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Ayse Gunaysu : "Sommes-Nous Des " Turcs Justes " ?"

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    AYSE GUNAYSU : "SOMMES-NOUS DES " TURCS JUSTES " ?"

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=73879
    Publié le : 27-06-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - "Je découvre ici et la
    que d'aucuns nous appellent, nous qui demandons la reconnaissance du
    génocide des Arméniens, des Assyriens et des Grecs, ces peuples
    chrétiens de ce qui constitue maintenant la Turquie, des Â" Turcs
    justes Â". Je ne me qualifierais pas, ni mes amis, de Â" juste Â",
    car pour moi un Â" juste Â" est quelqu'un qui protège des victimes
    et risque sa vie dans ce but. En Turquie, près d'un siècle a été
    nécessaire avant que nous, un petit nombre de gens, ne réalisions
    que nous faisions tous partie des mensonges ambiants." Le Collectif
    VAN publie ici un texte sans concessions de la journaliste turque,
    féministe et militante des droits de l'homme, AyÅ~_e Gunaysu, traduit
    par Georges Festa pour Denis Donikian et mis en ligne le 26 juin 2013
    sur le site Ecrittératures.

    Ecrittératures

    Sommes-nous des Â" Turcs justes Â" ?

    par AyÅ~_e Gunaysu

    26 juin 2013

    www.keghart.com

    Je découvre ici et la que d'aucuns nous appellent, nous qui demandons
    la reconnaissance du génocide des Arméniens, des Assyriens et
    des Grecs, ces peuples chrétiens de ce qui constitue maintenant
    la Turquie, des Â" Turcs justes Â". Je ne me qualifierais pas, ni
    mes amis, de Â" juste Â", car pour moi un Â" juste Â" est quelqu'un
    qui protège des victimes et risque sa vie dans ce but. En Turquie,
    près d'un siècle a été nécessaire avant que nous, un petit
    nombre de gens, ne réalisions que nous faisions tous partie des
    mensonges ambiants.

    Le négationnisme ne consiste pas seulement a nier ce qui est arrivé.

    Il s'agit d'un climat global que chaque individu respire, fait sien,
    en s'assurant que son organisme tout entier s'y conforme et se comporte
    en conséquence. Il s'agit d'un style de vie, d'une manière d'être,
    propre non seulement a des individus, mais a la société en tant
    qu'être collectif.

    Je ne blâme pas seulement une poignée d'élites dirigeantes. Le
    mal n'est pas seulement l'affaire de quelques gouvernants ; il est
    absorbé par les masses qui sont sujettes a ce pouvoir. Autrement
    dit, la version de la vérité propre au dirigeant est littéralement
    intériorisée par le dirigé, car il est confortable et sans danger
    de savoir ce que chacun est censé savoir et de voir ce que chacun
    est censé voir. Il s'agit la d'un instinct de survie.

    Jusqu'au milieu des années 1990, nous, a savoir une poignée de gens
    que l'on nomme maintenant les Â" Turcs justes, Â" participions de ce
    mal - le négationnisme. Ce que quelques-uns (Yelda, la première
    personne qui appela publiquement l'extermination des Arméniens un
    Â" génocide Â" sur une chaîne de télévision en 1996, et NeÅ~_e
    Ozan qui fut la cheville ouvrière d'un comité au sein de la section
    stambouliote de l'Association Turque des Droits de l'Homme (I.H.D.),
    chargé de recenser les violations des droits des minorités)
    déclaraient a cette époque pour mettre en question l'histoire
    officielle, ne put alors être entendu, jusqu'au début des années
    2000, lorsque le processus d'intégration dans l'Union Européenne
    démarra et que les Â" droits des minorités Â" devinrent un sujet
    sensible, des fonds de l'Union Européenne étant attribués a des
    projets liés aux Â" minorités Â".

    L'assassinat de Hrant Dink intensifia le processus et accrut le nombre
    d'initiatives d'O.N.G. et de la société civile, engagées dans
    la soi-disant Â" question Â" arménienne. Dix autres années durent
    s'écouler pour que des initiatives Â" pro-arméniennes Â" de grande
    ampleur commencent a utiliser le mot Â" G Â". Un intervalle de 17 ans
    sépare l'usage public de ce mot par Yelda et celui de l'initiative
    DurDe (Dire non au racisme et au nationalisme) qui l'a utilisé pour
    la première fois lors de sa commémoration du 24 avril 2013 a Taksim.

