NAZARPEK
Compte rendu de la réunion organisée avec la mère de Sevak Balekçi - Photos
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89891
Pour Sevag, contre l'oubli
Rencontre avec Ani Balekçi au Centre de Jeunesse Arménien
Le samedi 4 mai 2013, Ani Balekçi, la maman de Sevag, jeune arménien
assassiné le 24 avril 2011, alors qu'il ne le lui restait que
vingt-trois jours pour finir son service militaire dans l'armée
turque, était l'invitée de l'association NAZARPEK Jeunesse HENTCHAKIAN
à Alfortville, au Centre de Jeunesse Arménien.
La salle était comble. Les invités étaient venus écouter le témoignage
d'une mère, à qui l'on avait arraché son enfant, son « printemps ».
Après le mot de bienvenue prononcé par Sarkis Ichkhanian, porte-parole
de l'association organisatrice, il a été demandé aux invités
d'observer une minute de silence à la mémoire de Sevag. Puis un film a
été diffusé, rappelant les moments forts de la commémoration du 24
avril 2013 à Istanbul.
Anjel Dikme, la modératrice, a rappelé les faits avant de laisser la
parole à Ani Balekçi.
« Mon fils, mon printemps, allait revenir, il ne lui restait que
vingt-trois jours pour rentrer, ils l'ont assassiné, le jour du 24
avril, il y a maintenant deux ans, pour nous rappeler que le 1915
n'est pas fini » a-t-elle dit.
Ani Balekçi a alors relaté comment les membres de sa famille et
elle-même ont été informés de la mort de Sevag. « On m'a dit d'aller
sur internet et de chercher de ses nouvelles. Il y a du nouveau
m'ont-ils dit. J'ai tapé SEVAG sur Google et je n'ai rien trouvé. J'ai
tapé le nom de sa caserne et là, il y avait une information de
dernière minute qui disait : un soldat nommé Sevag, a été transféré à
l'hôpital pour une autopsie. Je ne comprenais pas ce qui se passait.
Quelques jours auparavant, il nous demandait de lui envoyer des
vêtements blancs, même des chaussures blanches pour le jour de son
départ, c'est la raison pour laquelle j'ai toujours quelque chose de
blanc dans mes vêtements. Mon mari disait qu'il devait y avoir une
erreur. Ma mère, la grand-mère de Sevag, depuis ce jour- là a perdu la
raison, elle est toujours hospitalisée. Moi, j'ai compris que mon
Sevag était parti à jamais... »
Malgré l'émotion, Ani Balrekçi a voulu continuer. « On a pris l'avion
avec l'avocat et on est parti à Diyarbakir. On était cinq. Arrivés sur
place, il n'y avait ni trace de sang, ni vêtements de service
militaire. Tout avait été nettoyé, aseptisé, neutralisé. L'arme du
crime était là. L'assassin était là. Aucun aveu. Que des mensonges !
Apparemment, le fusil enrayé s'était débloqué accidentellement et le
coup était parti. Les témoins des premiers moments ont raconté comment
l'assassin, qui avait trente ans au moment des faits, interpellait
Sevag en lui disant que s'il y avait la guerre avec l'Arménie, il le
trouverait et le tuerait de ses propres mains. Je vais te tuer mon «
tomboulig » lui disait-il ».
Anjel Dikme a demandé à Ani Balekçi de parler du procès. « A la fin,
j'en avais marre de l'indifférence du juge, qui n'arrêtait pas de
jouer avec ses lunettes et son stylo. Et même à un moment, il s'est
écroulé sur le bureau, en signe de fatigue et d'ennui. J'ai donc écrit
une lettre destinée au juge que j'ai lue au tribunal. C'était une
lettre ironique. Dans cette lettre je demandais pardon pour les
agissements de Sevag, je demandais pardon pour notre présence à ce
tribunal, je demandais pardon au juge du désagrément causé par cette
affaire ».
Après ce témoignage bouleversant, la parole a été donnée à l'auditoire
pour poser des questions à Ani Balekçi. A la question de savoir s'il
était opportun de porter le procès devant les tribunaux européens de
Strasbourg, Ani Balekçi a répondu que « cela dépendait de la décision
du procès en appel ». Il est à noter que l'avocat des Balekçi est l'un
des avocats de la famille Dink.
A une autre question concernant le soutien apporté par la communauté
arménienne d'Istanbul, Ani Balekçi était très émue d'avouer que le
Patriarcat lui-même ne montrait aucun signe de soutien à la famille de
Sevag. On a même demandé à celle-ci de déplacer le portrait de Sevag
au cimetière car il « dérangerait les passants ». Le plus grand
soutien qu'elle reçoit est « celui des activistes et militants des
Droits de l'Homme, en majorité des Turcs ». A la question concernant
la commémoration du 24 avril en Turquie et la présence arménienne lors
de ces commémorations, Ani Balekçi s'y réfère par désarroi pour avouer
que le nombre des Arméniens lors de ces manifestations ne représente
qu'un pourcentage très faible. « La majorité sont des Turcs. Les
Arméniens ont peur. Il n'y a pas de raison d'avoir peur. Ils ont pris
tout ce qu'il y avait à nous prendre. Ils continueront à tuer s'ils le
veulent. Quand la décision vient du haut, tout le monde obéit. Mais
nous devons ne pas avoir peur. On doit rester là. Sinon tout est
perdu. Il y a des Turcs aujourd'hui avec nous. Pas tous. Mais un
nombre de plus en plus croissant. Nous devons être de plus en plus
nombreux. C'est notre combat tout de même ! »
Le débat s'est poursuivi avec la salle et à la question « Comment
pouvons-nous, en tant que diaspora arménienne de France, vous aider ?
», Ani Balekçi a répondu : « Soyez de plus en plus nombreux à
participer à nos côtés, comme le fait depuis plusieurs années
l'historien Ara Sarafian, à la commémoration du 24 avril en Turquie.
Et puis, de parler autour de vous de notre combat, de mon combat pour
Sevag, pour que l'écho soit de plus en plus fort et pour que mon Sevag
ne soit pas oublié, car si Sevag est oublié, d'autres Sevag suivront
».
Un engagement a été pris par Saro Mardiryan du Parti Social-Démocrate
Hentchakian, pour mobiliser le maximum de personnes à aller commémorer
le 24 avril 2014 en Turquie. Kevork Satchlian a rappelé que l'Armenian
Council of Europe, travaille étroitement avec les intellectuels et les
démocrates en Turquie, car « nous croyons que le changement ne peut
venir que de l'intérieur ».
Il est à rappeler que Kivanç Agaoglu a été condamné à la prison pour
quatre ans. Dans dix-huit mois il sera libre.
Si cet acte avait été commis par un arménien, le verdict aurait
été...de vingt-quatre ans.
vendredi 24 mai 2013,
Ara ©armenews.com
Compte rendu de la réunion organisée avec la mère de Sevak Balekçi - Photos
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=89891
Pour Sevag, contre l'oubli
Rencontre avec Ani Balekçi au Centre de Jeunesse Arménien
Le samedi 4 mai 2013, Ani Balekçi, la maman de Sevag, jeune arménien
assassiné le 24 avril 2011, alors qu'il ne le lui restait que
vingt-trois jours pour finir son service militaire dans l'armée
turque, était l'invitée de l'association NAZARPEK Jeunesse HENTCHAKIAN
à Alfortville, au Centre de Jeunesse Arménien.
La salle était comble. Les invités étaient venus écouter le témoignage
d'une mère, à qui l'on avait arraché son enfant, son « printemps ».
Après le mot de bienvenue prononcé par Sarkis Ichkhanian, porte-parole
de l'association organisatrice, il a été demandé aux invités
d'observer une minute de silence à la mémoire de Sevag. Puis un film a
été diffusé, rappelant les moments forts de la commémoration du 24
avril 2013 à Istanbul.
Anjel Dikme, la modératrice, a rappelé les faits avant de laisser la
parole à Ani Balekçi.
« Mon fils, mon printemps, allait revenir, il ne lui restait que
vingt-trois jours pour rentrer, ils l'ont assassiné, le jour du 24
avril, il y a maintenant deux ans, pour nous rappeler que le 1915
n'est pas fini » a-t-elle dit.
Ani Balekçi a alors relaté comment les membres de sa famille et
elle-même ont été informés de la mort de Sevag. « On m'a dit d'aller
sur internet et de chercher de ses nouvelles. Il y a du nouveau
m'ont-ils dit. J'ai tapé SEVAG sur Google et je n'ai rien trouvé. J'ai
tapé le nom de sa caserne et là, il y avait une information de
dernière minute qui disait : un soldat nommé Sevag, a été transféré à
l'hôpital pour une autopsie. Je ne comprenais pas ce qui se passait.
Quelques jours auparavant, il nous demandait de lui envoyer des
vêtements blancs, même des chaussures blanches pour le jour de son
départ, c'est la raison pour laquelle j'ai toujours quelque chose de
blanc dans mes vêtements. Mon mari disait qu'il devait y avoir une
erreur. Ma mère, la grand-mère de Sevag, depuis ce jour- là a perdu la
raison, elle est toujours hospitalisée. Moi, j'ai compris que mon
Sevag était parti à jamais... »
Malgré l'émotion, Ani Balrekçi a voulu continuer. « On a pris l'avion
avec l'avocat et on est parti à Diyarbakir. On était cinq. Arrivés sur
place, il n'y avait ni trace de sang, ni vêtements de service
militaire. Tout avait été nettoyé, aseptisé, neutralisé. L'arme du
crime était là. L'assassin était là. Aucun aveu. Que des mensonges !
Apparemment, le fusil enrayé s'était débloqué accidentellement et le
coup était parti. Les témoins des premiers moments ont raconté comment
l'assassin, qui avait trente ans au moment des faits, interpellait
Sevag en lui disant que s'il y avait la guerre avec l'Arménie, il le
trouverait et le tuerait de ses propres mains. Je vais te tuer mon «
tomboulig » lui disait-il ».
Anjel Dikme a demandé à Ani Balekçi de parler du procès. « A la fin,
j'en avais marre de l'indifférence du juge, qui n'arrêtait pas de
jouer avec ses lunettes et son stylo. Et même à un moment, il s'est
écroulé sur le bureau, en signe de fatigue et d'ennui. J'ai donc écrit
une lettre destinée au juge que j'ai lue au tribunal. C'était une
lettre ironique. Dans cette lettre je demandais pardon pour les
agissements de Sevag, je demandais pardon pour notre présence à ce
tribunal, je demandais pardon au juge du désagrément causé par cette
affaire ».
Après ce témoignage bouleversant, la parole a été donnée à l'auditoire
pour poser des questions à Ani Balekçi. A la question de savoir s'il
était opportun de porter le procès devant les tribunaux européens de
Strasbourg, Ani Balekçi a répondu que « cela dépendait de la décision
du procès en appel ». Il est à noter que l'avocat des Balekçi est l'un
des avocats de la famille Dink.
A une autre question concernant le soutien apporté par la communauté
arménienne d'Istanbul, Ani Balekçi était très émue d'avouer que le
Patriarcat lui-même ne montrait aucun signe de soutien à la famille de
Sevag. On a même demandé à celle-ci de déplacer le portrait de Sevag
au cimetière car il « dérangerait les passants ». Le plus grand
soutien qu'elle reçoit est « celui des activistes et militants des
Droits de l'Homme, en majorité des Turcs ». A la question concernant
la commémoration du 24 avril en Turquie et la présence arménienne lors
de ces commémorations, Ani Balekçi s'y réfère par désarroi pour avouer
que le nombre des Arméniens lors de ces manifestations ne représente
qu'un pourcentage très faible. « La majorité sont des Turcs. Les
Arméniens ont peur. Il n'y a pas de raison d'avoir peur. Ils ont pris
tout ce qu'il y avait à nous prendre. Ils continueront à tuer s'ils le
veulent. Quand la décision vient du haut, tout le monde obéit. Mais
nous devons ne pas avoir peur. On doit rester là. Sinon tout est
perdu. Il y a des Turcs aujourd'hui avec nous. Pas tous. Mais un
nombre de plus en plus croissant. Nous devons être de plus en plus
nombreux. C'est notre combat tout de même ! »
Le débat s'est poursuivi avec la salle et à la question « Comment
pouvons-nous, en tant que diaspora arménienne de France, vous aider ?
», Ani Balekçi a répondu : « Soyez de plus en plus nombreux à
participer à nos côtés, comme le fait depuis plusieurs années
l'historien Ara Sarafian, à la commémoration du 24 avril en Turquie.
Et puis, de parler autour de vous de notre combat, de mon combat pour
Sevag, pour que l'écho soit de plus en plus fort et pour que mon Sevag
ne soit pas oublié, car si Sevag est oublié, d'autres Sevag suivront
».
Un engagement a été pris par Saro Mardiryan du Parti Social-Démocrate
Hentchakian, pour mobiliser le maximum de personnes à aller commémorer
le 24 avril 2014 en Turquie. Kevork Satchlian a rappelé que l'Armenian
Council of Europe, travaille étroitement avec les intellectuels et les
démocrates en Turquie, car « nous croyons que le changement ne peut
venir que de l'intérieur ».
Il est à rappeler que Kivanç Agaoglu a été condamné à la prison pour
quatre ans. Dans dix-huit mois il sera libre.
Si cet acte avait été commis par un arménien, le verdict aurait
été...de vingt-quatre ans.
vendredi 24 mai 2013,
Ara ©armenews.com