent les deux
trentenaires.
Sur place, Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, venue
soutenir le mouvement, s'interroge aussi sur la position de la France.
Â" Il y a trois semaines, j'étais a Ankara, j'ai vu de mes propres yeux
les libertés bafouées, déclare-t-elle. La France a une part de
responsabilité. Depuis que la Turquie a perdu tout espoir d'entrer
dans l'Union européenne, Erdogan a montré son vrai visage. Si on
n'avait pas fermé les portes, les réformes pour plus de libertés et de
démocratie seraient peut-être allées jusqu'au bout en Turquie. Â" A ses
côtés, Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice PCF des Hauts-de-Seine,
estime également que la France doit agir au niveau diplomatique.
Esther Benbassa promet a ce titre de poser, jeudi, une question au
gouvernement, pour une intervention rapide de la France en Turquie.
Jeudi après-midi, au Sénat, deux jours après la manifestation, Esther
Benbassa a demandé au ministre des affaires européennes de préciser la
position de la France au sujet de la Turquie, l'invitant a Â"
intervenir, comme Angela Merkel et John Kerry, auprès du gouvernement
turc pour que cessent les violences policières, et pour l'inciter a
respecter les valeurs et les principes chers a l'Union européenne,
incluant les libertés de manifestation et de réunion, d'expression et
d'opinion. Â"
http://www.liberation.fr/monde/2013/06/05/la-colere-turque-se-fait-entendre-jusqu-a-paris_908488
vendredi 7 juin 2013,
Stéphane ©armenews.com