LAURE MARCHAND ET GUILLAUME PERRIER INVITES D'AYP FM
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=87916
Bien que le tabou inherent a la question armenienne soit partiellement
tombe en Turquie par la volonte de femmes et d'hommes courageux, une
grande partie de la societe turque demeure repliee sur elle-meme face
a l'inclinaison insensee de son Etat pour le deni. Un Etat dont les
avancees sont minees par les reculs, a l'image de ces Journalistes
et intellectuels qui, osant s'exprimer sur le genocide armenien ou
soupconnes d'entente avec des organisations terroristes, sont invites
a s'auto-censurer, d' " aller au diable " (Erdogan), inquietes par
la justice quand ils ne sont pas emprisonnes, alors que la Turquie
frappe toujours aux portes de l'Europe.
A deux ans de la centième commemoration du premier genocide du
XXème siècle, Laure Marchand et Guillaume Perrier, respectivement,
correspondante du Figaro et du Nouvel Observateur en Turquie, et
Guillaume Perrier correspondant du journal Le Monde, auteurs du livre
La Turquie et le Fantôme Armenien (Actes Sud), invites de Vartan
Kaprielian a l'emission Cartes sur table (Ayp FM), ont apporte leur
temoignage de terrain et leur perception d'une Turquie contrastee,
oscillant entre laïcisme et nationalisme, ancien berceau de la
civilisation armenienne.
Pour Laure Marchand, la Turquie ne pourra pas faire l'impasse sur
ce qui s'est passe il y a un siècle. Elle devra faire son devoir
de memoire, comme le pense egalement ce chauffeur de taxi Alevis
originaire de Sivas, qui, s'adressant a Guillaume Perrier, a affirme
la veille du vote en France de la loi anti-negationniste : " Vous avez
bien raison de voter cette loi, Il faudra bien qu'on le reconnaisse
[genocide des armeniens] un jour. "
Evoquant le passe, la correspondante du Figaro pointe la "
turquification a marche forcee du pays ", notamment par le changement
du nom des villes et villages, tendant a effacer la presence d'autres
peuples. D'après ses observations, des initiatives visent a repertorier
et re-introduire les noms d'origine. De meme que la jeune generation,
a contrario des anciens, ne s'embarrasse pas du discours officiel. Elle
brise le silence, revendiquant " plus facilement son identite et veut
savoir ce qui s'est passe ", dit Laure Marchand. A la question de
Vartan Kaprielian sur la non integration dans la fonction publique
des armeniens en general et des islamises convertis, la journaliste
avoue ne pas avoir encore de reponse. " Il serait interessant de voir
si l'Etat evolue sur cette question ", s'interroge-t-elle.
Guillaume Perrier explique que si le genocide est percu comme une
realite dans les villages de Turquie orientale ; par peur de la posture
negationniste de l'Etat turc, " la population se terre dans le mutisme
". Toujours est-il que " la parole est en train de se liberer ",
dit-il. Il evoque ensuite les armeniens islamises qui ne se sont jamais
convertis et d'autres qui se sont convertis en gardant la langue,
tandis que certains n'ont rien garde. " Le travail des nouvelles
generations est très important. Aujourd'hui la jeunesse redecouvre
son identite. Elle n'est pas marquee par la peur qu'avaient leurs
grand-parents ou parents et peut s'emparer de son identite armenienne
". Il observe " une societe endogène genocidee, islamisee, niee,
qui est en train de se construire une nouvelle identite ".
Sur le plan des spoliations immobilières, Guillaume Perrier cite
l'exemple du Palais presidentiel de Cankaya a Ankara, pur produit
d'une spoliation qui appartenait a la famille Kassapian et où Ataturk
a ete installe. " A Diyarbakir on a recense plus de 200 proprietes,
terrains et bâtiments qui appartenaient a des familles armeniennes ".
Laure Marchand precisant que seuls " les bâtiments recenses après 1936
font partie des restitutions ", tels ceux des fondations religieuses.
Les bâtiments de 1915 n'en faisant pas partie. " La Turquie n'est
pas du tout prete a aborder la question. " dit-elle.
