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La Cedh Condamne La Turquie

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    LA CEDH CONDAMNE LA TURQUIE

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=72192
    Publié le : 19-03-2013

    Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le collectif VAN vous
    propose le Communiqué de presse de la CEDH (Cour européenne des
    droits de l'homme) publié le 12 mars 2013.

    Cour européenne des droits de l'homme

    Communiqué de presse

    CEDH 073 (2013)

    12.03.2013

    Un gendarme auteur de tirs mortels en marge d'une manifestation ne
    pouvait prétendre a l'impunité sous couvert de légitime défense

    Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu ce jour dans
    l'affaire Aydan c. Turquie (requête no 16281/10), la Cour européenne
    des droits de l'homme dit, a l'unanimité, qu'il y a eu :

    trois violations de l'article 2 (droit a la vie) de la Convention
    européenne des droits de l'homme ;

    une violation de l'article 6 § 1 (droit a un procès équitable dans
    un délai raisonnable) en raison de la durée de la procédure.

    L'affaire concerne la mort accidentelle d'un passant, suite aux tirs
    d'un gendarme, survenue en marge d'une manifestation violente.

    La Cour a jugé qu'il n'est pas établi que la force utilisée pour
    disperser les manifestants et qui a causé la mort d'A. Aydan était
    nécessaire ; que l'Etat a failli a ses obligations de garantir le
    droit a la vie : enfin que les juridictions auraient dÃ" approfondir
    leurs investigations ou procéder a une nouvelle évaluation des
    preuves afin de rendre compte des contradictions entre les témoins.

    Principaux faits

    Les requérantes, Mmes Kerime Aydan et KaÅ~_em Aydan sont des
    ressortissantes turques, nées respectivement en 1968 et 1948 et
    résidant a Siirt (Turquie). Elles sont la veuve et la mère d'Abdullah
    Aydan, mortellement blessé le 6 septembre 2005 au centre ville d'Eruh,
    par des tirs provenant d'une jeep militaire alors qu'il attendait le
    bus a l'écart d'une manifestation en faveur de M. Ocalan, chef du PKK.

    Atteint d'une blessure par balle a la tête, A. Aydan succomba le
    même jour a l'hôpital de Dicle (Diyarbakir).

    Lors de l'enquête, le suspect G.Y. déclara qu'il conduisait une
    jeep en compagnie de deux autres gendarmes, qu'ils avaient été
    bloqués et encerclés par 150 ou 200 individus armés qui avaient
    jeté des pierres et attaqué avec des barres et des couteaux. Après
    deux sommations vaines, il aurait tiré par la vitre brisée de son
    véhicule pour disperser les assaillants. Selon G.Y., l'arme étant
    en position automatique, il y eut tir en rafale mais sans viser la
    foule. Les deux autres gendarmes confirmèrent la déposition de G.Y.,
    sans être certains de la présence sur les lieux de manifestants
    armés. Deux autres policiers qui avaient effectué un enregistrement
    vidéo de la manifestation déclarèrent n'avoir vu aucun manifestant
    armé sur les lieux.

    1 Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la
    Convention, cet arrêt de chambre n'est pas définitif. Dans un délai
    de trois mois a compter de la date de son prononcé, toute partie peut
    demander le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre de la Cour.

    En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si l'affaire
    mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se
    saisira de l'affaire et rendra un arrêt définitif. Si la demande
    de renvoi est rejetée, l'arrêt de chambre deviendra définitif a
    la date de ce rejet.

    Dès qu'un arrêt devient définitif, il est transmis au
    Comité des Ministres du Conseil de l'Europe qui en surveille
    l'exécution. Des renseignements supplémentaires sur le
    processus d'exécution sont consultables a l'adresse suivante :
    http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution.

    Le 22 novembre 2005, le procureur de la République déposa un acte
    d'accusation contre G.Y. pour homicide résultant de l'emploi d'une
    force meurtrière allant au-dela de la légitime défense. Il requit
    la condamnation de G.Y. estimant qu'il aurait pu se défendre de
    manière plus mesurée pour disperser la foule.

    Le 6 juillet 2006, la cour d'assises décida de dispenser G.Y. de
    sanction pénale, jugeant sincères les témoignages qui attestaient
    une attaque violente contre les soldats. Elle établit que l'accusé
    n'avait pas eu l'intention de tuer, qu'il avait agi dans le but de
    se défendre et de protéger les autres soldats qui se trouvaient a
    l'intérieur de la jeep, ce qui l'avait conduit a dépasser les limites
    de la légitime défense sous le coup d'une émotion, d'une crainte ou
    d'une panique excusables au sens de l'article 27 § 2 du code pénal.

    Le procureur de la République demanda l'infirmation de la décision
    de la cour d'assises. Selon lui, le comportement de l'accusé ne
    répondait pas aux règles régissant l'utilisation des armes a feu en
    cas de nécessité. Au vu du dossier, l'accusé n'avait pas procédé
    a un tir de sommation en l'air mais avait tiré sur la foule. Il avait
    excédé les limites de la légitime défense en tirant en vue de se
    protéger et de protéger les deux soldats avec lui, tuant de ce fait
    A. Aydan qui n'était pas mêlé a la foule.

    La Cour de cassation confirma la décision du 6 juillet 2006.

    Suite a une opposition formée par le procureur général près
    la Cour de cassation, l'affaire fut examinée par l'assemblée
    plénière de la Cour de cassation qui confirma a son tour la solution
    retenue. Elle considéra que le Â" dépassement des limites de la
    légitime défense sous l'effet d'une émotion, d'une crainte ou
    d'une panique excusables pouvait s'appliquer en l'espèce Â". Pour
    arriver a cette conclusion, la haute juridiction tint compte de la
    violence des attaques subies par G.Y. et ses deux compagnons d'armes
    a Siirt, du fait que cette ville de la région du Sud-Est de la
    Turquie connaissait des violences terroristes depuis des années,
    des menaces de mort qui les ont accompagnées et de leur intensité
    croissante en dépit des sommations.

    Parallèlement a la procédure pénale, les requérantes demandèrent
    au ministère de l'Intérieur réparation du préjudice moral
    et matériel résultant de la mort d'A. Aydan. La procédure est
    toujours pendante.

    Griefs, procédure et composition de la Cour

    Invoquant l'article 2 (droit a la vie), les requérantes se plaignaient
    qu'A. Aydan avait été tué par les forces de l'ordre. Invoquant
    l'article 6 (droit a un procès équitable dans un délai raisonnable),
    elles soutenaient que la durée de la procédure engagée en vue de
    la réparation du préjudice moral et matériel lié a la mort de
    leur époux et fils, n'était pas compatible avec leur droit a un
    procès dans un délai raisonnable.

    La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits
    de l'homme le 18 mars 2010.

    L'arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :

    Guido Raimondi (Italie), président, DanutÄ- JoÄ~MienÄ- (Lituanie),
    Peer Lorenzen (Danemark), András Sajó (Hongrie), IÅ~_ıl KarakaÅ~_
    (Turquie), NebojÅ¡a VuÄ~MiniÄ~G (Monténégro), Helen Keller (Suisse),
    ainsi que de Stanley Naismith, greffier de section.

    Décision de la Cour

    Article 2

    La Cour juge établi qu'A. Aydan, qui n'avait aucun lien avec les
    manifestants, a été tué par balle par un gendarme alors qu'il
    attendait a un arrêt de bus a proximité de la manifestation. La
    Cour relève que des manifestants ont jeté des pierres en direction
    d'un véhicule des forces de l'ordre, cependant l'intensité
    de l'attaque fait l'objet de controverses entre les parties. Si
    les juridictions internes ont jugé qu'un groupe d'environ 200
    personnes avait encerclé le véhicule et jeté des pierres sur la
    jeep, le procureur de la Cour de cassation a émis des doutes quant
    au caractère violent de l'attaque et a même affirmé que la jeep
    n'avait pas été encerclée. Selon d'autres témoins, il s'agissait
    d'un petit groupe, entre 4 a 10 personnes. Il ressort des déclarations
    de G.Y. que celui-ci a amplement exagéré le risque auquel lui-même
    et les autres occupants du véhicule ont dÃ" faire face. En l'état
    du dossier, il n'est nullement établi que les manifestants étaient
    armés de couteaux ou d'armes a feu.

    Pour la Cour, il n'est pas suffisamment établi que l'attaque était
    extrêmement violente, ce qui lui permet de conclure que G.Y. n'a pas
    agi dans la conviction honnête que sa propre vie, son intégrité
    physique ainsi que celle de ses collègues étaient en danger. La Cour
    estime qu'il n'est nullement établi que G.Y. a effectué un tir de
    semonce en l'air. La Cour considère par conséquent qu'il n'est pas
    établi que le recours a la force meurtrière qui a causé la mort d'A.

    Aydan était absolument nécessaire au sens de l'article 2. Il y a
    donc eu une première violation de cet article.

    En s'appuyant sur l'article 27 § 2 du code pénal turc, les
    juridictions internes ont accordé a G.Y. une dispense de peine. Selon
    la Cour de cassation, le Â" dépassement des limites de la légitime
    défense sous l'effet d'une émotion, d'une crainte ou d'une panique
    excusables Â" pouvait, en l'espèce, s'appliquer. La Cour reconnaît
    que la notion de dépassement de la légitime défense n'est pas
    inconnue du droit pénal européen. Néanmoins, les forces de l'ordre
    exercant leurs fonctions dans un contexte de tension extrême - en
    l'espèce, une région où l'on pouvait s'attendre a des troubles -
    doivent présenter les qualités morales ainsi que les aptitudes
    physiques et psychologiques requises. Par ailleurs la dispense de
    sanction pénale a un gendarme qui a utilisé son arme a feu de
    manière injustifiée risque d'être interprétée comme une carte
    blanche donnée aux forces de l'ordre. La Cour considère ainsi que
    l'application qui a été faite de l'article 27 § 2 du code pénal
    n'est pas compatible avec les termes de l'article 2 de la Convention,
    selon lequel le recours a la force doit être Â" absolument nécessaire
    Â" et strictement proportionné aux buts mentionnés dans cet article,
    et conclut a une deuxième violation de l'article 2.

    Enfin, la Cour observe que le gendarme qui a tué A. Aydan le 6
    septembre 2005, n'a été entendu que sept jours plus tard. Un tel
    délai pour mettre en cause le principal suspect dans l'enquête
    montre que les autorités n'ont pas agi avec la diligence requise. Un
    tel retard crée non seulement une apparence de collusion entre les
    autorités judiciaires et la police, mais aussi peut pousser le public
    a croire que les membres des forces de sécurité opèrent dans le
    vide et ne sont pas responsables devant les autorités judiciaires.

    La Cour juge regrettable que la cour d'assises et la Cour de
    cassation divergent sur les faits eux-mêmes. Elle considère que les
    juridictions internes auraient dÃ" approfondir leurs investigations
    ou procéder a une nouvelle évaluation des preuves afin d'expliquer
    les contradictions existant entre les déclarations des gendarmes et
    celles des témoins.

    Ainsi la Turquie n'a pas conduit d'enquête effective sur le décès
    d'A.

    Aydan, ce qui constitue une troisième violation de l'article 2.

    Article 6 § 1

    La Cour note que les deux procédures engagées par les requérantes
    pour demander réparation du préjudice moral et matériel lié a
    la mort de leur fils et époux a duré plus de sept ans et deux mois
    et n'a toujours pas pris fin. Compte tenu de sa jurisprudence en la
    matière, la Cour estime que la durée de la procédure est excessive,
    en violation de l'article 6 § 1.

    Satisfaction équitable (Article 41)

    La Cour dit que la Turquie doit verser aux requérantes 15 000 euros
    (EUR) pour dommage matériel, respectivement 50 000 EUR et 15 000
    EUR a la veuve et a la mère du défunt pour dommage moral, et 5000
    EUR pour frais et dépens.

    Opinion séparée

    Les juges JoÄ~MienÄ- et Sajó ont exprimé une opinion séparée dont
    le texte se trouve joint a l'arrêt.

    L'arrêt n'existe qu'en francais.

    Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la
    Cour. Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des
    informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être
    obtenus sur www.echr.coe.int. Pour s'abonner aux communiqués de
    presse de la Cour, merci de s'inscrire ici : www.echr.coe.int/RSS/fr.

    La Cour européenne des droits de l'homme a été créée a Strasbourg
    par les Etats membres du Conseil de l'Europe en 1959 pour connaître
    des allégations de violation de la Convention européenne des droits
    de l'homme de 1950.

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    TÃ~ILÃ~ICHARGER : Communiqué de presse

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