    Entre temps, l'Association Turque des Droits de l'Homme (I.H.D.) avait
    commencé a commémorer publiquement le génocide en 2005, en utilisant
    le mot génocide. Mais sa parole resta inaudible, comme s'il existait
    un consensus tacite pour négliger ses efforts.

    Or, reprocher a certains la marginalisation initiale de Yelda et de
    l'I.H.D. par leurs propres homologues, et la longue période de silence
    qui s'ensuivit parmi les groupes gauchistes et autres contestataires,
    a-t-il un sens ? Car c'est la dynamique culturelle, psychologique,
    sociale, etc. de l'environnement négationniste de la Turquie de
    l'après-génocide qui a régi ce processus - et qui perdure.

    Beaucoup se demandent si ce petit nombre de gens est capable de
    changer les choses en Turquie.

    Tout dépend de ce que nous entendons par le mot Â" changer Â". Si nous
    parlons d'un changement dans la politique négationniste officielle de
    la Turquie et la mentalité du peuple turc en général, la réponse
    est non. Ces petits groupes ne peuvent et ne pourront pas susciter,
    même a long terme, un changement. Mais si nous entendons un changement
    dans les cÅ"urs et les esprits, la réponse est oui. Chaque jour,
    leurs actions amènent un changement.

    D'autres se demandent encore si ces gens, les soi-disant Â" Turcs
    justes Â", ne seraient pas utilisés par l'Etat turc comme des feuilles
    de vigne pour cacher la honte. La réponse est a la fois oui et non.

    Non, parce que la remise en cause de la thèse officielle du
    négationnisme est un phénomène a part entière, qui se développe en
    toute indépendance. Oui, en même temps, car cela aide la Turquie,
    qui a un besoin vital de se présenter comme une démocratie au
    regard de la communauté internationale, non seulement en termes
    de réputation, mais aussi en termes d'intérêts économiques et
    financiers. Or, les autorités turques ne peuvent manquer d'observer
    que la communauté internationale n'est pas naïve au point de
    pardonner la Turquie, au vu des actions et des déclarations d'une
    poignée de gens... Un pour mille, au sein des masses écrasantes qui
    composent la société turque, parallèlement a ces gouvernements
    autocratiques, antidémocratiques et nationalistes successifs, qui
    ont dirigé la Turquie depuis 1915.

    Telle est la dialectique de la vie. Chaque chose évolue en quelque
    chose de neuf, durant une période donnée, et un même phénomène
    peut servir les objectifs de forces contraires. Néanmoins, en dépit
    de cette dialectique, je pense que l'Etat sera victorieux a chaque
    étape, tant que le gros du peuple turc continuera d'être ce qu'il
    est. Je pense que rien de bon ne sortira de la Turquie, compte tenu
    de son héritage historique génocidaire et sa perpétuation en cours,
    ininterrompue depuis lors, les mentalités ayant été, de génération
    en génération, formatées et conditionnées grâce a une mécanique
    négationniste bien orchestrée. Un crime qui reste impuni et un refus
    de se repentir constitueront toujours un obstacle a un progrès social
    et a un processus conduisant a une véritable justice.

    Or, les efforts des uns et des autres pour dire la vérité aux Turcs,
    aux Kurdes et aux autres peuples musulmans sunnites sur ce qui s'est
    réellement passé en 1915 et ensuite, ont un sens. Libérer ne
    fÃ"t-ce qu'une seule personne des mensonges de la thèse officielle
    sur les Arméniens et autres peuples autochtones chrétiens d'Asie
    Mineure représente une victoire au niveau microcosmique contre
    le négationnisme, car chaque individu est un agent potentiel de
    changement, quelque portée que ce changement puisse revêtir.

    [Ecrivaine, journaliste et militante des droits de l'homme, AyÅ~_e
    Gunaysu vit a Istanbul. Depuis des années, elle lutte pour faire
    connaître la véracité du génocide des Arméniens auprès de
    l'opinion turque et kurde. Elle a écrit cet article spécialement
    pour Keghart.com. Rappelons que son nom, dans les médias arméniens,
    apparaît pour la première fois sur le site Yevrobatsi.org auquel
    participaient Georges Festa et moi-même.]

    Source : http://www.keghart.com/G%C3%BCnaysu-Denial

    Traduction : © Georges Festa pour Denis Donikian - 06.2013

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    Source/Lien : Ecrittératures

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