Agence France Presse
24 février 2013 dimanche 7:59 AM GMT
Après les années Sarkozy, Paris se rapproche d'Ankara mais sans se presser
PARIS 24 fév 2013
Abîmée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la relation
franco-turque repart de l'avant avec la récente levée du blocage des
négociations d'adhésion à l'Union européenne, mais Paris en reste à
une politique de petits pas et se montre discret sur sa stratégie à
long terme.
Désireux de rétablir "une relation forte" avec Ankara, le gouvernement
socialiste vient de donner un gage de bonne volonté en se disant prêt
à rouvrir l'un des cinq chapitres de négociations (sur 35) bloqués par
l'ancien président, celui relatif aux aides régionales.
Un geste salué à Ankara comme à Bruxelles puisque les 27 et la Turquie
pourraient ainsi ouvrir en juin un premier chapitre depuis... trois
ans, et prouver que le processus d'adhésion, entamé en 2005, n'est pas
mort.
"Depuis l'élection de François Hollande, il y a un véritable
changement dans le climat bilatéral", reconnaît Didier Billion de
l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Hostile à l'adhésion de la Turquie, Nicolas Sarkozy avait aussi
instrumentalisé cette question en politique intérieure, provoquant la
fureur du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan
avec qui ses relations étaient devenues exécrables.
"Nicolas Sarkozy en était venu à un emportement passionnel aberrant au
regard de l'importance stratégique de la Turquie", juge M. Billion.
Pour concrétiser ce "nouveau départ", les Turcs souhaitent notamment
une visite d?État du nouveau président français, selon des diplomates
à Paris et Ankara, ce qui serait une première depuis 1992. L'Elysée a
donné son accord de principe mais la date n'est pas encore connue.
Surtout ils espèrent que Paris ira au-delà de ce que le ministre aux
Affaires européennes Egemen Bagis a qualifié de "début de changement
de position" sur l'adhésion.
Jusqu'ici François Hollande ne s'est jamais exprimé sur le fond, se
bornant à constater que la question ne se poserait pas pendant son
quinquennat puisque les Européens ont exclu une adhésion d'ici 2020.
Le sujet reste sensible avec une droite et une extrême droite prêtes à
agiter ce chiffon rouge auprès d'une opinion majoritairement hostile.
L'Arménie, clash potentiel
Avant de lever son blocage sur les autres chapitres de négociation,
Paris attend d'Ankara "des gestes de même nature en retour",
affirme-t-on au quai d'Orsay.
La France veut en particulier "la signature de l'accord, paraphé par
les 27 en juin, de réadmission des clandestins transitant par la
Turquie", première porte d'entrée de l'immigration illégale vers l'UE.
Les Européens guettent aussi la présentation imminente au Parlement
turc d'une réforme de la législation anti-terroriste qui ne
permettrait plus l'emprisonnement de journalistes, d'avocats ou
d'universitaires au motif qu'ils expriment des opinions pro-kurdes.
"Ce serait une avancée significative après deux années de recul des
réformes politiques", souligne un diplomate ayant requis l'anonymat.
La relance des négociations de paix entre le gouvernement et la
rébellion kurde est évidemment aussi bien vue à Paris. "Les relations
policières entre les deux pays sont de fait plutôt bonnes", selon une
source française, Paris menant régulièrement des actions contre le PKK
sur son territoire.
"Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls m'a assuré qu'ils
partageaient toutes leurs informations avec les services de
renseignement et les responsables de la sécurité turcs", a ainsi
reconnu M. Bagis à propos de l'enquête sur le meurtre de trois
militantes du PKK début janvier à Paris.
In fine, le réchauffement franco-turc pourrait cependant se heurter de
nouveau à la question arménienne.
Comme son prédécesseur, François Hollande y est très sensible et a
promis une loi pénalisant la négation du génocide arménien en dépit de
la crise provoquée par l'adoption d'un précédent texte par le
Parlement en janvier 2012, finalement censuré un mois après par le
Conseil constitutionnel.
