La Croix, France
Jeudi 6 Juin 2013
Les chrétiens de Turquie soutiennent les manifestations
Assyriens, arméniens, grecs ou catholiques de rite latin, les
minorités chrétiennes du pays partagent la colère de leurs
compatriotes turcs.
par GERCEK Burcin
ISTANBUL
De notre correspondante
« Je ne pense pas que l'avenir des chrétiens soit très brillant en
Turquie. » Yuhanna Aktas, fondateur de l'association culturelle des
assyriens de Midyat, ville du sud-est du pays, partage ainsi son
inquiétude à l'égard des politiques d'islamisation en douceur de la
société menée par le gouvernement dirigé par le parti AKP. Son
association et une dizaine d'ONG de Midyat ont fait un communiqué pour
soutenir les manifestations, qui continuent depuis sept jours en
Turquie. Les assyriens (2 500 personnes dans la région de Midyat et 18
000 en Turquie) font partie des principales communautés chrétiennes du
pays, avec les arméniens (près de 70 000 personnes) et les grecs (2
000 personnes).
Si la petite ville de Midyat n'a pas vu de manifestations, les
assyriens d'autres villes, notamment à Antakya et à Diyarbakir, ont
participé à ce qu'on appelle en Turquie « la résistance du parc de
Gezi », du nom du parc stambouliote jouxtant la place Taksim dont le
projet de réaménagement a provoqué la colère de la population. « Nous
voyons dans notre vie les conséquences de la politique de ce
gouvernement qui exclut tous ceux qui ne sont pas des siens »,
raconte-t-il: « Les cours de Coran et la vie de Mohammed ont été
inclus dans les programmes scolaires. Ils sont présentés sous forme de
cours d'option. Mais dans beaucoup d'écoles, les autres cours d'option
ne sont pas ouverts sous prétexte qu'il n'y a pas assez d'élèves. Dans
des petites localités, les élèves assyriens risquent alors de se
trouver obligés de choisir les cours de Coran. » Les autres problèmes
de la communauté chrétienne, comme l'enseignement dans la langue
maternelle ou le droit de propriété des monastères, sont aussi restés
non résolus.
Également propriétaire d'une usine de production de vin, Yuhanna Aktas
suit aussi avec inquiétude les récentes restrictions votées sur la
vente d'alcool en Turquie. « L'AKP est en train d'interdire l'alcool,
mais il le fait doucement », estime-t-il: « On a d'abord interdit la
vente en ligne en 2011. La loi qui vient d'être votée interdit presque
toute sorte de vente à distance. On ne peut même pas placer les vins
dans notre vitrine, il faut qu'ils soient cachés dans un espace à
l'arrière du magasin. Ils veulent en fait nous dire doucement: Fermez
votre commerce . »
Yuhanna Aktas avait pourtant voté pour l'AKP en 2002, lorsque Recep
Tayyip Erdogan promettait plus de libertés pour tous les citoyens. «
Il y a une phrase qu'Erdogan aime souvent utiliser. Il déclare: Nous
sommes tous frères dans ce pays, les Turcs, les Kurdes, les Lazes, les
Arabes, etc. Mais jamais dans cette énumération, il n'inclut les
assyriens ou les arméniens ». Pour l'entrepreneur chrétien, « les
manifestations actuelles reflètent la colère envers un discours qui
exclut ».
Des membres de la communauté arménienne d'Istanbul suivent aussi de
près le mouvement social en cours. « Nous ne sommes pas une communauté
homogène, il y a donc des gens qui soutiennent ou qui prennent des
distances avec ces manifestations », explique Rober Koptas, rédacteur
en chef d'Agos, journal publié en arménien et en turc: « Mais j'ai vu
beaucoup de jeunes
arméniens qui étaient présents aux manifestations, à la fois de
manière individuelle et au nom de leurs associations. » Pour Rober
Koptas, dont le journal « soutient les manifestations », certains pas
positifs effectués par le gouvernement de l'AKP, comme la restitution
d'une partie des biens appartenant aux associations non musulmanes, ne
le rendent pas pour autant « intouchable » aux yeux des chrétiens: «
Nous voyons les choses dans une perspective des droits des citoyens. »
Quant à la petite communauté catholique de rite latin, qui compte 1
500 fidèles, elle espère que les tensions pourront se calmer. Le
vicariat est situé tout près de Taksim, lieu central des
manifestations. « Nous sommes la minorité des minorités en Turquie »,
estime Mgr Louis-Armel Peltre, vicaire apostolique d'Istanbul: « Les
catholiques de rite latin ne participent pas aux manifestations, mais
suivent avec inquiétude les événements. »
Jeudi 6 Juin 2013
Les chrétiens de Turquie soutiennent les manifestations
Assyriens, arméniens, grecs ou catholiques de rite latin, les
minorités chrétiennes du pays partagent la colère de leurs
compatriotes turcs.
