SOCIALISME : LE PASSE D'UNE ILLUSION
EDITORIAL
Pour le dire a la facon de l'historien Francois Furet a la fin du "
Passe d'une illusion ", la question armenienne ramène d'une manière
permanente a " l'antinomie essentielle de la democratie bourgeoise
" dont les " termes complementaires et contradictoires (...) sont
les droits de l'homme et le marche ". Avec l'arrivee de la gauche
au pouvoir, laquelle est censee en principe privilegier le premier
terme de cette equation, il y avait lieu d'esperer une solidarite avec
les combats de la communaute armenienne de France. D'autant plus que
Francois Hollande, en tant que Premier secretaire du parti socialiste,
puis candidat a la presidence de la Republique, s'etait toujours situe
aux avant-postes du soutien a ses revendications. Sans refaire ici
l'inventaire de toutes ses prises de position, rappelons en trois
majeures : son implication en faveur d'une loi antinegationniste,
l'indexation de son accord avec l'adhesion de la Turquie a l'Europe
a sa reconnaissance du genocide, son appui a la creation d'un centre
de civilisation et de memoire armenien au c~\ur de Paris.
Or force est de constater que depuis son arrivee a l'Elysee, aucun
de ces dossiers n'a trouve le moindre debut de concretisation alors
que parallèlement les relations entre Paris et Ankara connaissaient
un spectaculaire retour au beau fixe. Comme si ce double mouvement
obeissait a la fatalite d'une relation de cause a effet. S'il en etait
ainsi, la raison n'en incomberait en tout cas pas a la communaute
armenienne qui n'ambitionne nullement de regenter la diplomatie de la
France, mais demande simplement a ne pas en etre l'eternel sacrifiee.
On ne saurait en revanche en dire autant d'Ankara, dont les priorites
de la politique etrangère se fondent selon les propos memes d'Abdhulah
Gul sur la " lutte contre les allegations de genocide ", et qui a
ce titre, n'hesite pas a s'ingerer dans les affaires interieures des
Etats, dont la France, jusqu'a pretendre leur dicter leur legislation
en matière de droits de l'homme.
C'est a ce chantage que les socialistes ont cede dès leur arrivee
au pouvoir, comme en temoigne la fameuse conference de presse au
Quai d'Orsay du 5 juillet 2012 au cours de laquelle Laurent Fabius,
en presence d'Ahmet Davutoglu, avait procede a un premier recul sur
la question de la loi antinegationniste en souhaitant notamment " que
cet element, qui a ete vecu avec beaucoup de difficultes en Turquie
et en France, puisse etre depasse de bonne foi ". Une attitude qui
n'a ete que mollement dementi depuis et qui fait bel et bien figure
de ligne de conduite du gouvernement a en juger par la declaration
d'Arnaud Montebourg le 10 octobre dernier sur la volonte francaise
" d'inaugurer avec la Turquie de nouvelles relations après les
turbulences inutiles " et son annonce d'une visite officielle de
Hollande en Turquie ( la première depuis celle de Mitterrand en 1992).
Tous les signes vont donc dans le meme sens : rien pour les droits
de l'homme, tout pour le marche. Ou, autrement dit, rien pour les
Armeniens, tout pour l'Etat turc.
Outre la dimension pour le moins decevante de ce retournement de nos
" amis socialistes ", leur facon de diriger le pays a la manière
des plus cyniques gestionnaires du capitalisme destabilise son
fonctionnement democratique en rompant les equilibres entre pouvoir
et contre-pouvoir. Allant de renoncement en capitulation sur ses
propres valeurs - sauf il est vrai en ce qui concerne le mariage pour
tous-, le gouvernement socialiste plonge dans le desespoir une nation
deboussolee. D'où l'impopularite de plus en plus catastrophique dont
le gratifient les sondages.
À quelques mois des municipales, ses multiples reculs pourront-ils
echapper a la sanction des urnes ? En tout cas, cette echeance
constitue l'un de moyens pour la composante d'origine armenienne des
trompes du hollandisme de se faire entendre et de prendre sa revanche.
À quelques encablures des cent ans du genocide, les Armeniens sont
plus qu'indignes par les dirigeants socialistes. Ils sont en colère.
Ce qui ne manquera pas de se repercuter dans le secret de l'isoloir,
en depit du sentimentalisme de bon aloi qu'ils nourrissent a l'egard
de leurs elus locaux de gauche, lesquels se sont averes aussi
impuissants a rectifier le tir qu'a exprimer la moindre critique
envers la palinodie de leur propre camp.
Le retour de bâton risque d'etre d'autant plus net que par ailleurs
la droite s'active et que ses tenors font feu de tous bois auprès
d'une communaute armenienne nostalgique de la dernière annee de la
presidence de Nicolas Sarkozy, qui la laissee sur un bon souvenir. A
cette realite s'ajoute l'hostilite ostensible de l'opposition a
l'entree de la Turquie dans l'Europe, ce qui la rend moins permeable
aux pressions d'Ankara. Avec une belle unanimite ( a l'exception
notable de Juppe, il faut le souligner), ses leaders ont en effet
tous fustige le feu vert donne par la France " socialiste " a la
reouverture des negociations d'adhesion de la Turquie a l'UE, dans
laquelle ils ont denonce " un changement diplomatique majeur " et un
" scandale democratique ", selon la declaration de Xavier Bertand le
24 octobre 2013.
Alors oui, pour les fils et les filles des rescapes du genocide
armenien, le temps des illusions sur les socialistes est en train
de passer. Et si les choses continuent en " l'etat ", l'echeance du
30 mars 2014 leur donnera une bonne occasion de le faire massivement
savoir.
Ara Toranian
lundi 4 novembre 2013, Ara ©armenews.com
From: A. Papazian
EDITORIAL
Pour le dire a la facon de l'historien Francois Furet a la fin du "
Passe d'une illusion ", la question armenienne ramène d'une manière
permanente a " l'antinomie essentielle de la democratie bourgeoise
" dont les " termes complementaires et contradictoires (...) sont
les droits de l'homme et le marche ". Avec l'arrivee de la gauche
au pouvoir, laquelle est censee en principe privilegier le premier
terme de cette equation, il y avait lieu d'esperer une solidarite avec
les combats de la communaute armenienne de France. D'autant plus que
Francois Hollande, en tant que Premier secretaire du parti socialiste,
puis candidat a la presidence de la Republique, s'etait toujours situe
aux avant-postes du soutien a ses revendications. Sans refaire ici
l'inventaire de toutes ses prises de position, rappelons en trois
majeures : son implication en faveur d'une loi antinegationniste,
l'indexation de son accord avec l'adhesion de la Turquie a l'Europe
a sa reconnaissance du genocide, son appui a la creation d'un centre
de civilisation et de memoire armenien au c~\ur de Paris.
Or force est de constater que depuis son arrivee a l'Elysee, aucun
de ces dossiers n'a trouve le moindre debut de concretisation alors
que parallèlement les relations entre Paris et Ankara connaissaient
un spectaculaire retour au beau fixe. Comme si ce double mouvement
obeissait a la fatalite d'une relation de cause a effet. S'il en etait
ainsi, la raison n'en incomberait en tout cas pas a la communaute
armenienne qui n'ambitionne nullement de regenter la diplomatie de la
France, mais demande simplement a ne pas en etre l'eternel sacrifiee.
On ne saurait en revanche en dire autant d'Ankara, dont les priorites
de la politique etrangère se fondent selon les propos memes d'Abdhulah
Gul sur la " lutte contre les allegations de genocide ", et qui a
ce titre, n'hesite pas a s'ingerer dans les affaires interieures des
Etats, dont la France, jusqu'a pretendre leur dicter leur legislation
en matière de droits de l'homme.
C'est a ce chantage que les socialistes ont cede dès leur arrivee
au pouvoir, comme en temoigne la fameuse conference de presse au
Quai d'Orsay du 5 juillet 2012 au cours de laquelle Laurent Fabius,
en presence d'Ahmet Davutoglu, avait procede a un premier recul sur
la question de la loi antinegationniste en souhaitant notamment " que
cet element, qui a ete vecu avec beaucoup de difficultes en Turquie
et en France, puisse etre depasse de bonne foi ". Une attitude qui
n'a ete que mollement dementi depuis et qui fait bel et bien figure
de ligne de conduite du gouvernement a en juger par la declaration
d'Arnaud Montebourg le 10 octobre dernier sur la volonte francaise
" d'inaugurer avec la Turquie de nouvelles relations après les
turbulences inutiles " et son annonce d'une visite officielle de
Hollande en Turquie ( la première depuis celle de Mitterrand en 1992).
Tous les signes vont donc dans le meme sens : rien pour les droits
de l'homme, tout pour le marche. Ou, autrement dit, rien pour les
Armeniens, tout pour l'Etat turc.
Outre la dimension pour le moins decevante de ce retournement de nos
" amis socialistes ", leur facon de diriger le pays a la manière
des plus cyniques gestionnaires du capitalisme destabilise son
fonctionnement democratique en rompant les equilibres entre pouvoir
et contre-pouvoir. Allant de renoncement en capitulation sur ses
propres valeurs - sauf il est vrai en ce qui concerne le mariage pour
tous-, le gouvernement socialiste plonge dans le desespoir une nation
deboussolee. D'où l'impopularite de plus en plus catastrophique dont
le gratifient les sondages.
À quelques mois des municipales, ses multiples reculs pourront-ils
echapper a la sanction des urnes ? En tout cas, cette echeance
constitue l'un de moyens pour la composante d'origine armenienne des
trompes du hollandisme de se faire entendre et de prendre sa revanche.
À quelques encablures des cent ans du genocide, les Armeniens sont
plus qu'indignes par les dirigeants socialistes. Ils sont en colère.
Ce qui ne manquera pas de se repercuter dans le secret de l'isoloir,
en depit du sentimentalisme de bon aloi qu'ils nourrissent a l'egard
de leurs elus locaux de gauche, lesquels se sont averes aussi
impuissants a rectifier le tir qu'a exprimer la moindre critique
envers la palinodie de leur propre camp.
Le retour de bâton risque d'etre d'autant plus net que par ailleurs
la droite s'active et que ses tenors font feu de tous bois auprès
d'une communaute armenienne nostalgique de la dernière annee de la
presidence de Nicolas Sarkozy, qui la laissee sur un bon souvenir. A
cette realite s'ajoute l'hostilite ostensible de l'opposition a
l'entree de la Turquie dans l'Europe, ce qui la rend moins permeable
aux pressions d'Ankara. Avec une belle unanimite ( a l'exception
notable de Juppe, il faut le souligner), ses leaders ont en effet
tous fustige le feu vert donne par la France " socialiste " a la
reouverture des negociations d'adhesion de la Turquie a l'UE, dans
laquelle ils ont denonce " un changement diplomatique majeur " et un
" scandale democratique ", selon la declaration de Xavier Bertand le
24 octobre 2013.
Alors oui, pour les fils et les filles des rescapes du genocide
armenien, le temps des illusions sur les socialistes est en train
de passer. Et si les choses continuent en " l'etat ", l'echeance du
30 mars 2014 leur donnera une bonne occasion de le faire massivement
savoir.
Ara Toranian
lundi 4 novembre 2013, Ara ©armenews.com
From: A. Papazian