Egalement invite de Vartan Kaprielian, Harout Mardirossian, President
du CDCA, a evoque la question de la reconnaissance du genocide des
armeniens par la Turquie. " Nous sommes pour le dialogue politique
[...] mais il ne peut pas y avoir d'evolution vers la reconnaissance si
la communaute internationale ne pose pas un certain nombre de normes
a respecter pour faire bouger la population [...] En interne il faut
qu'il y est une perspective qui permette d'envisager un futur. "
Selon lui une pression internationale doit etre constamment exercee,
faute de quoi les elements les plus actifs, les plus extremistes, les
plus populistes de la societe prendront le dessus sur ceux qui veulent
une expression plus democratique. Pour lui, il s'agit aussi de briser
un système d'apartheid exerce sur les populations d'origines diverses.
Faire sauter le verrou ethnique qui veut que si l'on n'est pas de
pure souche turque, il est interdit d'acceder a certains postes. Un
signal fort qui serait de nature a envisager un vivre ensemble dans
le respect et la reconnaissance d'une histoire.
Concernant la question des reparations, Guillaume Perrier estime
qu'elles " ne semblent plus etre un obstacle a la reconnaissance
du genocide. Le montant des reparations que la Turquie pourrait
eventuellement avoir a verser aux victimes, n'est plus si important
compte tenu du developpement economique de la Turquie aujourd'hui.
[...] Le principal obstacle est beaucoup plus profond [...]. Il
touche au fondement de l'Etat turc, aux institutions. [...] Quand la
construction politique d'un pays repose a ce point sur un genocide, la
reconnaissance ne peut passer que par une deconstruction de l'identite
politique turque. " La deconstruction de l'identite politique
turque et la construction d'une veritable democratie prendront un
certain temps, selon l'observateur. Laure Marchand, quant a elle,
fait observer que le processus est enclenche. Bien qu'etant a l'etat
embryonnaire, des manifestations le 24 avril ont droit de cite dans
l'espace public. Elles sont " protegees par les forces de l'ordre. Le
genocide est donc visible dans l'espace public turc ", precise-t-elle.
Reste que les procès a l'encontre d'assassins d'armeniens, dont celui
de Hrant Dink et autres defenseurs des droits de l'homme, demeurent
n'etre que de revoltantes comedies judiciaires ne plaidant en rien
en faveur d'une Turquie qui entend etre elevee au rang des nations
europeennes.
Jean Eckian
lundi 18 mars 2013, Jean Eckian ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=87916
Bien que le tabou inherent a la question armenienne soit partiellement
tombe en Turquie par la volonte de femmes et d'hommes courageux, une
grande partie de la societe turque demeure repliee sur elle-meme face
a l'inclinaison insensee de son Etat pour le deni. Un Etat dont les
avancees sont minees par les reculs, a l'image de ces Journalistes
et intellectuels qui, osant s'exprimer sur le genocide armenien ou
soupconnes d'entente avec des organisations terroristes, sont invites
a s'auto-censurer, d' " aller au diable " (Erdogan), inquietes par
la justice quand ils ne sont pas emprisonnes, alors que la Turquie
frappe toujours aux portes de l'Europe.
A deux ans de la centième commemoration du premier genocide du
XXème siècle, Laure Marchand et Guillaume Perrier, respectivement,
correspondante du Figaro et du Nouvel Observateur en Turquie, et
Guillaume Perrier correspondant du journal Le Monde, auteurs du livre
La Turquie et le Fantôme Armenien (Actes Sud), invites de Vartan
Kaprielian a l'emission Cartes sur table (Ayp FM), ont apporte leur
temoignage de terrain et leur perception d'une Turquie contrastee,
oscillant entre laïcisme et nationalisme, ancien berceau de la
civilisation armenienne.
Pour Laure Marchand, la Turquie ne pourra pas faire l'impasse sur
ce qui s'est passe il y a un siècle. Elle devra faire son devoir
de memoire, comme le pense egalement ce chauffeur de taxi Alevis
originaire de Sivas, qui, s'adressant a Guillaume Perrier, a affirme
la veille du vote en France de la loi anti-negationniste : " Vous avez
bien raison de voter cette loi, Il faudra bien qu'on le reconnaisse
[genocide des armeniens] un jour. "
Evoquant le passe, la correspondante du Figaro pointe la "
turquification a marche forcee du pays ", notamment par le changement
du nom des villes et villages, tendant a effacer la presence d'autres
peuples. D'après ses observations, des initiatives visent a repertorier
et re-introduire les noms d'origine. De meme que la jeune generation,
a contrario des anciens, ne s'embarrasse pas du discours officiel. Elle
brise le silence, revendiquant " plus facilement son identite et veut
savoir ce qui s'est passe ", dit Laure Marchand. A la question de
Vartan Kaprielian sur la non integration dans la fonction publique
des armeniens en general et des islamises convertis, la journaliste
avoue ne pas avoir encore de reponse. " Il serait interessant de voir
si l'Etat evolue sur cette question ", s'interroge-t-elle.