par GERCEK Burcin
ISTANBUL
De notre correspondante
« Je ne pense pas que l'avenir des chrétiens soit très brillant en
Turquie. » Yuhanna Aktas, fondateur de l'association culturelle des
assyriens de Midyat, ville du sud-est du pays, partage ainsi son
inquiétude à l'égard des politiques d'islamisation en douceur de la
société menée par le gouvernement dirigé par le parti AKP. Son
association et une dizaine d'ONG de Midyat ont fait un communiqué pour
soutenir les manifestations, qui continuent depuis sept jours en
Turquie. Les assyriens (2 500 personnes dans la région de Midyat et 18
000 en Turquie) font partie des principales communautés chrétiennes du
pays, avec les arméniens (près de 70 000 personnes) et les grecs (2
000 personnes).
Si la petite ville de Midyat n'a pas vu de manifestations, les
assyriens d'autres villes, notamment à Antakya et à Diyarbakir, ont
participé à ce qu'on appelle en Turquie « la résistance du parc de
Gezi », du nom du parc stambouliote jouxtant la place Taksim dont le
projet de réaménagement a provoqué la colère de la population. « Nous
voyons dans notre vie les conséquences de la politique de ce
gouvernement qui exclut tous ceux qui ne sont pas des siens »,
raconte-t-il: « Les cours de Coran et la vie de Mohammed ont été
inclus dans les programmes scolaires. Ils sont présentés sous forme de
cours d'option. Mais dans beaucoup d'écoles, les autres cours d'option
ne sont pas ouverts sous prétexte qu'il n'y a pas assez d'élèves. Dans
des petites localités, les élèves assyriens risquent alors de se
trouver obligés de choisir les cours de Coran. » Les autres problèmes
de la communauté chrétienne, comme l'enseignement dans la langue
maternelle ou le droit de propriété des monastères, sont aussi restés
non résolus.
Également propriétaire d'une usine de production de vin, Yuhanna Aktas
suit aussi avec inquiétude les récentes restrictions votées sur la
vente d'alcool en Turquie. « L'AKP est en train d'interdire l'alcool,
mais il le fait doucement », estime-t-il: « On a d'abord interdit la
vente en ligne en 2011. La loi qui vient d'être votée interdit presque
toute sorte de vente à distance. On ne peut même pas placer les vins
dans notre vitrine, il faut qu'ils soient cachés dans un espace à
l'arrière du magasin. Ils veulent en fait nous dire doucement: Fermez
votre commerce . »
Yuhanna Aktas avait pourtant voté pour l'AKP en 2002, lorsque Recep
Tayyip Erdogan promettait plus de libertés pour tous les citoyens. «
Il y a une phrase qu'Erdogan aime souvent utiliser. Il déclare: Nous
sommes tous frères dans ce pays, les Turcs, les Kurdes, les Lazes, les
Arabes, etc. Mais jamais dans cette énumération, il n'inclut les
assyriens ou les arméniens ». Pour l'entrepreneur chrétien, « les
manifestations actuelles reflètent la colère envers un discours qui
exclut ».
Des membres de la communauté arménienne d'Istanbul suivent aussi de
près le mouvement social en cours. « Nous ne sommes pas une communauté
homogène, il y a donc des gens qui soutiennent ou qui prennent des
distances avec ces manifestations », explique Rober Koptas, rédacteur
en chef d'Agos, journal publié en arménien et en turc: « Mais j'ai vu
beaucoup de jeunes
arméniens qui étaient présents aux manifestations, à la fois de
manière individuelle et au nom de leurs associations. » Pour Rober
Koptas, dont le journal « soutient les manifestations », certains pas
positifs effectués par le gouvernement de l'AKP, comme la restitution
d'une partie des biens appartenant aux associations non musulmanes, ne
le rendent pas pour autant « intouchable » aux yeux des chrétiens: «
Nous voyons les choses dans une perspective des droits des citoyens. »
Quant à la petite communauté catholique de rite latin, qui compte 1
500 fidèles, elle espère que les tensions pourront se calmer. Le
vicariat est situé tout près de Taksim, lieu central des
manifestations. « Nous sommes la minorité des minorités en Turquie »,
estime Mgr Louis-Armel Peltre, vicaire apostolique d'Istanbul: « Les
catholiques de rite latin ne participent pas aux manifestations, mais
suivent avec inquiétude les événements. »