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Histoire De L'Armenie 2/3 : Du Moyen Age A L'Epoque Moderne

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  • Histoire De L'Armenie 2/3 : Du Moyen Age A L'Epoque Moderne

    HISTOIRE DE L'ARMENIE 2/3 : DU MOYEN AGE A L'EPOQUE MODERNE

    http://www.lesclesdumoyenorient.com/Histoire-de-l-Armenie-2-3-du-Moyen.html
    ARTICLE PUBLIE LE 24/04/2013
    Par Tatiana Pignon

    Funeral Stele, with cross decoration, red tuff, late 13th century, from
    Arindji cemetery in Mount Ararat area, Armenia The Art Archive / Musee
    du Louvre Paris / Gianni Dagli Orti / AFP Dernières actualites Jalal
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    a la mouvance islamique sunnite - 28/03/12 Les Alaouites et la crise
    politique en Syrie - 07/03/12 Region historique, l'Armenie a connu
    depuis ses origines nombre de bouleversements, concretises notamment
    par le passage sous la domination d'empires divers dans l'Antiquite
    ou les changements repetes de capitale chaque fois qu'elle parvenait
    a se constituer en entite politique. Parmi ces bouleversements, la
    conversion de l'Etat au christianisme au debut du Ve siècle n'est
    pas le moindre : il participe de la formation, deja ancienne, d'une
    identite armenienne forte, qui permet le maintien d'une existence
    culturelle autochtone, a defaut d'independance politique - souvent
    remise en cause ou soumise a conditions. L'histoire de l'Armenie
    ne connaît pas de rupture forte entre l'Antiquite tardive et le
    debut du Moyen Âge, sinon que deux cents ans après la conversion au
    christianisme, la conquete arabe du VIIe siècle vient bouleverser
    encore une fois l'equilibre politique du Moyen-Orient, et instaure
    une longue ère de domination islamique sur la region, qui comprend
    l'Armenie chretienne ; or, celle-ci, situee au carrefour entre les
    Empires, est egalement frontalière et, de ce fait, sous l'influence
    relative de l'Empire byzantin chretien. Comme toujours lieu
    d'affrontement privilegie entre empires rivaux, terrain propice aux
    conflits d'influence voire aux conflits armes, l'Armenie va vivre le
    Moyen Âge a la frontière entre Byzance et l'Islam moyen-oriental. Mais
    cette longue periode est aussi celle d'une restauration etatique
    armenienne, concretisee d'abord par la dynastie bagratide puis par la
    mise en place d'un royaume armenien en Cilicie alors que le territoire
    "national" est divise en deux, royaume qui parvient a maintenir son
    independance entre la fin du XIe et le XIVe siècle. Enfin, l'arrivee
    des Mongols au XIIIe siècle, qui bouleverse le paysage geopolitique
    du Moyen-Orient, apporte egalement des changements en Armenie : elle
    passe alors d'une domination a une autre, et son territoire se voit
    frequemment depece au gre des guerres de conquete que se livrent les
    differents Empires. Mais la culture armenienne, porteuse d'une identite
    bien particulière, survit a toutes ces peripeties pour former un long
    heritage qui faconne encore aujourd'hui l'Armenie contemporaine.

    L'Armenie medievale entre Byzance et l'islam Les conquetes arabes,
    lancees a partir du milieu du VIIe siècle, parviennent rapidement en
    Armenie, puisque celle-ci est envahie dès 645, devient tributaire
    du califat medinois en 653 et reconnaît officiellement l'autorite
    arabe en 661. Elle constitue alors une entite politique coherente,
    jusque-la placee sous influence byzantine, et qui conserve malgre
    la conquete arabe son organisation sociale et politique propre :
    son autonomie religieuse, notamment, est preservee - conformement
    a la pratique generale des premiers musulmans, qui permettaient aux
    peuples conquis de conserver leur religion a condition qu'ils payent
    un impôt specifique, la jizya - et elle est dirigee par un "ichkhan",
    c'est-a-dire un "prince d'Armenie" issu de l'une ou l'autre des deux
    familles qui dominent la vie politique armenienne depuis plusieurs
    siècles, les Bagratouni et les Mamikonian.

    À la fin du VIIe siècle toutefois, alors que le nouveau pouvoir
    islamique commence a s'organiser en veritable empire, l'Armenie passe
    sous administration directe du califat : un gouverneur arabe est
    installe dans la ville de Dvin et la pression fiscale s'accentue
    lourdement, rendant le califat arabe et ses agents largement
    impopulaires auprès de la population. De ce fait, de nombreuses
    revoltes eclatent en Armenie au cours du VIIIe siècle, et font l'objet
    d'une repression sevère dont le point culminant apparaît en 772 avec la
    bataille de Bagrevand : opposant les troupes califales aux Armeniens
    menes par le nakharar [1] Artavazd Mamikonian, elle se solde par une
    ecrasante victoire arabe et marque la fin du pouvoir politique de la
    famille des Mamikonian.

