SOUS LE PARC OCCUPE D'ISTANBUL, UN CIMETIERE ARMENIEN
Istanbul, correspondance. Dans une allee du parc Gezi, qui jouxte
la place Taksim, les jeunes militants armeniens de Nor Zartonk
("Nouvel eveil") ont colle deux plaques de polystyrène gris qui
forment une tombe symbolique. Dessus figure l'identite du defunt :
"Cimetière armenien Sourp Hagop 1551-1939". Et un message : "Vous
nous avez pris notre cimetière, vous n'aurez pas notre parc !" Car
la où s'est installe depuis dix jours le mouvement de protestation
contre le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, sous le parc
Gezi, reposent les morts d'une partie de la communaute armenienne
d'Istanbul. Une histoire inconnue de la plupart des manifestants,
que quelques-uns tentent de faire revivre. La où M. Erdogan affirme
vouloir "reconstruire l'histoire" bâtissant la replique d'une ancienne
caserne ottomane, qui abritera un centre commercial ou un musee de
la ville. L'histoire du cimetière Sourp Hagop remonte a Soliman le
Magnifique. Une tentative d'assassinat se preparait contre le sultan.
Les comploteurs approchèrent l'un de ses cuisiniers, un Armenien de
Van, Manouk Karaseferyan, pour qu'il empoisonne le dîner imperial.
Mais le cuisinier n'en fit rien et denonca le plan au sultan. En
signe de sa gratitude, Soliman lui demanda ce qu'il pouvait lui offrir.
Karaseferyan emis un souhait inattendu : un lieu pour les morts de
sa communaute, un cimetière.
PIERRES TOMBALES REUTILISEES
Le terrain donne par le sultan se trouve aujourd'hui au nord de la
place Taksim, occupe par une partie du parc Gezi, quelques hôtels
de luxe, des immeubles et un bâtiment de la Radio television turque
(TRT). De ce vaste terrain, seul l'hôpital Sourp Hagop subsiste. Le
reste, qui appartenait a la communaute, a ete spolie par la
Republique. Le cimetière a ete entièrement detruit dans les annees
1930 et ses pierres tombales ont ete reutilisees dans la construction
d'un nouveau centre urbain par l'urbaniste Henri Prost, l'auteur du
plan d'amenagement d'Istanbul choisi par Ataturk.
Un memorial au genocide armenien fut meme brièvement construit dans
le cimetière, a la place de l'hôtel Divan. Le monument subsista de
1919 a 1922, avant d'etre detruit a son tour. Dans le brouhaha de
la revolte de Taksim, l'association antiraciste DurDe, qui organise
chaque annee un rassemblement silencieux sur la place Taksim pour
le 24 avril, l'anniversaire du declenchement du genocide armenien,
voulait faire revivre ce monument.
L'inauguration etait programmee pour lundi soir. Mais l'association a
dû renoncer sous la pression de militants nationalistes, brandissant
des drapeaux turcs, et scandant des slogans hostiles, confirme Cengiz
Algan, de DurDe. Cette mouvance extremiste, que l'historien Hamit
Bozarslan qualifie de courant "national-socialiste", est bien loin de
faire l'unanimite parmi les manifestants, mais elle se fait entendre.
"Tous les partis politiques s'entretuent, mais lorsqu'il s'agit des
Armeniens, il y a toujours un consensus", lance une figure de la
communaute d'Istanbul.
Guillaume Perrier
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/06/11/sous-le-parc-occupe-d-istanbul-un-cimetiere-armenien_3428197_3214.html
mercredi 12 juin 2013, Stephane ©armenews.com
Istanbul, correspondance. Dans une allee du parc Gezi, qui jouxte
la place Taksim, les jeunes militants armeniens de Nor Zartonk
("Nouvel eveil") ont colle deux plaques de polystyrène gris qui
forment une tombe symbolique. Dessus figure l'identite du defunt :
"Cimetière armenien Sourp Hagop 1551-1939". Et un message : "Vous
nous avez pris notre cimetière, vous n'aurez pas notre parc !" Car
la où s'est installe depuis dix jours le mouvement de protestation
contre le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, sous le parc
Gezi, reposent les morts d'une partie de la communaute armenienne
d'Istanbul. Une histoire inconnue de la plupart des manifestants,
que quelques-uns tentent de faire revivre. La où M. Erdogan affirme
vouloir "reconstruire l'histoire" bâtissant la replique d'une ancienne
caserne ottomane, qui abritera un centre commercial ou un musee de
la ville. L'histoire du cimetière Sourp Hagop remonte a Soliman le
Magnifique. Une tentative d'assassinat se preparait contre le sultan.
Les comploteurs approchèrent l'un de ses cuisiniers, un Armenien de
Van, Manouk Karaseferyan, pour qu'il empoisonne le dîner imperial.
Mais le cuisinier n'en fit rien et denonca le plan au sultan. En
signe de sa gratitude, Soliman lui demanda ce qu'il pouvait lui offrir.
Karaseferyan emis un souhait inattendu : un lieu pour les morts de
sa communaute, un cimetière.
PIERRES TOMBALES REUTILISEES
Le terrain donne par le sultan se trouve aujourd'hui au nord de la
place Taksim, occupe par une partie du parc Gezi, quelques hôtels
de luxe, des immeubles et un bâtiment de la Radio television turque
(TRT). De ce vaste terrain, seul l'hôpital Sourp Hagop subsiste. Le
reste, qui appartenait a la communaute, a ete spolie par la
Republique. Le cimetière a ete entièrement detruit dans les annees
1930 et ses pierres tombales ont ete reutilisees dans la construction
d'un nouveau centre urbain par l'urbaniste Henri Prost, l'auteur du
plan d'amenagement d'Istanbul choisi par Ataturk.
Un memorial au genocide armenien fut meme brièvement construit dans
le cimetière, a la place de l'hôtel Divan. Le monument subsista de
1919 a 1922, avant d'etre detruit a son tour. Dans le brouhaha de
la revolte de Taksim, l'association antiraciste DurDe, qui organise
chaque annee un rassemblement silencieux sur la place Taksim pour
le 24 avril, l'anniversaire du declenchement du genocide armenien,
voulait faire revivre ce monument.
L'inauguration etait programmee pour lundi soir. Mais l'association a
dû renoncer sous la pression de militants nationalistes, brandissant
des drapeaux turcs, et scandant des slogans hostiles, confirme Cengiz
Algan, de DurDe. Cette mouvance extremiste, que l'historien Hamit
Bozarslan qualifie de courant "national-socialiste", est bien loin de
faire l'unanimite parmi les manifestants, mais elle se fait entendre.
"Tous les partis politiques s'entretuent, mais lorsqu'il s'agit des
Armeniens, il y a toujours un consensus", lance une figure de la
communaute d'Istanbul.
Guillaume Perrier
Journaliste au Monde
http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/06/11/sous-le-parc-occupe-d-istanbul-un-cimetiere-armenien_3428197_3214.html
mercredi 12 juin 2013, Stephane ©armenews.com