Si aucun texte n'a encore été présenté, le sujet pourrait revenir à
l'approche des municipales de 2014, sous la pression d'élus de régions
à forte communauté arménienne dans le sud-est ou autour de Paris.
far-pa/kat/ahu
24 février 2013 dimanche 7:59 AM GMT
Après les années Sarkozy, Paris se rapproche d'Ankara mais sans se presser
PARIS 24 fév 2013
Abîmée pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la relation
franco-turque repart de l'avant avec la récente levée du blocage des
négociations d'adhésion à l'Union européenne, mais Paris en reste à
une politique de petits pas et se montre discret sur sa stratégie à
long terme.
Désireux de rétablir "une relation forte" avec Ankara, le gouvernement
socialiste vient de donner un gage de bonne volonté en se disant prêt
à rouvrir l'un des cinq chapitres de négociations (sur 35) bloqués par
l'ancien président, celui relatif aux aides régionales.
Un geste salué à Ankara comme à Bruxelles puisque les 27 et la Turquie
pourraient ainsi ouvrir en juin un premier chapitre depuis... trois
ans, et prouver que le processus d'adhésion, entamé en 2005, n'est pas
mort.
"Depuis l'élection de François Hollande, il y a un véritable
changement dans le climat bilatéral", reconnaît Didier Billion de
l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).
Hostile à l'adhésion de la Turquie, Nicolas Sarkozy avait aussi
instrumentalisé cette question en politique intérieure, provoquant la
fureur du Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan
avec qui ses relations étaient devenues exécrables.
"Nicolas Sarkozy en était venu à un emportement passionnel aberrant au
regard de l'importance stratégique de la Turquie", juge M. Billion.
Pour concrétiser ce "nouveau départ", les Turcs souhaitent notamment
une visite d?État du nouveau président français, selon des diplomates
à Paris et Ankara, ce qui serait une première depuis 1992. L'Elysée a
donné son accord de principe mais la date n'est pas encore connue.
Surtout ils espèrent que Paris ira au-delà de ce que le ministre aux
Affaires européennes Egemen Bagis a qualifié de "début de changement
de position" sur l'adhésion.
Jusqu'ici François Hollande ne s'est jamais exprimé sur le fond, se
bornant à constater que la question ne se poserait pas pendant son
quinquennat puisque les Européens ont exclu une adhésion d'ici 2020.
Le sujet reste sensible avec une droite et une extrême droite prêtes à
agiter ce chiffon rouge auprès d'une opinion majoritairement hostile.
L'Arménie, clash potentiel
Avant de lever son blocage sur les autres chapitres de négociation,
Paris attend d'Ankara "des gestes de même nature en retour",
affirme-t-on au quai d'Orsay.
La France veut en particulier "la signature de l'accord, paraphé par
les 27 en juin, de réadmission des clandestins transitant par la
Turquie", première porte d'entrée de l'immigration illégale vers l'UE.
Les Européens guettent aussi la présentation imminente au Parlement
turc d'une réforme de la législation anti-terroriste qui ne
permettrait plus l'emprisonnement de journalistes, d'avocats ou
d'universitaires au motif qu'ils expriment des opinions pro-kurdes.
"Ce serait une avancée significative après deux années de recul des
réformes politiques", souligne un diplomate ayant requis l'anonymat.
La relance des négociations de paix entre le gouvernement et la
rébellion kurde est évidemment aussi bien vue à Paris. "Les relations
policières entre les deux pays sont de fait plutôt bonnes", selon une
source française, Paris menant régulièrement des actions contre le PKK
sur son territoire.
"Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls m'a assuré qu'ils
partageaient toutes leurs informations avec les services de
renseignement et les responsables de la sécurité turcs", a ainsi
reconnu M. Bagis à propos de l'enquête sur le meurtre de trois
militantes du PKK début janvier à Paris.
In fine, le réchauffement franco-turc pourrait cependant se heurter de
nouveau à la question arménienne.
Comme son prédécesseur, François Hollande y est très sensible et a
promis une loi pénalisant la négation du génocide arménien en dépit de
la crise provoquée par l'adoption d'un précédent texte par le
Parlement en janvier 2012, finalement censuré un mois après par le
Conseil constitutionnel.
Si aucun texte n'a encore été présenté, le sujet pourrait revenir à
l'approche des municipales de 2014, sous la pression d'élus de régions
à forte communauté arménienne dans le sud-est ou autour de Paris.
far-pa/kat/ahu