Aujourd'hui en France / Le Parisien, France
Mercredi 6 Novembre 2013
Khatchik veut encore y croire
AUTEUR: Ch. B
Le mouvement perd du souffle et Khatchik Kachatryan, 19 ans, retient
le sien. C'est pour lui - et pour la Kosovare Leonarda - qu'environ un
millier de lycéens sont encore descendus dans les rues hier à Paris,
ainsi que dans plusieurs villes de province, comme Lyon (Rhône) et Le
Mans (Sarthe). Mais, malgré l'appel des syndicats étudiants à ranimer
la flamme demain, la colère de la jeunesse contre les reconduites à la
frontière des élèves sans papiers semble retombée.
« Les gens en France font ce qu'ils peuvent et j'espère que ça
m'aidera. C'est mon seul espoir de toute façon pour faire ma vie,
travailler et me marier », nous confiait hier Khatchik. Autour de lui
: un coq, des champs et la maison de ses grands-parents, chez qui il
vit depuis son vol de retour vers l'Arménie, le 12 octobre. L'aller,
c'était il y a trois ans. Un long périple en camionnette à travers la
Russie et l'Est de l'Europe, avec ses parents et sa jeune soeur.
Khatchik avait 16 ans. « Ma mère me disait que c'est un beau pays, et
moi j'aime trop bien la France. Surtout Disney et les Champs-Elysées.
»
A la rentrée, après un an d'apprentissage accéléré du français,
Khatchik a commencé un CAP d'entreposage au lycée professionnel
Camille-Jenatzy, à Paris. Deux semaines plus tard, le jour de son
anniversaire, il était arrêté par la police. Khatchik et deux copains
venaient d'essayer de voler, dans un magasin de sport, une petite
boîte de pilules protéinées qui promettait de leur faire des corps
d'athlètes. La boîte a été rendue mais Khatchik n'a pas coupé au
contrôle des papiers. Il n'en avait pas, à part sa « carte de lycéen
et son passe Navigo ». Direction le centre de rétention de Vincennes.
« Au bout de quarante jours, les policiers m'ont mis dans l'avion. Je
me débattais, alors ils m'ont ligoté les pieds et mis un masque sur la
bouche pour que je ne crie plus », raconte-t-il.
Khatchik a toujours peur : il ne veut pas partir faire deux ans et
demi de service militaire, comme le veut la loi arménienne. Sa
convocation a déjà été repoussée à février. « C'est dangereux, on peut
se faire tuer. D'ailleurs, il y a deux jours, deux jeunes de 19 ans
comme moi ont pris des balles à la frontière avec l'Azerbaïdjan ».
Khatchik s'inquiète aussi pour ses parents, restés en France. « Je
suis le seul à savoir bien parler français et à l'écrire. Mon père a
plus de mal, et ma mère pleure de ne pas me voir », dit-il.
Dans le cortège des manifestants, hier, il y avait « une trentaine
d'élèves » du même lycée que Khatchik. Mais, pour la première fois
depuis le début du mouvement, certains envisageaient de retourner en
classe.
Mercredi 6 Novembre 2013
Khatchik veut encore y croire
AUTEUR: Ch. B
Le mouvement perd du souffle et Khatchik Kachatryan, 19 ans, retient
le sien. C'est pour lui - et pour la Kosovare Leonarda - qu'environ un
millier de lycéens sont encore descendus dans les rues hier à Paris,
ainsi que dans plusieurs villes de province, comme Lyon (Rhône) et Le
Mans (Sarthe). Mais, malgré l'appel des syndicats étudiants à ranimer
la flamme demain, la colère de la jeunesse contre les reconduites à la
frontière des élèves sans papiers semble retombée.
« Les gens en France font ce qu'ils peuvent et j'espère que ça
m'aidera. C'est mon seul espoir de toute façon pour faire ma vie,
travailler et me marier », nous confiait hier Khatchik. Autour de lui
: un coq, des champs et la maison de ses grands-parents, chez qui il
vit depuis son vol de retour vers l'Arménie, le 12 octobre. L'aller,
c'était il y a trois ans. Un long périple en camionnette à travers la
Russie et l'Est de l'Europe, avec ses parents et sa jeune soeur.
Khatchik avait 16 ans. « Ma mère me disait que c'est un beau pays, et
moi j'aime trop bien la France. Surtout Disney et les Champs-Elysées.
»
A la rentrée, après un an d'apprentissage accéléré du français,
Khatchik a commencé un CAP d'entreposage au lycée professionnel
Camille-Jenatzy, à Paris. Deux semaines plus tard, le jour de son
anniversaire, il était arrêté par la police. Khatchik et deux copains
venaient d'essayer de voler, dans un magasin de sport, une petite
boîte de pilules protéinées qui promettait de leur faire des corps
d'athlètes. La boîte a été rendue mais Khatchik n'a pas coupé au
contrôle des papiers. Il n'en avait pas, à part sa « carte de lycéen
et son passe Navigo ». Direction le centre de rétention de Vincennes.
« Au bout de quarante jours, les policiers m'ont mis dans l'avion. Je
me débattais, alors ils m'ont ligoté les pieds et mis un masque sur la
bouche pour que je ne crie plus », raconte-t-il.
Khatchik a toujours peur : il ne veut pas partir faire deux ans et
demi de service militaire, comme le veut la loi arménienne. Sa
convocation a déjà été repoussée à février. « C'est dangereux, on peut
se faire tuer. D'ailleurs, il y a deux jours, deux jeunes de 19 ans
comme moi ont pris des balles à la frontière avec l'Azerbaïdjan ».
Khatchik s'inquiète aussi pour ses parents, restés en France. « Je
suis le seul à savoir bien parler français et à l'écrire. Mon père a
plus de mal, et ma mère pleure de ne pas me voir », dit-il.
Dans le cortège des manifestants, hier, il y avait « une trentaine
d'élèves » du même lycée que Khatchik. Mais, pour la première fois
depuis le début du mouvement, certains envisageaient de retourner en
classe.