DENIS DONIKIAN : LA DOUBLE PEINE DU GENOCIDE
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89359
Le 24 avril dernier, anniversaire de mort et de memoire pour tous
les Armeniens, j'etais invite avec Sèda Mavian par l'Association
Suisse-Armenie (ASA) a evoquer les problèmes que traverse notre petit
pays bien-aime et ses rapports avec notre continent diasporique. La
gravite de la situation exigeait d'abandonner la langue de bois
et d'etaler au grand jour les atteintes aux droits humains qui
chambardaient le peuple et le rendaient enclin a quitter le pays.
J'avais l'habitude d'emettre pareilles acrimonies, ma rengaine
lyrico-critique depuis plus de dix ans etait bien rôdee. Mais quelle
ne fut pas ma stupefaction d'entendre le pretre de la paroisse (la
reunion avait lieu dans les sous-sols de l'eglise), homme d'evangile
compassionnel comme je le supposais, renchechir sur les recriminations
d'un laïc pour dire que le jour etait vraiment mal choisi, jour de
deuil national non de lessive en famille. C'etait dire dans le fond que
ce n'etait pas le jour de toucher au sacre nom d'Armenie en evoquant
les injustices et les souffrances qu'enduraient les Armeniens. Tetanise
par cette admonestation plus terrestre que celeste, et sans vouloir
mettre en avant mes reverences quasi fetichistes envers nos morts de
1915, je n'ai pas juge utile sur le coup de repliquer au berger noir
des ouailles helvetiques par les paroles du Christ selon lesquelles il
faut laisser les morts enterrer leurs morts et repondre a l'urgence
( en l'occurrence, celle de la Bonne Nouvelle). Or, ce soir-la, avec
Sèda Mavian, nous avions expose tout un argumentaire pour reveiller
les consciences et les rendre sensibles au desastre humanitaire, a
la catastrophe democratique et au suicide demographique que devait
affronter l'ensemble du peuple armenien. Un coup d'epee dans l'eau
pour Seda Mavian. Et quant a moi, pour parler plus dru, j'avais pisse
dans un violon.
Or, a bien lire les nouvelles qui tombent en cette annee 2013, entre
le 24 et le 30 avril, je constate que le peuple armenien est moins que
jamais epargne par la flagrante contradiction qui consiste a enterrer
ses morts tout en faisant fi de ses vivants. En effet, d'un côte des
commemorations commemorationnistes dont toutes les villes de France,
de Navarre et du monde, sont coutumières ( avec Istanbul en cerise
sur le gateau), et de l'autre des titres a vous ecoeurer le moral :
" Près de 500 citoyens quitteraient l'Armenie chaque jour selon
le depute Aram Manoukian ", " L'Armenie fait fuir ses habitants "
( ce dernier article evoquant le cas d'un policier armenien qui
aurait fui son pays avec sa famille pour avoir refuse d'installer
des micros dans les appartements de Levon Ter-Petrossian, opposant
notoire et premier president du pays). Voila qui donnait matière a
reflexion. * Le monde est ainsi fait que rien de ce qui est humain
n'echappe au système paradoxal de sa realite. Quand vous croyez
l'avoir compris en ayant reussi a enfermer une verite dans un mot
ou dans une formule, voila qu'il vous sort par-dessous les fagots
d'autres visages de cette meme verite. Ainsi, le monde humain est
a ce point complexe qu'il invente sans cesse des ruses contre les
hommes pour renouveler les formes de ces cruautes qu'ils croyaient
avoir jugulees. La moindre faille dans leur vigilance et c'est un
deluge qui surgit devant eux et qui mettra des annees avant de dire son
veritable nom . On a cru legiferer contre l'esclavage et l'esclavage a
retrouve d'autres chemins. On croyait nourrir ceux qui avaient faim,
et voila que d'autres faims font mourir d'autres hommes. On a nomme
le genocide pour le condamner, et il resurgit sous d'autres masques,
d'autres vocables comme celui de genocide blanc.
lire la suite, voir lien plus bas
jeudi 2 mai 2013, Jean Eckian ©armenews.com
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89359
Le 24 avril dernier, anniversaire de mort et de memoire pour tous
les Armeniens, j'etais invite avec Sèda Mavian par l'Association
Suisse-Armenie (ASA) a evoquer les problèmes que traverse notre petit
pays bien-aime et ses rapports avec notre continent diasporique. La
gravite de la situation exigeait d'abandonner la langue de bois
et d'etaler au grand jour les atteintes aux droits humains qui
chambardaient le peuple et le rendaient enclin a quitter le pays.
J'avais l'habitude d'emettre pareilles acrimonies, ma rengaine
lyrico-critique depuis plus de dix ans etait bien rôdee. Mais quelle
ne fut pas ma stupefaction d'entendre le pretre de la paroisse (la
reunion avait lieu dans les sous-sols de l'eglise), homme d'evangile
compassionnel comme je le supposais, renchechir sur les recriminations
d'un laïc pour dire que le jour etait vraiment mal choisi, jour de
deuil national non de lessive en famille. C'etait dire dans le fond que
ce n'etait pas le jour de toucher au sacre nom d'Armenie en evoquant
les injustices et les souffrances qu'enduraient les Armeniens. Tetanise
par cette admonestation plus terrestre que celeste, et sans vouloir
mettre en avant mes reverences quasi fetichistes envers nos morts de
1915, je n'ai pas juge utile sur le coup de repliquer au berger noir
des ouailles helvetiques par les paroles du Christ selon lesquelles il
faut laisser les morts enterrer leurs morts et repondre a l'urgence
( en l'occurrence, celle de la Bonne Nouvelle). Or, ce soir-la, avec
Sèda Mavian, nous avions expose tout un argumentaire pour reveiller
les consciences et les rendre sensibles au desastre humanitaire, a
la catastrophe democratique et au suicide demographique que devait
affronter l'ensemble du peuple armenien. Un coup d'epee dans l'eau
pour Seda Mavian. Et quant a moi, pour parler plus dru, j'avais pisse
dans un violon.
Or, a bien lire les nouvelles qui tombent en cette annee 2013, entre
le 24 et le 30 avril, je constate que le peuple armenien est moins que
jamais epargne par la flagrante contradiction qui consiste a enterrer
ses morts tout en faisant fi de ses vivants. En effet, d'un côte des
commemorations commemorationnistes dont toutes les villes de France,
de Navarre et du monde, sont coutumières ( avec Istanbul en cerise
sur le gateau), et de l'autre des titres a vous ecoeurer le moral :
" Près de 500 citoyens quitteraient l'Armenie chaque jour selon
le depute Aram Manoukian ", " L'Armenie fait fuir ses habitants "
( ce dernier article evoquant le cas d'un policier armenien qui
aurait fui son pays avec sa famille pour avoir refuse d'installer
des micros dans les appartements de Levon Ter-Petrossian, opposant
notoire et premier president du pays). Voila qui donnait matière a
reflexion. * Le monde est ainsi fait que rien de ce qui est humain
n'echappe au système paradoxal de sa realite. Quand vous croyez
l'avoir compris en ayant reussi a enfermer une verite dans un mot
ou dans une formule, voila qu'il vous sort par-dessous les fagots
d'autres visages de cette meme verite. Ainsi, le monde humain est
a ce point complexe qu'il invente sans cesse des ruses contre les
hommes pour renouveler les formes de ces cruautes qu'ils croyaient
avoir jugulees. La moindre faille dans leur vigilance et c'est un
deluge qui surgit devant eux et qui mettra des annees avant de dire son
veritable nom . On a cru legiferer contre l'esclavage et l'esclavage a
retrouve d'autres chemins. On croyait nourrir ceux qui avaient faim,
et voila que d'autres faims font mourir d'autres hommes. On a nomme
le genocide pour le condamner, et il resurgit sous d'autres masques,
d'autres vocables comme celui de genocide blanc.
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jeudi 2 mai 2013, Jean Eckian ©armenews.com