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Turquie. La fausse victoire d'Erdogan

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    REVUE DE PRESSE
    Turquie. La fausse victoire d'Erdogan


    La féroce répression policière, les centaines d'arrestations et de
    détentions arbitraires, l'interdiction des manifestations, enfin
    l'ultime menace de faire intervenir l'armée - elle a désormais à sa
    tête des officiers islamistes - signent la fin du mythe Erdogan.

    Martine GOZLAN - Marianne

    Des milliers de blessés, 7500 selon les dernières estimations. Des
    jeunes qui ont perdu à jamais la vue en raison des tirs de
    lacrymogènes tendus. Des canons d'une eau remplie d'acide. Des
    médecins matraqués et arrêtés alors qu'ils soignaient les victimes.
    Des arrestations par centaines dans tout le pays. Des hommes et des
    femmes, jeunes, en détention arbitraire. Près de 400 disparus.

    Les manifestations syndicales déclarées « illégales ». Donc
    interdites. Les ponts bloqués par toutes les forces de police le jour
    où le Leader Suprême haranguait, dans son fief, la foule féminine
    voilée et masculine barbue. Les réseaux sociaux décrétés hautement
    suspects. Une loi prête à en limiter l'accès dans les jours ou les
    semaines qui viennent.

    A la télévision officielle et à la tribune officielle du Leader
    Suprême, l'évocation scandée, bissée, trissée, du « complot de
    l'étranger », de « la finance internationale ». La dénonciation des
    agissements de la presse internationale, donc forcément coupable.
    Enfin, cet avertissement aux insolents qui n'auraient pas pris la
    mesure de la divine colère du Sauveur de la Patrie inspiré par Allah :
    « Notre police fait son devoir ! Si ce n'est pas suffisant, les
    gendarmes feront leur devoir. Mais si ce n'est pas suffisant, nous
    utiliserons les forces armées ! »

    Non, nous ne sommes pas à Téhéran mais à Istanbul et Ankara. Non, ce
    n'est pas Ali Khamenei qui tonne mais Tayyip Erdogan. Non, ma plume,
    même requise par les deux dossiers turc et perse, n'a pas divagué de
    mon observation des élections iraniennes du 14 juin à celle de la «
    victoire » remportée par les forces spéciales du Premier ministre turc
    sur des militants pacifiques.

    Cependant, j'ai bel et bien le vertige. Alors que la jeunesse danse à
    Téhéran, au c`ur d'un système théocratique farouche qui donne des
    signes d'essoufflement après plus de trois décennies d'isolement
    névrotique, une autre jeunesse fuit la traque et l'agression policière
    à Istanbul, au c`ur d'une jeune démocratie islamiste.

    Je ne serai pas assez naïve pour gloser à ce stade sur la
    démocratisation de l'Iran alors que des centaines d'opposants y sont
    incarcérés, qu'on y torture et qu'on y pend. Alors que la femme y est
    toujours un être juridiquement invisible, menacée du fouet et de la
    lapidation. Cependant, la force du vote iranien du 14 juin nous prouve
    qu'un régime ne peut éternellement combattre sa société et sa
    jeunesse. Le principe de réalité finit toujours par le rattraper.

    De même, je ne serai pas assez stupidement dogmatique pour affirmer
    que la démocratie turque s'est transformée en dictature. Même si-
    l'Histoire nous le rappelle- le libre suffrage du peuple ne décourage
    guère les aspirants au Leadership suprême de marcher sur la voie de
    l'écrasement du droit.

    C'est ce qui est en train d'arriver à Erdogan. La jeunesse turque
    s'est dressée contre la pulsion du chef et le chef a voulu la mater
    avec tous les moyens possibles - il ne les a pas encore tous utilisés-
    pour lui faire expier sa prétention.

    Après l'écrasement des manifestants le week-dernier, spécialement la
    nuit du samedi 15 au dimanche 16 juin, date du grand meeting des
    partisans de l'AKP, on a titré un peu vite , ici et là, sur « la
    victoire d'Erdogan ».

    C'était vraiment aller très vite en commentaire en glissant sur la
    violence qui a été l'auxiliaire de cette « victoire ». Jusqu'à quand
    l'usage de la force, les incantations d'une foule extatique,
    prétendument légitime, acquise au Chef, vont-ils tétaniser les
    jugements ?

    Un tout récent sondage nous apprend que près de 63% des Turcs se
    prononcent contre le projet de destruction du parc Gezi, projet à
    l'origine de la grande révolte. Ils sont près de 50% à récuser
    l'autoritarisme du Premier ministre. Ce qui ne donnerait tout de même
    pas une majorité à l'opposition si les élections avaient lieu
    aujourd'hui. Erdogan serait certes reconduit. Cela autorise-t-il à
    tirer un trait sur les libertés et les droits élémentaires ? Quand,
    comment, pourquoi, à partir de quelles lignes rouges, la démocratie
    peut-elle se transformer en instrument docile du pouvoir personnel ?
    Voilà le grand débat posé par la belle révolte turque.

    Voilà ce que clament en silence ses nouveaux acteurs : des jeunes gens
    et des jeunes filles, seuls, immobiles, debout durant des heures, sur
    les places vides des villes de Turquie. Ils imitent le chorégraphe
    Erdem Gunduz qui a inauguré place Taksim, au lendemain des
    affrontements du 15 juin, ce nouveau mode de protestation. On
    l'appelle le « Duranadam », « l'homme à l'arrêt ».Or, même cet acte de
    haute solitude, la police l'a puni : les « Duranadam » sont raflés.
    Mais ce n'est pas pour cela qu'ils ont échoué. Au contraire. Au miroir
    de leur rébellion, Erdogan, devant le monde, a perdu.

    http://www.marianne.net/Turquie-La-fausse-victoire-d-Erdogan_a229672.html

    samedi 22 juin 2013,
    Stéphane ©armenews.com

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