REVUE DE PRESSE
Manifestations en Turquie : témoignage d'une lycéenne à Istanbul
Notre envoyée spéciale à Istanbul, Stefanie Schüler, a fait parvenir à
la rédaction de RFI une lettre que lui a adressée Yeliz (nom
d'emprunt), une lycéenne de la ville. Dans cette missive, la jeune
fille, mineure, témoigne de son quotidien depuis huit jours au parc
Gezi, qui jouxte la place Taksim. C'est ce parc que le gouvernement
souhaite transformer en centre commercial, et qui a mis le feu aux
poudres. Yeliz y vit une phase de politisation accélérée, avec un goût
prononcé pour les formes de solidarité qui y naissent. « Chacun écoute
et s'occupe d'un autre, témoigne-t-elle. C'est pour cela que je ne
perdrai jamais espoir. C'est pour cela que #occupygezi ira jusqu'au
bout, et nous aussi. » Voici son récit.
Je veux vous transmettre un côté qui n'est pas forcément mis en avant
de notre résistance, et que j'ai vécu. C'est l'aspect qui me laisse le
plus d'espoir, et qui me donne des frissons même quand j'écris en ce
moment. Je m'appelle Yeliz, j'ai 17 ans et je vis dans la ville de mon
c`ur : Istanbul.
Je veux vous raconter notre parc, Gezi, notre forteresse que nous
protégeons maintenant depuis plus de huit jours, là où tout a
commencé. Le paradis. Les gens assis sur l'herbe, un air de
pique-nique paisible, calme et heureux. La musique retentit dans tout
Gezi, et s'entend même aux alentours.
Je vois des bébés sur les épaules de leurs pères, des petits enfants
avec leurs petits drapeaux à la main, des adolescents suréquipés par
précaution, des étudiants qui prennent les choses en main, qui
distribuent des pancartes « Ne te soumets pas », des parents inquiets
mais fiers, et des retraités, ceux qui connaissent mieux l'histoire et
la gloire de ce parc et de ce merveilleux quartier qu'est Taksim.
A l'intérieur du parc se trouve une petite scène, sur laquelle un
homme s'adresse à la foule. Son speech serein est un appel au Premier
ministre, lui souhaitant bon voyage dans sa tournée planifiée au début
comme une tournée de gloire au Maghreb, et qui s'est plutôt
transformée en une fuite dans le contexte présent.
Un air de fête, avec des chansons, des danses et des poèmes dans le
parc. D'un coup, la voix au micro devient sérieuse : « Mes amis, ne
paniquez pas et restez calmes, on vient de sentir du gaz, que tout le
monde mette ses masques rapidement mais calmement ». A ce moment
précis, je suis submergée par la peur, l'inquiétude - c'est la
première fois que je me trouve dans une situation pareille -, mais
plus fortement par une étincelle de curiosité et d'excitation.
Pourquoi ? Parce qu'on est tous là. Jusqu'à la fin.
A la sortie du parc, sur la place Taksim, on ressent une deuxième
bombe de gaz. Les personnes pleurent, vomissent, mais ils sont calmes.
Dans l'odeur éc`urante et piquante du gaz, ceux qui ont les remèdes
s'arrêtent, et cherchent les gens à aider. Vous y croyez ? Personne ne
court. Personne ne bouscule les autres pour se sauver en premier. Tout
le monde s'aide.
Chacun écoute et s'occupe d'un autre C'est pour cela que je ne perdrai
jamais espoir. C'est pour cela que #occupygezi ira jusqu'au bout, et
nous aussi. Nous, les « çapulcu », c'est-à-dire les « vauriens », les
« pillards », de la bouche même de notre propre Premier ministre, M.
Erdogan. Nous qui sommes gazés dans nos parcs, nos rues, pour rien.
Enfin si ! Pour y avoir été présents justement...
Nous qui ramassons les poubelles des rues dès le petit matin pour
garder notre espace de résistance et notre ville propres. Nous qui
sommes montrés comme des sauvages, des assoiffés de violence, par
notre gouvernement. Nous qui passons nos nuits et nos journées dans la
rue, avec nos masques, nos citrons, nos médicaments et notre lait dans
nos sacs, au cas où, juste comme ça, la police déciderait de nous
tirer dessus, de nous gazer ou de nous arroser.