    Mais si la domination arabe est dès lors assuree en Armenie,
    elle ne couvre pourtant pas l'integralite ni du territoire, ni de
    la population armenienne. En effet, en raison de la politique de
    deplacement de population instauree au VIe siècle par l'empereur
    Maurice Ier (539-602), de nombreux Armeniens se trouvent sur le
    territoire byzantin ; la plupart d'entre eux sont deplaces au milieu
    du VIIe siècle dans une nouvelle circonscription byzantine qui prend
    le nom de "thème des Armeniaques". L'Armenie demeure donc sujette a
    ces deux influences antagonistes, celle de l'islam en Armenie arabe -
    où sont crees des emirats arabes a partir du IXe siècle - et celle
    de Byzance sur sa frontière occidentale, où se trouve une grande
    partie de sa population. Culturellement plus proche de Byzance que
    du califat abbasside, elle conserve toutefois, malgre la division
    de son territoire en deux sphères d'influence, un tout sur le plan
    identitaire - l'identite armenienne se cristallisant surtout a cette
    epoque autour de la religion, qui permet de marquer la difference
    a la fois par rapport au califat musulman et par rapport a l'Empire
    byzantin dont l'Eglise armenienne s'est separee sur le plan dogmatique.

    Les royaumes d'Armenie au Moyen Âge Avec l'instauration de
    divers emirats a partir du IXe siècle, l'Armenie arabe connaît
    une desorganisation politique importante, symptomatique de
    l'affaiblissement du pouvoir central de Bagdad sur l'ensemble de
    l'Empire abbasside au milieu du Moyen Âge. Cette desorganisation
    est rapidement percue par les grandes familles armeniennes comme
    une occasion de restaurer un pouvoir autochtone en Armenie : ils la
    mettent a profit pour obtenir de plus en plus d'avantages politiques,
    jusqu'a ce que le calife abbasside accorde en 862 a Achôt Ier le
    titre de "prince des princes", position confirmee en 885 par sa
    reconnaissance comme roi des Armeniens a la fois par le califat arabe
    et par Byzance. Achôt Ier inaugure ainsi un siècle et demi d'autonomie
    armenienne sous la dynastie bagratide [2], restauration monarchique
    qui s'accompagne sous son règne d'un essor economique majeur ainsi que
    d'une renaissance artistique favorisee par le roi a travers, notamment,
    la restauration et la construction d'eglises. Achôt renforce egalement
    l'affirmation de la specificite de l'Eglise armenienne, notamment
    par rapport a l'orthodoxie byzantine.

    Toutefois, le royaume reconstruit se trouve rapidement en butte a
    l'hostilite d'une composante fondamentale de la societe armenienne,
    les nakharark ou grandes familles, qui entendent conserver leur
    pouvoir : celui-ci, d'ordre local, a ete encore renforce par les
    frequentes divisions du territoire armenien, qui ont conduit a son
    emiettement progressif en une multitude de potentats locaux. Malgre
    le succès initial de la restauration monarchique - qui se poursuit
    tout au long du Xe siècle -, le royaume finit donc par se trouver
    mine de l'interieur, ce qui laisse aux Byzantins la possibilite de
    reprendre le contrôle de la majeure partie de l'Armenie en 1045,
    tandis que les Turcs seldjoukides menes par Alp Arslan s'emparent
    d'Ani et de ses environs en 1064.

    Suite a l'arrivee des Turcs, le centre de gravite de la civilisation
    armenienne se rapproche de Byzance en se deplacant vers la Cilicie,
    region situee au sud-est de l'Anatolie qui devient en 1080 le foyer
    d'un nouvel Etat armenien sous l'egide de la dynastie roubenide. Ce
    royaume armenien de Cilicie, qui revendique son independance vis-a-vis
    de Byzance, fonctionne selon une organisation très inspiree du modèle
    occidental (relaye en Orient par les Etats latins du Levant fondes
    par les Croises a la fin du XIe siècle) et opère meme un relatif
    rapprochement avec l'Eglise catholique - ce qui permet d'ailleurs au
    dernier roubenide, Leon Ier, de se voir reconnaître le titre de "roi
    des Armeniens" par le pape lui-meme en 1198. Après lui, la couronne
    passe entre les mains d'une dynastie rivale, les Hethoumides, qui,
    après l'invasion mongole du milieu du XIIIe siècle, rechercheront
    activement une alliance avec ce nouveau pouvoir venu de l'Est. Mais
    la question religieuse divise alors le royaume entre partisans et
    opposants a l'union avec Rome, contribuant a affaiblir la dynastie au
    pouvoir : après etre tombe entre les mains d'une famille francaise,
    les Lusignan, en 1341, le royaume armenien de Cilicie finit par
    disparaître complètement en 1375, lorsque les Mamelouks d'Egypte
    profitent du bouleversement majeur apporte par l'invasion mongole
    pour conquerir la region. Dès lors, seuls les catholicossats de
    Sis et d'Etchmiadzin, en leur qualite de juridictions religieuses,
    permettront a l'Armenie de conserver une autonomie très relative,
    alors que les deux pouvoirs montants du XVe siècle - Ottomans et
    Safavides - vont bientôt en faire a nouveau un territoire conteste
    et dispute entre les empires qui l'entourent.

    La Grande-Armenie, de l'invasion mongole au conflit entre Ottomans
    et Safavides La Grande-Armenie demeure pendant tout le Moyen Âge un
    territoire vassal de Byzance, voire officiellement rattache a l'Empire
    byzantin qui la reorganise en de nouvelles circonscriptions. La
    fin du royaume de Petite-Armenie, au tournant du XVe siècle, a
    pour consequence de recreer un destin commun pour l'ensemble de ce
    territoire armenien, qui ne constitue pas alors une entite coherente,
    mais s'apparente plutôt a un agencement de localites aussi diverses
    qu'elles sont nombreuses. Le sentiment national armenien se cristallise
    alors plus que jamais autour de la religion, alors meme que s'organise
    alors une communaute armenienne catholique uniate - c'est-a-dire unie a
    Rome -, notamment representee par des ordres monastiques, et qui sera
    instituee en tant qu'Eglise officielle par l'eveque armenien d'Alep,
    Abraham Artzivisian, en 1740.

    Si le sentiment national se cristallise autour de la religion
    armenienne, c'est que l'idee d'une reconstruction etatique apparaît
    alors comme parfaitement impossible. Elle l'est d'autant moins que dès
    la fin du XVe siècle, l'Armenie redevient un champ de bataille dispute
    entre deux grands empires dont elle constitue le carrefour : l'Empire
    ottoman, a l'Ouest - particulièrement enclin a etendre son territoire
    dans cette direction après la grande victoire sur l'Empire byzantin et
    la chute de Constantinople en 1453 -, et l'Empire des Perses Safavides
    sur sa frontière orientale. Les guerres a repetition que se livrent
    Ottomans et Safavides pour la possession de l'Armenie entraînent
    d'importants deplacements de population ainsi qu'une reconfiguration
    globale de la societe armenienne : alors que la diaspora se developpe,
    les pouvoir des grandes familles traditionnelles de nakharark est
    mis a bas, et les portions de territoires redistribuees a des chefs
    ottomans ou perses. Dans les grandes villes où sont deportes nombre
    d'Armeniens - Constantinople et Ispahan surtout - se forment de
    nouvelles communautes armeniennes, centrees sur la finance ou le
    grand commerce international, et souvent prospères : on peut citer
    celle de la Nouvelle-Djolfa en Iran, dont les membres, des marchands
    armeniens appeles "khodjas", fondent en 1636 la première imprimerie de
    Perse. À Constantinople egalement, la première imprimerie, etablie par
    des Armeniens en 1567, se heurte a l'hostilite des oulemas ottomans
    et doit fermer en 1569. La première Bible armenienne est quant a
    elle imprimee a Amsterdam en 1666, symbole d'un renouveau culturel
    permettant de conserver l'unite du sentiment national armenien a
    travers la diaspora, et rendu possible par la reussite financière des
    communautes armeniennes. Enfin, les Armeniens accèdent au sein de
    l'Empire ottoman a une reconnaissance importante lorsque le sultan
    Mehmet II le Conquerant (1432-1481) institue le système des millet,
    "nations" confessionnelles beneficiant au sein de l'Empire d'un statut
    specifique : a la tete du millet armenien est place le patriarche de
    Constantinople, qui devient dès lors l'autorite supreme de l'Eglise
    armenienne.

    Voir egalement : Histoire de l'Armenie, 1/3 : des origines jusqu'a
    la conquete arabe

    Bibliographie

    L'Armenie et Byzance, histoire et culture, Paris, Publications de la
    Sorbonne, 1996, 242 pages.

    Jean V Catholicos d'Armenie, Histoire d'Armenie, traduction et notes
    par Patricia Boisson-Chenorhokian, Leuven, Peeters, 2004, 453 pages.

    Gerard Dedeyan (dir.), Histoire du peuple armenien, Toulouse, Privat,
    2007, 991 pages.

    Gerard J. Libaridian, L'Armenie moderne : histoire des hommes et de
    la nation, Paris, Editions Karthala, 2008, 268 pages.

    Claude Mutafian et Eric Van Lauwe, Atlas historique de l'Armenie,
    Proche-Orient et Sud-Caucase, du VIIe siècle avant J.-C. au XXe siècle,
    Editions Autrement, 2001, 144 pages.

    [1] Un nakharar, mot qui signifie litteralement " premier-ne ",
    est un titre de la noblesse armenienne antique et medievale ; les
    familles de nakharar correspondent aux grandes familles armeniennes,
    et cette structure sociale fondamentale reste en place en Armenie
    jusqu'aux invasions mongoles du XIIIe siècle.

    [2] Du nom de la famille des Bagratouni, a laquelle appartient Achôt.

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