Guillaume Perrier explique que si le genocide est percu comme une
realite dans les villages de Turquie orientale ; par peur de la posture
negationniste de l'Etat turc, " la population se terre dans le mutisme
". Toujours est-il que " la parole est en train de se liberer ",
dit-il. Il evoque ensuite les armeniens islamises qui ne se sont jamais
convertis et d'autres qui se sont convertis en gardant la langue,
tandis que certains n'ont rien garde. " Le travail des nouvelles
generations est très important. Aujourd'hui la jeunesse redecouvre
son identite. Elle n'est pas marquee par la peur qu'avaient leurs
grand-parents ou parents et peut s'emparer de son identite armenienne
". Il observe " une societe endogène genocidee, islamisee, niee,
qui est en train de se construire une nouvelle identite ".
Sur le plan des spoliations immobilières, Guillaume Perrier cite
l'exemple du Palais presidentiel de Cankaya a Ankara, pur produit
d'une spoliation qui appartenait a la famille Kassapian et où Ataturk
a ete installe. " A Diyarbakir on a recense plus de 200 proprietes,
terrains et bâtiments qui appartenaient a des familles armeniennes ".
Laure Marchand precisant que seuls " les bâtiments recenses après 1936
font partie des restitutions ", tels ceux des fondations religieuses.
Les bâtiments de 1915 n'en faisant pas partie. " La Turquie n'est
pas du tout prete a aborder la question. " dit-elle.
Egalement invite de Vartan Kaprielian, Harout Mardirossian, President
du CDCA, a evoque la question de la reconnaissance du genocide des
armeniens par la Turquie. " Nous sommes pour le dialogue politique
[...] mais il ne peut pas y avoir d'evolution vers la reconnaissance si
la communaute internationale ne pose pas un certain nombre de normes
a respecter pour faire bouger la population [...] En interne il faut
qu'il y est une perspective qui permette d'envisager un futur. "
Selon lui une pression internationale doit etre constamment exercee,
faute de quoi les elements les plus actifs, les plus extremistes, les
plus populistes de la societe prendront le dessus sur ceux qui veulent
une expression plus democratique. Pour lui, il s'agit aussi de briser
un système d'apartheid exerce sur les populations d'origines diverses.
Faire sauter le verrou ethnique qui veut que si l'on n'est pas de
pure souche turque, il est interdit d'acceder a certains postes. Un
signal fort qui serait de nature a envisager un vivre ensemble dans
le respect et la reconnaissance d'une histoire.
Concernant la question des reparations, Guillaume Perrier estime
qu'elles " ne semblent plus etre un obstacle a la reconnaissance
du genocide. Le montant des reparations que la Turquie pourrait
eventuellement avoir a verser aux victimes, n'est plus si important
compte tenu du developpement economique de la Turquie aujourd'hui.
[...] Le principal obstacle est beaucoup plus profond [...]. Il
touche au fondement de l'Etat turc, aux institutions. [...] Quand la
construction politique d'un pays repose a ce point sur un genocide, la
reconnaissance ne peut passer que par une deconstruction de l'identite
politique turque. " La deconstruction de l'identite politique
turque et la construction d'une veritable democratie prendront un
certain temps, selon l'observateur. Laure Marchand, quant a elle,
fait observer que le processus est enclenche. Bien qu'etant a l'etat
embryonnaire, des manifestations le 24 avril ont droit de cite dans
l'espace public. Elles sont " protegees par les forces de l'ordre. Le
genocide est donc visible dans l'espace public turc ", precise-t-elle.
Reste que les procès a l'encontre d'assassins d'armeniens, dont celui
de Hrant Dink et autres defenseurs des droits de l'homme, demeurent
n'etre que de revoltantes comedies judiciaires ne plaidant en rien
en faveur d'une Turquie qui entend etre elevee au rang des nations
europeennes.
Jean Eckian
lundi 18 mars 2013, Jean Eckian ©armenews.com
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress