LETTRE OUVERTE A SEDA MAVIAN
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=87760
Suite a la prise de position de Seda Mavian dans le conflit qui oppose
actuellement Raffi Hovhannissian au president Sarkissian, nous ne
pouvons rester indifferents. Notre mouvement ne soutient en aucun
cas un camp ou l'autre. Qu'il y ait eu des fraudes est " possible ",
mais nous n'avons ni les preuves ni les moyens de les confirmer.
L'abstention de nombreux partis a presenter un candidat a
cette election, a savoir notamment le CNA (Ter Petrossian), la
FRA-Dachnaktsoutioun et le parti communiste avait reduit le choix
des electeurs. Les observateurs etrangers en ont d'ailleurs fait la
remarque. Il faut noter que la participation electorale n'a pas fait
le plein (60% environ).
Cela semble bien reveler une desaffection des Armeniens pour ce
scrutin.
Aujourd'hui, profitant de la contestation, les opposants restes dans
l'abstention lors du scrutin viennent opportunement soutenir Raffi
Hovhannissian. Si celui-ci incarnait a ce point la renaissance, on ne
comprend pas pourquoi ces dits partis (CNA, FRA et autres...) n'ont
pas officiellement pris position pour le candidat le mieux place
contre le president sortant, a savoir Raffi Hovhannissian.
Sans rentrer dans la politique fiction, il semble probable que le
resultat aurait ete different. Cela rappelle un peu les generaux
planques a l'arrière qui envoient le soldat Hovhannissianen première
ligne.
Et pour se refaire une virginite, ces opportunistes accourent soutenir
le candidat malheureux. Comme courage politique on fait mieux. Le tout
se joue sur le dos du peuple armenien que Seda Mavian cite a plusieurs
reprises. S'abriter derrière un peuple, encercle de toutes parts par
des ennemis prets a l'abattre, ne pouvant beneficier que du soutien
reel de la Russie, c'est une imposture. Et pretendre transformer,
dans les circonstances actuelles, l'Armenie en un Danemark ou une
Confederation helvetique est irrealiste, car demuni de tout fondement.
Patrie des droits de l'Homme, la France, a mis presque 100 ans pour
instaurer une democratie digne de ce nom.
Il faut savoir tirer les lecons de son passe, faire sa propre
autocritique et etre realiste avant de se laisser emballer par ses
sentiments. On s'etonne que l'on trouve a redire sur les fameux
protocoles signes sans prealable entre la Turquie et l'Armenie. On
aurait pu se feliciter de la finesse et l'intelligence de la diplomatie
armenienne qui a su pieger celle de la Turquie. En France, seul le
MAFP a eu cette clairvoyance.
Si Raffi Hovhannissian avait, et nous l'esperons, une veritable
maturite politique et un amour sans faille pour son peuple et son
pays, il aurait ete plus intelligent et responsable de negocier sa
participation a un gouvernement d'union nationale comprenant toutes
les composantes politiques armeniennes. Cela l'aurait grandi, et par
la-meme tous les partis d'opposition. La critique est toujours plus
aisee quand on n'exerce aucune responsabilite a quelque niveau que
ce soit.
Raffi Hovhannissian aurait pu egalement profiter de son assise pour
developper dans le pays une action positive dirigee au profit des
plus faibles, cette masse silencieuse qui vit au-dessous du seuil de
la pauvrete. N'est pas Waleza qui veut. Aimer son pays, ce n'est pas
uniquement pretendre a le diriger ou a y exercer des responsabilites
electives.
La critique par une certaine intelligentsia armenienne des
personnalites telles que Charles Aznavour devient une habitude et
tient de l'ingratitude quand on sait ce que l'homme comme l'artiste
a donne a l'Armenie. Face aux defis que doit relever l'Armenie quel
que soient ses dirigeants, il est plus que necessaire de se fondre
dans l'union et non la division. Et si la diaspora a un rôle est-ce
celui de s'immiscer dans les affaires internes de l'Armenie, alors
qu'elle est confortablement assise dans son fauteuil et regarde les
evenements de loin ?
Nous ne nions pas l'importance de la diaspora pour l'Armenie, mais
il faut que chacun sache rester a sa place.
S'engager pour l'Armenie, c'est la soutenir financièrement,
humanitairement, economiquement. Politiquement parlant, mieux vaut
aller vivre en Armenie et s'y impliquer avec courage et integrite.
La renaissance armenienne est a ce prix.
MAFP - 9 mars 2013 www.armen-progres.com
Seda Mavian, correspondante de NAM a Erevan, a adresse le 8 mars
une lettre au CCAF, qu'elle a mise en copie a un certain nombre
d'organisations armeniennes et de personnalites. C'est a cet appel
publie ci-dessous que le MAFP a repondu. Il est egalement a noter que
cette initiative "personnelle" de Seda Mavian ne saurait en aucune
manière ni en quoi que ce soit impliquer la redaction NAM qui est
plurielle, ni engager sa ligne editoriale fondee sur la liberte et
l'independance envers tous les acteurs politiques, y compris Monsieur
Raffi Hovannisian.A.T.
Cher amis,
Mon initiative vous etonnera peut-etre et croyez bien qu'elle est
totalement personnelle, provoquee par l'obligation morale que je
ressens a vous faire part de mes sentiments sur les evènements
capitaux qui se deroulent en ce moment en Armenie, et a susciter
votre reaction et votre engagement a leur egard. Car enfin, la
diaspora ne doit-elle s'exprimer que lorsqu'il s'agit de la Turquie,
de la Georgie, de l'Azerbaïdjan, et rester muette dès qu'il s'agit de
l'Armenie ? En refusant d'operer la distinction entre regime et Etat,
doit-elle absoudre le premier de miner le second ?
Si je me permets aujourd'hui de sortir de ma reserve de journaliste
vivant dans le pays depuis vingt et un ans (depuis le printemps
1992) et travaillant comme correspondante pour les NAMs depuis onze
ans (depuis 2002), c'est que je pense que la diaspora a le devoir
d'aider le peuple armenien dans ses efforts desesperes pour acceder
a la democratie. Or comme beaucoup en Armenie, je considère que le
mouvement democratique issu de l'election truquee du 18 fevrier dernier
est une chance inesperee (la dernière, dit-on ici) de se liberer d'un
pouvoir unanimement considere comme feodal et clanique, nepotique,
corrompu, et criminel, dont la reconduction pour cinq ans aurait des
consequences desastreuses pour le pays et le devenir de la nation.
Comme vous le savez, officiellement Serge Sarkissian a ete elu avec
58% des voix. Mais personne en Armenie n'accorde le moindre credit
a ce chiffre, non seulement parce que tout chiffre officiel y est
par principe sujet a caution, mais parce qu'il est desormais etabli
que les elections ont ete truquees. Les denegations du pouvoir qui
s'appuie sur le premier rapport preleminaire des observateurs de
l'OSCE-ODIHR (le 19 fevrier) et sur les telegrammes de felicitations
qui ont commence a tomber avant meme l'enonce des resultats officiels
du scrutin par la Commission centrale electorale, ne change rien a
cette verite que les elections ont ete truquees.
Dans quelle proportion ? Nous l'ignorons. Mais la fraude semble avoir
ete significative au point d'avoir transforme un vote de sanction
envers Serge Sarkissian en un vote de confiance, chose qui est apparue
petit a petit au lendemain du scrutin et dont le 3ème rapport officiel
des observateurs de l'OSCE-ODIHR publie debut mars fait foi. Aussi,
s'il est impossible de savoir si Serge Sarkissian a vraiment gagne dès
le premier tour ou si c'est au contraire Raffi Hovhannisian qui l'a
emporte (ce dont ses partisans sont persuades), ou bien encore s'il
aurait dû y avoir un second tour du fait que Serge Sarkissian n'aurait
en realite obtenu qu'une majorite relative, une chose est certaine :
Serge Sarkissian s'etant hautement prevalu de son engagement a ce que
l'election soit d'une parfaite legalite au point d'avoir publiquement
repete durant la campagne electorale que la tenue de " bonnes elections
" etait son principal souci, on aurait ete en droit d'attendre qu'il
ne puisse tolerer l'existence du moindre doute sur la legitimite de
sa reelection en remettant sa demission, d'esperer que la Commission
centrale electorale prononce l'invalidite de l'election, et de prevoir
que la Cour Constitutionnelle fasse de meme en decidant l'organisation
de nouvelles elections presidentielles. Or loin de demissionner,
Serge Sarkissian a fait etat de sa " fierte " dès le 18 fevrier au
soir, tandis que la Commission centrale electorale a confirme les
resultats officiels le 25 fevrier, et que la Cour constitutionnelle
fera sans doute de meme le 11 mars, l'une et l'autre etant totalement
infeodees au pouvoir.
Dans ces conditions, que restait-il a faire pour Raffi Hovhannisian
et les milliers d'electeurs spolies de leur vote ? Accepter sans mot
dire une election truquee et un president illegitime ? Encore une fois
" passer outre " ? C'est ce a quoi on aurait pu s'attendre en effet,
nous qui avons beau jeu de reprocher au peuple armenien sa passivite,
son apathie et sa soumission. Mais avec une energie qui est l'energie
du desespoir, ce peuple a choisi de reagir en remettant en cause
les resultats officiels, en rejetant le verdict de la Commission
centrale electorale, et en niant toute validite aux reconnaissances
emanant des pays etrangers et autres organisations ou personnalites
(notons que par egard pour Aznavour, les medias locaux ont prefere
taire son deplorable telegramme de felicitations), bref a s'insurger
contre l'injustice de l'ordre etabli. L'en blâmera-t-on ?
Chers amis, comprenez qu'en disant " Non " a l'election truquee du18
fevrier et en ayant decide de maintenir ce " Non " envers et contre
tout au-dela du18 fevrier, le peuple armenien profère un ultime rejet
de la vassalisation auquel il est si ferocement soumis depuis plus
de quinze ans, et que ce rejet est largement majoritaire. J'en veux
pour preuve indirecte que l'annonce du resultat de Serge Sarkissian
n'a ete suivie d'aucune ceremonie officielle de celebration, d'aucun
bain de foule, d'aucun meeting, d'aucun discours a la nation, ni
d'aucune manifestation d'aucune sorte qui risquerait de tourner au
fiasco pour lui et le parti Republicain qu'il dirige.
Je pourrais m'en ternir la, mais pour prevenir quelques objections et
vaincre quelques reticences a prendre l'engagement que je me permets
de preconiser, je voudrais dire quelques mots -quelques mots seulement-
sur Raffi Hovhannisian, ainsi que sur le danger que lui et la situation
actuelle feraient soit-disant encourir au pays du point de vue de la
securite nationale.
Raffi Hovhannisian : quoi qu'on pense de lui, c'est lui qui, depuis
le 18 fevrier 2013, porte l'espoir du peuple d'Armenie de se degager
de la tutelle du regime actuel et de s'engager sur la voie de la
democratie, du respect de la loi, du droit, et de la constitution. En
depit d'un parcours politique qui a pu parfois derouter ou decevoir,
sa reputation n'est pas entachee de turpitudes liees a l'exercice du
pouvoir ou d'autres activites ; il a une experience ministerielle et
de depute tout en etant un " homme nouveau ", non petri du sovietisme
commun a l'ensemble du personnel politique d'Armenie de sa generation
; par ailleurs, il est entoure de cadres ayant deja fait la preuve
de leurs competences ; son soutien par l'Armenie profonde, par la
plupart des partis d'opposition (dont l'appui sans reserve de la
FRA-Dachnaktsoutioun) et certaines individualites notables, ainsi que
par de multiples groupements d'action citoyenne generalement animes
par des jeunes d'une maturite etonnante, sont des atouts qu'il convient
de prendre en compte. Enfin, il faut admettre que Raffi Hovhannisian,
outre que c'est lui qui a ete choisi par le peuple d'Armenie pour
incarner sa renaissance parmi tous les candidats d'opposition de
l'election presidentielle, semble s'etre metamorphose en faisant
preuve d'une envergure politique que l'on ne soupconnait pas.
Defense et securite : le pouvoir a beau jeu de faire valoir les
dangers inherents a la venue au pouvoir d'un homme nouveau, qui plus
est d'origine americaine (notemment pour le devenir des relations
armeno-russes), ainsi que les risques d'une agression militaire suite
a l'instabilite interne issue du developpement du mouvement national.
Car ses carences en politique etrangère et sur le front du Karabagh
sont enormes, bien que mal connues. Par quel renversement Serge
Sarkissian reussit-il a apparaître aux yeux d'un certain nombre,
surtout en diaspora, comme comme le garant de la securite du pays
face aux ennemis de l'Armenie, voila qui echappe au bon sens et
a l'analyse objective des faits. Je pourrais le demontrer mais je
m'abstiendrai de developper ici ce chapître sous peine de me lancer
dans un veritable article sur le bilan globalement negatif de la
politique etrangère et concernant l'Artsakh, de Serge Sarkissian, ce
qui est hors propos. Je me contenterai ici d'affirmer que contrairement
aux apparences, c'est le maintien de l'equipe en place et non son
remplacement, qui met en danger la securite de l'Etat, et de poser la
question suivante : ne croyez-vous pas que Raffi Hovhannisian et les
manifestants de la place de la Liberte sont au moins aussi conscients
de la responsabilite de leurs actes en tant que citoyens d'Armenie,
que les citoyens francais d'origine armenienne habitant a Paris,
Lyon, ou Marseille, qui tremblent sincèrement pour l'Amenie, certes,
mais de loin ? Et ne pensez-vous pas que le soutien de la FRA et d'un
mouvement tel que Sardarapat, dirige par un Jiraïr Sefilian, sont
des assurances suffisantes que le nouveau mouvement democratique ne
met pas en peril la securite de l'Armenie ? Ne nous faisons donc pas
peur avec l'argument securitaire, cet epouvantail traditionnellement
agite par le pouvoir pour justifier son maintien et sa reconduction
par tous les moyens.
Conclusion : cher amis, le peuple d'Armenie est engage depuis dix-huit
jours dans une direction nouvelle "sans retour possible". Plus qu'une
revolution politique, c'est une veritable revolution culturelle qu'il
est en train de vivre. Si effectivement la diaspora est aux côtes
de l'Armenie dans cet immense effort vers un changement salutaire de
regime, l'occasion est propice de le montrer. On sait qu'elle sait se
mobiliser pour elle au plan humanitaire et financier lorsqu'il s'agit
de soulager des lendemains catastrophiques (cf seisme du 7 decembre
1988) ou de soutenir financièrement les combats (guerre du Karabagh
jusqu'en 1994), ainsi qu'au plan diplomatique lorsqu'il s'agit de
denoncer des Protocoles douteux. Mais il lui reste a se prononcer
sur le plan politique en faveur de la cause democratique.
Osons prendre position. Accordons notre soutien a ceux qui se battent
concrètement sur le terrain pour que l'Armenie dont nous revons ait
enfin une chance de se bâtir et que la realisation de ce reve ne
soit pas renvoyee aux calendes grecques. Vainquons nos resistances
en veuillant bien comprendre que Raffi Hovhannisian represente la
corde de ceux qui se trouvent au fond du puits et a laquelle ils
s'accrochent actuellement de toutes leurs forces pour s'en tirer.
C'etaient a eux d'agir. Ils l'ont fait le 18 fevrier. Ils continuent
de le faire depuis. Et nous, qu'avons-nous a faire d'autre que les
aider moralement ?
S'il vous paraît qu'un soutien ouvert au mouvement democratique
incarne par Raffi Hovhannisian est trop audacieux eu egard a telle ou
telle consideration, peut-on du moins esperer un soutien indirect,
sous la forme d'une nette denonciation de la fraude qui entache
la legitimite de l'election du 18 fevrier, de la preconisation de
nouvelles elections presidentielles, et contre l'eventualite de toute
violence ou repression de ce mouvement par le pouvoir ?
Si cela etait, il serait souhaitable qu'un tel communique soit
emis avant la decision de la Cour Constitutionnelle du 11 mars
qui a ete saisie, comme vous le savez, par deux des candidats
a la presidentielle, Raffi Hovhannisian et Andreas Ghoukassian,
c'est-a-dire si possible avant le 10 mars, afin que sa nouvelle puisse
etre diffusee.
Esperant que mon initiative ne sera pas percue autrement que comme
le desir ardent d'aider autant que faire se peut ceux qui sont en
première ligne dans le combat, devenu vital, pour que notre peuple
accède a cette liberation nationale dont il reste prive vingt-deux
ans après l'accès de l'Armenie a l'independance, je vous adresse,
chers amis, l'expression de ma haute consideration,
Sèda Mavian 8 mars, Erevan.
mardi 12 mars 2013, Ara ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=87760
Suite a la prise de position de Seda Mavian dans le conflit qui oppose
actuellement Raffi Hovhannissian au president Sarkissian, nous ne
pouvons rester indifferents. Notre mouvement ne soutient en aucun
cas un camp ou l'autre. Qu'il y ait eu des fraudes est " possible ",
mais nous n'avons ni les preuves ni les moyens de les confirmer.
L'abstention de nombreux partis a presenter un candidat a
cette election, a savoir notamment le CNA (Ter Petrossian), la
FRA-Dachnaktsoutioun et le parti communiste avait reduit le choix
des electeurs. Les observateurs etrangers en ont d'ailleurs fait la
remarque. Il faut noter que la participation electorale n'a pas fait
le plein (60% environ).
Cela semble bien reveler une desaffection des Armeniens pour ce
scrutin.
Aujourd'hui, profitant de la contestation, les opposants restes dans
l'abstention lors du scrutin viennent opportunement soutenir Raffi
Hovhannissian. Si celui-ci incarnait a ce point la renaissance, on ne
comprend pas pourquoi ces dits partis (CNA, FRA et autres...) n'ont
pas officiellement pris position pour le candidat le mieux place
contre le president sortant, a savoir Raffi Hovhannissian.
Sans rentrer dans la politique fiction, il semble probable que le
resultat aurait ete different. Cela rappelle un peu les generaux
planques a l'arrière qui envoient le soldat Hovhannissianen première
ligne.
Et pour se refaire une virginite, ces opportunistes accourent soutenir
le candidat malheureux. Comme courage politique on fait mieux. Le tout
se joue sur le dos du peuple armenien que Seda Mavian cite a plusieurs
reprises. S'abriter derrière un peuple, encercle de toutes parts par
des ennemis prets a l'abattre, ne pouvant beneficier que du soutien
reel de la Russie, c'est une imposture. Et pretendre transformer,
dans les circonstances actuelles, l'Armenie en un Danemark ou une
Confederation helvetique est irrealiste, car demuni de tout fondement.
Patrie des droits de l'Homme, la France, a mis presque 100 ans pour
instaurer une democratie digne de ce nom.
Il faut savoir tirer les lecons de son passe, faire sa propre
autocritique et etre realiste avant de se laisser emballer par ses
sentiments. On s'etonne que l'on trouve a redire sur les fameux
protocoles signes sans prealable entre la Turquie et l'Armenie. On
aurait pu se feliciter de la finesse et l'intelligence de la diplomatie
armenienne qui a su pieger celle de la Turquie. En France, seul le
MAFP a eu cette clairvoyance.
Si Raffi Hovhannissian avait, et nous l'esperons, une veritable
maturite politique et un amour sans faille pour son peuple et son
pays, il aurait ete plus intelligent et responsable de negocier sa
participation a un gouvernement d'union nationale comprenant toutes
les composantes politiques armeniennes. Cela l'aurait grandi, et par
la-meme tous les partis d'opposition. La critique est toujours plus
aisee quand on n'exerce aucune responsabilite a quelque niveau que
ce soit.
Raffi Hovhannissian aurait pu egalement profiter de son assise pour
developper dans le pays une action positive dirigee au profit des
plus faibles, cette masse silencieuse qui vit au-dessous du seuil de
la pauvrete. N'est pas Waleza qui veut. Aimer son pays, ce n'est pas
uniquement pretendre a le diriger ou a y exercer des responsabilites
electives.
La critique par une certaine intelligentsia armenienne des
personnalites telles que Charles Aznavour devient une habitude et
tient de l'ingratitude quand on sait ce que l'homme comme l'artiste
a donne a l'Armenie. Face aux defis que doit relever l'Armenie quel
que soient ses dirigeants, il est plus que necessaire de se fondre
dans l'union et non la division. Et si la diaspora a un rôle est-ce
celui de s'immiscer dans les affaires internes de l'Armenie, alors
qu'elle est confortablement assise dans son fauteuil et regarde les
evenements de loin ?
Nous ne nions pas l'importance de la diaspora pour l'Armenie, mais
il faut que chacun sache rester a sa place.
S'engager pour l'Armenie, c'est la soutenir financièrement,
humanitairement, economiquement. Politiquement parlant, mieux vaut
aller vivre en Armenie et s'y impliquer avec courage et integrite.
La renaissance armenienne est a ce prix.
MAFP - 9 mars 2013 www.armen-progres.com
Seda Mavian, correspondante de NAM a Erevan, a adresse le 8 mars
une lettre au CCAF, qu'elle a mise en copie a un certain nombre
d'organisations armeniennes et de personnalites. C'est a cet appel
publie ci-dessous que le MAFP a repondu. Il est egalement a noter que
cette initiative "personnelle" de Seda Mavian ne saurait en aucune
manière ni en quoi que ce soit impliquer la redaction NAM qui est
plurielle, ni engager sa ligne editoriale fondee sur la liberte et
l'independance envers tous les acteurs politiques, y compris Monsieur
Raffi Hovannisian.A.T.
Cher amis,
Mon initiative vous etonnera peut-etre et croyez bien qu'elle est
totalement personnelle, provoquee par l'obligation morale que je
ressens a vous faire part de mes sentiments sur les evènements
capitaux qui se deroulent en ce moment en Armenie, et a susciter
votre reaction et votre engagement a leur egard. Car enfin, la
diaspora ne doit-elle s'exprimer que lorsqu'il s'agit de la Turquie,
de la Georgie, de l'Azerbaïdjan, et rester muette dès qu'il s'agit de
l'Armenie ? En refusant d'operer la distinction entre regime et Etat,
doit-elle absoudre le premier de miner le second ?
Si je me permets aujourd'hui de sortir de ma reserve de journaliste
vivant dans le pays depuis vingt et un ans (depuis le printemps
1992) et travaillant comme correspondante pour les NAMs depuis onze
ans (depuis 2002), c'est que je pense que la diaspora a le devoir
d'aider le peuple armenien dans ses efforts desesperes pour acceder
a la democratie. Or comme beaucoup en Armenie, je considère que le
mouvement democratique issu de l'election truquee du 18 fevrier dernier
est une chance inesperee (la dernière, dit-on ici) de se liberer d'un
pouvoir unanimement considere comme feodal et clanique, nepotique,
corrompu, et criminel, dont la reconduction pour cinq ans aurait des
consequences desastreuses pour le pays et le devenir de la nation.
Comme vous le savez, officiellement Serge Sarkissian a ete elu avec
58% des voix. Mais personne en Armenie n'accorde le moindre credit
a ce chiffre, non seulement parce que tout chiffre officiel y est
par principe sujet a caution, mais parce qu'il est desormais etabli
que les elections ont ete truquees. Les denegations du pouvoir qui
s'appuie sur le premier rapport preleminaire des observateurs de
l'OSCE-ODIHR (le 19 fevrier) et sur les telegrammes de felicitations
qui ont commence a tomber avant meme l'enonce des resultats officiels
du scrutin par la Commission centrale electorale, ne change rien a
cette verite que les elections ont ete truquees.
Dans quelle proportion ? Nous l'ignorons. Mais la fraude semble avoir
ete significative au point d'avoir transforme un vote de sanction
envers Serge Sarkissian en un vote de confiance, chose qui est apparue
petit a petit au lendemain du scrutin et dont le 3ème rapport officiel
des observateurs de l'OSCE-ODIHR publie debut mars fait foi. Aussi,
s'il est impossible de savoir si Serge Sarkissian a vraiment gagne dès
le premier tour ou si c'est au contraire Raffi Hovhannisian qui l'a
emporte (ce dont ses partisans sont persuades), ou bien encore s'il
aurait dû y avoir un second tour du fait que Serge Sarkissian n'aurait
en realite obtenu qu'une majorite relative, une chose est certaine :
Serge Sarkissian s'etant hautement prevalu de son engagement a ce que
l'election soit d'une parfaite legalite au point d'avoir publiquement
repete durant la campagne electorale que la tenue de " bonnes elections
" etait son principal souci, on aurait ete en droit d'attendre qu'il
ne puisse tolerer l'existence du moindre doute sur la legitimite de
sa reelection en remettant sa demission, d'esperer que la Commission
centrale electorale prononce l'invalidite de l'election, et de prevoir
que la Cour Constitutionnelle fasse de meme en decidant l'organisation
de nouvelles elections presidentielles. Or loin de demissionner,
Serge Sarkissian a fait etat de sa " fierte " dès le 18 fevrier au
soir, tandis que la Commission centrale electorale a confirme les
resultats officiels le 25 fevrier, et que la Cour constitutionnelle
fera sans doute de meme le 11 mars, l'une et l'autre etant totalement
infeodees au pouvoir.
Dans ces conditions, que restait-il a faire pour Raffi Hovhannisian
et les milliers d'electeurs spolies de leur vote ? Accepter sans mot
dire une election truquee et un president illegitime ? Encore une fois
" passer outre " ? C'est ce a quoi on aurait pu s'attendre en effet,
nous qui avons beau jeu de reprocher au peuple armenien sa passivite,
son apathie et sa soumission. Mais avec une energie qui est l'energie
du desespoir, ce peuple a choisi de reagir en remettant en cause
les resultats officiels, en rejetant le verdict de la Commission
centrale electorale, et en niant toute validite aux reconnaissances
emanant des pays etrangers et autres organisations ou personnalites
(notons que par egard pour Aznavour, les medias locaux ont prefere
taire son deplorable telegramme de felicitations), bref a s'insurger
contre l'injustice de l'ordre etabli. L'en blâmera-t-on ?
Chers amis, comprenez qu'en disant " Non " a l'election truquee du18
fevrier et en ayant decide de maintenir ce " Non " envers et contre
tout au-dela du18 fevrier, le peuple armenien profère un ultime rejet
de la vassalisation auquel il est si ferocement soumis depuis plus
de quinze ans, et que ce rejet est largement majoritaire. J'en veux
pour preuve indirecte que l'annonce du resultat de Serge Sarkissian
n'a ete suivie d'aucune ceremonie officielle de celebration, d'aucun
bain de foule, d'aucun meeting, d'aucun discours a la nation, ni
d'aucune manifestation d'aucune sorte qui risquerait de tourner au
fiasco pour lui et le parti Republicain qu'il dirige.
Je pourrais m'en ternir la, mais pour prevenir quelques objections et
vaincre quelques reticences a prendre l'engagement que je me permets
de preconiser, je voudrais dire quelques mots -quelques mots seulement-
sur Raffi Hovhannisian, ainsi que sur le danger que lui et la situation
actuelle feraient soit-disant encourir au pays du point de vue de la
securite nationale.
Raffi Hovhannisian : quoi qu'on pense de lui, c'est lui qui, depuis
le 18 fevrier 2013, porte l'espoir du peuple d'Armenie de se degager
de la tutelle du regime actuel et de s'engager sur la voie de la
democratie, du respect de la loi, du droit, et de la constitution. En
depit d'un parcours politique qui a pu parfois derouter ou decevoir,
sa reputation n'est pas entachee de turpitudes liees a l'exercice du
pouvoir ou d'autres activites ; il a une experience ministerielle et
de depute tout en etant un " homme nouveau ", non petri du sovietisme
commun a l'ensemble du personnel politique d'Armenie de sa generation
; par ailleurs, il est entoure de cadres ayant deja fait la preuve
de leurs competences ; son soutien par l'Armenie profonde, par la
plupart des partis d'opposition (dont l'appui sans reserve de la
FRA-Dachnaktsoutioun) et certaines individualites notables, ainsi que
par de multiples groupements d'action citoyenne generalement animes
par des jeunes d'une maturite etonnante, sont des atouts qu'il convient
de prendre en compte. Enfin, il faut admettre que Raffi Hovhannisian,
outre que c'est lui qui a ete choisi par le peuple d'Armenie pour
incarner sa renaissance parmi tous les candidats d'opposition de
l'election presidentielle, semble s'etre metamorphose en faisant
preuve d'une envergure politique que l'on ne soupconnait pas.
Defense et securite : le pouvoir a beau jeu de faire valoir les
dangers inherents a la venue au pouvoir d'un homme nouveau, qui plus
est d'origine americaine (notemment pour le devenir des relations
armeno-russes), ainsi que les risques d'une agression militaire suite
a l'instabilite interne issue du developpement du mouvement national.
Car ses carences en politique etrangère et sur le front du Karabagh
sont enormes, bien que mal connues. Par quel renversement Serge
Sarkissian reussit-il a apparaître aux yeux d'un certain nombre,
surtout en diaspora, comme comme le garant de la securite du pays
face aux ennemis de l'Armenie, voila qui echappe au bon sens et
a l'analyse objective des faits. Je pourrais le demontrer mais je
m'abstiendrai de developper ici ce chapître sous peine de me lancer
dans un veritable article sur le bilan globalement negatif de la
politique etrangère et concernant l'Artsakh, de Serge Sarkissian, ce
qui est hors propos. Je me contenterai ici d'affirmer que contrairement
aux apparences, c'est le maintien de l'equipe en place et non son
remplacement, qui met en danger la securite de l'Etat, et de poser la
question suivante : ne croyez-vous pas que Raffi Hovhannisian et les
manifestants de la place de la Liberte sont au moins aussi conscients
de la responsabilite de leurs actes en tant que citoyens d'Armenie,
que les citoyens francais d'origine armenienne habitant a Paris,
Lyon, ou Marseille, qui tremblent sincèrement pour l'Amenie, certes,
mais de loin ? Et ne pensez-vous pas que le soutien de la FRA et d'un
mouvement tel que Sardarapat, dirige par un Jiraïr Sefilian, sont
des assurances suffisantes que le nouveau mouvement democratique ne
met pas en peril la securite de l'Armenie ? Ne nous faisons donc pas
peur avec l'argument securitaire, cet epouvantail traditionnellement
agite par le pouvoir pour justifier son maintien et sa reconduction
par tous les moyens.
Conclusion : cher amis, le peuple d'Armenie est engage depuis dix-huit
jours dans une direction nouvelle "sans retour possible". Plus qu'une
revolution politique, c'est une veritable revolution culturelle qu'il
est en train de vivre. Si effectivement la diaspora est aux côtes
de l'Armenie dans cet immense effort vers un changement salutaire de
regime, l'occasion est propice de le montrer. On sait qu'elle sait se
mobiliser pour elle au plan humanitaire et financier lorsqu'il s'agit
de soulager des lendemains catastrophiques (cf seisme du 7 decembre
1988) ou de soutenir financièrement les combats (guerre du Karabagh
jusqu'en 1994), ainsi qu'au plan diplomatique lorsqu'il s'agit de
denoncer des Protocoles douteux. Mais il lui reste a se prononcer
sur le plan politique en faveur de la cause democratique.
Osons prendre position. Accordons notre soutien a ceux qui se battent
concrètement sur le terrain pour que l'Armenie dont nous revons ait
enfin une chance de se bâtir et que la realisation de ce reve ne
soit pas renvoyee aux calendes grecques. Vainquons nos resistances
en veuillant bien comprendre que Raffi Hovhannisian represente la
corde de ceux qui se trouvent au fond du puits et a laquelle ils
s'accrochent actuellement de toutes leurs forces pour s'en tirer.
C'etaient a eux d'agir. Ils l'ont fait le 18 fevrier. Ils continuent
de le faire depuis. Et nous, qu'avons-nous a faire d'autre que les
aider moralement ?
S'il vous paraît qu'un soutien ouvert au mouvement democratique
incarne par Raffi Hovhannisian est trop audacieux eu egard a telle ou
telle consideration, peut-on du moins esperer un soutien indirect,
sous la forme d'une nette denonciation de la fraude qui entache
la legitimite de l'election du 18 fevrier, de la preconisation de
nouvelles elections presidentielles, et contre l'eventualite de toute
violence ou repression de ce mouvement par le pouvoir ?
Si cela etait, il serait souhaitable qu'un tel communique soit
emis avant la decision de la Cour Constitutionnelle du 11 mars
qui a ete saisie, comme vous le savez, par deux des candidats
a la presidentielle, Raffi Hovhannisian et Andreas Ghoukassian,
c'est-a-dire si possible avant le 10 mars, afin que sa nouvelle puisse
etre diffusee.
Esperant que mon initiative ne sera pas percue autrement que comme
le desir ardent d'aider autant que faire se peut ceux qui sont en
première ligne dans le combat, devenu vital, pour que notre peuple
accède a cette liberation nationale dont il reste prive vingt-deux
ans après l'accès de l'Armenie a l'independance, je vous adresse,
chers amis, l'expression de ma haute consideration,
Sèda Mavian 8 mars, Erevan.
mardi 12 mars 2013, Ara ©armenews.com