Mais nous sommes nombreux, unis et nous résistons. Nous sommes des
musulmans, des chrétiens, des juifs, des Turcs, des Kurdes, des
Arméniens, des Grecs. Nous sommes de droite ou de gauche, religieux ou
non, mais nous sommes tous là et ne faisons qu'un. La résistance
continue et grandit. Les gens ne se retirent pas. A l'inverse, ils
s'investissent davantage dans la solidarité et le message pacifique
que nous voulons diffuser.
http://www.rfi.fr/europe/20130606-turquie-manifestations-taksim-gezi-lettre-lyceenne-revoltee-occupy-istanbul
samedi 8 juin 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
Manifestations en Turquie : témoignage d'une lycéenne à Istanbul
Notre envoyée spéciale à Istanbul, Stefanie Schüler, a fait parvenir à
la rédaction de RFI une lettre que lui a adressée Yeliz (nom
d'emprunt), une lycéenne de la ville. Dans cette missive, la jeune
fille, mineure, témoigne de son quotidien depuis huit jours au parc
Gezi, qui jouxte la place Taksim. C'est ce parc que le gouvernement
souhaite transformer en centre commercial, et qui a mis le feu aux
poudres. Yeliz y vit une phase de politisation accélérée, avec un goût
prononcé pour les formes de solidarité qui y naissent. « Chacun écoute
et s'occupe d'un autre, témoigne-t-elle. C'est pour cela que je ne
perdrai jamais espoir. C'est pour cela que #occupygezi ira jusqu'au
bout, et nous aussi. » Voici son récit.
Je veux vous transmettre un côté qui n'est pas forcément mis en avant
de notre résistance, et que j'ai vécu. C'est l'aspect qui me laisse le
plus d'espoir, et qui me donne des frissons même quand j'écris en ce
moment. Je m'appelle Yeliz, j'ai 17 ans et je vis dans la ville de mon
c`ur : Istanbul.
Je veux vous raconter notre parc, Gezi, notre forteresse que nous
protégeons maintenant depuis plus de huit jours, là où tout a
commencé. Le paradis. Les gens assis sur l'herbe, un air de
pique-nique paisible, calme et heureux. La musique retentit dans tout
Gezi, et s'entend même aux alentours.
Je vois des bébés sur les épaules de leurs pères, des petits enfants
avec leurs petits drapeaux à la main, des adolescents suréquipés par
précaution, des étudiants qui prennent les choses en main, qui
distribuent des pancartes « Ne te soumets pas », des parents inquiets
mais fiers, et des retraités, ceux qui connaissent mieux l'histoire et
la gloire de ce parc et de ce merveilleux quartier qu'est Taksim.
A l'intérieur du parc se trouve une petite scène, sur laquelle un
homme s'adresse à la foule. Son speech serein est un appel au Premier
ministre, lui souhaitant bon voyage dans sa tournée planifiée au début
comme une tournée de gloire au Maghreb, et qui s'est plutôt
transformée en une fuite dans le contexte présent.
Un air de fête, avec des chansons, des danses et des poèmes dans le
parc. D'un coup, la voix au micro devient sérieuse : « Mes amis, ne
paniquez pas et restez calmes, on vient de sentir du gaz, que tout le
monde mette ses masques rapidement mais calmement ». A ce moment
précis, je suis submergée par la peur, l'inquiétude - c'est la
première fois que je me trouve dans une situation pareille -, mais
plus fortement par une étincelle de curiosité et d'excitation.
Pourquoi ? Parce qu'on est tous là. Jusqu'à la fin.
A la sortie du parc, sur la place Taksim, on ressent une deuxième
bombe de gaz. Les personnes pleurent, vomissent, mais ils sont calmes.
Dans l'odeur éc`urante et piquante du gaz, ceux qui ont les remèdes
s'arrêtent, et cherchent les gens à aider. Vous y croyez ? Personne ne
court. Personne ne bouscule les autres pour se sauver en premier. Tout
le monde s'aide.
Chacun écoute et s'occupe d'un autre C'est pour cela que je ne perdrai
jamais espoir. C'est pour cela que #occupygezi ira jusqu'au bout, et
nous aussi. Nous, les « çapulcu », c'est-à-dire les « vauriens », les
« pillards », de la bouche même de notre propre Premier ministre, M.
Erdogan. Nous qui sommes gazés dans nos parcs, nos rues, pour rien.
Enfin si ! Pour y avoir été présents justement...
Nous qui ramassons les poubelles des rues dès le petit matin pour
garder notre espace de résistance et notre ville propres. Nous qui
sommes montrés comme des sauvages, des assoiffés de violence, par
notre gouvernement. Nous qui passons nos nuits et nos journées dans la
rue, avec nos masques, nos citrons, nos médicaments et notre lait dans
nos sacs, au cas où, juste comme ça, la police déciderait de nous
tirer dessus, de nous gazer ou de nous arroser.
Mais nous sommes nombreux, unis et nous résistons. Nous sommes des
musulmans, des chrétiens, des juifs, des Turcs, des Kurdes, des
Arméniens, des Grecs. Nous sommes de droite ou de gauche, religieux ou
non, mais nous sommes tous là et ne faisons qu'un. La résistance
continue et grandit. Les gens ne se retirent pas. A l'inverse, ils
s'investissent davantage dans la solidarité et le message pacifique
que nous voulons diffuser.
http://www.rfi.fr/europe/20130606-turquie-manifestations-taksim-gezi-lettre-lyceenne-revoltee-occupy-istanbul
samedi 8 juin 2013,
Stéphane ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress